Antoine-Laurent de Lavoisier
présenté dans un ordre nouveau et d'après les découvertes modernes
(Paris: Chez Cuchet, 1789)
TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE CHIMIE.
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Je n'avais pour objet, lorsque
j'ai entrepris cet ouvrage, que de donner plus de développement au Mémoire que
j'ai lu à la séance publique de l'Académie des sciences du mois d'avril 1787,
sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la
chimie. C'est en m'occupant de ce travail que j'ai mieux senti que je ne
l'avais encore fait jusqu'alors l'évidence des principes qui ont été posés par
l'abbé de Condillac dans sa Logique et dans quelques autres de ses
ouvrages. Il y établit que nous ne pensons
qu 'avec le secours des mots ; que
les langues sont de véritables méthodes analytiques ;
que l'algèbre la plus simple, la
plus exacte et la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s
'énoncer, est à la fois une langue et une
méthode analytique ; enfin, que l'art
de raisonner se réduit en une langue bien faite. Et en effet,
tandis que je croyais ne m'occuper que de nomenclature, tandis que je n'avais pour
objet que de perfectionner le langage de la chimie, mon ouvrage s'est
transformé Pagination
originale du document : p.1 insensiblement
entre mes mains, sans qu'il m'ait été possible de m'en défendre, en un traité élémentaire
de chimie. L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science et la science
de la nomenclature tient à ce que toute science physique est nécessairement
formée de trois choses : la série des faits qui constituent. la science ; les
idées qui les rappellent ; les mots qui les expriment. Le mot doit faire
naître l'idée ; l'idée doit peindre le fait : ce sont trois empreintes d'un
même cachet ; et, comme ce sont les mots qui conservent les idées et qui les
transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner le langage sans
perfectionner la science, ni la science sans le langage, et que, quelque
certains que fussent les faits, quelque justes que fussent les idées qu'ils
auraient fait naître, ils ne transmettraient encore que des
impressions fausses, si nous n'avions pas des expressions exactes pour les
rendre. La première partie de ce traité fournira à ceux qui voudront bien le
méditer des preuves fréquentes de ces vérités ; mais, comme je me
suis vu forcé d'y suivre un ordre qui diffère essentiellement
de celui qui a été adopté jusqu'à présent dans tous les ouvrages de chimie, je
dois compte des motifs qui m'y ont déterminé. C'est un principe bien
constant, et dont la généralité est bien reconnue dans les mathématiques,
comme dans tous les genres de connaissances, que nous ne pouvons procéder, pour nous
instruire, que du connu à l'inconnu. Dans notre première enfance nos idées viennent de nos besoins ; la sensation de
nos besoins fait naître l'idée des objets propres à les satisfaire, et
insensiblement, par une suite de sensations, d'observations et d'analyses, il
se forme une génération successive
d'idées toutes liées les unes aux autres, dont un observateur attentif peut même,
jusqu'à un certain point, retrouver le fil et l'enchaînement, et qui
constituent l'ensemble de ce que nous savons. Pagination
originale du document : p.2 Lorsque nous nous
livrons pour la première fois à l'étude dune science, nous sommes, par rapport
à cette science, dans un état très-analogue à celui dans lequel sont les
enfants, et la marche que nous avons à suivre est précisément celle que
suit la nature dans la formation de leurs idées. De même que, dans l'enfant, l'idée est un
effet de la sensation, que c'est la sensation qui fait naître l'idée, de même aussi, pour celui qui commence à se livrer à
l'étude des sciences physiques, les idées ne doivent être qu'une conséquence, une suite immédiate d'une expérience ou
d'une observation. Qu'il me soit
permis d'aj outer que celui qui entre dans la carrière des sciences est dans
une situation moins avantageuse que
l'enfant même qui acquiert ses premières idées ; si l'enfant, s'est trompé sur
les effets salutaires ou nuisibles
des objets qui l'environnent, la nature lui donne des moyens multipliés de se rectifier. A chaque instant le jugement qu'il
a porté se trouve redressé par l'expérience. La privation ou la douleur viennent à la suite d'un jugement faux ; la
jouissance et le plaisir à la suite d'un
jugement juste. On ne tarde pas, avec de tels maîtres, à devenir conséquent, et
on raisonne bientôt juste quand on ne
peut raisonner autrement sous peine de privation ou de souffrance. Il n'en est pas de même dans l'étude et dans la pratique
des sciences : les faux jugements que nous portons n'intéressent ni notre existence ni notre bien-être
; aucun intérêt physique ne nous oblige de nous rectifier : l'imagination, au contraire, qui tend à nous porter
continuellement au delà du vrai ; l'amour-propre
et la confiance en nous- mêmes, qu'il sait si bien nous inspirer, nous
sollicitent à tirer des conséquences
qui ne dérivent pas immédiatement des faits ; en sorte que nous sommes en quelque façon intéressés à nous séduire nous-mêmes.
Il n'est donc pas étonnant que, dans les sciences physiques en général,
on ait souvent supposé au lieu Pagination
originale du document : p.3 de conclure, que les suppositions
transmises d'âge en âge soient devenues de plus en plus imposantes par le poids des autorités qu'elles ont acquises,
et qu'elles aient enfin été adoptées et regardées comme des vérités
fondamentales, même par de très-bons esprits. Le seul moyen de prévenir ces écarts consiste à supprimer, ou au moins à
simplifier autant qu'il est possible, le raisonnement, qui est de nous et qui
seul peul nous égarer ; à le mettre continuellement à l'épreuve de l'expérience
; à ne conserver que les faits qui ne
sont que des données de la nature, et qui ne peuvent nous tromper ; à ne chercher la vérité que dans l'enchaînement
naturel des expériences et des observations, de la même manière que les
mathématiciens parviennent à la solution d'un problème par le simple
arrangement des données, et en réduisant le raisonnement à des opérations si
simples, à des jugements si courts,
qu'ils ne perdent jamais de vue l'évidence qui leur sert de guide. Convaincu de
ces vérités, je me suis imposé la
loi de ne procéder jamais que du connu à l'inconnu, de ne déduire aucune conséquence qui ne dérive immédiatement des
expériences et des observations, et d'enchaîner
les faits et les vérités chimiques dans l'ordre le plus propre à en faciliter
l'intelligence aux commençants. Il
était impossible qu'en m'assujettissant à ce plan je ne m'écartasse pas des
routes ordinaires. C'est en effet un
défaut commun à tous les cours et à tous les traités de chimie, de supposer,
dès les premiers pas, des connaissances que l'élève ou le lecteur ne doivent
acquérir que dans les leçons subséquentes. On commence dans presque tous par
traiter des principes des corps ; par
expliquer la table des affinités, sans s'apercevoir qu'on est obligé de passer
en revue dés le premier jour les
principaux phénomènes de la chimie, de se servir d'expressions qui n'ont point
été définies, et de supposer la science acquise par ceux auxquels on se
propose Pagination
originale du document : p.4 de l'enseigner.
Aussi est-il reconnu qu'on n'apprend que peu de chose dans un premier cours de chimie ;
qu'une année suffit à peine pour familiariser l'oreille avec le langage, les
yeux avec les appareils, et qu'il est presque impossible de former un
chimiste en moins de trois ou quatre ans. Ces inconvénients
tiennent moins à la nature des choses qu'à la forme de l'enseignement, et c'est
ce qui m'a déterminé à donner à la chimie une marche qui me
parait plus conforme à celle de la nature. Je ne me suis pas dissimulé qu'en
voulant éviter un genre de difficultés je me jetais dans un autre, et qu'il me
serait impossible de les surmonter tontes ; mais je crois que celles qui
restent n'appartiennent point à l'ordre que je me suis prescrit ; qu'elles sont
plutôt une suite de l'état d'imperfection où est encore la chimie. Cette
science présente des lacunes nombreuses, qui interrompent la série des faits, et
qui exigent des raccordements embarrassants et difficiles. Elle n'a pas, comme la géométrie élémentaire, l'avantage
d'être une science complète et dont toutes les parties sont étroitement liées entre elles ; mais en même temps sa marche
actuelle est si rapide, les faits
s'arrangent d'une manière si heureuse dans la doctrine moderne, que nous
pouvons espérer, même de nos jours,
de la voir s'approcher beaucoup du degré de perfection qu'elle est susceptible d'atteindre. Cette loi rigoureuse, dont je n'ai pas
dû m'écarter, de ne rien conclure au delà de ce que les expériences présentent, et de ne jamais
suppléer au silence des faits, ne m'a pas permis de cour prendre dans cet
ouvrage la partie de la chimie la plus susceptible, peut-être, de devenir un
jour une science exacte : c'est celle qui traite des affinités chimiques ou
attractions électives. M. Geoffroy, M. Gellert,
M. Bergman, M. Schéele, M. de Morveau, M. Kirwan et beaucoup d'autres, ont déjà
rassemblé une multitude de faits particuliers, qui n'attendent plus que
la place qui doit leur Pagination
originale du document : p.5 être assignée ;
mais les données principales manquent, ou du moins celles que nous avons ne
sont encore ni assez précises ni assez certaines pour devenir la base
fondamentale sur laquelle doit reposer une partie aussi importante de la
chimie. La science des affinité est d'ailleurs à la chimie ordinaire
ce que la géométrie transcendante est à la géométrie élémentaire, et je n'ai
pas cru devoir compliquer par d'aussi grandes difficultés des éléments
simples et faciles, qui seront, à ce que j'espère, à la portée d'un
très-grand nombre de lecteurs. Peut-être un sentiment d'amour-propre a-t-il,
sans que je m'en rendisse compte à moi- même, donné du poids à ces réflexions.
M. de Morveau est au moment de publier l'article Affinité de
l'Encyclopédie méthodique, et j'avais bien des motifs pour redouter
de travailler en concurrence avec lui. On ne manquera pas d'être surpris de ne
point trouver dans un traité élémentaire de chimie un chapitre sur les
parties constituantes et élémentaires des corps ; mais je
ferai remarquer ici que cette tendance que nous avons à vouloir que tous les
corps de la nature ne soient composés que de trois ou quatre
éléments tient à un préjugé qui nous vient originairement
des philosophes grecs. L'admission de quatre éléments, qui, par la variété de
leurs proportions, composent tous les corps que nous connaissons, est une pure
hypothèse, imaginée longtemps avant qu'on eût les premières notions de la physique
expérimentale et de la chimie. On n'avait
point encore de faits, et l'on formait des systèmes ; et aujourd'hui que nous
avons rassemblé des faits, il semble
que nous nous efforcions de les repousser, quand ils ne cadrent pas avec nos
préjugés ; tant il est vrai que le poids de l'autorité de ces pères de la
philosophie humaine se fait encore
sentir, et qu'elle pèsera sans doute encore sur les générations à venir. Une
chose très-remarquable, c'est que, tout en enseignant la Pagination
originale du document : p.6 doctrine des
quatre éléments, il n'est aucun chimiste qui, par la force des faits, n'ait été
conduit à en admettre
un plus grand nombre. Les premiers chimistes qui ont écrit depuis le
renouvellement des lettres regardaient le
soufre et le sel comme des substances, élémentaires qui entraient dans la combinaison d'un grand nombre de corps : ils
reconnaissaient donc l'existence de six éléments au lieu de quatre. Becher admettait trois terres, et
cétait de leur combinaison et de la différence des proportions que
résultait suivant lui, la différence qui existe entre les substances
métalliques. Stahl a modifié ce système :
tous les chimistes qui lui ont succédé se sont permis d'y faire des
changements, même d'en imaginer
d'autres, mais tous se sont laissé entraîner à l'esprit de leur siècle, qui se contentait d'assertions sans preuves, ou du moins
qui regardait souvent comme telles de très-légères probabilités. Tout ce qu'on peut dire sur le
nombre et sur la nature des éléments se borne, suivant moi, à des discussions purement métaphysiques : ce
sont des problèmes indéterminés qu'on se propose de résoudre, qui sont susceptibles dune infinité de solutions,
mais dont il est très-probable qu'aucune
en particulier n'est d'accord avec la nature. Je me contenterai donc de dire
que, si par le nom d'éléments nous entendons désigner les molécules simples et
indivisibles qui composent les corps,
il est probable que nous ne les connaissons pas : que, si, au contraire, nous
attachons au nom d'éléments ou de
principes des corps l'idée du dernier terme auquel parvient l'analyse, toutes
les substances que nous n'avons
encore pu décomposer par aucun moyen sont pour nous des éléments ; non
pas que nous puissions assurer que ces corps, que nous regardons comme simples,
ne soient pas eux-mêmes composés de deux ou
même d'un plus grand nombre de principes ; mais, puisque ces principes ne se séparent jamais, ou plutôt puisque
nous n'avons aucun moyen de les séparer, ils agissent à notre égard à la
ma- [manière] Pagination
originale du document : p.7 nière des corps
simples, et nous ne devons les supposer composés qu'au moment où l'expérience
et l'observation nous en auront fourni la preuve. Ces réflexions sur la marche
des idées s'appliquent naturellement au choix des mots qui doivent les
exprimer. Guidé par le travail que nous avons fait en commun en 1787, M. de
Morveau, M. Berthollet, M. de Fourcroy et moi, sur la nomenclature de la chimie,
j'ai désigné, autant que je l'ai pu, les substances simples par des mots
simples, et ce sont elles que j'ai été obligé de nommer les premières.
On peut se rappeler que nous nous sommes efforcé de conserver à
toutes les substances les noms qu'elles portent dans la société ; nous ne nous
sommes permis de les changer que dans deux cas : le premier à
l'égard des substances nouvellement découvertes et qui n'avaient point
encore été nommées, ou du moins pour celles qui ne l'avaient été que
depuis peu de temps, et dont les noms encore nouveaux n'avaient point été
sanctionnés par une adoption générale ; le second, lorsque les noms
adoptés, soit par les anciens, soit par les modernes, nous ont paru
entrainer des idées évidemment fausses, lorsqu'ils pouvaient faire confondre la
substance qu'ils désignaient avec d'autres, qui sont douées de propriétés
différentes ou opposées. Nous n'avons fait alors aucune
difficulté de leur en substituer d'autres, que nous avons empruntés principalement
du grec ; nous avons fait en sorte qu'ils exprimassent la propriété la plus
générale, la plus caractéristique de la substance, et nous y avons trouvé
l'avantage de soulager la mémoire des commençants, qui retiennent
difficilement un mot nouveau lorsqu'il est absolument vide de sens, et de les
accoutumer de bonne heure à n'admettre aucun mot sans y attacher une idée. A
l'égard des corps qui sont formés de la réunion de plusieurs
substances simples, nous les avons désignés par des noms com- [composés] Pagination
originale du document : p.8 posés comme le
sont les substances elles-mêmes ; mais, comme le nombre des combinaisons binaires est déjà
très-considérable, nous serions tombés dans le désordre et dans la confusion,
si nous ne nous fussions pas attachés à
former des classes. Le nom de classes et de genres est, dans l'ordre naturel des idées, celui qui rappelle la propriété
commune à un grand nombre d'individus ; celui d'espèces, au contraire, est celui qui ramène l'idée aux propriétés particulières
à quelques individus. Ces
distinctions ne sont pas faites, comme on pourrait le penser, seulement par la
métaphysique ; elles le sont par la
nature. Un enfant, dit l'abbé de Condillac, appelle du nom d'arbre le
premier arbre que nous lui montrons. Un second arbre qu'il voit ensuite
lui rappelle la même idée, il lui donne le même nom ; de même à un troisième, à
un quatrième, et voilà le mot d'arbre, donné d'abord à un individu, qui devient pour lui un nom de classe ou
de genre, une idée abstraite qui comprend tous les arbres en général.
Mais, lorsque nous lui aurons fait remarquer que tous les arbres ne servent pas
aux mêmes usages, que tous ne portent pas les
mêmes fruits, il apprendra bientôt à les distinguer par des noms spécifiques et particuliers. Cette
logique est celle de toutes les sciences ; elle s'applique naturellement
à la chimie. Les acides, par exemple, sont composés de deux substances de
l'ordre de celles que nous regardons comme
simples, l'une qui constitue l'acidité et qui est commune à tous ; c'est de cette substance que doit être emprunté le
nom de classe ou de genre ; l'autre qui est propre à chaque acide, qui les différencie les uns des
autres, et c'est de cette substance que doit être emprunté le nom spécifique. Mais, dans la plupart des
acides, les deux principes constituants, le principe acidifiant et le principe
acidifié, peuvent exister dans des proportions différentes, qui constituent toutes
des points d'équi- [équilibre] Pagination
originale du document : p.9 libre ou de
saturation ; c'est ce qu'on observe dans l'acide sulfurique et dans l'acide
sulfureux ; nous avons exprimé ces deux états du même acide en faisant
varier la terminaison du nom spécifique. Les substances
métalliques qui ont été exposées à l'action réunie de l'air et du feu perdent
leur éclat métallique, augmentent de poids et prennent une apparence terreuse ;
elles sont, dans cet état, composées, comme les acides, d'un principe qui est
commun à toutes, et d'un principe particulier propre à chacune
; nous avons dû également les classer sous un nom générique dérivé du principe commun,
et le nom que nous avons adopté est celui d'oxyde ; nous les avons
ensuite différenciées les unes des autres par le nom particulier du métal
auquel elles appartiennent. Les substances combustibles, qui, dans les acides
et dans les oxydes métalliques, sont un principe spécifique et particulier,
sont susceptibles de devenir à leur tour un principe commun à un grand nombre
de substances. Les combinaisons sulfureuses ont été longtemps les seules
connues en ce genre ; on sait aujourd'hui, d'après les expériences de MM.
Vandermonde, Monge et Berthollet que le charbon se combine avec le
fer, et, peut-être avec plusieurs autres métaux ; qu'il en résulte, suivant les
proportions, de l'acier de la plombagine, etc. On sait également,
d'après les expériences de M. Pelletier, que le phosphore se combine
avec un grand nombre de substances métalliques. Nous avons encore
rassemblé ces différentes combinaisons sous des noms génériques dérivés de
celui de la substance commune, avec une terminaison, qui rappelle
cette analogie, et nous les avons spécifiées par un autre nom,
dérivé de leur substance propre. La nomenclature des êtres composés de trois
substances simples présentait un peu plus de difficultés en raison de leur
nombre, et surtout parce qu'on ne peut exprimer la nature de leurs principes Pagination
originale du document : p.10 constituants
sans employer des noms plus composés. Nous avons eu à considérer dans les corps
qui forment cette classe, tels que les sels neutres, par exemple, 1° le
principe acidifiant, qui est commun à tous ; 2° le principe acidifiable, qui
constitue leur acide propre ; 3° la base saline, terreuse ou métallique,
qui détermine l'espèce particulière de sel. Nous avons emprunté le nom de
chaque classe de sels de celui du principe acidifiable, commun à tous
les individus de la classe ; nous avons ensuite distingué chaque
espèce par le nom de la base saline, terreuse ou métallique, qui lui est
particulière. Un sel, quoique composé des trois mêmes principes, peut
être cependant dans des états très-différents, par la seule différence
de leur proportion. La nomenclature que nous avons adoptée aurait
été défectueuse si elle n'eût pas exprimé ces différents états, et nous y
sommes principalement parvenus par des changements de terminaison, que
nous avons rendue uniforme pour un même état des différents
sels. Enfin nous sommes arrivés au point que, par le mot seul on reconnaît sur-le-champ
quelle est la substance combustible qui entre dans la combinaison dont il est
question ; si cette substance combustible est combinée avec le principe
acidifiant, et dans quelle proportion ; dans quel état est cet acide ; à quelle
base il est uni ; s'il y a saturation exacte ; si c'est l'acide ou bien la base
qui est en excès. On conçoit qu'il n' a pas été possible de remplir ces
différentes vues sans blesser quelquefois des usages reçus, et sans adopter
des dénominations qui ont paru dures et barbares dans le premier moment ;
mais nous avons observé que l'oreille s'accoutumait promptement aux mots
nouveaux, surtout lorsqu'ils se trouvaient liés à un système général et
raisonné. Les noms, au surplus, qui s'employaient avant nous tels que ceux de poudre
d'algaroth, de Pagination
originale du document : p.11 sel alembroth, de pompholix, d'eau
phagédénique, de turbith minéral, de colcothar, et beaucoup d'autres, ne sont ni moins durs, ni moins
extraordinaires ; il faut une grande habitude et beaucoup de mémoire pour se
rappeler les substances qu'ils expriment, et surtout pour reconnaître à quel
genre de combinaison ils
appartiennent. Les noms d'huile de tartre par défaillance, d'huile de
vitriol, de beurre d'arsenic et d'antimoine, de fleurs de
zinc, etc. sont plus impropres encore, parce qu'il font naître des idées fausses ; parce qu'il n'existe, à
proprement parler, dans le règne minéral et surtout, dans le règne métallique, ni beurres, ni huiles, ni
fleurs ; enfin parce que les substances qu'on désigne sous ces noms trompeurs sont de violents poisons. On nous a
reproché, lorsque nous avons publié notre Essai de Nomenclature
chimique, d'avoir changé la langue que nos maîtres ont parlée, qu'ils ont illustrée, et qu' ils nous ont
transmise ; mais on a oublié que c'étaient Bergman et Macquer qui avaient
eux-mêmes sollicité cette réforme. Le savant professeur d'Upsal, M. Bergman,
écrivait à M. de Morveau, dans les derniers temps de sa vie : Ne faites
grâce à aucune dénomination impropre : ceux qui savent déjà entendront toujours ; ceux qui ne savent pas encore
entendront plus tôt. Peut-être serait-on plus fondé à me reprocher
de n'avoir donné, dans l'ouvrage que je présente au public, aucun historique de l'opinion de ceux qui m'ont précédé ; de
n'avoir présenté que la mienne, sans
discuter celle des autres. Il en est résulté que je n'ai pas toujours rendu à
mes confrères, encore moins aux chimistes étrangers, la justice qu'il était
dans mon intention de leur rendre ; mais je prie le lecteur de considérer que, si l'on accumulait les
citations dans un ouvrage élémentaire, si l'on s'y livrait à de longues
discussions sur l'historique de la science et sur les travaux de ceux qui l'ont
professée, on perdrait de vue le véritable objet Pagination
originale du document : p.12 qu'on s'est
proposé, et l'on formerait un ouvrage d'une lecture tout à fait fastidieuse
pour les commençants. Ce n'est ni l'histoire de la science, ni
celle de l'esprit humain, qu'on doit faire dans un traité
élémentaire ; on ne doit y chercher que la facilité, la clarté ; on en doit
soigneusement écarter tout ce qui pourrait tendre à détourner l'attention.
C'est un chemin qu'il faut continuellement aplanir, dans lequel il
ne faut laisser subsister aucun obstacle qui puisse apporter le moindre retard.
Les sciences présentent déjà par elles-mêmes assez de difficultés, sans en
appeler encore qui leur sont étrangères. Les chimistes s'apercevront
facilement, d'ailleurs, que je n'ai presque fait usage, dans la première
partie, que des expériences qui me sont propres. Si quelquefois il a pu
m'échapper d'adopter,
sans les citer, les expériences ou les opinions de M. Berthollet, de M. de
Fourcroy, de M. de Laplace, de M. Monge, et
de ceux, en général, qui ont adopté les mêmes principes que moi, c'est que
l'habitude de vivre ensemble, de nous communiquer nos idées, nos observations,
notre manière de voir, a établi entre
nous une sorte de communauté d'opinions, dans laquelle il nous est souvent difficile à nous-mêmes de distinguer ce qui nous
appartient plus particulièrement. Tout ce que je viens d'exposer sur
l'ordre que je me suis efforcé de suivre dans la marche des preuves et des
idées n'est applicable qu'à la première
partie de cet ouvrage : c'est elle seule qui contient l'ensemble de la doctrine que j'ai adoptée ; c'est à elle seule que
j'ai cherché à donner la forme véritablement élémentaire. La seconde partie est principalement formée des tableaux de
la nomenclature des sels neutres. J'y ai joint seulement des explications
très-sommaires, dont l'objet est de faire connaître les procédés les plus simples pour obtenir les
différentes espèces d'acides connus : cette seconde partie ne contient
rien qui me soit propre ; Pagination
originale du document : p.13 elle ne présente
qu'un abrégé très-concis de résultats extraits de différents ouvrages. Enfin
j'ai donné dans la troisième partie une description détaillée de
toutes les opérations relatives à la chimie moderne. Un
ouvrage de ce genre paraissait désiré depuis longtemps, et je crois qu'il sera
de quelque utilité. En général, la pratique des expériences, et surtout des
expériences modernes, n'est point assez répandue ; et peut-être, si, dans
les différents mémoires que j'ai donnés à l'Académie, je me fusse étendu davantage sur le
détail des manipulations, me serais-je fait plus facilement entendre, et la science aurait-elle fait des progrès plus rapides.
L'ordre des matières, dans cette troisième partie, m'a paru à peu près
arbitraire, et je me suis seulement attaché à classer dans chacun des huit
chapitres qui la composent les opérations
qui ont ensemble le plus d'analogie. On s'apercevra aisément que cette troisième partie n'a pu être extraite d'aucun
ouvrage, et que, dans les articles principaux, je n'ai pu être aidé que de ma propre expérience. Je
terminerai ce discours préliminaire en transcrivant littéralement quelques passages de M. l'abbé de
Condillac, qui me paraissent peindre avec beaucoup de vérité l'état où était la chimie dans des temps
très-rapprochés du nôtre (1). Ces passages, qui n'ont point été faits
exprès, n'en acquerront que plus de force, si l'application en paraît juste. “
Au lieu d'observer les choses que nous
voulions connaître, nous avons voulu les imaginer. De supposition fausse en supposition fausse, nous nous sommes
égarés parmi une multitude d'erreurs ; et ces erreurs étant devenues des
préjugés, nous les cavons prises par cette raison pour des principes ; nous
nous sommes donc égarés de plus en
plus. Alors nous n'avons su raisonner que d'après les mauvaises habitudes
que nous avions con- [contractées] (1) Partie II, chapitre I. Pagination
originale du document : p.14 tractées. L'art d'abuser des mots
sans les bien entendre a été pour nous l'art de bien raisonner Pagination
originale du document : p.15 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.16 PREMIÈRE PARTIE.
DE LA FORMATION DES
FLUIDES AÉRIFORMES ET DE LEUR DÉCOMPOSITION ;
DE LA COMBUSTION DES CORPS SIMPLES ET DE LA FORMATION DES ACIDES.
CHAPITRE PREMIER. DES COMBINAISONS DU CALORIQUE ET DE LA FORMATION DES FLUIDES ÉLASTIQUES AÉRIFORMES.
C'est
un phénomène constant dans la nature, et dont la généralité a été bien établie
par Boerhave, que, lorsqu'on échauffe un corps quelconque, solide ou fluide, il augmente de dimension dans tous les
sens. Les faits sur lesquels on s'est
fondé pour restreindre la généralité de ce principe ne présentent que des
résultats illusoires, ou du moins
dans lesquels se compliquent des circonstances étrangères qui en imposent ;
mais, lorsqu'on est parvenu à séparer
les effets et à les rapporter chacun à la cause à laquelle ils appartiennent, on s'aperçoit que l'écartement des
molécules par la chaleur est une loi générale et constante de la nature. Si, après avoir échauffé jusqu'à un certain
point un corps solide, et en avoir ainsi
écarté de plus en plus toutes les molécules, on le laisse refroidir, ces mêmes
molécules se rapprochent les unes des
autres dans la même proportion, suivant laquelle elles avaient été écartées ; le corps repasse par les mêmes degrés d'extension
qu'il avait parcourus ; et, si on le ramène à la même température qu'il avait en commençant l'expérience, il reprend
sensiblement le volume qu'il avait
d'abord. Mais, comme nous sommes bien éloignés de pouvoir obtenir un degré de
froid absolu, comme nous ne connaissons aucun degré de refroi-
[refroidissement] Pagination
originale du document : p.17 dissement que nous ne puissions
supposer susceptible d'être augmenté, il en résulte que nous n'avons pas encore pu parvenir à rapprocher, le plus qu'il
est possible, les molécules d'aucun corps, et que, par conséquent, les molécules d'aucun corps ne se
touchent dans la nature ; conclusion très-singulière,
et à laquelle cependant il est impossible de se refuser. On conçoit que les
molécules des corps étant ainsi
continuellement sollicitées par la chaleur à s'écarter les unes des autres,
elles n'auraient aucune liaison entre
elles, et qu'il n'y aurait aucun corps solide, si elles n'étaient retenues par une autre force qui tendit à les réunir, et
pour ainsi dire à les enchaîner, et cette force, quelle qu'en soit la cause, a été nommée attraction.
Ainsi les molécules des corps peuvent vitre considérées comme obéissant à deux forces, l'une répulsive,
l'autre attractive, entre lesquelles elles sont en équilibre. Tant que la dernière de ces forces,
l'attraction, est victorieuse, le corps demeure dans l'état solide ; si, au contraire, l'attraction est la
plus faible, si la chaleur a tellement écarté les unes des autres les molécules du corps, qu'elles soient hors
de la sphère d'activité de leur attraction, elles perdent l'adhérence qu'elles avaient entre elles,
et le corps cesse d'être un solide. L'eau nous présente continuellement un exemple de ces phénomènes :
au-dessous de zéro du thermomètre français, elle est dans l'état solide et elle
porte le nom de glace ; au-dessus de ce même terme, ses molécules cessent d'are
retenues par leur attraction réciproque, et elle devient ce qu'on appelle un
liquide ; enfin, au-dessus de 80
degrés, ses molécules obéissent à la répulsion occasionnée par la chaleur ; l'eau prend l'état de vapeur ou de gaz, et elle se
transforme en un fluide aériforme. On en peut dire autant de tous les corps de la nature : ils sont ou
solides ou liquides, ou dans l'état élastique et aériforme, suivant le rapport
qui existe entre la force attractive de leurs molécules et la force répulsive de la chaleur, ou, ce qui revient au
même, suivant le degré de chaleur auquel ils sont exposés. Pagination
originale du document : p.18 (1) Recueil de l'Académie, 1777, p. 420. Pagination
originale du document : p.19 y a de certain,
c'est que, dans un système où l'on s'est fait une loi de n'admettre que des
faits, et où l'on évite, autant qu'il est possible, de rien supposer au delà de
ce qu'ils présentent, on doit provisoirement désigner par des noms différents
ce qui produit des effets différents. Nous distinguerons
donc la lumière du calorique ; mais nous n'en conviendrons pas moins que la
lumière et le calorique ont des qualités qui leur sont communes,
et que, dans quelques circonstances, ils se combinent à peu
près de la même manière et produisent une partie des mêmes effets. Ce que je viens de
dire suffirait déjà pour bien déterminer l'idée qu'on doit attacher au mot de calorique
; mais il me reste une tâche plus difficile à remplir, c'est de
donner des idées justes de la manière dont le calorique agit sur les corps.
Puisque cette matière subtile pénètre à travers les pores de toutes les substances
que nous connaissons, puisqu'il n'existe pas de vases à travers lesquels elle
ne s'échappe, et qu'il n'en est, par conséquent, aucun qui puisse la
contenir sans perte, on ne peut en connaître les propriétés que
par des effets qui, la plupart, sont fugitifs et difficiles à saisir. C'est sur
les choses qu'on ne peut ni voir ni palper qu'il est surtout
important de se tenir en garde contre les écarts de l'imagination,
qui tend touj ours à s'élancer au delà du vrai, et qui a bien de la peine à se
renfermer dans le cercle étroit que les faits lui circonscrivent.
Nous venons de voir que le même corps devenait solide ou
liquide, ou fluide aériforme, suivant la quantité de calorique dont il était
pénétré, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse, suivant que la
force répulsive du calorique était égale à l'attraction de
ses molécules, ou qu'elle était plus forte ou plus faible qu'elle. Mais, s'il
n'existait que ces deux forces, les corps ne seraient liquides qu'à un
degré indivisible du thermomètre, et ils passeraient brusquement de l'état de
solide à celui de fluide élastique aériforme. Ainsi l'eau, par exemple,
à l'instant mène où elle cesse d'être glace, commencerait à bouillir ; elle se
transformerait en
un fluide aériforme, et ses molécules s'écarteraient indéfiniment dans
l'espace. S'il n'en est Pagination
originale du document : p.20 (1) Je donnerai ailleurs la définition de
la liqueur qu'on nomme éther, et j'en développerai les propriétés. Je
ma contenterai de dire dans ce moment qu'on désigne par ce nom une
liqueur inflammable très-volatile, d'une pesanteur spécifique beaucoup moindre que l'eau et
même que l'esprit-de-vin. Pagination
originale du document : p.21 on le place
ensuite sous le récipient BCD d'une machine pneumatique dont le haut B
doit être garni d'une boîte à cuir, traversée par une tige EF, dont
l'extrémité F se termine en une pointe ou lame très-aiguë : à ce
même récipient doit être adapté un baromètre GH. Lorsque tout est ainsi
disposé, on fait le vide sous le récipient ; puis, en faisant
descendre la tige pointue EF, on crève la vessie. Aussitôt l'éther
commence à bouillir avec une étonnante rapidité, il se vaporise et se
transforme en un fluide élastique aériforme qui occupe tout le
récipient. Si la quantité d'éther est assez considérable
pour que, la vaporisation finie, il en reste encore quelques gouttes dans la
fiole, le fluide élastique qui s'est produit est susceptible de
soutenir le baromètre adapté à la machine pneumatique à 8
ou 10 pouces environ pendant l'hiver, et à 20 et 25 pendant les chaleurs de
l'été. On peut, pour rendre cette expérience plus complète, introduire un petit
thermomètre dans le vase A qui contient l'éther, et on s'aperçoit qu'il descend
considérablement pendant tout le temps que dure la vaporisation. On
ne fait autre chose, dans cette expérience, que de supprimer le poids de l'atmosphère,
qui, dans l'état ordinaire, pèse sur la surface de l'éther, et les effets qui
en résultent prouvent évidemment deux choses : la première, qu'au
degré de température dans lequel nous vivons l'éther serait constamment dans
l'état d'un guide aériforme, si la pression de l'atmosphère n'y mettait obstacle
; la seconde, que ce passage de l'état liquide à l'état aériforme est
accompagné d'un refroidissement considérable, par la raison que, pendant
la vaporisation, une partie du calorique, qui était dans un
état de liberté, ou au moins d'équilibre, dans les corps environnants, se
combine avec l'éther pour le porter à l'état de fluide aériforme. La
même expérience réussit avec tous les fluides évaporables, tels
que l'esprit-de-vin ou alcool, l'eau et le mercure même ; avec cette différence
cependant que l'atmosphère d'alcool qui se forme sous le récipient ne
peut soutenir le baromètre adapté à la machine pneumatique, en hiver, qu'à un pouce
au-dessus de son niveau, et à quatre Pagination
originale du document : p.22 ou cinq en été ;
que l'eau ne le soutient qu'à quelques lignes, et le mercure à quelques
fractions de ligne. Il y a donc moins de fluide vaporisé lorsqu'on opère avec
l'alcool que lorsqu'on opère avec l'éther ; moins encore avec l'eau, et surtout avec le mercure
; par conséquent, moins de calorique employé
et moins de refroidissement, ce qui cadre parfaitement avec le résultat des
expériences. Un autre genre
d'expérience prouve encore d'une manière aussi évidente que l'état aériforme
est une modification des corps, et
qu'elle dépend du degré de température et de pression qu'ils éprouvent. Nous avons fait voir, M. de Laplace et moi, dans un
mémoire que nous avons lu à l'Académie en 1777, mais qui n'a pas été imprimé, que, lorsque l'éther était soumis à
une pression de 28 pouces de mercure,
c'est-à-dire à une pression égale à celle de l'atmosphère, il entrait en
ébullition à 32 ou 33 degrés du
thermomètre de mercure. M. de Luc, qui a fait des recherches analogues sur l'esprit-de-vin, a reconnu qu'il entrait en ébullition
à 67 degrés. Enfin tout le monde sait que l'eau commence à bouillir à 80 degrés. L'ébullition n'étant autre chose que la
vaporisation d'un fluide, ou le moment
de son passage de l'état liquide à celui d'un fluide élastique aériforme, il
était évident qu'en tenant
constamment de l'éther à une température supérieure à 33 degrés et au degré
habituel de pression de l'atmosphère,
on devait l'obtenir dans l'état d'un fluide aériforme ; que la même chose devait arriver à l'esprit-de-vin au-dessus de 67
degrés, et à l'eau au-dessus de 80 ; c'est ce qui s'est trouvé parfaitement confirmé par les expériences
suivantes (1) : J'ai rempli avec de l'eau à 35 ou 36 degrés du thermomètre un grand vase ABCD (pl.
VII, fig.15) ; je le suppose transparent pour mieux faire sentir ce qui se passe dans son intérieur ;
on peut encore tenir les mains assez longtemps dans de l'eau à ce degré sans
s'incommoder. J'y ai plongé des bouteilles à goulot renversé F, G, qui
s'y sont emplies, après quoi je les ai retournées de manière qu'elles
eussent leur goulot en en-bas, et appliqué contre le fond du vase. (1) Mém. de l'Académie, 1780, p.335. Pagination
originale du document : p.23 Les choses étant ainsi disposées,
j'ai introduit de l'éther sulfurique dans un très-petit matras, dont le col abc était doublement recourbé ; j'ai plongé ce
matras dans l'eau du vase ABCD, et j'ai engagé, comme on le voit
représenté dans la figure 15, l'extrémité de son col abc dans le goulot
d'une des bouteilles F. Dès que
l'éther a commencé à ressentir l'impression de la chaleur, il est entré en ébullition, et le calorique qui s'est combiné avec
lui l'a transformé en un fluide élastique aériforme, dont j'ai rempli
successivement plusieurs bouteilles F, G. Ce n'est point ici le lieu
d'examiner la nature et les
propriétés de ce fluide aériforme, qui est très-inflammable ; mais, sans
anticiper sur des connaissances que je
ne dois pas supposer au lecteur, je ferai observer, en me fixant sur l'objet
qui nous occupe dans ce moment, que
l'éther, d'après cette expérience, est tout près de ne pouvoir exister dans la planète que nous habitons que dans
l'état aériforme ; que, si la pesanteur de notre atmosphère n'équivalait qu'à
une colonne de 20 ou 24 pouces de mercure au lieu de 28, nous ne pourrions obtenir l'éther dans l'état liquide, au
moins pendant l'été ; que la formation de l'éther serait par conséquent
impossible sur les montagnes un peu élevées, et qu'il se convertirait en gaz à
mesure qu'il serait formé, à moins qu'on n'employât des ballons
très-forts pour le condenser, et. qu'on ne joignit
le refroidissement à la pression. Enfin, que le degré de la chaleur du sang
étant à peu près celui où l'éther passe de l'état liquide à l'état aériforme,
il doit se vaporiser dans les premières voies, et qu'il est très-vraisemblable que les propriétés de ce médicament
tiennent à cet effet, pour ainsi dire,
mécanique. Ces expériences réussissent encore mieux avec l'éther nitreux, parce
qu'il se vaporise à un degré de
chaleur moindre que l'éther sulfurique. A l'égard de l'alcool ou esprit-de-
vin, l'expérience, pour l'obtenir
dans l'état aériforme, présente un peu plus de difficulté, parce que ce fluide n'étant susceptible de se vaporiser qu'à 67
degrés du thermomètre de Réaumur, il faut que l'eau du bain soit entretenue presque bouillante, et qu'à ce degré il
n'est plus possible d'y plonger les mains. Il était évident que la même
chose devait arriver à l'eau ; que ce Pagination
originale du document : p.24 fluide devait
également se transformer en gaz en l'exposant à un degré de chaleur supérieur à
celui qui le fait bouillir ; mais, quoique convaincus de cette vérité, nous
avons cru cependant, M.de Laplace et moi, devoir la confirmer par
une expérience directe, et en voici le résultat. Nous avons rempli de mercure
une jarre de verre A (pl. VII, fig.5), dont l'ouverture était retournée
en en-bas, et nous avons passé dessous une soucoupe B, également
remplie de mercure. Nous avons introduit dans cette jarre environ 2 gros
d'eau, qui ont gagné le haut cd de la jarre, et qui se sont rangés au-dessus
de la surface du mercure ; puis nous avons plongé le tout dans une grande
chaudière de fer EFGH, placée sur un fourneau GHIK ; cette
chaudière était remplie d'eau salée en ébullition, dont la température
excédait 85 degrés du thermomètre ; on sait, en effet, que l'eau chargée de sel
est susceptible de prendre un degré de chaleur supérieur de plusieurs degrés
à celui de l'eau bouillante. Dès que les 2 gros d'eau placés dans la
partie supérieure cd de la jarre ou du tube ont eu atteint la température de 80
degrés ou environ, ils sont entrés en ébullition, et, au lieu d'occuper, comme
ils le faisaient, le petit espace ACD, ils se sont
convertis en un fluide aériforme qui fa remplie tout entière ; le mercure est
même descendu un peu au-dessous de son niveau, et la jarre aurait été
renversée, si elle n'avait été très-épaisse, par conséquent fort
pesante, et si elle n'avait d'ailleurs été assujettie à la soucoupe par du fil de fer.
Sitôt qu'on retirait la jarre du bain d'eau salée, l'eau se condensait et le mercure remontait ; mais elle reprenait l'état
aériforme quelques instants après que l'appareil avait été replongé. Voilà donc un certain nombre de
substances qui se transforment eu un fluide aériforme à des degrés de chaleur très-voisins de ceux dans lesquels
nous vivons. Nous verrons bientôt qu'il en est d'autres, tels que l'acide marin ou muriatique, l'alcali volatil ou
ammoniaque, l'acide carbonique ou air fixe, l'acide sulfureux, etc. qui
demeurent constamment dans l'état aériforme, au degré habituel de chaleur et, de pression de l'atmosphère. Tous
ces faits particuliers, dont il me serait facile de multiplier les Pagination
originale du document : p.25 exemples, m'autorisent à faire un
principe général de ce que j'ai déjà annoncé plus haut, que presque tous les corps de la nature sont susceptibles
d'exister dans trois états différents : dans l'état de solidité, dans l'état de
liquidité et dans l'état aériforme, et que ces trois états d'un même corps
dépendent de la quantité de calorique qui lui est combinée. Je désignerai
dorénavant ces fluides aériformes
sous le nom générique de gaz, et je dirai en conséquence que, dans toute
espèce de gaz, on doit distinguer le calorique qui fait, en quelque façon,
l'office de dissolvant., et la substance qui est combinée avec lui et qui forme sa base. C'est à ces bases des
différents gaz qui sont encore peu connues, que nous avons été obligés de
donner des noms. Je les indiquerai dans le chapitre IV de cet ouvrage, après que j'aurai rendu compte de quelques
phénomènes qui accompagnent l'échauffement et le refroidissement des corps, et que j'aurai donné des idées plus
précises sur la constitution de notre
atmosphère. Nous avons vu que les molécules de tous les corps de la nature
étaient dans un état d'équilibre
entre l'attraction, qui tend à les rapprocher et à les réunir, et les efforts
du calorique, qui tend à les écarter.
Ainsi, non-seulement le calorique environne de toutes parts les corps, mais
encore il remplit les intervalles que
leurs molécules laissent entre elles. On se formera une idée de ces dispositions, si l'on se figure un vase rempli de
petites balles de plomb et dans lequel on verse une substance en poudre très-fine, telle que du sablon
; on conçoit que cette substance se répandra uniformément dans les intervalles que les balles laissent entre elles et
les remplira. Les balles, dans cet
exemple, sont au sablon ce que les molécules des corps sont au calorique ; avec
cette différence que, dans l'exemple
cité, les balles se touchent, au lieu que les molécules des corps ne se
touchent pas, et qu'elles sont toujours maintenues à une petite distance les
unes des autres par l'effort du calorique.
Si, à des balles, dont la figure est ronde, on substituait des hexaèdres, des
octaèdres, ou des corps d'une figure régulière quelconque et d'une Pagination
originale du document : p.26 égale solidité,
la capacité des vides qu'ils laisseraient entre eux ne serait plus la même, et
l'on ne pourrait plus y loger une aussi grande quantité de
sablon. La même chose arrive à l'égard de tous les corps de la
nature ; les intervalles que leurs molécules laissent entre elles ne sont pas
tous d'une égale capacité. Cette capacité dépend de la figure de ces
molécules, de leur grosseur et de la distance les unes des
autres à laquelle elles sont maintenues, suivant le rapport qui existe entre
leur force d'attraction et la force répulsive qu'exerce le
calorique. C'est dans ce sens qu'on doit entendre cette expression, capacité
des corps pour maintenir la matière de la chaleur ; expression fort juste, introduite
par les physiciens anglais, qui ont eu les premiers des notions exactes à cet
égard. Un exemple de ce qui se passe dans l'eau, et quelques
réflexions sur la manière dont ce fluide mouille et pénètre les
corps, rendra ceci plus intelligible ; on ne saurait trop s'aider, dans les
choses abstraites, de comparaisons sensibles. Si l'on plonge dans l'eau
des morceaux de différents bois, égaux en volume, d'un pied
cube, par exemple, ce fluide s'introduira peu à peu dans leurs pores ; ils se gonfleront
et augmenteront de poids ; mais chaque espèce de bois admettra dans ses pores
une quantité d'eau différente ; les plus légers et les plus poreux en
logeront davantage ; ceux qui seront compactes et serrés n'en
laisseront pénétrer qu'une très- petite quantité ; enfin la proportion d'eau qu'ils
recevront dépendra encore de la nature des molécules constituantes du bois, de
l'affinité plus ou moins grande qu'elles auront avec l'eau, et les bois
très-résineux, par exemple, quoique très-poreux, en admettront très-peu. On
pourra donc dire que les différentes espèces de bois ont une capacité
différente pour recevoir de l'eau ; on pourra même connaître, par
l'augmentation de poids, la quantité qu'ils en auront absorbée ;
mais, comme on ignorera la quantité d'eau qu'ils contenaient avant
leur immersion, il ne sera pas possible de connaître la quantité absolue qu'ils
en contiendront en en sortant. Les mêmes circonstances ont lieu à l'égard
des corps qui sont plongés dans le calorique ; en observant cependant que l'eau est un fluide
in- [incompressible] Pagination
originale du document : p.27 compressible, tandis que le calorique
est doué d'une grande élasticité, ce qui signifie, en d'autres termes, que les molécules du calorique ont une
grande tendance à s'écarter les unes des autres, quand une force quelconque les a obligées de se
rapprocher, et l'on conçoit que cette circonstance doit apporter, des changements très- notables dans les
résultats. Les choses amenées à ce point de clarté et de simplicité, il me sera aisé de faire entendre
quelles sont les idées qu'on doit attacher à ces expressions, calorique libre et calorique combiné, quantité
spécifique de calorique contenue dans les différents corps, capacité pour contenir le calorique, chaleur
latente, chaleur sensible, toutes expressions
qui ne sont point synonymes, mais qui, d'après ce que je viens d'exposer, ont
un sens strict et déterminé. C'est ce
sens que je vais chercher encore à fixer par quelques définitions. Le calorique libre est celui qui n'est engagé dans aucune combinaison. Comme nous vivons au
milieu d'un système de corps avec
lesquels le calorique a de l'adhérence, il en résulte que nous n'obtenons jamais ce principe dans l'état de liberté absolue.
Le calorique combiné est celui qui est enchaîné dans les corps par la force d'affinité ou
d'attraction, et qui constitue une partie de leur substance, même de leur solidité. On entend par cette
expression, calorique spécifique des corps, la quantité de calorique respectivement nécessaire pour élever
d'un même nombre de degrés la température de plusieurs corps égaux en poids. Cette quantité de calorique dépend de la
distance des molécules des corps, de
leur adhérence plus ou moins grande ; et c'est cette distance, ou plutôt
l'espace qui en résulte, qu'on a
nommé, comme je l'ai déjà observé, capacité pour contenir le calorique. La
chaleur, considérée comme
sensation, ou, en d'autres termes, la chaleur sensible, n'est que
l'effet produit sur nos organes par
le passage du calorique qui se dégage des corps environnants. En général, nous n'éprouvons de sensation que par un mouvement quelconque,
et l'on pourrait poser comme un axiome, point de mouvement, point de
sensa- [sensation] Pagination
originale du document : p.28 tion. Ce
principe général s'applique naturellement au sentiment du froid et du chaud :
lorsque nous touchons
un corps froid, le calorique, qui tend à se mettre en équilibre dans tous les
corps, passe de notre main dans le corps que
nous touchons, et nous éprouvons la sensation du froid. L'effet contraire arrive lorsque nous touchons un corps
chaud : le calorique passe du corps à notre main, et nous avons la sensation de
la chaleur. Si le corps et la main sont du même degré de température, ou à peu près, nous n'éprouvons aucune sensation, ni
de froid ni de chaud, parce qu'alors il n'y a pas de mouvement, point de
transport de calorique, et qu'encore une fois il n'y a pas de sensation sans un
mouvement qui l'occasionne. Lorsque le
thermomètre monte, c'est une preuve qu'il y a du calorique libre qui se répand dans les corps environnants :
le thermomètre, qui est au nombre de ces corps, en reçoit sa part, en raison de sa masse et de la
capacité qu'il a lui-même pour contenir le calorique. Le changement qui arrive
dans le thermomètre n'annonce donc qu'un déplacement de calorique, qu'un changement arrivé à un système de corps dont il
fait partie ; il n'indique tout au plus que la portion de calorique qu'il a reçue, mais il ne mesure pas
la quantité totale qui a été dégagée, déplacée ou absorbée. Le moyen le plus simple et le plus exact
pour remplir ce dernier objet est celui imaginé par M. de Laplace, et qui est décrit dans les Mémoires
de l'Académie, année 1780, p.364. On en trouve aussi une explication sommaire à la tin de cet ouvrage. Il consiste à
placer le corps ou la combinaison
d'où se dégage le calorique au milieu d'une sphère creuse de glace : la
quantité de glace fondue est une expression exacte de la quantité de calorique
qui s'est dégagée. On peut, à l'aide de l'appareil que nous avons fait construire d'après cette idée, connaître,
non pas, comme on l'a prétendu, la capacité qu'ont les corps pour contenir le
calorique, mais le rapport des augmentations ou diminutions que reçoivent ces capacités, par des nombres déterminés de
degrés du thermomètre. Il est facile, avec le même appareil, et par diverses
combinaisons d'expériences, de connaître la quantité de calorique
nécessaire pour convertir les corps so- [solides] Pagination
originale du document : p.29 lides en
liquides, et ceux-ci en fluides aériformes, et, réciproquement, ce que les
fluides élastiques abandonnent de calorique quand ils deviennent
liquides, et ceux-ci quand ils redeviennent solides. On pourra donc
parvenir un jour, lorsque les expériences auront été assez multipliées, à
déterminer le rapport de calorique qui constitue chaque espèce de
gaz. Je rendrai compte, dans un chapitre particulier, des principaux
résultats que nous avons obtenus en ce genre. Il me reste, en finissant cet article,
à dire un mot sur la cause de l'élasticité des gaz et des fluides en vapeurs.
Il n'est pas difficile d'apercevoir que cette élasticité tient à celle du
calorique, qui paraît être le corps éminemment élastique de la nature. Rien de
plus simple que de concevoir qu'un corps devient élastique en se combinant
avec un autre qui est lui-même doué de cette propriété. Mais il faut convenir
que c'est expliquer l'élasticité par l'élasticité ; qu'on ne fait
par là que reculer la difficulté, et qu'il reste toujours à expliquer
ce que c'est que l'élasticité, et pourquoi le calorique est élastique. En
considérant l'élasticité dans un sens abstrait, elle n'est autre
chose que la propriété qu'ont les molécules d'un corps de
s'éloigner les unes des autres, lorsqu'on les a forcées de s'approcher. Cette
tendance qu'ont les molécules du calorique à s'écarter a lieu même à de
fort grandes distances. On en sera convaincu, si l'on
considère que l'air est susceptible d'un grand degré de compression ; ce qui
suppose que ses molécules sont déjà très-éloignées les unes des autres, car la
possibilité de se rapprocher suppose une distance au moins égale à la
quantité du rapprochement. Or ces molécules de l'air, qui sont déjà très-éloignées
entre elles, tendent encore à s'éloigner davantage : en effet, si on fait le
vide de Boyle dans un très-vaste récipient, les dernières portions
d'air qui y restent se répandent uniformément dans toute la capacité
du vase, quelque grand qu'il soit ; elles le remplissent en entier et pressent
ses parois ; or cet effet ne peut s'expliquer qu'en supposant que les
molécules font un effort en tout sens pour s'écarter, et l'on ne connaît point la distance à
laquelle ce phénomène s'arrête. II y a donc une véritable répulsion entre les
molécules des fluides Pagination
originale du document : p.30 élastiques, ou du moins les choses se
passent de la même manière que si cette répulsion avait lieu, et on aurait quelque droit d'en conclure que les
molécules du calorique se repoussent les unes les autres. Cette. force de répulsion une fois admise,
les explications relatives à la formation des fluides aériformes ou gaz
deviendraient fort simples ; mais il faut convenir, en même temps, qu'une force
répulsive entre des molécules très-petites, qui agit à de grandes distances,
est difficile à concevoir. Il paraîtrait
peut-être plus naturel de supposer que les molécules du caloriques s'attirent
plus entre elles que ne le font les molécules des corps, et qu'elles ne les
écartent que pour obéir à la force d'attraction qui les oblige de se réunir. Il se passe quelque chose d'analogue à ce
phénomène, quand on plonge une éponge
sèche dans de l'eau : elle se gonfle ; ses molécules s'écartent les unes des
autres, et l'eau remplit tous les
intervalles. Il est clair que cette éponge, en se gonflant, a acquis plus de
capacité pour contenir de l'eau qu'elle n'en avait auparavant. Mais peut-on
dire que l'introduction de l'eau entre
ses molécules leur ait communiqué une force répulsive qui tende à les écarter
les unes des autres ? Non, sans doute ; il n'y a, au contraire, que des
forces attractives qui agissent dans ce cas, et ces forces sont : 1° la pesanteur de l'eau et l'action qu'elle exerce en
tous sens comme tous les fluides ; 2°
la force attractive des molécules de l'eau les unes à l'égard des autres ; 3°
la force attractive des molécules de l'éponge entre elles ; enfin l'attraction
réciproque des molécules de l'eau et de celles de l'éponge. Il est aisé de
concevoir que c'est de l'intensité et du rapport de toutes ces forces que
dépend l'explication du phénomène. Il est probable que l'écartement des
molécules des corps par le calorique tient
de même à une combinaison de différentes forces attractives, et c'est le
résultat de ces forces que nous
cherchons à exprimer d'une manière plus concise et plus conforme à l'état
d'imperfection de nos connaissances,
lorsque nous disons que le calorique communique une force répulsive aux molécules
des corps. Pagination
originale du document : p.31 CHAPITRE II. VUES GÉNÉRALES SUR LA
FORMATION ET LA CONSTITUTION DE L'ATMOSPHÈRE
DE LA TERRE.
Les considérations que je viens de présenter sur la formation des
fluides élastiques aériformes, ou gaz, jettent un grand jour sur la manière
dont se sont formées, dans l'origine des
choses, les atmosphères des planètes, et notamment celle de la terre. On
conçoit que cette dernière doit être
le résultat et le mélange, 1° de toutes les substances susceptibles de se vaporiser ou plutôt de rester dans l'état
aériforme, au degré de température dans lequel nous vivons, et à une pression égale au poids d'une colonne de
mercure de 27 pouces de hauteur ; 2° de toutes les substances fluides ou concrètes susceptibles de se
dissoudre dans cet assemblage de différents gaz. Pour mieux fixer nos idées relativement à cette matière sur laquelle on n'a
point encore assez réfléchi, considérons un moment ce qui arriverait aux
différentes substances qui composent le globe, si la température en était brusquement changée. Supposons, par exemple,
que la terre se trouvât transportée tout à coup dans une région beaucoup plus
chaude du système solaire, dans la région de Mercure, par exemple, où la chaleur habituelle est probablement fort
supérieure à celle de l'eau bouillante
: bientôt l'eau, tous les fluides susceptibles de se vaporiser à des degrés
voisins de l'eau bouillante, et le
mercure lui-même, entreraient en expansion ; ils se transformeraient en fluides
aériformes ou gaz, qui deviendraient parties de l'atmosphère. Ces nouvelles
espèces d'air se méleraient avec celles déjà existantes, et il en résulterait
des décompositions réciproques, des combinaisons
nouvelles. jusqu'à ce que, les différentes affinités se trouvant. satisfaites,
les principes qui composeraient. ces différents airs ou gaz arrivassent à un
état de repos. Mais une considération qui ne doit pas échapper, c'est
que cette Pagination
originale du document : p.32 vaporisation
même aurait des bornes ; en effet, à mesure que la quantité des fluides
élastiques augmenterait, la pesanteur de l'atmosphère s'accroîtrait en
proportion ; or, puisqu'une pression quelconque est un obstacle à la
vaporisation, puisque les fluides les plus évaporables peuvent résister, sans se vaporiser,
à une chaleur très-forte, quand on y oppose une pression proportionnellement
plus forte encore ; enfin, puisque l'eau elle-même et tous les liquides peuvent
éprouver, dans la machine de Papin, une chaleur capable de les faire
rougir, on conçoit que la nouvelle atmosphère arriverait à un
degré de pesanteur tel, que l'eau qui n'aurait pas été vaporisée jusqu'alors
cesserait de bouillir et resterait dans l'état de liquidité ; en sorte que,
même dans cette supposition comme dans toute autre de même genre, la pesanteur
de l'atmosphère serait limitée et ne pourrait pas excéder un certain
terme. On pourrait porter ces réflexions beaucoup plus loin, et examiner
ce qui arriverait aux pierres, aux sels et à la plus grande partie des
substances fusibles qui composent le globe ; ou conçoit qu'elles se ramolliraient,
qu'elles entreraient en fusion et formeraient des fluides ; mais ces dernières
considérations sortent de mon objet, et je me hâte d'y rentrer. Par un effet contraire, si la terre se trouvait tout à
coup placée dans des régions très- froides, l'eau qui forme aujourd'hui nos fleuves et nos mers, et
probablement le plus grand nombre des fluides que nous connaissons, se
transformerait en montagnes solides, en rochers très-durs, d'abord diaphanes,
homogènes et blancs comme le cristal de roche, mais qui, avec le temps, se
mêlant avec des substances de différente nature, deviendraient des
pierres opaques diversement colorées. L'air, dans cette supposition, ou au moins une partie des substances aériformes qui
le composent, cesseraient sans cloute
d'exister dans l'état de vapeurs élastiques, faute d'un degré de chaleur
suffisant ; elles reviendraient donc
à l'état de liquidité, et il en résulterait de nouveaux liquides dont nous
n'avons aucune idée. Ces deux
suppositions extrêmes font voir clairement : 1° que solidité, liquidité, élasticité,
sont trois états différents de la même matière, trois Pagination
originale du document : p.33 modifications
particulières, par lesquelles presque toutes les substances peuvent
successivement passer, et qui dépendent uniquement du degré de chaleur
auquel elles sont exposées, c'est-à-dire de la quantité de
calorique dont elles sont pénétrées ; 2° qu'il est très-probable que l'air est
un fluide naturellement en vapeurs, ou, pour mieux dire, que notre
atmosphère est un composé de tous les fluides susceptibles d'exister
dans un état de vapeurs et d'élasticité constante, au degré habituel de chaleur
et de pression que nous éprouvons ; 3° qu'il ne serait pas, par conséquent,
impossible qu'il se rencontrât dans notre atmosphère des substances extrêmement compactes,
des métaux mêmes, et qu'une substance
métallique, par exemple, qui serait un peu plus volatile que le mercure, serait
dans ce cas. On sait que, parmi les
fluides que nous connaissons, les uns, comme l'eau et l'alcool ou
esprit-de-vin, sont susceptibles de se mêler les uns avec les autres dans
toutes proportions ; les autres, au
contraire, comme le mercure, l'eau et l'huile, ne peuvent contracter que des
adhérences momentanées ; ils se
séparent les uns des autres lorsqu'ils ont été mélangés, et se rangent en
raison de leur gravité spécifique. La
même chose doit, ou au moins peut arriver dans l'atmosphère ; il est possible, il est même probable, qu'il s'est formé
dans l'origine et qu'il se forme tous les jours des gaz qui ne sont que
difficilement miscibles à l'air de l'atmosphère, et qui s'en séparent ; si ces
gaz sont plus légers, ils doivent se
rassembler dans les régions élevées et y former des couches qui nagent sur
l'air atmosphérique. Les phénomènes qui accompagnent les météores ignés me
portent à croire qu'il existe ainsi
dans le haut de l'atmosphère une couche d'un fluide inflammable, et que c'est
au point de contact de ces deux
couches d'air que s'opèrent les phénomènes de l'aurore boréale et des autres météores
ignés. Je me propose de développer mes idées à cet égard dans un mémoire
particulier. Pagination
originale du document : p.34 CHAPITRE III.
ANALYSE DE L'AIR DE L'ATMOSPHÈRE, SA RÉSOLUTION EN DEUX FLUIDES
ÉLASTIQUES, L'UN RESPIRABLE, L'AUTRE NON RESPIRABLE.
Telle est donc a priori la
constitution de notre atmosphère ; elle doit être formée de la réunion de
toutes les substances
susceptibles de demeurer dans l'état aériforme au degré habituel de température
et de pression que nous éprouvons. Ces
fluides forment une masse de nature à peu près homogène, depuis la surface de la terre jusqu'à la plus grande
hauteur à laquelle on soit encore parvenu, et dont la densité décroît en raison
inverse des poids dont elle est chargée ; mais, comme je l'ai dit, il est possible que cette première couche soit recouverte
d'une ou de plusieurs autres, de fluides très-différents. II nous reste maintenant à déterminer quel est le
nombre et quelle est la nature des fluides
élastiques qui composent cette couche inférieure que nous habitons, et c'est sur
quoi l'expérience va nous éclairer.
La chimie moderne a fait à cet égard un grand pas, et les détails dans lesquels
je vais entrer feront connaître que l'air de l'atmosphère est peut-être, de
toutes les substances de cet ordre, celle
dont l'analyse est la plus exactement et la plus rigoureusement faite. La
chimie présente, en général, deux moyens pour déterminer la nature des parties
constituantes d'un corps, la composition
et la décomposition. Lors, par exemple, que l'on a combiné ensemble de l'eau et
de l'esprit-de-vin ou alcool, et que,
par le résultat de ce mélange, on a formé l'espèce de liqueur qui porte le nom d'eau-de-vie dans le commerce, on a
droit d'en conclure que l'eau-de-vie est un composé d'alcool et d'eau ; mais on peut arriver à la même conclusion
par voie de décomposition, et en
général on ne doit être pleinement satisfait, en chimie, qu'autant qu'on a pu
réunir ces deux genres de preuves. Pagination
originale du document : p.35 On a cet
avantage dans l'analyse de l'air de l'atmosphère, on peut le décomposer et le
recomposer, et je me bornerai à rapporter ici les expériences les plus
concluantes qui aient été faites à cet égard. Il n'en est
presque aucunes qui ne me soient devenues propres, soit parce que je les ai
faites le premier, soit parce que je les ai répétées sous un point de
vue nouveau, sous celui d'analyser l'air de l'atmosphère.
J'ai pris (pl. II, fig. 14 ) un matras A de 36 pouces cubiques environ de
capacité, dont le col BCDE était très-long, et avait 6 à 7
lignes de grosseur intérieurement. Je l'ai courbé, comme on le voit
représenté (pl. IV, fig.2), de manière qu'il pût être placé dans un fourneau MMNN,
tandis que l'extrémité E de son col irait s'engager sous la cloche FG,
placée dans un bain de mercure RRSS. J'ai introduit dans ce
matras 4 onces de mercure très-pur, puis, en suçant avec un siphon que j'ai
introduit sous la cloche FG, j'ai élevé le mercure jusqu'en LL ;
j'ai marqué soigneusement cette hauteur avec une bande de papier collé,
et j'ai observé exactement le baromètre et le thermomètre. Les
choses ainsi préparées, j'ai allumé du feu dans le fourneau MMNN, et je l'ai
entretenu presque continuellement pendant douze jours, de manière que
le mercure fût échauffé jusqu'au degré nécessaire pour le faire
bouillir. Il ne s'est rien passé de remarquable pendant tout le premier jour :
le mercure, quoique non bouillant, était dans un état d'évaporation
continuelle, il tapissait l'intérieur des vaisseaux de gouttelettes,
d'abord très-fines, qui allaient ensuite en augmentant, et qui, lorsqu'elles
avaient acquis un certain volume, retombaient d'elles- mêmes au fond du vase et
se réunissaient au reste du mercure. Le second jour, j'ai commencé à voir
nager sur la surface du mercure de petites parcelles rouges,
qui, pendant quatre ou cinq jours, ont augmenté en nombre et en volume,
après quoi elles ont cessé de grossir et sont restées absolument dans le mène
état. Au bout de douze jours, voyant que la calcination du mercure ne faisait
plus aucun progrès, j'ai éteint le feu et j'ai laissé refroidir les
vaisseaux. Le volume de l'air contenu, tant dans le matras que dans son col et sous la partie vide de la
cloche, Pagination
originale du document : p.36 réduit à une
pression de 28 pouces et à 10 degrés du thermomètre, était, avant l'opération,
de 50 pouces cubiques environ. Lorsque l'opération a été finie, ce même
volume, à pression et à température égales, ne s'est plus trouvé
que de 42 à 43 pouces ; il y avait eu par conséquent une diminution de
volume d'un sixième environ. D'un autre côté, ayant rassemblé soigneusement les
parcelles rouges qui s'étaient formées, et les ayant séparées, autant
qu'il était possible, du mercure coulant dont elles étaient baignées, leur poids s'est trouvé
de 45 grains. J'ai été obligé de répéter plusieurs
fois cette calcination du mercure en vaisseaux clos, parce qu'il est difficile,
dans une seule et même expérience, de
conserver l'air dans lequel on a opéré, et les molécules rouges ou chaux de
mercure qui s'est formée. Il m'arrivera souvent de confondre ainsi, dans un
même récit, le résultat de deux ou
trois expériences de même genre. L'air qui restait après cette opération, et
qui avait été réduit aux cinq sixièmes
de son volume par la calcination du mercure, n'était. plus propre à la respiration
ni à la combustion ; car les animaux qu'on y introduisait y périssaient en peu
d'instants, et les lumières s'y éteignaient
sur-le-champ, comme si on les eût plongées dans de l'eau. D'un autre côté, j'ai pris les 45 grains de matière rouge
qui s'était formée pendant l'opération, je les ai introduits dans une très-petite cornue de verre, à laquelle
était adapté un appareil propre à recevoir les produits liquides et aériformes qui pourraient se séparer ;
ayant allumé du feu dans le fourneau, j'ai observé qu'à mesure que la matière
rouge était échauffée, sa couleur augmentait d'intensité. Lorsque ensuite la cornue a approché de l'incandescence, la matière
rouge a commencé à perdre peu à peu de son volume, et en quelques minutes elle a entièrement disparu ; en même
temps il s'est condensé dans le petit
récipient 41 grains 1/2 de mercure coulant, et il a passé sous la cloche 7 à 8
pouces cubiques d'un fluide élastique
beaucoup plus propre que l'air de l'atmosphère à entretenir la combustion et la
respiration des animaux. Ayant fait
passer une portion de cet air dans un tube de verre d'un Pagination
originale du document : p.37 pouce de
diamètre, et y ayant plongé une bougie, elle y répandait un éclat éblouissant ;
le charbon, au lieu de s'y consumer paisiblement comme dans l'air
ordinaire, y brûlait avec flamme et une sorte de décrépitation,
à la manière du phosphore, et avec une vivacité de lumière que les yeux avaient
peine à supporter. Cet air que nous avons découvert presque en même temps, M.
Priestley, M. Schéele et moi, a été nommé, par le premier, air
déphlogistiqué ; par le second, air empyréal. Je lui avais d'abord
donné le nom d'air éminemment respirable ; depuis on y a substitué celui
d'air vital. Nous verrons bientôt ce qu'on doit penser de ces
dénominations. En réfléchissant sur les circonstances de cette
expérience, on voit que le mercure, en se calcinant, absorbe la partie salubre
et respirable de l'air, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse, la
base de cette partie respirable ; que la portion d'air qui reste est une
espèce de mofette, incapable d'entretenir la combustion et la respiration
; l'air de l'atmosphère est donc composé de deux fluides élastiques de nature
différente et pour ainsi dire opposée. Une preuve de cette importante
vérité, c'est qu'en recombinant les deux fluides élastiques qu'on a ainsi
obtenus séparément, c'est-à-dire les 42 pouces cubiques de mofette ou air
non respirable, et les 8 pouces cubiques d'air respirable, on reforme de l'air,
en tout semblable à celui de l'atmosphère, et qui est propre, à peu
près au même degré, à la combustion, à la calcination des métaux et à
la respiration des animaux. Quoique cette expérience fournisse un moyen
infiniment simple d'obtenir séparément les deux principaux fluides
élastiques qui entrent dans la composition de notre
atmosphère, elle ne nous donne pas des idées exactes sur la proportion de ces
deux fluides. L'affinité
du mercure pour la partie respirable de l'air, ou plutôt pour sa base, n'est
pas assez grande pour qu'elle puisse vaincre
entièrement les obstacles qui s'opposent à cette combinaison. Ces obstacles sont l'adhérence des deux fluides
constitutifs de l'air de l'atmosphère et la force d'affinité qui unit la
base de l'air vital au calorique ; en conséquence, la calci- [calcination] Pagination
originale du document : p.38 nation du mercure
finie, ou au moins portée aussi loin qu'elle peut l'être dans une quantité
d'air déterminée, il reste encore un peu d'air respirable combiné avec la
mofette, et le mercure ne peut en séparer cette dernière portion. Je ferai
voir, dans la suite, que la proportion d'air respirable et d'air non
respirable qui entre dans la composition de l'air atmosphérique est dans le
rapport de 97 à 73, au moins dans les climats que nous habitons ; je discuterai
en même temps les causes d'incertitude qui existent encore
sur l'exactitude de cette proportion. Puisqu'il y a décomposition de l'air dans
la calcination du mercure, puisqu'il y a fixation et combinaison de la base
de la partie respirable avec le mercure, il résulte des principes que j'ai
précédemment exposés, qu'il doit y avoir dégagement de calorique et de lumière, et l'on ne
saurait douter que ce dégagement n'ait lieu en effet ; mais deux causes empêchent qu'il ne soit rendu sensible dans
l'expérience dont je viens de rendre compte. La première, parce que, la
calcination durant pendant plusieurs jours, le dégagement de chaleur et de
lumière, réparti sur un aussi long intervalle de temps, est infiniment faible
pour chaque instant en particulier ;
la seconde, parce que, l'opération se faisant dans un fourneau et à l'aide du
feu, la chaleur occasionnée par la
calcination, se confond avec celle du fourneau. Je pourrais ajouter que la partie respirable de l'air, ou plutôt sa base, en
se combinant avec le mercure, n'abandonne pas la totalité du calorique qui lui était uni, qu'une partie demeure engagée
dans la nouvelle combinaison ; mais
cette discussion et les preuves que je serais obligé de rapporter ne seraient
pas à leur place ici. Il est, au
surplus, aisé de rendre sensible le dégagement de la chaleur et de la lumière
en opérant d'une manière plus prompte
la décomposition de l'air. Le fer, qui a beaucoup plus d'affinité que le
mercure avec la base de la partie respirable de l'air, en fournit un moyen.
Tout le monde connaît aujourd'hui la
belle expérience de M. Ingenhousz sur la combustion du fer. On prend un
bout de fil de fer très-fin BC (pl.
IV, fig. 17), tourné en spirale ; on fixe l'une de ses extrémités B dans
un bouchon de liége A, destiné à boucher la bouteille
DEFG. Pagination
originale du document : p.39 On attache, à
l'autre extrémité de ce fil de fer, un petit morceau d'amadou C. Les
choses ainsi disposées, on emplit, avec de l'air dépouillé de sa partie non
respirable, la bouteille DEFG. On allume l'amadou C, puis on l'introduit
promptement, ainsi que le fil de fer BC dans la bouteille, et on la bouche comme on le voit dans la figure que je
viens de citer. Aussitôt que l'amadou est plongé dans l'air vital, il commence
à briller avec un éclat éblouissant ; il communique l'inflammation au fer, qui
brûle lui-même en répandant de brillantes étincelles, lesquelles tombent au
fond de la bouteille, en globules
arrondis, qui deviennent noirs en se refroidissant, et qui conservent un reste
de brillant métallique. Le fer, ainsi
bridé, est plus cassant et plus fragile que ne le serait le verre lui-même ; il se réduit. facilement en poudre et
est encore attirable à l'aimant, moins cependant qu'il ne l'était avant sa combustion. M. Ingenhousz n'a
examiné ni ce qui arrivait au fer, ni ce qui arrivait à l'air dans cette opération, en sorte que je me
suis trouvé obligé de la répéter avec des circonstances différentes et dans un appareil plus propre à
répondre à mes vues. J'ai rempli une cloche A (pl. IV, fig.3), de 6 pintes environ de capacité, d'air
pur, autrement dit de la partie éminemment respirable de l'air. J'ai transporté, à l'aide d'un vase
très-plat, cette cloche sur un bain de mercure contenu dans le bassin BC, après quoi j'ai séché
soigneusement, avec du papier gris, la surface du mercure, tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de la cloche. Je me
suis muni, d'un autre côté, d'une petite capsule de porcelaine D, plate et évasée, dans
laquelle j'ai placé de petits copeaux de fer tournés en spirale, et que j'ai arrangés de la manière qui m’a paru la
plus favorable pour que la combustion se communiquât à toutes les parties. A l'extrémité d'un de ces copeaux j'ai
attaché un petit morceau d'amadou, et
j'y ai ajouté un fragment de phosphore qui pesait à peine un seizième de grain.
J'ai introduit la capsule sous la
cloche en soulevant un peu cette dernière. Je n'ignore pas que, par cette manière
de procéder, il se mêle une petite portion Pagination
originale du document : p.40 d'air commun
avec l'air de la cloche ; mais ce mélange, qui est peu considérable lorsqu'on
opère avec adresse, ne nuit point au succès de l'expérience. Lorsque
la capsule D est introduite sous la cloche, on suce une partie de l'air
qu'elle contient, afin d'élever le mercure dans son intérieur jusqu'en EF ;
on se sert à cet effet d'un siphon GHI, qu'on passe par-dessous,
et, pour qu'il ne se remplisse pas de mercure, on tortille un petit
morceau de papier à son extrémité. Il y a un art pour élever ainsi en suçant
le mercure sous la cloche ; si on se contentait d'aspirer l'air avec le poumon,
on n'atteindrait qu'à
une très-médiocre élévation, par exemple, d'un pouce ou d'un pouce et demi tout
au plus, tandis que, par l'action des
muscles de la bouche, on élève, sans se fatiguer, ou au moins sans risquer de s'incommoder, le mercure jusqu'à 6 à 7 pouces.
Après que tout a été ainsi préparé, on fait rougir au feu un fer
recourbé MN (pl. IV, fig. 16), destiné à ces sortes d'expériences ; on
le passe par-dessous la cloche, et, avant qu'il ait eu le temps de se
refroidir, on l'approche du petit morceau de phosphore contenu dans la capsule de porcelaine D ; aussitôt le phosphore
s'allume, il communique son inflammation
à l'amadou, et celui-ci la communique au fer. Quand les copeaux ont été bien
arrangés, tout le fer brûle jusqu'au dernier atome, en répandant une lumière
blanche, brillante, et semblable à celle
qu'on observe dans les étoiles d'artifice chinois. La grande chaleur qui
s'opère pendant cette combustion
liquéfie le fer, et il tombe en globules ronds de grosseur différente, dont le
plus grand nombre reste dans la
capsule, et dont quelques-uns sont lancés au dehors et nagent sur la surface du
mercure. Dans le premier instant de la
combustion il y a une légère augmentation dans le volume de l'air, en raison de la dilatation occasionnée par
la chaleur ; mais bientôt une diminution rapide succède à la dilatation ; le
mercure remonte dans la cloche, et, lorsque la quantité de fer est suffisante
et que l'air avec lequel on opère est bien pur, on parvient à l'absorber
presque en entier. Pagination
originale du document : p.41 Je dois avertir
ici qu'à moins qu'on ne veuille faire des expériences de recherches, il vaut
mieux ne brûler que des quantités médiocres de fer. Quand on veut
pousser trop loin l'expérience et absorber presque tout l'air, la capsule D, qui
nage sur le mercure, se rapproche trop de la voûte de la cloche, et la grande chaleur, jointe au refroidissement subit
occasionné par le contact du mercure, fait éclater le verre : le poids de la colonne de mercure, qui
vient à tomber rapidement dès qu'il s'est fait une fêlure à la cloche, occasionne un flot qui fait jaillir
une grande partie de ce fluide hors du bassin. Pour éviter ces inconvénients et être sûr du succès de l'expérience,
on ne doit guère brûler plus d'un gros et
demi de fer sous une cloche de 8 pintes de capacité. Cette cloche doit être
forte, afin de résister au poids de
mercure qu'elle est destinée à contenir. Il n'est pas possible de déterminer à
la fois, dans cette expérience, le poids que le fer acquiert et les
changements arrivés à l'air. Si c'est l'augmentation de poids du fer et son rapport avec l'absorption de l'air, dont on
cherche à connaître la quantité, on doit
avoir soin de marquer très-exactement sur la cloche, avec un trait de diamant,
la hauteur du mercure avant et après l'expérience ; on passe ensuite sous la
cloche le siphon GH (pl. IV, fig.3), garni d'un papier qui empêche qu'il ne s'emplisse de mercure. On met le
pouce sur l'extrémité g, et on
rend l'air peu à peu en soulevant le pouce. Lorsque le mercure est descendu à
son niveau, on enlève doucement la
cloche, on détache de la capsule les globules de fer qui y sont contenus, on rassemble soigneusement ceux qui pourraient s'être
éclaboussés et qui nagent sur le mercure, et on pèse le tout. Ce fer est dans l'état de ce que les anciens chimistes ont
nommé éthiops martial, il a une sorte
de brillant métallique, il est très-cassant, très-friable, et se réduit en
poudre sous le marteau et sous le
pilon. Lorsque l'opération a bien réussi, avec 100 grains de fer on obtient 135
à 136 grains d'éthiops. On peut donc compter sur une augmentation de
poids au moins de 35 livres par quintal. Si l'on
a donné à cette expérience toute l'attention qu'elle mérite, l'air se trouve
diminué d'une quantité en poids exactement égale à Pagination
originale du document : p.42 celle dont le
fer est augmenté. Si donc on a brûlé 100 grains de fer, et que l'augmentation
de poids que ce métal a acquise ait été de 35 grains, la
diminution du volume de l’air est assez exactement de 70 pouces
cubiques, à raison d'un demi- grain par pouce cube. On verra, dans la suite de
ces Mémoires, que le poids de l'air vital est, en effet, assez exactement
d'un demi-grain par pouce cube. Je rappellerai ici une dernière fois que,
dans toutes les expériences de ce genre, on ne doit point oublier de
ramener par le calcul le volume de l'air, au commencement et à la fin de
l'expérience, à celui qu'on aurait eu à 10 degrés du thermomètre et à une
pression de 28 pouces ; j'entrerai dans quelques détails sur la manière
de faire ces corrections, à la fin de cet ouvrage. Si c'est sur la qualité de l'air
restant dans la cloche qu'on se propose de faire des expériences, on opère
d'une manière un peu différente. On commence alors, après que la combustion
est faite et que les vaisseaux sont refroidis, par retirer le fer et la
capsule qui le contenait, en passant la main sous la cloche à travers le mercure ;
ensuite on introduit, sous cette même cloche, de la potasse ou alcali
caustique, dissous dans l'eau, du sulfure de potasse, ou telle autre
substance qu'on juge à propos, pour examiner l'action qu'elles
exercent sur l'air. Je reviendrai, dans la suite, sur ces moyens d'analyse de
l'air, quand j'aurai fait connaître la nature de ces différentes
substances, dont je ne parle qu'accidentellement dans ce moment. On finit
par introduire sous cette même cloche autant d'eau qu'il est nécessaire pour déplacer
tout le mercure ; après quoi on passe dessous un vaisseau ou espèce de capsule
très-plate, avec
laquelle on la transporte dans l'appareil pneumato-chimique ordinaire à l'eau,
où l'on opère plus en grand et avec plus de
facilité. Lorsqu'on a employé du fer très-doux et très-pur, et que la portion respirable de l'air dans lequel s'est faite la
combustion était exempte de tout mélange d'air non respirable, l'air qui reste, après la combustion,
se trouve aussi pur qu'il l'était avant la combustion ; mais il est rare
que le fer ne contienne pas une petite quantité de matière char- [charbonneuse] Pagination
originale du document : p.43 bonneuse,
l'acier surtout en contient toujours. Il est de même extrêmement difficile
d'obtenir la portion respirable de l'air parfaitement pure ; elle est
presque touj ours mêlée d'une petite portion de la partie non
respirable ; mais cette espèce de mofette ne trouble en rien le résultat de
l'expérience, et elle se retrouve à la fin en même quantité qu'au
commencement. J'ai annoncé qu'on pouvait déterminer de deux manières la
nature des parties constituantes de l'air de l'atmosphère : par voie de décomposition
et par voie de composition. La calcination du mercure nous a fourni l'exemple
de l'une et de l'autre, puisque, après avoir enlevé à la partie respirable
sa base par le mercure, nous la lui avons rendue pour reformer de l'air en
tout semblable à celui de l'atmosphère. Mais on peut également opérer cette composition de
l'air en empruntant de différents règnes les matériaux qui doivent le former. On verra dans la suite que,
lorsqu'on dissout des matières animales dans de l'acide nitrique, il se dégage
une grande quantité d'un air qui éteint les lumières, qui est nuisible pour les
animaux, et qui est en tout semblable
à la partie non respirable de l'air de l'atmosphère. Si à 73 parties de
ce fluide élastique on en ajoute 27 d'air éminemment respirable, tiré du
mercure réduit en chaux rouge par la
calcination, on forme un fluide élastique parfaitement semblable à celui de l'atmosphère, et qui en a toutes les propriétés.
Il y a beaucoup d'autres moyens de séparer la partie respirable de l'air de la
partie non respirable ; mais je ne pourrais les exposer ici sans emprunter des
notions qui, dans l'ordre des connaissances, appartiennent aux chapitres
suivants. Les expériences, d'ailleurs,
que j'ai rapportées, suffisent pour un traité élémentaire ; et, dans ces sortes
de matières, le choix des preuves est
plus important que leur nombre. Je terminerai cet article en indiquant une propriété qu'a l'air de l'atmosphère, et qu'ont en
général tous les fluides élastiques ou gaz que nous connaissons : c'est celle de dissoudre l'eau. La
quantité d'eau qu'un pied cube d'air de l'atmosphère peut dissoudre est,
suivant les expériences de M. de Saussure, de 12 grains ; d'autres fluides élas[élastiques] Pagination
originale du document : p.44 tiques, tels que
l'acide carbonique, paraissent en dissoudre davantage ; mais on n'a point fait
encore d'expériences exactes pour en déterminer la quantité.
Cette eau, que contiennent les fluides élastiques aériformes donne lieu,
dans quelques expériences, à des phénomènes particuliers, qui méritent beaucoup
d'attention, et qui ont souvent jeté les chimistes dans de grandes erreurs. Pagination
originale du document : p.45 CHAPITRE IV.
NOMENCLATURE DES DIFFÉRENTES PARTIES CONSTITUTIVES DE L'AIR DE L'ATMOSPHÈRE.
Jusqu'ici j'ai
été forcé de me servir de périphrases pour désigner la nature des différentes substances qui composent notre atmosphère, et
j'ai adopté provisoirement ces expressions : partie respirable, partie non
respirable de l'air. Les détails dans lesquels je vais entrer exigent que je prenne une marche plus rapide, et
qu'après avoir cherché à donner des idées simples des différentes substances qui entrent dans la
composition de l'air de l'atmosphère, je les exprime égaiement par des mots simples. La température de
la planète que nous habitons se trouvant très-voisine du degré où l'eau passe de l'état liquide à l'état solide,
et réciproquement, et ce phénomène
s'opérant fréquemment sous nos yeux, il n'est pas étonnant que, dans toutes les
langues, au moins dans les climats où
l'on éprouve une sorte d'hiver, on ait donné un nom à l'eau devenue solide par l'absence du calorique. Mais il n'a pas
dû en être de même de l'eau réduite à l'état de vapeur par une plus grande addition de calorique. Ceux qui n'ont pas
fait une étude particulière de ces
objets ignorent encore qu'à un degré un peu supérieur à celui de l'eau
bouillante l'eau se transforme en un fluide élastique aériforme,
susceptible, comme tous les gaz, d'être reçu et contenu dans des vaisseaux, et
qui conserve sa forme gazeuse tant qu'il éprouve une température supérieure à 80 degrés, jointe à une pression égale à celle
d'une colonne de 28 pouces de mercure. Ce phénomène ayant échappé à la multitude, aucune langue n'a
désigné l'eau dans cet état par un nom particulier, et il en est de même de tous les fluides, et, en
général, de toutes les substances qui ne sont point susceptibles de se
vaporiser au degré habituel de température et de pression dans lequel nous
vivons. Pagination
originale du document : p.46 Par une suite de
la même cause on n'a point donné de nom à la plupart des fluides aériformes
dans l'état liquide ou concret ; on ignorait que ces fluides fussent le
résultat de la combinaison d'une base avec le calorique, et, comme on ne
les avait jamais vus dans l'état de liquide ni de solide, leur existence
sous cette forme était inconnue même des physiciens. Nous n'avons pas jugé
qu'il nous fût permis de changer des noms reçus et consacrés dans la
société par un antique usage. Nous avons donc attaché aux mots d'eau et
de glace leur signification vulgaire ; nous avons de même exprimé par le
mot d'air la collection des fluides élastiques qui composent notre atmosphère ;
mais nous ne nous sommes pas crus obligés au même respect pour des
dénominations très-modernes nouvellement proposées par les physiciens. Nous
avons pensé que nous étions en droit de les rejeter et de leur en substituer
d'autres moins propres à induire en erreur ; et, lors même que nous nous sommes
déterminés à les adopter, nous n'avons fait aucune difficulté de les
modifier et d'y attacher des idées mieux arrêtées et plus circonscrites.
C'est principalement du grec que nous avons tiré les mots nouveaux, et
nous avons fait en sorte que lent, étymologie rappelât l'idée des choses que
nous nous proposions d'indiquer ; nous nous sommes attachés surtout
à n'admettre que des mots courts et, autant qu'il était possible, qui
fussent susceptibles de former des adjectifs et des verbes. D'après ces principes,
nous avons conservé, à l'exemple de M. Macquer, le nom de gaz employé
par Vanhelmont, et nous avons rangé sous cette dénomination la classe
nombreuse des fluides élastiques aériformes, en faisant cependant une
exception pour l'air de l'atmosphère. Le mot gaz est donc pour nous un
nom générique, qui désigne le dernier degré de saturation d'une substance
quelconque par le calorique : c'est l'expression d'une manière d'être
des corps. Il s'agissait ensuite de spécifier chaque espèce de gaz, et nous y
sommes parvenus en empruntant un second nom de celui de sa base. Nous appellerons
donc, gaz aqueux l'eau combinée avec le calorique et dans l'état de fluide
élastique aériforme
; la combinaison de l'éther avec le calorique sera Pagination
originale du document : p.47 le gaz éthéré ;
celle de l'esprit-de-vin avec le calorique sera le gaz alcoolique ; nous aurons
de même le gaz acide muriatique, le gaz ammoniac et ainsi de tous
les autres. Je m'étendrai davantage sur cet article, quand il
sera question de nommer les différentes bases. On a vu que l’air de
l'atmosphère était principalement composé de deux fluides aériformes ou gaz,
l'un respirable, susceptible d'entretenir la vie des animaux, dans lequel les
métaux se calcinent et les corps combustibles peuvent brûler ; l'autre,
qui a des propriétés absolument opposées, que les animaux ne peuvent respirer,
qui ne peut entretenir la combustion, etc. Nous avons donné à la base de la
portion respirable de l'air le nom d'oxygène, en le dérivant de
deux mots grecs όξύς, acide,
γείνομαι, j'engendre,
parce
qu'en effet une des propriétés les plus générales de cette base est de
former des acides en se combinant avec la plupart des substances.
Nous appellerons donc gaz oxygène la réunion de cette base avec le calorique.
Sa pesanteur dans cet état est assez exactement d'un demi-grain poids de
marc par pouce cube, ou d'une once et demie par pied cube, le tout à
10 degrés de température et à 28 pouces du baromètre. Les propriétés
chimiques de la partie non respirable de l'air de l'atmosphère
n'étant pas encore très-bien connues, nous nous sommes contentés de
déduire le nom de sa base de la propriété qu'a ce gaz de priver de
la vie les animaux qui le respirent, nous l'avons donc nommé azote, de
l'α privatif des Grecs, et de ζωή,
vie ; ainsi la partie non respirable de l'air sera le gaz azotique. Sa
pesanteur est de 1 once 2 gros 48 grains le pied cube, ou de 0 grain, 4444 le
pouce cube. Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce nom présentait
quelque chose d'extraordinaire ; mais c'est le sort de tous les noms
nouveaux ; ce n'est que par l'usage qu'on se familiarise avec eux. Nous en avons d'ailleurs cherché
longtemps un meilleur, sans qu'il nous ait été possible de le rencontrer ; nous avions été tentés d'abord de le nommer gaz
alcaligène, parce qu'il est prouvé, par les expériences de M. Berthollet, comme on le verra dans la suite, que ce gaz
entre dans la composition de l'alcali volatil ou ammoniaque ; mais, d'un
autre côté, Pagination
originale du document : p.48 nous n'avons
point encore la preuve qu'il soit un des principes constitutifs des autres
alcalis ; il est d'ailleurs prouvé qu'il entre également dans la
combinaison de l'acide nitrique ; on aurait donc été tout aussi fondé à le nommer principe
nitrigène. Enfin, nous avons dû rejeter un nom qui comportait une idée systématique, et nous n'avons pas risqué
de nous tromper en adoptant celui d'azote et de gaz azotique, qui n'exprime qu'un fait, ou plutôt
qu'une propriété : celle de priver de la vie les animaux qui respirent ce gaz. J'anticiperais sur des
notions réservées pour des articles subséquents, si je m'étendais davantage sur la nomenclature des
différentes espèces de gaz. Il me suffit d'avoir donné ici, non la dénomination de tous, mais la méthode
de les nommer tous. Le mérite de la nomenclature que nous avons adoptée consiste principalement en ce que, la substance
simple étant nommée, le nom de tous ses composés découle nécessairement
de ce premier mot. Pagination
originale du document : p.49 CHAPITRE V. DE LA
DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGENE PAR LE SOUFRE, LE PHOSPHORE ET LE
CHARBON, ET DE LA FORMATION DES ACIDES EN GÉNÉRAL.
Un des principes
qu'on ne doit jamais perdre de vue, dans l’art de faire des expériences, est de
les simplifier
le plus qu'il est possible, et d'en écarter toutes les circonstances qui peuvent
en compliquer les effets. Nous n'opérerons
donc pas, dans les expériences qui vont faire l'objet de ce chapitre, sur de l'air de l’atmosphère, qui n'est point une
substance simple. Il est bien vrai que le gaz azotique, qui fait une partie du mélange qui le constitue,
parait être purement passif dans les calcinations et les combustions ; mais,
comme il les ralentit, et comme il n'est pas impossible même qu'il en altère
les résultats dans quelques
circonstances, il m'a paru nécessaire de bannir cette cause d'incertitude.
J'exposerai donc, dans les expériences dont je vais rendre compte, le résultat
des combustions tel qu'il a lieu dans l'air vital ou gaz oxygène pur, et j'avertirai
seulement des différences qu'elles présentent quand le gaz oxygène est
mêlé de différentes proportions de gaz azotique. J'ai pris une cloche de cristal A (pl. IV, fig. 3), de 5
à 6 pintes de capacité, je l'ai emplie de gaz oxygène sur de l'eau, après quoi je l'ai transportée sur le bain
de mercure au moyen d'une capsule de verre que j'ai passée par-dessous ; j'ai ensuite séché la surface
du mercure et j'y ai introduit 65 grains 1/4 de phosphore de Kunkel, que j'ai
divisés dans deux capsules de porcelaine, semblables à celle qu'on voit en D
(fig. 3), sous la cloche A ; et, pour pouvoir allumer chacune de ces
deux portions séparément, et que l'inflammation ne se communiquât pas de
l'une à l’autre, j'ai recouvert l'une des deux avec un petit carreau de verre.
Lorsque tout a été ainsi préparé, j'ai élevé le mercure Pagination
originale du document : p.50 dans la cloche
à la hauteur EF, en suçant avec un siphon de verre GHI (même
figure), qu'on introduit par-dessous la cloche : pour qu'il ne se
remplisse pas en passant à travers le mercure, on tortille, à son
extrémité I, un petit morceau de papier. Puis, avec un fer recourbé,
rougi au feu, représenté fig. 16, j'ai allumé successivement le
phosphore des deux capsules, en commençant par celle qui n'était point recouverte avec un
carreau de verre. La combustion s'est faite avec une grande rapidité, avec une flamme brillante et un dégagement
considérable de chaleur et de lumière. Il y a eu, dans le premier instant, une dilatation considérable du gaz
oxygène, occasionnée par la chaleur ; mais bientôt le mercure a remonté au-dessus de son niveau, et il y a eu une
absorption considérable ; en même
temps tout l'intérieur de la cloche s'est tapissé de flocons blancs, légers,
qui n'étaient autre chose que de l'acide phosphorique concret. La quantité de
gaz oxygène employée était, toutes corrections
faites, au commencement de l'expérience, de 162 pouces cubiques ; elle s'est
trouvée, à la fin, seulement de 23
pouces 1/4 ; la quantité de gaz oxygène absorbée avait donc été de 138 pouces 3/4 ou de 69 grains,375. La totalité du phosphore
n’était pas brûlée ; il en restait dans les capsules quelques portions, qui, lavées, pour en séparer
l'acide, et séchées, se sont trouvées peser environ 16 grains 1/4, ce qui réduit à peu près à 45 grains la
quantité de phosphore brûlée ; je dis à peu près, parce qu'il ne serait pas impossible qu'il n'y eût
eu 1 ou 2 grains d'erreur sur le poids du phosphore restant après la combustion. Ainsi, dans cette
opération, 45 grains de phosphore se sont combinés avec 69 grains,375 d'oxygène ; et, comme rien de
pesant ne passe à travers le verre, on a droit d'en conclure que le poids de la
substance quelconque qui a résulté de cette combinaison, et qui s'était rassemblée en flocons blancs, devait s'élever à la
somme du poids de l'oxygène et de celui du phosphore, c'est-à-dire à 114 grains,375. On verra bientôt que ces
flocons blancs ne sont autre chose qu'un acide concret. En réduisant ces
quantités au quintal, on trouve qu'il faut employer 154 livres Pagination
originale du document : p.51 d'oxygène pour
saturer 100 livres de phosphore, et qu'il en résulte 254 livres de flocons
blancs ou acide phosphorique concret. Cette expérience prouve, d'une manière
évidente, qu'à un certain degré de température l'oxygène a plus
d'affinité avec le phosphore qu'avec le calorique ; qu'en conséquence le
phosphore décompose le gaz oxygène, qu'il s'empare de sa base, et qu'alors le calorique,
qui devient libre, s'échappe et se dissipe en se répartissant dans les corps
environnants. Mais, quelque concluante que fût cette expérience, elle
n'était pas encore suffisamment rigoureuse ; en effet, dans
l'appareil que j'ai employé et que je viens de décrire, il n'est pas possible
de vérifier le poids des flocons blancs ou de l'acide concret qui s'est
formé ; on ne peut le conclure que par voie de calcul et en le
supposant égal à la somme du poids de l'oxygène et du phosphore ; or, quelque évidente
que fût cette conclusion, il n'est jamais permis, en physique et en chimie, de
supposer ce qu'on peut déterminer par des expériences directes. J'ai donc cru
devoir refaire cette expérience un peu plus en grand et avec un appareil
différent. J'ai pris un grand ballon de verre A (pl. IV, fig.4), dont
l'ouverture EF avait 3 pouces de diamètre. Cette ouverture se recouvrait
avec une plaque de cristal usée à l'émeri, laquelle était percée de deux trous
pour le passage des tuyaux yyy, xxx. Avant de fermer le
ballon avec sa plaque, j'y ai introduit un support BC, surmonté d'une capsule
de porcelaine D, qui contenait 150 grains de phosphore. Tout étant ainsi
disposé, j'ai adapté la plaque de cristal sur l'ouverture du matras, et
j'ai luté avec du lut gras, que j'ai recouvert avec des bandes de linge
imbibées de chaux et de blanc d'œuf; lorsque ce lut a été bien séché, j'ai
suspendu tout cet appareil au bras d'une balance et j'en ai déterminé
le poids à un grain ou un grain et demi près. J'ai ensuite adapté le
tuyau xxx à une petite pompe pneumatique, et j'ai fait le vide ; après
quoi, ouvrant un robinet adapté au tuyau yyy, j'ai introduit du
gaz oxygène dans le ballon. Je ferai observer que ce genre d'expérience se fait avec assez
de facilité, et surtout avec Pagination
originale du document : p.52 beaucoup
d'exactitude, au moyen de la machine hydro-pneumatique dont nous avons donné la
description, M. Meunier et moi, dans les Mémoires de l'Académie, année
1782, page 466, et dont on trouvera une explication dans la
dernière partie de cet ouvrage ; qu'on peut, à l'aide de cet instrument,
auquel M. Meunier a fait, depuis, des additions et des corrections importantes,
connaître d'une manière rigoureuse la quantité de gaz oxygène
introduite dans le ballon, et celle qui s'est consommée pendant le cours de l'opération.
Lorsque tout a été ainsi disposé, j'ai mis le feu au phosphore avec un verre
ardent. La combustion a été extrêmement rapide, accompagnée d'une grande flamme
et de beaucoup de chaleur ; à mesure qu'elle s'opérait, il se formait une
grande quantité de flocons blancs qui s'attachaient sur les parois intérieures
du vase, et qui bientôt l'ont obscurci entièrement. L'abondance des vapeurs
était même telle, que, quoiqu'il rentrât continuellement de nouveau gaz
oxygène, qui aurait dû entretenir la combustion, le phosphore s'est bientôt
éteint. Ayant laissé refroidir parfaitement tout l'appareil, j'ai commencé par
m'assurer de la quantité
de gaz oxygène qui avait été employée, et par peser le ballon avant de
l'ouvrir. J'ai ensuite lavé, séché et pesé la
petite quantité de phosphore qui était restée dans la capsule et qui était de couleur jaune d'ocre, afin de la déduire de la
quantité totale de phosphore employée dans l'expérience. Il est clair qu'à l'aide de ces différentes précautions il
m'a été facile de constater : 1° le poids
du phosphore brûlé ; 2° celui des flocons blancs obtenus par la combustion ; 3°
le poids du gaz oxygène qui s'était
combiné avec le phosphore. Cette expérience m'a donné à peu près les mêmes résultats que la précédente : il en a également
résulté que le phosphore, en brûlant, absorbait un peu plus d'une fois et demie son poids d'oxygène, et j'ai acquis, de
plus, la certitude que le poids de la nouvelle substance produite était égal à
la somme du poids du phosphore brûlé et de l'oxygène qu'il avait absorbé, ce qu'il était, au surplus,
facile de prévoir a priori. Si le gaz oxygène qu'on a employé dans cette expérience était pur, le résidu
qui reste après la combustion est également pur ; ce qui Pagination
originale du document : p.53 prouve qu'il ne
s'échappe rien du phosphore qui puisse altérer la pureté de l'air, et qu'il
n'agit qu'en enlevant
au calorique sa base, c'est-à-dire l'oxygène qui y était uni. J'ai dit plus
haut que, si on brûlait un corps combustible
quelconque dans une sphère creuse de glace ou dans tout autre appareil construit sur le même principe, la quantité de
glace fondue pendant la combustion était une mesure exacte de la quantité de
calorique dégagé. On peut consulter à cet égard le mémoire que nous avons donné en commun à l'Académie, M. de Laplace et moi,
année 1780, page 355. Ayant soumis la combustion
du phosphore à cette épreuve, nous avons reconnu qu'une livre de phosphore, en
brûlant, fondait un peu plus de 100
livres de glace. La combustion du phosphore réussit également dans l'air de l'atmosphère, avec ces deux différences
seulement : 1° que la combustion est beaucoup moins rapide, attendu qu'elle est ralentie par la grande
proportion de gaz azotique qui se trouve mêlé avec le gaz oxygène ; 2° que le cinquième de l'air,
tout au plus, est seulement absorbé, parce que cette absorption se faisant toute aux dépens du gaz
oxygène, la proportion du gaz azotique devient telle, vers la fin de l'opération, que la combustion ne
peut plus avoir lieu. Le phosphore, par sa combustion, soit dans l'air ordinaire, soit dans le gaz oxygène, se
transforme, comme je l'ai déjà dit, en
une matière blanche floconneuse très-légère, et il acquiert des propriétés
toutes nouvelles ; d'insoluble qu'il était dans l'eau, non- seulement il
devient soluble, mais il attire l'humidité contenue dans l'air avec une étonnante rapidité, et il se résout en une liqueur
beaucoup plus dense que l'eau, et d'une
pesanteur spécifique beaucoup plus grande. Dans l'état de phosphore, et avant
sa combustion, il n'avait presque aucun goût ; par sa réunion avec l'oxygène il
prend un goût extrêmement aigre et piquant
; enfin, de la classe des combustibles il passe dans celle des substances
incombustibles, et il devient ce qu'on appelle un acide. Cette conversibilité
d'une substance combustible en un acide par l'addition de l'oxygène est,
comme nous le verrons bientôt, une pro- [propriété] Pagination
originale du document : p.54 priété commune à
un grand nombre de corps ; or, en bonne logique, on ne peut se dispenser de désigner sous un nom commun
toutes les opérations qui présentent des résultats analogues ; c'est le seul
moyen de simplifier l'étude des sciences, et il serait impossible d'en retenir
tous les détails, si on ne s'attachait à les
classer. Nous nommerons donc oxygénation la conversion du phosphore en
un acide, et en général la combinaison
d'un corps combustible quelconque avec l'oxygène. Nous adopterons également
l'expression d'oxygéner, et je dirai, en conséquence, qu'en oxygénant le
phosphore on le convertit en un
acide. Le soufre est également un corps combustible, c'est-à-dire qui a la propriété de décomposer l'air et d'enlever
l'oxygène au calorique. On peut s'en assurer aisément par des expériences toutes semblables à celles que
je viens de détailler pour le phosphore ; mais je dois avertir qu'il est impossible, en opérant de
la même manière sur le soufre, d'obtenir des résultats aussi exacts que ceux qu'on obtient avec le
phosphore, par la raison que l'acide qui se forme par la combustion du soufre est difficile à condenser ;
que le soufre lui-même brûle avec beaucoup de difficulté, et qu'il est susceptible de se dissoudre dans les différents
gaz. Mais ce que je puis assurer, d'après mes expériences, c'est que le soufre,
en brûlant, absorbe de l'air ; que l'acide qui se forme est beaucoup plus pesant que n'était le soufre, que son
poids est égal à la somme du poids du soufre et de l'oxygène qu'il a absorbés ; enfin, que cet acide est pesant,
incombustible, susceptible de se combiner
avec l'eau en toutes proportions ; il ne reste d'incertitude que sur la
quantité de soufre et d'oxygène qui
constituent cet acide. Le charbon, que tout, jusqu'à présent, porte à faire
regarder comme une substance
combustible simple, a également la propriété de décomposer le gaz oxygène et d'enlever sa base au calorique ; mais l'acide qui
résulte de cette combustion ne se condense pas au degré de pression et
de température dans lequel nous vivons, il demeure dans l'état de gaz, et il
faut une grande quantité d'eau pour
l'absorber. Cet acide, au surplus, a toutes les propriétés communes aux
acides, mais dans Pagination
originale du document : p.55 un degré plus
faible, et il s'unit comme eux à toutes les bases susceptibles de former des
sels neutres. On peut opérer la combustion du charbon, comme celle du
phosphore, sous une cloche de verre A
(pl. IV, fig.3),
remplie de gaz oxygène et renversée dans du mercure ; mais, comme la chaleur
d'un fer chaud, et même rouge, ne suffirait pas pour l'allumer, on ajoute,
par-dessus le charbon, un petit fragment d'amadou et ou petit atome de
phosphore, qu'on allume avec un fer rouge ; l'inflammation se
communique ensuite à l'amadou, puis au charbon. On trouve le détail de cette
expérience, Mémoires de l'Académie,
année 1781,
page 448. On y verra qu'il faut 72 parties d'oxygène en poids pour en
saturer 28 de charbon, et que l'acide aériforme qui est produit a une pesanteur
justement égale à la somme des poids du charbon et de l'oxygène qui
ont servi à le former. Cet acide aériforme a été nommé air
fixe ou air fixé par les premiers chimistes qui l’ont découvert ; ils
ignoraient alors si c'était de l'air semblable à celui de l'atmosphère ou un
autre fluide élastique, vicié et gâté par la combustion ; mais, puisqu'il est
constant aujourd'hui que cette substance aériforme est un acide, qu'il se forme, comme tous les autres acides, par
l'oxygénation d'une base, il est aisé de voir que le nom d'air fixe ne lui convient point. Ayant essayé, M.
de Laplace et moi, de brûler du charbon dans l'appareil propre à déterminer la quantité de calorique dégagée, nous
avons trouvé qu'une livre de charbon,
en brûlant, fondait 96 livres 6 onces de glace ; 2 livres 9 onces i gros i o
grains d'oxygène se combinent avec le
charbon dans cette opération, et il se forme 3 livres 9 onces 1 gros 10 grains
de gaz acide ; ce gaz pèse 0 grain,
695 le pouce cube, ce qui donne 34242 pouces cubiques pour le volume total de gaz acide qui se forme par la
combustion d'une livre de charbon. Je pourrais multiplier beaucoup plus
les exemples de ce genre, et faire voir, par une suite de faits nombreux, que la formation des acides s'opère par l'oxygénation
d'une substance quelconque ; mais la marche que je me suis engagé à
suivre, et qui consiste à ne procéder que du Pagination
originale du document : p.56 connu à
l'inconnu, et à ne présenter au lecteur que des exemples puisés dans des choses
qui lui ont été précédemment expliquées, m'empêche d'anticiper ici
sur les faits. Les trois exemples, d'ailleurs, que je viens de
citer, suffisent pour donner une idée claire et précise de la manière dont se
forment les
acides. On voit que l'oxygène est un principe commun à tous, et que c'est lui
qui constitue leur acidité ; qu'ils sont ensuite différenciés les uns des
autres par la nature de la substance acidifiée. Il faut donc distinguer, dans tout acide, la base acidifiable, à laquelle
M. de Morveau a donné le nom de radical, et le principe acidifiant,
c'est-à-dire l'oxygène. Pagination
originale du document : p.57 CHAPITRE VI. DE
LA NOMENCLATURE DES ACIDES EN GENERAL, ET PARTICULIEREMENT DE CEUX TIRES DU
SALPÊTRE ET DU SEL MARIN.
Rien n'est plus aisé,
d'après les principes posés dans le chapitre précédent, que d'établir une
nomenclature méthodique des acides : le mot acide sera le nom
générique ; chaque acide sera ensuite différencié dans le langage comme il l’est dans la nature, par le nom de sa base ou
de son radical. Nous nommerons donc
acides, en général, le résultat de la combustion ou de l'oxygénation du
phosphore, du soufre et du charbon.
Nous nommerons le premier de ces résultats acide phosphorique : le second, acide sulfurique ; le troisième, acide
carbonique. De même, dans toutes les occasions qui pourront se présenter, nous emprunterons du nom de
la base la désignation spécifique de chaque acide. Mais une circonstance remarquable que présente l'oxygénation des
corps combustibles, et, en général,
d'une partie des corps qui se transforment en acides, c'est qu'ils sont
susceptibles de différents degrés de
saturation ; et, les acides qui en résultent, quoique formés de la combinaison
des deux mêmes substances, ont des
propriétés fort différentes, qui dépendent de la différence de proportion.
L’acide phosphorique, et surtout l'acide sulfurique, en fournissent des
exemples. Si le soufre est combiné avec peu
d’oxygène, il forme, à ce premier degré d'oxygénation, un acide volatil d'une odeur pénétrante et qui a des propriétés
toutes particulières. Une plus grande proportion d'oxygène le convertit en un acide fixe, pesant, sans odeur, et qui
donne, dans les combinaisons, des produits
fort différents du premier. Ici, le principe de notre méthode de nomenclature
semblait se trouver en défaut, et il
paraissait difficile de tirer du nom de la base acidifiable deux déno[dénominations] Pagination
originale du document : p.58 minations qui
exprimassent, sans circonlocution et sans périphrase, les deux degrés de
saturation. Mais la réflexion, et plus encore peut-être la nécessité,
nous ont ouvert de nouvelles ressources, et nous avons cru
pouvoir nous permettre d'exprimer les variétés des acides par de simples
variations dans les terminaisons. L'acide volatil du soufre avait été
désigné par Stahl sous le nom d'acide sulfureux ; nous lui avons
conservé ce nom, et nous avons donné celui de sulfurique à l'acide du soufre
complétement saturé d'oxygène. Nous dirons donc, en nous servant de ce nouveau
langage, que le soufre, en se combinant avec l'oxygène, est
susceptible de deux degrés de saturation : le premier constitue l'acide sulfureux,
qui est pénétrant et volatil ; le second constitue l'acide sulfurique, qui est inodore et fixe. Nous adopterons ce même
changement de terminaison pour tous les acides qui présenteront plusieurs degrés de saturation ; nous aurons donc
également un acide phosphoreux et un acide phosphorique, un acide
acéteux et un acide acétique, et ainsi des autres. Toute cette partie de la chimie aurait été extrêmement simple, et la
nomenclature des acides n'aurait rien présenté d'embarrassant, si, lors de la découverte de chacun d'eux, on eût connu
son radical ou sa base acidifiable.
L'acide phosphorique, par exemple, n'a été découvert que postérieurement à la découverte du phosphore, et le nom qui lui a été
donné a été dérivé en conséquence de celui de la base acidifiable dont il est formé. Mais, lorsque, au contraire, l'acide
a été découvert avant la base, ou
plutôt lorsque, à l'époque où l'acide a été découvert, on ignorait quelle était
la base acidifiable à laquelle il
appartenait, alors on a donné à l'acide et à la base des noms qui n'avaient
aucun rapport entre eux, et non-seulement on a surchargé la mémoire de
dénominations inutiles, mais encore on a porté dans l'esprit des commençants,
et même des chimistes consommés, des idées fausses, que le temps seul et la réflexion peuvent effacer. Vous
citerons pour exemple l'acide du soufre. C'est du vitriol de fer qu'on a retiré cet acide dans le
premier âge de la chimie ; et on l’a nommé acide vitriolique, en empruntant son nom de celui de la Pagination
originale du document : p.59 substance dont il était tiré. On
ignorait alors que cet acide fût le même que celui qu'on obtenait du soufre par la combustion. Il en est de même de
l'acide aériforme auquel on a donné originairement le nom d'air fixe ;
on ignorait que cet acide fit le résultat de la combinaison du carbone avec
l'oxygène. De là une infinité de
dénominations qui lui ont été données, et dont aucune ne transmet des idées justes. Rien ne nous a été plus facile que de
corriger et de modifier l'ancien langage à l'égard de ces acides ; cous avons converti le nom d'acide
vitriolique en celui d'acide sulfurique, et celui d'air fixe en celui d'acide
carbonique ; mais il ne nous a pas été possible de suivre le même plan à
l'égard des acides dont la base nous
était inconnue. Nous nous sommes trouvés alors forcés de prendre nue marche inverse, et, au lieu de conclure le nom de
l'acide de celui de la base, nous avons nommé, au contraire, la base d'après la dénomination de
l'acide. C'est ce qui nous est arrivé pour l'acide qu'on retire du sel marin ou sel de cuisine. Il suffit,
pour dégager cet acide, de verser de l'acide sulfurique sur du sel marin : aussitôt il se fait une vive
effervescence, il s'élève des vapeurs blanches d'une odeur très-pénétrante, et,
en faisant légèrement chauffer, on dégage tout l'acide. Comme il est naturellement dans l'état de gaz au degré de
température et de pression dans lequel nous vivons, il faut des précautions
particulières pour le retenir. L'appareil le plus commode et le plus simple,
pour les expériences en petit,
consiste en une petite cornue G (pl. V, fig.5), dans laquelle on
introduit du sel marin bien sec ; on
verse dessus de l'acide sulfurique concentré, et aussitôt on engage le bec de
la cornue sous de petites jarres ou cloches de verre A (même figure),
qu'on a préalablement remplies de mercure. A mesure que le gaz acide se dégage,
il passe dans la jarre et gagne le haut en déplaçant le mercure. Lorsque
le dégagement se ralentit, on chauffe légèrement et on augmente le feu jusqu'à
ce qu'il ne passe plus rien. Cet acide a une
grande affinité avec l’eau, et cette dernière en absorbe une énorme quantité. On peut s'en assurer en
introduisant une petite couche d'eau dans la jarre de verre qui le
contient ; en un instant l'acide se combine avec elle et disparaît Pagination
originale du document : p.60 en entier. On
profite de cette circonstance, dans les laboratoires et dans les arts, pour
obtenir l'acide du sel marin sous la forme de liqueur. On se sert, à cet
effet, de l'appareil représenté pl. IV, fig. 1. Il consiste : l°
dans une cornue A, où l'on introduit le sel marin, et dans laquelle on
verse de l'acide sulfurique par la tubulure H ; 2° dans le ballon CB
destiné à recevoir la petite quantité de liqueur qui se dégage ; 3°
dans une suite de bouteilles à deux goulots LL 'L "L''', qu'on
remplit d'eau à moitié. Cette eau est destinée à absorber le gaz acide qui se
dégage pendant la distillation. Cet appareil est plus amplement décrit dans la
dernière partie de cet ouvrage. Quoiqu'on ne soit encore parvenu ni à composer, ni à décomposer l'acide qu'on retire du
sel marin, on ne peut douter cependant qu'il ne soit formé, comme tous les autres, de la réunion d'une
base acidifiable avec l'oxygène. Nous avons nommé cette base inconnue base muriatique, radical muriatique, en
empruntant ce nom, à l'exemple de M.
Bergman et de M. de Morveau, du mot latin maria, donné anciennement au
sel marin. Ainsi, sans pouvoir
déterminer quelle est exactement la composition de l'acide muriatique, nous désignerons sous cette dénomination un acide
volatil, dont l'état naturel est d'être sous forme gazeuse au degré de chaleur et de pression que
nous éprouvons, qui se combine avec l'eau en très-grande quantité et avec beaucoup de facilité, enfin dans lequel le
radical acidifiable tient si fortement
à l'oxygène, qu'on ne connaît, jusqu'à présent, aucun moyen de les séparer. Si
un jour on vient à rapporter le
radical muriatique à quelque substance connue, il faudra bien alors changer sa dénomination
et lui donner un nom analogue à celui de la base dont la nature aura été
découverte. L'acide muriatique présente au
surplus une circonstance très-remarquable : il est, comme l'acide du soufre et comme plusieurs autres, susceptible de
différents degrés d'oxygénation ; mais l'excès d'oxygène produit en lui un effet tout contraire à celui qu'il produit
dans l'acide du soufre. Un premier
degré d'oxygénation transforme le soufre en un Pagination
originale du document : p.61 acide gazeux
volatil, qui ne se mêle qu'en petite quantité avec l'eau : c'est celui que nous
désignons avec Stahl sous le nom d'acide sulfureux. Une dose plus
forte d'oxygène le convertit en acide sulfurique, c'est-à-dire en un acide qui présente des
dualités acides plus marquées, qui est beaucoup plus fixe, qui ne peut exister dans l'état de gaz qu'à une haute
température, qui n'a point d'odeur, et qui
s'unit à l'eau en très-grande quantité. C'est le contraire dans l'acide
muriatique ; l'addition d'oxygène le
rend plus volatil, d'une odeur plus pénétrante, moins miscible à l'eau, et
diminue ses qualités acides. Nous avions d'abord été tentés d'exprimer ces deux
degrés de saturation, comme nous
l'avions fait pour l'acide du soufre, en faisant varier les terminaisons. Nous
aurions nommé l'acide le moins saturé
d'oxygène acide muriateux, et le plus saturé, acide muriatique ;
mais nous avons cru que cet acide,
qui présente des résultats particuliers, et dont on ne connaît aucun autre exemple en chimie, demandait une exception, et
nous nous sommes contentés de le nommer acide muriatique oxygéné. Il est
un autre acide que nous nous contenterons de définir comme nous l'avons l'ait pour l'acide muriatique, quoique sa base
soit mieux connue : c'est celui que les chimistes ont désigné jusqu'ici sous le nom d'acide nitreux. Cet
acide se tire du nitre ou salpêtre par des procédés analogues à ceux qu'on emploie pour obtenir
l'acide muriatique. C'est également par l'intermède de l'acide sulfurique qu'on le chasse de la base à
laquelle il est uni, et on se sert de même, à cet effet, de l'appareil
représenté pl. IV, fig. 1. A mesure que l'acide passe, une partie se condense
dans le ballon, l'autre est absorbée par l'eau des bouteilles LL 'L "L
''', qui devient d'abord verte, puis bleue, et enfin jaune, suivant le
degré de concentration de l'acide. Il se dégage pendant cette opération une
grande quantité de gaz oxygène mêlé
d'un peu de gaz azotique. L'acide qu'on tire ainsi du salpêtre est composé, comme tous les autres, d'oxygène uni à
une base acidifiable, et c'est même le premier dans lequel l'existence de l'oxygène ait été bien
démontrée. Les deux principes qui le constituent tiennent peu ensemble,
et on les sépare aisément en présentant à l’oxygène une substance avec laquelle
il ait Pagination
originale du document : p.62 plus d'affinité
qu'il n'en a avec la base acidifiable qui constitue l'acide du nitre. C'est par
des expériences de ce genre qu'on est parvenu à reconnaître que l'azote ou
base de la mofette entrait dans sa composition, qu'elle était sa base
acidifiable. L'azote est donc véritablement le radical nitrique, ou l'acide
du nitre est un véritable acide azotique. On voit donc que, pour être d'accord
avec nous-mêmes et avec nos principes, nous aurions du adopter l'une ou
l'autre de ces manières de nous énoncer. Nous en avons été détournés
cependant par différents motifs : d'abord il nous a paru difficile de
changer le nom de nitre ou de salpêtre généralement adopté dans les arts, dans
la société et dans la chimie. Nous n'avons pas cru, d'un autre côté,
devoir donner à l'azote le nom de radical nitrique, parce que cette substance
est également la base de l'alcali volatil ou ammoniaque, comme l'a
découvert M. Berthollet. Nous continuerons donc de désigner sous le nom d'azote
la base de la partie non respirable de l'air atmosphérique, qui est en
même temps le radical nitrique et le radical ammoniac. Nous
conserverons également le nom de nitreux et de nitrique à l'acide tiré du nitre
ou salpêtre. Plusieurs chimistes d'un grand poids ont désapprouvé notre
condescendance pour les anciennes dénominations ; ils auraient
préféré que nous eussions dirigé uniquement nos efforts vers la perfection de la
nomenclature, que nous eussions reconstruit l'édifice du langage chimique de
fond en comble, sans nous embarrasser de le
raccorder avec d'anciens usages dont le temps effacera insensiblement le souvenir ; et c'est ainsi que
nous nous sommes trouvés exposés à la fois à la critique et aux plaintes des deux partis opposés. L'acide du nitre est
susceptible de se présenter dans un
grand nombre d'états qui dépendent du degré d'oxygénation qu'il a éprouvé,
c'est-à-dire de la proportion d'azote et d'oxygène qui entre dans sa
composition. Un premier degré d'oxygénation de l'azote constitue un gaz particulier, que nous continuerons de désigner
sous le nom de gaz nitreux : il est
composé d'environ deux parties en poids d'oxygène et d'une d'azote, et dans cet
état il est immiscible à l'eau. Il
s'en faut beaucoup que l'azote, dans ce gaz, soit saturé d'oxygène ; il lui
reste, au contraire, Pagination
originale du document : p.63 une grande
affinité pour ce principe, et il l'attire avec une telle activité, qu'il
l'enlève même à l'air de l'atmosphère, sitôt qu'il est en contact
avec lui. La combinaison du gaz nitreux avec l'air de l'atmosphère est
même devenue un des moyens qu'on emploie pour déterminer la quantité d'oxygène contenue
dans ce dernier, et pour juger de son degré de salubrité. Cette addition
d'oxygène convertit le gaz nitreux en un acide puissant, qui a une
grande affinité avec l'eau, et qui est susceptible lui-même de différents
degrés d'oxygénation. Si la proportion de l'oxygène et de l'azote est audessous
de trois parties contre une, l'acide est rouge et fumant ; dans cet état nous
le nommons acide nitreux ; on peut, en le faisant légèrement chauffer, en
dégager du gaz nitreux. Quatre parties d'oxygène contre une d'azote donnent un
acide blanc et sans couleur, plus fixe au feu que le précédent, qui a
moins d'odeur, et dont les deux principes constitutifs sont plus solidement
combinés ; nous lui avons donné, d'après les principes exposés
ci-dessus, le nom d'acide nitrique. Ainsi l'acide nitrique est
l'acide du nitre surchargé d'oxygène ; l'acide nitreux est l'acide du nitre
surchargé d'azote, ou, ce qui est la même chose, de gaz nitreux ; enfin
le gaz nitreux est l'azote qui n'est point assez saturé d'oxygène
pour avoir les propriétés des acides. C’est ce que nous nommerons plus bas un
oxyde. une grande affinité pour ce principe, et il l'attire avec une telle
activité, qu'il l'enlève même à l'air de l'atmosphère, sitôt qu'il est
en contact avec lui. La combinaison du gaz nitreux avec l'air de l'atmosphère
est même devenue un des moyens qu'on emploie pour déterminer la quantité
d'oxygène contenue dans ce dernier, et pour juger de son degré de
salubrité. Cette addition d'oxygène convertit le gaz nitreux
en un acide puissant, qui a une grande affinité avec l'eau, et qui est
susceptible lui-même de différents degrés d'oxygénation. Si la
proportion de l'oxygène et de l'azote est audessous de trois
parties contre une, l'acide est rouge et fumant ; dans cet état nous le nommons
acide nitreux ; on peut, en le faisant légèrement chauffer, en dégager du gaz
nitreux. Quatre parties d'oxygène contre une d'azote donnent un acide blanc et
sans couleur, plus fixe au feu que le précédent, qui a moins d'odeur, et
dont les deux principes constitutifs sont plus solidement combinés ; nous
lui avons donné, d'après les principes exposés ci-dessus, le nom d'acide
nitrique. Ainsi l'acide nitrique est l'acide du nitre surchargé
d'oxygène ; l'acide nitreux est l'acide du nitre surchargé d'azote, ou, ce
qui est la même chose, de gaz nitreux ; enfin le gaz nitreux est l'azote qui
n'est point assez saturé d'oxygène pour avoir les propriétés des
acides. C’est ce que nous nommerons plus bas un oxyde. Pagination
originale du document : p.64 CHAPITRE VII. DE
LA DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGÈNE PAR LES MÉTAUX, ET DE LA FORMATION DES
OXYDES MÉTALLIQUES.
Lorsque les substances métalliques sont échaudées
à un certain degré de température, l'oxygène a plus d'affinité avec elles
qu'avec le calorique
: en conséquence toutes les substances métalliques, si l'on en excepte l'or,
l'argent et le platine, ont la propriété de
décomposer le gaz oxygène, de s'emparer de sa base et d'en dégager le calorique. On a déjà vu plus haut comment s'opérait
cette décomposition de l'air par le mercure et par le fer ; on a observé que la première ne pouvait être regardée que
comme une combustion lente ; que la
dernière, au contraire, était très-rapide et accompagnée d'une flamme
brillante. S'il est nécessaire
d'employer un certain degré de chaleur dans ces opérations, c'est pour écarter
les unes des autres les molécules du
métal, et diminuer leur affinité d'agrégation, ou, ce qui est la même chose, l'attraction qu'elles exercent les unes sur
les autres. Les substances métalliques, pendant leur calcination, augmentent de
poids à proportion de l'oxygène qu'elles absorbent ; en même temps elles perdent leur éclat métallique et se réduisent en
une poudre terreuse. Les métaux, dans cet état, ne doivent point être
considérés comme entièrement saturés d'oxygène, par la raison que leur action
sur ce principe est balancée par la force
d'attraction qu'exerce sur lui le calorique. L'oxygène, dans la calcination des métaux, obéit donc réellement à
deux forces, à celle exercée par le calorique et à celle exercée par le métal ; il ne tend à s'unir à
ce dernier qu'en raison de la différence de ces deux forces, de l'excès de l'une sur l'autre, et cet
excès, en général, n'est pas fort considérable. Aussi les substances métalliques,
en s'oxygénant dans l'air et dans le gaz oxygène, ne se con- [convertissent] Pagination
originale du document : p.65 vertissent-elles
point en acides, comme le soufre, le phosphore et le charbon : il se forme des substances
intermédiaires qui commencent à se rapprocher de l'état salin, mais qui n'ont
pas encore acquis toutes les propriétés salines. Les anciens ont
donné le nom de chaux, non seulement aux métaux amenés à cet état, mais
encore à toute substance qui avait été exposée longtemps à l'action du feu
sans se fondre. Ils ont fait, en conséquence, du mot chaux, un nom
générique, et ils ont confondu sous ce nom, et la pierre calcaire, qui,
d'un sel neutre qu'elle était dans la calcination, se convertit en feu, en un alcali
terreux en perdant moitié de son poids, et les métaux qui s'associent par la même opération une nouvelle substance dont la
quantité excède quelquefois moitié de leur poids, et qui les rapproche de l'état d'acide. Il aurait
été contraire à nos principes de classer sous un même nom des substances différentes, et surtout de
conserver aux métaux une dénomination si propre à faire naître des idées fausses. Nous avons en
conséquence proscrit l'expression de chaux métalliques, et nous y avons substitué celui d'oxydes, du grec όξύς.
On voit, d'après cela, combien le
langage que nous avons adopté est fécond et expressif : un premier degré
d'oxygénation constitue les oxydes ; un second degré constitue les acides
terminés en eux, comme l'acide nitreux,
l'acide sulfureux ; un troisième degré constitue les acides en ique, tels
que l'acide nitrique, l'acide
sulfurique ; enfin nous pouvons exprimer un quatrième degré
d'oxygénation des substances, en
ajoutant l'épithète d'oxygéné, comme nous l'avons admis pour l'acide
muriatique oxygéné. Nous ne nous sommes pas contentés de désigner sous le nom
d'oxydes la combinaison des métaux
avec l'oxygène ; nous n'avons fait aucune difficulté de nous en servir pour
exprimer le premier degré
d'oxygénation de toutes les substances, celui qui, sans les constituer acides,
les rapproche de l'état salin. Nous
appellerons donc oxyde de soufre le soufre devenu mou par un commencement de combustion ; nous appellerons
oxyde de phosphore la substance jaune que laisse le phosphore quand il a brêlé. Pagination
originale du document : p.66 Nous dirons de
même que le gaz nitreux, qui est le premier degré d'oxygénation de l'azote, est
un oxyde d'azote. Enfin, le règne végétal et le règne animal auront leurs
oxydes, et je ferai voir, dans la suite, combien ce nouveau langage
jettera de lumières sur toutes les opérations de l'art et de la nature.
Les oxydes métalliques ont, comme nous l'avons déjà fait observer, presque tous
des couleurs qui leur sont propres, et ces couleurs varient, non-seulement
pour les différents métaux, mais encore suivant le degré
d'oxygénation du même métal. Nous nous sommes donc trouvés obligés
d'aj outer à chaque oxyde deux épithètes, l'une qui indiquât le métal oxydé,
l'autre sa couleur ; ainsi nous dirons oxyde noir de fer, oxyde rouge
de fer, oxyde jaune de fer ; et ces expressions répondront à celles d'éthiops
martial, de colcothar, de rouille de fer ou d'ocre. Nous dirons de même oxyde
gris de plomb, oxyde jaune de plomb, oxyde rouge de plomb, et ces expressions
désigneront la cendre de plomb, le massicot et le minium. Ces
dénominations seront quelquefois un peu longues, surtout quand on voudra exprimer si
le métal a été oxydé à l'air, s'il l’a été par la détonation avec le nitre ou par l'action des acides ; mais au moins
elles seront touj ours justes, et feront naître l'idée précise de
l'objet qui y correspond. Les tables jointes à cet ouvrage rendront ceci plus
sensible. Pagination
originale du document : p.67 CHAPITRE VIII.
DU PRINCIPE RADICAL DE L'EAU, ET DE SA DÉCOMPOSITION PAR LE CHARBON
ET PAR LE FEU.
Jusqu'à ces derniers temps on avait regardé l'eau comme une substance
simple, et les anciens n'avaient fait aucune difficulté de la qualifier du nom
d'élément : c'était sans doute une substance élémentaire pour eux, puisqu'ils
n'étaient point parvenus à la décomposer, ou au moins puisque les
décompositions de l'eau qui s'opéraient journellement sous leurs
yeux avaient échappé à leurs observations ; mais on va voir que l'eau n'est
plus un élément pour nous. Je ne donnerai point ici l'histoire de cette
découverte, qui est très-moderne, et qui même est encore contestée.
On peut consulter à cet égard les Mémoires de l'Académie des sciences, année
1781. Je me contenterai de rapporter les principales preuves de la
décomposition et de la recomposition de l'eau ; j'ose dire que, quand on
voudra bien les peser sans partialité, on les trouvera démonstratives.
PREMIÈRE EXPÉRIENCE. PRÉPARATION.
On prend un tube de verre EF (pl. VII, fig.2), de 8 à 12 lignes
de diamètre, qu'on fait passer à travers un fourneau, en lui donnant une légère inclinaison de E en F. A
l'extrémité supérieure E de ce tube, on ajuste une cornue de verre A,
qui contient une quantité d'eau
distillée bien connue, et à son extrémité F, un serpentin SS', qui
s'adapte en S' au goulot d'un
flacon H à deux tubulures ; enfin, à l'une des deux tubulures du flacon s'adapte un tube de verre recourbé KK, destiné
à conduire les fluides aériformes ou gaz dans un appareil propre à en
déterminer la qualité et la quantité. Pagination
originale du document : p.68 Il est
nécessaire, pour assurer le succès de cette expérience, que le tube EF soit
de verre vert bien cuit et d'une fusion difficile ; on l'enduit, en
outre, d'un lut d'argile mêlée avec du ciment fait avec des poteries de grès
réduites en poudre ; et, dans la crainte qu'il ne fléchisse par le
ramollissement, on le soutient dans son milieu avec une barre de fer qui
traverse le fourneau. Des tuyaux de porcelaine sont préférables à ceux de verre, mais il est
difficile de s'en procurer qui ne soient pas poreux, et presque touj ours on y
découvre quelques trous qui donnent passage à l'air ou aux vapeurs. Lorsque tout a été ainsi disposé, on allume du feu
dans le fourneau EFCD, et on l'entretient de manière à faire rougir le tube de verre EF, sans
le fondre ; en même temps on allume assez de feu dans le fourneau VVXX, pour entretenir toujours bouillante l'eau
de la cornue A. EFFET. A mesure que
l'eau de la cornue A se vaporise par l'ébullition, elle remplit l'intérieur du
tube EF, et elle en chasse
l'air commun qui s'évacue par le tube KK ; le gaz aqueux est ensuite
condensé par le refroidissement dans le serpentin SS', et il
tombe de l'eau goutte à goutte dans le flacon tubulé H. En continuant cette opération jusqu'à ce que toute
l'eau de la cornue A soit évaporée, et en laissant bien égoutter les vaisseaux, on retrouve dans le flacon
H une quantité d'eau rigoureusement égale à celle qui était dans la cornue A, sans qu'il y
ait eu dégagement d'aucun gaz ; en sorte que cette opération se réduit à une simple distillation ordinaire, dont
le résultat est absolument le même que si l'eau n'eût point été portée à l'état incandescent en
traversant le tube intermédiaire EF.
DEUXIÈME EXPÉRIENCE. PRÉPARATION.
On dispose tout comme
dans l'expérience précédente, avec cette Pagination
originale du document : p.69 différence
seulement, qu'on introduit dans le tube EF 28 grains de charbon concassé
en morceaux de médiocre grosseur, et qui préalablement a été longtemps
exposé à une chaleur incandescente dans des vaisseaux fermés. On fait, comme
dans l'expérience précédente, bouillir l’eau de la cornue
A, jusqu'à
évaporation totale. EFFET. L'eau de la cornue A se distille dans cette
expérience comme dans la précédente ; elle se condense dans le serpentin et
coule goutte à goutte dans le flacon H ; mais en même
temps il se dégage une quantité considérable de gaz qui s'échappe par le tuyau KK,
et qu'on recueille dans un appareil convenable. L'opération
finie, on ne retrouve plus dans le tube EF
que quelques
atomes de cendre ; les 28 grains de charbon ont totalement disparu. Les gaz qui
se sont dégagés, examinés avec soin, se trouvent peser ensemble (1) 113
grains 7/10 ; ils sont de deux espaces, savoir : 144 pouces cubiques de
gaz acide carbonique pesant 100 grains, et 380 pouces cubiques d'un
gaz extrêmement léger pesant 13 grains 7/10, et qui s'allume par l'approche
d'un corps enflammé lorsqu'il a le contact de l'air. Si on vérifie
ensuite le poids de l'eau passée dans le flacon, on la trouve
diminuée de 85 grains 7/10. Ainsi, dans cette expérience, 85 grains 7/10 d'eau,
plus 28 grains de charbon ont formé 100 grains d'acide
carbonique, plus 13 grains 7/10 d'un gaz particulier susceptible de
s'enflammer. Mais j'ai fait voir plus haut que, pour former 100 grains de gaz
acide carbonique, il fallait unir 72 grains d'oxygène à 28 grains de charbon ;
donc les 28 grains de charbon placés dans le tube de verre ont enlevé à l'eau
72 grains d'oxygène ; donc 85 grains 7/10 d'eau sont composés de 72 grains
d'oxygène et de 13 grains 7/10 d'un gaz susceptible de s'enflammer. On verra bientôt qu'on ne peut pas
supposer que (1) On trouvera, dans la dernière partie
de cet ouvrage, le détail des procédés qu’on emploie pour séparer les différentes
espèces de gaz et pour les peser. Pagination
originale du document : p.70 ce gaz ait été
dégagé du charbon, et qu'il est conséquemment un produit de l'eau. J'ai
supprimé, dans l'exposé de cette expérience, quelques détails qui n'auraient
servi qu'à la compliquer et à jeter de l'obscurité dans les idées des
lecteurs ; le gaz inflammable, par exemple, dissout un peu de charbon, et cette circonstance en
augmente le poids et diminue au contraire l'acide carbonique ; l'altération qui
en résulte dans les quantités n'est pas
très-considérable, mais j'ai cru devoir les rétablir par calcul et présenter l'expérience dans toute sa simplicité,
et comme si cette circonstance n'avait pas lieu. Au surplus, s'il restait quelques nuages sur la
vérité des conséquences que je tire de cette expérience, ils seraient bientôt
dissipés par les autres expériences que je vais rapporter à l'appui.
TROISIÈME EXPÉRIENCE.
PRÉPARATION.
On dispose tout l'appareil comme dans l'expérience précédente,
avec cette différence seulement, qu'au lieu des 28 grains de charbon on met
dans le tube EF (pl. VII, fig. 11)
274 grains de petites lames de fer très-doux roulées en spirales. On fait
rougir le tube comme dans les
expériences précédentes ; on allume du feu sous la cornue A, et on
entretient l'eau qu'elle contient
toujours bouillante, jusqu'à ce qu'elle soit entièrement évaporée, qu'elle ait
passé en totalité dans le tube EF et
qu'elle se soit condensée dans le flacon H. Il ne se dégage point de gaz acide carbonique dans cette expérience, mais seulement
un gaz inflammable treize fois plus léger que l'air de l'atmosphère : le
poids total qu'on en obtient est de 15 grains, et son volume est d'environ 416 pouces cubiques. Si on compare la quantité d'eau
primitivement employée avec celle restante dans le flacon H, on trouve un déficit de 100
grains. D'un autre côté, les 274 grains de fer renfermés dans le tube EF
se trouvent peser 85 grains de plus que Pagination
originale du document : p.71
RÉFLEXIONS.
Le
résultat de cette expérience présente une véritable oxydation du fer par beau, oxydation
toute semblable à celle qui s'opère dans l’air à l'aide de la
chaleur. 100 grains d'eau ont été décomposés : 85 d'oxygène se sont unis
au fer pour le constituer dans l'état d'oxyde noir, et il s'est
dégagé 16 grains d'un gaz inflammable particulier ; donc l'eau est composée d'oxygène
et de la base d'un gaz inflammable, dans la proportion de 85 parties contre 15.
Ainsi l'eau, indépendamment de l'oxygène, qui est un de ses principes, et qui
lui est commun avec beaucoup d'autres substances, en contient un autre
qui lui est propre, qui est son radical constitutif, et auquel nous nous
sommes trouvés forcés de donner un nom. Aucun ne nous a paru plus convenable que celui d'hydrogène,
c'est-à-dire “ principe générateur de l'eau, ” de ΰδωρ,
eau, et de γείνομαι, j'engendre.
Nous
appellerons gaz
hydrogène
la combinaison de ce principe avec le calorique, et le mot d'hydrogène
seul exprimera la base de ce même gaz, le
radical de l'eau (1). Voilà donc un nouveau corps combustible, c'est-à-dire un
corps qui a assez d'affinité avec l'oxygène pour l'enlever au calorique, et
pour décomposer l'air ou le gaz oxygène. Ce
corps combustible a lui-même une telle affinité avec le calorique, qu'à moins qu'il
ne soit engagé dans une combinaison il est touj ours dans l'état aériforme ou
de gaz,
(1) On a critiqué même avec assez
det’amertume cette expression hydrogène, parce
quet’on a prétendu quet’elle signifiait fils de let’eau, et non
pas qui engendre let’eau. Mais quet’importe, si let’expression est également
juste dans les deux sens. Les expériences rapportées dans ce chapitre prouvent que
let’eau, en se décomposant, donne naissance à let’hydrogène, et surtout que
let’hydrogène donne naissance à let’eau en se combinant avec let’oxygène. On peut donc dire également que
let’eau engendre let’hydrogène et que let’hydrogène
engendre let’eau. Pagination
originale du document : p.72 au degré
habituel de pression et de température dans lequel nous vivons. Dans cet état
de gaz, il est environ treize fois plus léger que l'air de l'atmosphère ; il
n'est point absorbable par l'eau, mais il est susceptible d'en
dissoudre une petite quantité ; enfin il ne peut servir à la respiration des
animaux. La propriété de brûler et de s'enflammer n'étant, pour ce
gaz, comme pour tous les autres combustibles, que la propriété de
décomposer l’air et d'enlever l'oxygène au calorique, on conçoit qu'il ne
peut brûler qu'avec le contact de l'air ou du gaz oxygène. Aussi, lorsqu'on
emplit une bouteille de ce gaz et qu'on l'allume, il brûle paisiblement au
goulot de la bouteille et ensuite dans son intérieur, à mesure que l’air
extérieur y pénètre ; mais la combustion est successive et lente ; elle n'a lieu qu'à la surface, où
le contact des deux airs ou gaz s'opère. Il n’en est pas de même lorsqu'on mêle
ensemble les deux airs avant de les allumer : si, par exemple, après avoir
introduit dans une bouteille à goulot étroit une partie de gaz oxygène, et
ensuite deux de gaz hydrogène, on approche de son
orifice un corps enflammé, tel qu'une bougie ou un morceau de papier allumé, la
combustion des deux gaz se fait,
d'une manière instantanée et avec une forte explosion. On ne doit faire cette expérience que dans une bouteille de verre vert
très-forte, qui n'excède pas une pinte de capacité, et qu'on enveloppe même
d'un linge ; autrement on s'exposerait à des accidents funestes par la rupture de la bouteille, dont les fragments pourraient être
lancés à de grandes distances. Si tout ce que je viens d'exposer sur la
décomposition de l'eau est exact et vrai, si réellement cette substance est composée, comme j'ai cherché à l'établir, d'un
principe qui lui est propre, d'hydrogène combiné avec l'oxygène, il en résulte qu'en réunissant ces deux
principes on doit refaire de l'eau, et c'est ce qui arrive en effet,
comme on va en juger par l'expérience suivante. Pagination
originale du document : p.73 QUATRIÈME
EXPÉRIENCE. - RECOMPOSITION DE L’EAU. PRÉPARATION.
On prend un ballon A
de cristal (pl. IV, fig.5), à large ouverture, et dont la capacité soit de
30 pintes environ ; on y mastique une platine de cuivre BC percée de
quatre trous auxquels aboutissent quatre tuyaux. Le premier Hh est destiné à
s'adapter, par son extrémité h, à une pompe pneumatique par le moyen de laquelle on peut faire le vide dans le ballon. Un
second tuyau gg communique, par son extrémité MM, avec
un réservoir de gaz oxygène, et est destiné à l'amener dans le ballon. Un
troisième dDd' communiqua, par
son extrémité dNN, avec un réservoir de gaz hydrogène ; l'extrémité d'
de ce tuyau se termine par une ouverture très-petite, et à travers laquelle une
très-petite aiguille peut à peine passer.
C'est par cette petite ouverture que doit sortir le gaz hydrogène contenu dans
le réservoir ; et, pour qu'il y ait
une vitesse suffisante, on doit lui faire éprouver une pression de 1 ou 2
pouces d'eau. Enfin, la platine BC est
percée d'un quatrième trou, lequel est garni d'un tube de verre mastiqué, à travers lequel passe un fil de métal GL, à
l'extrémité L duquel est adaptée une petite boule, afin de pouvoir tirer une étincelle électrique de L en
d' pour allumer, comme on le verra bientôt, le gaz hydrogène. Le fil de métal GL est mobile
dans le tube de verre, afin de pouvoir éloigner la boule L de l'extrémité d' de l'ajutoir Dd'. Les
trois tuyaux dDdç gg, Hh sont chacun garnis de leur robinet. Pour que le
gaz hydrogène et le gaz oxygène arrivent bien secs par les tuyaux respectifs
qui doivent les amener au ballon A, et qu'ils soient dépouillés d'eau
autant qu'ils le peuvent être, on les fait passe à travers des tubes MM, NN, d'un pouce environ de diamètre, qu'on
remplit, d'un sel très-déliquescent,
c'est-à-dire qui attire l'humidité de l'air avec beaucoup d'avidité, tels que
l'acétite de potasse, le muriate ou le
nitrate de chaux. (Voy. quelle est la composition des sels dans la seconde
partie de cet ouvrage.) Ces sels doivent être en poudre gros- [grossière] Pagination
originale du document : p.74 sière, afin
qu'ils ne puissent pas faire masse, et que le gaz passe facilement à travers
les interstices que laissent les morceaux. On doit s'être prémuni
d'avance d'une provision suffisante de gaz oxygène bien pur ; et, pour s'assurer qu'il
ne contient point d'acide carbonique, on doit le laisser longtemps en contact avec de la potasse dissoute dans de l'eau,
et qu'on a dépouillée de son acide carbonique par de la chaux ; on donnera plus
bas quelques détails sur les moyens d'obtenir cet alcali. On prépare avec le même soin le double de gaz hydrogène. Le
procédé le plus sûr pour l'obtenir exempt de mélange consiste à le tirer de la décomposition de l'eau par du fer bien
ductile et bien pur. Lorsque ces deux
gaz sont ainsi préparés, ou adapte la pompe pneumatique au tuyau Hh, et
on fait le vide dans le grand ballon A
; on y introduit ensuite l'un ou l'autre des deux gaz, mais de préférence
le gaz oxygène par le tuyau gg, puis on oblige, par un certain
degré de pression, le gaz hydrogène à entrer dans
le même ballon par le tuyau dDdç dont l'extrémité d' se termine
en pointe. Enfin on allume ce gaz à
l'aide d'une étincelle électrique. En fournissant ainsi de chacun des deux
airs, on parvient à continuer
très-longtemps la combustion. J'ai donné ailleurs la description des appareils
que j'ai employés pour cette
expérience, et j'ai expliqué comment on parvient à mesurer les quantités de gaz
consommées avec une rigoureuse
exactitude. (Voy. la troisième partie de cet ouvrage.) EFFET. A mesure que la combustion s'opère, il se dépose de
l'eau sur les parois intérieures du ballon ou matras ; la quantité de cette eau augmente peu à peu, elle
se réunit en grosses gouttes, qui coulent et se rassemblent dans le fond du
vase. En pesant le matras avant et après l'opération, il est facile de connaître la quantité d'eau qui s'est ainsi
rassemblée. On a donc, dans cette expérience, une double vérification : d'une part le poids des gaz
employés, de l'autre celui de l'eau formée ; et ces deux quantités
doivent Pagination
originale du document : p.75 (1) Voy. La description de cet appareil dans la troisième
partie de cet ouvrage. Pagination
originale du document : p.76 conque ne peut
rien fournir dans une expérience au delà de la totalité de son poids ; il faut
donc qu'il s'ajoute une autre substance à l'esprit-de-vin pendant sa combustion
; or j'ai fait voir que cette autre substance était la base de l'air,
l'oxygène. L'esprit-de-vin contient donc un des principes de l'eau,
l'hydrogène,
et c'est l'air de l'atmosphère qui fournit l'autre, l'oxygène :
nouvelle preuve que l'eau est une substance composée. Pagination
originale du document : p.77 CHAPITRE IX. DE
LA QUANTITÉ DE CALORIQUE QUI SE DÉGAGE DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE COMBUSTION. Nous avons vu
qu’en opérant une combustion quelconque dans une sphère de glace creuse, et en
fournissant, pour l’entretenir, de l’air à zéro du thermomètre, la quantité de glace fondue dans l’intérieur de la sphère
donnait une mesure, sinon absolue, du moins relative, des quantités de calorique dégagé. Nous avons
donné, M. de Laplace et moi, la description de l’appareil que nous avons employé dans ce genre d’expériences. (Voy. Mémoires
de l ’Académie des sciences, année 1780, p. 355 ; voy. aussi la troisième partie
de cet ouvrage.) Ayant essayé de déterminer
les quantités de glace qui se fondaient par la combustion de trois des quatre
substances combustibles simples,
savoir, le phosphore, la carbone et l’hydrogène, nous avons obtenu les
résultats qui suivent : Pour la combustion d’une livre de phosphore, 100 livres
de glace. Pour la combustion d’une livre de carbone, 96 livres 8 onces. Pour la
combustion d’une livre de gaz hydrogène,
295 livres 9 onces 3 gros 1/2. La substance qui se forme par le résultat de la
combustion du phosphore étant un acide concret, il est probable qu’il reste
très-peu de calorique dans cet acide, et
que par conséquent cette combustion fournit un moyen de connaître, à très-peu
de chose près, la quantité considérable
de calorique, comme le phosphore en contenait aussi une portion avant la combustion, l’erreur ne pourrait jamais être que
de la différence, et par conséquent, de peu d’importance. J’ai fait
voir, page 51, qu’une livre de phosphore, en brûlant, ab- [absorbait] Pagination
originale du document : p.78 sorbait 1 livre
8 onces d’oxygène ; et, puisqu’il y a en même temps 100 livres de glace fondue,
il en résulte que la quantité de calorique contenue dans une livre de gaz
oxygène est capable de faire fondre 66 livres 10 onces 5 gros 24
grains de glace. Une livre de charbon, en brûlant, ne fait fondre que 96
livres 8 onces de glace, mais il s’absorbe en même temps 2 livres 9 onces 1
gros 10 grains de gaz oxygène. Or, en partant des résultats obtenus dans la
combustion du phosphore, 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains de gaz oxygène
devraient abandonner assez de calorique pour fondre 171 livres 6 onces 5 gros de glace. Il disparaît donc, dans
cette expérience, une quantité de calorique qui aurait été suffisante pour faire fondre 74 liv. 14 onces
5 gros de glace ; mais, comme l’acide carbonique n’est point, comme le phosphorique, dans l’état concret après la
combustion, qu’il est au contraire dans
l’état gazeux, il a fallu nécessairement une quantité de calorique pour le
porter à cet état, et c’est cette
quantité qui se trouve manquante dans la combustion ci-dessus. En la divisant
par le nombre de livres d’acides
carbonique qui se forment par la combustion d’une livre de charbon, on trouve que la quantité de calorique nécessaire pour
porter une livre d’acide carbonique de l’état concret à l’état gazeux ferait fondre 20 livres 15 onces 5 gros de
glace. On peut faire un semblable calcul
sur la combustion de l’hydrogène et sur la formation de l’eau ; une livre de ce
fluide élastique absorbe, en
brûlant, 5 livres 10 onces 5 gros 24 grains d’oxygène, et fait fondre 295
livres 2 onces 3 gros 1/2 de glace. Or 5 livres 10 onces 5 gros 24
grains de gaz oxygène, en passant de l’état aériforme à l’état solide, perdraient, d’après les résultats obtenus dans le
calorique du phosphore, assez de calorique
pour faire fondre une quantité de glace égale à : 377 liv. 12 onc. 3 gros. Il
ne s’en dégage, dans la combustion du gaz hydrogène, que : 295 liv.
2onc. 3 1/2 gros. Il en reste donc, dans l’eau qui se forme, lors même qu’elle
est ramenée à zéro du thermomètre : 82 liv. 9 onc. 7 1/2 gros. Pagination
originale du document : p.79 Or, comme il se
forme 6 livres 10 onces 5 gros 24 grains d’eau dans la combustion d’une livre
de gaz hydrogène, il en résulte qu’il reste dans chaque livre d’eau, à zéro
du thermomètre, une quantité de calorique égale à celle nécessaire
pour fondre 12 livres 5 onces 2 gros 48 grains de glace, sans parler
même de celui contenu dans le gaz hydrogène, dont il est impossible de tenir
compte dans cette expérience, parce que nous n’en connaissons pas la
quantité. D’où l’on voit que l’eau, même dans l’état de glace, contient
encore beaucoup de calorique, et que l’oxygène en conserve une quantité
très-considérable en passant dans cette combinaison. De ces diverses tentatives
on peut résumer les résultats qui suivent : COMBUSTION DU
PHOSPHORE. Quantité de phosphore brûlé : 1 livre. Quantité de gaz
oxygène nécessaire pour la combustion : 1 livre 8 onces. Quantité d’acide phosphorique
obtenu : 2 livres 8 onces. Quantité de calorique dégagé par la combustion d’une
livre de phosphore, exprimée par la quantité de livres de glace qu’il peut
fondre : 100,00000 Quantité de calorique dégagé de chaque livre de gaz
oxygène dans la combustion du phosphore. : 66,66667 Quantité de
calorique qui se dégage dans la formation d’une livre d’acide phosphorique :
40,00000 Quantité de calorique resté dans chaque livre d’acide
phosphorique : 0,00000 On suppose ici que l’acide
phosphorique ne conserve aucune portion de calorique, ce qui n’est pas
rigoureusement vrai ; mais la quantité, comme on l’a déjà observé plus
haut, en est probablement très-petite, et on ne la suppose nulle que faute de la pouvoir
évaluer. Pagination
originale du document : p.80 COMBUSTION DU
CHARBON. Quantité de charbon brûlé. : 1livre. Quantité de gaz oxygène absorbé
pendant la combustion : 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains. Quantité d’acide
carbonique formé : 3 livres 9 onces 1 gros 10 grains Quantité de
calorique dégagé par la combustion d’une livre de charbon,
exprimée par la quantité de livres de glace qu’il peut fondre : 96,50000
Quantité de calorique dégagé de chaque livre de gaz oxygène : 37,52823
Quantité de calorique qui se dégage dans la formation d’une livre de gaz
acide carbonique : 27,02024 Quantité de calorique que conserve une livre d’oxygène dans
cette combustion : 29,13844 Quantité de calorique nécessaire pour porter une
livre d’acide carbonique à l’état de gaz : 20,97960
COMBUSTION DU GAZ
HYDROGÈNE.
Quantité de gaz hydrogène brûlé
: 1 livre Quantité de gaz oxygène employé pour la combustion : 5 livres 10 onces 5 gros 24 grains Quantité d’eau
formée : 6 livres 10 onces 5 gros 24 grains Quantité de calorique dégagé par la combustion d’une livre
de gaz hydrogène : 295,58950 Quantité de calorique dégagé par chaque livre de gaz oxygène : 52,16280 Quantité de
calorique qui se dégage pendant la
formation d’une livre d’eau : 44,33840 Quantité de calorique que conserve une
livre d’oxygène dans sa combustion
avec l’hydrogène : 14,50386 Quantité de calorique que conserve une livre d’eau à zéro : 12,32823 DE LA FORMATION DE
L’ACIDE NITRIQUE. Lorsque l’on combine du gaz nitreux avec du gaz
oxygène pour former de l’acide nitrique ou nitreux, il y a une légère chaleur produite ; mais elle beaucoup
moindre que celle qui a lieu dans les autres combinaisons de l’oxygène ;
d’où il résulte, par une conséquence né- [nécessaire] Pagination
originale du document : p.81 cessaire, que le
gaz oxygène, en se fixant dans l’acide nitrique, retient une grande partie du
calorique qui
lui était combiné dans l’état de gaz. Il n’est point impossible sans doute de
déterminer la quantité de calorique qui se
dégage pendant la réunion des deux gaz, et on en conclurait facilement ensuite celle qui demeure engagée dans la combinaison. On
parviendrait à obtenir la première de ces données en opérant la combinaison du gaz nitreux et du gaz oxygène dans
un appareil environné de glace ; mais,
comme il se dégage peu de calorique dans cette combinaison, on ne pourrait
réussir à en déterminer la quantité
qu’autant qu’on opérerait très en grand avec des appareils embarrassants et compliqués ; et c’est ce qui nous a empêché
jusqu’ici, M. de Laplace et moi, de la tenter. En attendant, on peut déjà y suppléer par des calculs
qui ne peuvent pas s’écarter beaucoup de la vérité. Nous avons fait détoner, M. de Laplace et moi, dans
un appareil à glace une proportion convenable de salpêtre et de charbon, et nous avons observé qu’une livre de
salpêtre pouvait, e détonant ainsi, fondre
12 livres de glace. Mais une livre de salpêtre, comme on le verra dans la
suite, contient : Potasse : 7 onces 6
gros 51,84 grains= 4515,84 grains Acide sec : 8 onces 1 gros 20,16 grains = 4700,1 6grains Et les 8 onces 1 gros 20 grains 16
d’acide sont eux-mêmes composés de : Oxygène : 6 onces 3 gros 66,34 grains = 3738,34 grains Mofette : 1 once 5 gros
25,82 grains = 96 1,82 grains On a donc réellement brûlé, dans cette opération,
2 gros 1 grain 1/3 de charbon, à l’aide de 3738 grains, 34, ou 6 onces 3 gros 66 grains, 34 d’oxygène ; et puisque la
quantité de glace fondue dans cette combustion a Pagination
originale du document : p.82 été de 12 livres,
il en résulte qu’une livre de gaz oxygène, brûlé de la même manière, fondrait :
29,58320 A quoi
ajoutant, pour la quantité de calorique que conserve une livre d’oxygène dans
sa combinaison avec le charbon, pour
constituer l’acide carbonique dans l’état de gaz, et qui est, comme on l’a vu plus haut, de : 29,13844 On a,
pour la quantité totale de calorique que contient une livre d’oxygène,
lorsqu’il est combiné dans l’acide nitrique : 58,72164 On a vu, par le résultat
de la combustion du phosphore, que, dans
l’état de gaz oxygène, il en contenait au moins : 66,66667 Donc, en se
combinant avec l’azote pour former de l’acide nitrique, il n’en perd que :
7,94502 Des expériences ultérieures
apprendront si ce résultat, déduit par le calcul, s’accorde avec des opérations
plus directes. Cette énorme quantité de calorique que l’oxygène porte avec lui
dans l’acide nitrique explique
pourquoi, dans toutes les détonations du nitre, ou, pour mieux dire, dans
toutes les occasions où l’acide
nitrique se décompose, il y a un si grand dégagement de calorique. COMBUSTION DE LA BOUGIE. Après avoir examiné
quelques cas de combustions simples, je vais donner des exemples de combustions plus composées ; je commence par
la cire. Une livre de cette
substance, en brûlant paisiblement dans l’appareil à glace destin à mesurer les
quantités de calorique, fond 133
livres 2 onces 5 gros 1/3 de glace. Or une livre de bougie, suivant les expériences que j ’ai rapportées, Mémoires de
l’Académie, année 1784, p.606, contient : Charbon : 13 onces 1 gros 23
grains Hydrogène : 2 onces 6 gros 49 grains Pagination
originale du document : p.83 Les 13 onces 1
gros 23 grains de charbon, d’après les expériences ci-dessus rapportées,
doivent fondre : 79,39390 Les 2 onces 6 gros 49 grains d’hydrogène devaient
fondre : 52,37605 Total : 131,76995 On voit par ces résultats que
la quantité de calorique qui se dégage de la bougie qui brûle est
assez exactement égale à celle qu'on obtiendrait en brûlant séparément un poids
de charbon et d'hydrogène égal à celui qui entre dans sa combinaison.
Les expériences sur la combustion de la bougie ayant été répétées plusieurs
fois, j'ai lieu de présumer qu'elles sont exactes. COMBUSTION DE
L'HUILE D'OLIVES. Nous avons enfermé dans l'appareil ordinaire une lampe qui
contenait une quantité d'huile d'olives bien connue ; et, l'expérience
finie, nous avons déterminé exactement le poids de l'huile qui avait été
consommée et celui de la glace qui avait été fondue ; le résultat a été qu'une livre d'huile d'olives, en brûlant, pouvait
fondre 148 livres 14 onces 1 gros de glace. Mais une livre d’huile d’olives, d’après les expériences que j ’ai
rapportées, Mémoires de l’Académie, année
1784, et dont on trouvera un extrait dans le chapitre suivant, contient :
Charbon : 12 onces 5 gros 5 grains.
Hydrogène : 3 onces 2 gros 67 grains La combustion de 12 onces 5 gros 5 grains
de charbon ne fondre que 76,18723
livres de glace. Et celle de 3 onces 2 gros 67 grains d’hydrogène 62,15053 livres de glace. Total : 138,33776 livres
de glace. Il s’est fondu : 148,88330 livres de glace. Le dégagement de calorique a donc été plus considérable qu’il ne
devait l’être d’une quantité équivalente à : 10,54554 livres de glace. Pagination
originale du document : p.84 Cette
différence, qui n'est pas au surplus très-considérable, peut tenir ou à des
erreurs inévitables dans les expériences de ce genre, ou à ce que la
composition de l'huile n'est pas encore assez rigoureusement connue. Mais il en
résulte touj ours qu'il y a déjà beaucoup d'ensemble et d'accord dans la marche des expériences relatives à la
combinaison et au dégagement du calorique. Ce qui reste à faire dans ce moment,
et dont nous sommes occupés, est de déterminer ce que l'oxygène conserve de calorique dans sa combinaison avec les
métaux pour les convertir en oxydes ; ce que l'hydrogène en contient dans les différents états dans lesquels il peut
exister ; enfin, de connaître d'une
manière plus exacte la quantité de calorique qui se dégage dans la formation de
l'eau. Il nous reste, sur cette
détermination, une incertitude assez grande, qu'il est nécessaire de lever par
de nouvelles expériences. Ces différents points bien connus, et nous
espérons qu'ils le seront bientôt, nous nous
trouverons vraisemblablement obligés de faire des corrections, peut-être même
assez considérables, à la plupart des
résultats que je viens d'exposer ; mais je n'ai pas cru que ce fût une raison de différer d'en aider ceux qui pourront se
proposer de travailler sur le même objet. Il est difficile, quand on cherche les éléments d'une science nouvelle, de ne
pas commencer par des à peu près, et il est rare qu'il soit possible de
la porter, dès le premier jet, à son état de perfection. Pagination
originale du document : p.85 CHAPITRE X. DE LA
COMBINAISON DES SUBSTANCES COMBUSTIBLES LES UNES AVEC LES AUTRES.
Les
substances combustibles étant en général celles qui ont une grande appétence
pour l'oxygène, il en résulte qu'elles doivent avoir de l'affinité entre elles,
qu'elles doivent tendre à se combiner les unes avec les autres, quae
sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se ; et c'est ce qu'on observe en
effet. Presque tous les métaux, par exemple, sont susceptibles de se combiner
les uns avec les autres, et il en résulte un ordre de composés qu'on nomme
alliage dans les usages de la société. Rien ne s'oppose à ce que nous
adoptions cette expression : ainsi nous dirons que la plupart
des métaux s'allient les uns avec les autres ; que les alliages, comme toutes
les combinaisons, sont susceptibles d'un ou de plusieurs degrés de saturation ;
que les substances métalliques, dans cet état, sont en général plus cassantes que les métaux
purs, surtout lorsque les métaux alliés
diffèrent beaucoup par leur degré de fusibilité ; enfin, nous ajouterons que
c'est à cette différence des degrés
de fusibilité des métaux que sont dus une partie des phénomènes particuliers que présentent les alliages, tels, par exemple,
que la propriété qu'ont quelques espèces de fer d'être cassants à chaud. Ces fers doivent être considérés
comme un alliage de fer pur, métal presque infusible, avec une petite quantité d'un autre métal, quel qu'il soit,
qui se liquéfie à une chaleur beaucoup plus douce. Tant qu'un alliage de
cette espèce est froid, et que les deux métaux sont dans l'état solide, il peut être malléable ; mais, si on
le chauffe à un degré suffisant pour liquéfier, celui des deux métaux qui est le plus fusible, les
parties liquides interposées entre les solides doivent rompre la
solution de continuité, et le fer doit devenir cassant. Pagination
originale du document : p.86 A l'égard des
alliages de mercure avec les métaux, ou a coutume de les désigner sous le nom
d'amalgame,
et nous n'avons vu aucun inconvénient à leur conserver cette
dénomination. Le soufre, le phosphore, le charbon, sont également
susceptibles de se combiner avec les métaux : les combinaisons du
soufre ont été en général désignées sous le nom de pyrites ; les autres
n'ont point été nommées, ou, du moins, elles ont reçu des
dénominations si modernes, que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient changées. Nous avons
donné aux premières de ces combinaisons le nom de sulfures, aux secondes celui de phosphures, enfin aux
troisièmes celui de carbures. Ainsi le soufre, le phosphore, le charbon,
oxygénés, forment des oxydes ou des acides ; mais, lorsqu'ils entrent dans des combinaisons sans s'être auparavant oxygénés,
ils forment des sulfures, des phosphures et des carbures. Nous étendrons même ces dénominations aux combinaisons
alcalines : ainsi nous désignerons
sous le nom de sulfure de potasse la combinaison du soufre avec la
potasse ou alcali fixe végétal, et
sous le nom de sulfure d'ammoniaque la combinaison du soufre avec
l'alcali volatil ou ammoniaque.
L'hydrogène, cette substance éminemment combustible, est aussi susceptible de
se combiner avec un grand nombre de
substances combustibles. Dans l'état de gaz, il dissout le carbone, le soufre,
le phosphore et plusieurs métaux. Nous désignerons ces combinaisons sous le nom de gaz hydrogène carboné, de gaz
hydrogène sulfuré, de gaz hydrogène phosphoré. Le second de ces gaz, le gaz hydrogène sulfuré, est celui que
les chimistes ont désigné sous le nom de gaz hépatique, et que M. Schéele a nommé gaz puant du soufre ; c'est à lui que
quelques eaux minérales doivent leurs
vertus ; c'est aussi à son émanation que les déjections animales doivent
principalement leur odeur infecte. A l'égard du gaz hydrogène phosphoré, il est
remarquable par la propriété qu'il a de
s'enflammer spontanément lorsqu'il a le contact de l'air ou mieux encore celui
du gaz oxygène, comme l'a découvert M. Gengembre. Ce gaz a l'odeur du
poisson pourri, et il est probable Pagination
originale du document : p.87 qu'il s'exhale
en effet un véritable gaz hydrogène phosphoré de la chair des poissons par la putréfaction.
Lorsque l'hydrogène et le carbone s'unissent ensemble sans que l'hydrogène ait
été porté à l'état de gaz par le calorique, il en résulte une combinaison
particulière, connue sous le nom
d'huile,
et cette huile
est ou fixe ou volatile, suivant les proportions de l'hydrogène et du carbone.
Il ne sera pas inutile d'observer ici qu'un des principaux caractères qui
distingue les huiles fixes retirées des végétaux par expression d'avec les
huiles volatiles ou essentielles, c'est que les premières contiennent un excès
de carbone qui s'en sépare lorsqu'on les échauffe au delà du degré de l'eau bouillante
; les huiles volatiles, au contraire, étant formées d'une plus juste proportion
de carbone et d'hydrogène, ne sont point susceptibles d'être décomposées à un
degré de chaleur supérieur à l'eau bouillante ; les deux principes qui les
constituent demeurent unis ; ils se combinent avec le calorique pour
former nu gaz, et c'est dans cet état que les huiles passent dans la
distillation. J'ai donné la preuve que les huiles étaient ainsi
composées d'hydrogène et de carbone dans un mémoire sur la combinaison
de l'esprit-de-vin et des huiles avec l'oxygène, imprimé dans le Recueil de
l'Académie, année 1784, p.593. On y verra que les huiles fixes, en
brûlant. dans le gaz oxygène, se convertissent en eau et en
acide carbonique, et qu'en appliquant le calcul à l'expérience elles sont
composées de 21 parties d'hydrogène et de 79 parties de carbone.
Peut-être les substances huileuses solides, telles que la cire, contiennent-elles
en outre un peu d'oxygène, auquel elles doivent leur état solide. Je suis au surplus
occupé, dans ce moment, d'expériences qui donneront un grand développement à
toute cette théorie. C'est une question bien digne d'être examinée, de savoir
si l'hydrogène est susceptible de se combiner avec le soufre, le
phosphore, et même avec les métaux dans l'état concret. Rien n'indique sans
doute a priori que ces combinaisons soient impossibles ; car, puisque les corps
combustibles sont,
en général, susceptibles de se combiner les uns avec Pagination
originale du document : p.88 les autres, on ne
voit pas pourquoi l'hydrogène ferait exception. Mais, en même temps, aucune expérience
directe ne prouve encore ni la possibilité ni l'impossibilité de cette union.
Le fer et le zinc sont, de tous les métaux, ceux dans lesquels on
serait le plus en droit de soupçonner une combinaison
d'hydrogène, mais, en même temps, ces métaux ont la propriété de décomposer
l'eau ; et, comme, dans les expériences chimiques, il est
difficile de se débarrasser des derniers vestiges d'humidité, il n'est pas facile
de s'assurer si les petites portions de gaz hydrogène qu'on obtient, dans
quelques expériences sur ces métaux, leur étaient combinées, ou bien si elles
proviennent de la décomposition de quelques molécules d'eau. Ce qu'il y
a de certain, c'est que, plus on prend soin d'écarter l'eau de ce genre
d'expériences, plus la quantité de gaz hydrogène diminue, et qu'avec de très-grandes
précautions on parvient à n'en avoir que des quantités presque insensibles.
Quoi qu'il en soit, que les corps combustibles, notamment le soufre, le
phosphore et les métaux, soient susceptibles ou non d'absorber de
l'hydrogène, on peut assurer au moins qu'il ne s'y combine qu'en très-petite
quantité, et que cette combinaison, loin d'être essentielle à leur
constitution, ne peut être regardée que comme une addition étrangère qui en
altère la pureté. C'est au surplus à ceux qui ont embrassé ce
système à prouver, par des expériences décisives, l'existence de cet hydrogène,
et, jusqu'à
présent, ils n'ont donné que des conjectures appuyées sur des suppositions. Pagination
originale du document : p.89 CHAPITRE XI.
CONSIDÉRATIONS SUR LES OXYDES ET LES ACIDES À PLUSIEURS BASES, ET SUR LA
COMPOSITION DES MATIÈRES VÉGÉTALES ET ANIMALES.
Nous avons examiné
dans le chapitre V et dans le chapitre VIII quel était le résultat de la
combustion et de l'oxygénation des quatre substances combustibles simples : le
phosphore, le soufre, le carbone et l'hydrogène ; nous avons fait voir, dans
le chapitre X, que les substances combustibles simples étaient susceptibles de
se combiner les unes avec les autres pour former des corps combustibles
composés, et nous avons observé que les huiles en général, principalement les
huiles fixes des végétaux, appartenaient à cette classe, et qu'elles
étaient toutes composées d'hydrogène et de carbone. Il me
reste à traiter, dans ce chapitre, de l'oxygénation des corps combustibles
composés, à faire voir qu'il existe des acides et des oxydes à base
double et triple, que la nature nous en fournit à chaque pas des
exemples, et que c'est principalement par ce genre de combinaison qu'elle est
parvenue à former avec un aussi petit nombre d'éléments ou de corps simples,
une aussi grande variété de résultats. On avait très-anciennement remarqué
qu'en mêlant ensemble de l'acide muriatique et de l'acide nitrique il en résultait un acide
mixte, qui avait des propriétés fort différentes de celles des deux acides dont il était composé. Cet acide a été
célèbre par la propriété qu'il a de dissoudre
l'or, le roi des métaux dans le langage alchimique, et c'est de là que
lui a été donnée la qualification brillante d'eau régale. Cet acide
mixte, comme l'a très-bien prouvé M. Berthollet, a des propriétés particulières dépendantes de l'action
combinée de ses deux bases acidifiables, et nous avons cru, par cette
raison, devoir lui conserver un nom particulier. Celui d 'acide nitro-muriatique
nous a paru le plus con- [convenable] Pagination
originale du document : p.90 venable, parce
qu'il exprime la nature des deux substances qui entrent dans sa composition.
Mais ce phénomène, qui n'a été observé que pour l'acide
nitro-muriatique, se présente continuellement dans le règne végétal
: il est infiniment rare d'y trouver un acide simple, c'est-à-dire qui ne soit
composé que d'une seule base acidifiable. Tous les acides de ce
règne ont pour base l'hydrogène et le carbone, quelquefois
l'hydrogène, le carbone et le phosphore, le tout combiné avec une proportion
plus ou moins considérable d'oxygène. Le règne végétal a
également des oxydes qui sont formés des mêmes bases doubles et
triples, mais moins oxygénées. Les acides et oxydes du règne animal sont encore
plus composés : il entre dans la combinaison de la plupart quatre bases
acidifiables : l'hydrogène, le carbone, le phosphore et l'azote. Je ne
m'étendrai pas beaucoup ici sur cette matière, sur laquelle il n'y a
pas longtemps que je me suis formé des idées claires et méthodiques ; je la
traiterai plus à fond dans des mémoires que je prépare pour l'Académie. La
plus grande partie de mes expériences sont faites, mais il
est nécessaire que je les répète et que je les multiplie davantage, afin de
pouvoir donner des résultats exacts pour les quantités. Je me
contenterai, en conséquence, de faire une courte énumération des
oxydes et acides végétaux et animaux, et de terminer cet article par quelques réflexions
sur la constitution végétale et animale. Les oxydes végétaux à deux bases sont
le sucre, les différentes espèces de gomme, que nous avons réunies
sous le nom générique de muqueux, et l'amidon. Ces trois substances ont pour radical
l'hydrogène et le carbone combinés ensemble, de manière à ne former qu'une seule base, et portés à l'état d'oxyde par
une portion d'oxygène ; ils ne diffèrent
que par la proportion des principes qui composent la base. On peut, de l'état
d'oxyde, les faire passer à celui d'acide en leur combinant une nouvelle
quantité d'oxygène, et on forme ainsi, suivant
le degré d'oxygénation et la proportion de l'hydrogène et du carbone, les
différents acides végétaux. Pagination
originale du document : p.91 Il ne s'agirait
plus, pour appliquer à la nomenclature des acides et des oxydes végétaux les
principes que nous avons précédemment établis pour les oxydes et
les acides minéraux, que de leur donner des noms relatifs à
la nature des deux substances qui composent leur base. Les oxydes et les acides
végétaux seraient alors des oxydes et des acides hydro-carboneux ; bien
plus, on aurait encore, dans cette méthode, l'avantage de pouvoir
indiquer sans périphrases quel est le principe qui est en excès, comme M.
Rouelle l'avait imaginé pour les extraits végétaux ; il appelait
extracto-résineux celui où l'extrait dominait, et résino-extractif
celui qui participait davantage de la résine. En partant des mêmes
principes, et en variant les terminaisons pour donner encore plus d'étendue à
ce langage, on aurait, pour désigner les acides et les oxydes végétaux,
les dénominations suivantes : Oxyde hydro-carboneux. Oxyde hydro-carbonique.
Oxyde carbone-hydreux. Oxyde carbone-hydrique. Acide hydro-carboneux. Acide
hydro-carbonique. Acide hydro-carbonique oxygéné. Acide carbone-hydreux. Acide
carbone-hydrique. Acide carbone-hydrique oxygéné. Il est probable que cette
variété de langage sera suffisante pour indiquer toutes les variétés que nous
présente la nature, et qu'à mesure que les acides végétaux seront bien
connus ils se rangeront naturellement, et pour ainsi dire
d'eux-mêmes, dans le cadre que nous venons de présenter. Mais il s'en faut bien
que nous soyons encore en état de pouvoir faire une classification
méthodique de ces substances ; nous savons quels sont les principes qui les composent, et il ne
me Pagination
originale du document : p.92 reste plus aucun
doute à cet égard ; mais les proportions sont encore inconnues. Ce sont ces considérations
qui nous ont déterminés à conserver provisoirement les noms anciens ; et
maintenant encore que je suis un peu plus avancé dans cette carrière que je ne
l'étais à l'époque où notre essai de nomenclature a paru, je me
reprocherais de tirer des conséquences trop décidées d'expériences qui ne sont pas
encore assez précises ; mais, en convenant que cette partie de la chimie reste
en souffrance, je
puis y ajouter l'espérance qu'elle sera bientôt éclaircie. Je me trouve encore
plus impérieusement forcé de prendre le même
parti à l'égard des oxydes et des acides à trois et quatre bases, dont le règne animal présente un grand nombre d'exemples,
et qui se rencontrent même quelquefois dans le règne végétal. L'azote, par exemple, entre dans la composition de l'acide
prussique, il s'y trouve joint a l'hydrogène et au carbone pour former une base
triple ; il entre également, à ce qu'on peut croire, dans l'acide gallique.
Enfin, presque tous les acides animaux ont pour base l'azote, le phosphore, l'hydrogène et le carbone. Une
nomenclature qui entreprendrait d'exprimer à la fois ces quatre bases serait méthodique sans doute, elle
aurait l'avantage d'exprimer des idées claires et déterminées ; mais
cette cumulation de substantifs et d'adjectifs grecs et latins, dont les
chimistes mêmes n'ont point encore admis
généralement l'usage, semblerait présenter un langage barbare, également difficile à retenir et à prononcer. La
perfection, d'ailleurs, de la science doit précéder celle du langage, et
il s'en faut bien que cette partie de la chimie soit encore parvenue au point
auquel elle doit arriver un jour. Il est donc
indispensable de conserver, au moins pour un temps, les noms anciens pour les acides et oxydes animaux. Nous
nous sommes seulement permis d'y faire quelques légères modifications : par
exemple, de terminer en eux la dénomination de ceux dans lesquels nous soupçonnons que le principe acidifiable est en
excès, et de terminer au contraire en ique le nom de ceux dans lesquels
nous avons lieu de croire que l'oxygène est prédominant. Pagination
originale du document : p.93 Les acides
végétaux qu'on connaît jusqu'à présent sont au nombre de treize ; savoir :
L'acide acéteux. L'acide acétique. L'acide oxal ique.
L'acide tartareux. L'acide pyro-tartareux. L'acide citrique.
L'acide malique. L'acide pyro-muqueux. L'acide
pyro-ligneux. L'acide gallique. L'acide benzoïque. L'acide
camphorique. L'acide succinique. Quoique tous ces acides
soient, comme je l'ai dit, principalement et presque
uniquement composés d'hydrogène, de carbone et d'oxygène, ils ne contiennent cependant,
à proprement parler, ni eau, ni acide carbonique, ni huile, mais seulement les
principes propres à les former. La force d'attraction qu'exercent
réciproquement l'hydrogène, le carbone et l'oxygène, est, dans ces acides, dans
un état d'équilibre qui ne peut exister qu'à la température dans laquelle nous
vivons : pour peu qu'on les échauffe au delà du degré de l'eau bouillante,
l'équilibre est rompu ; l'oxygène et l'hydrogène se réunissent pour former de
l'eau ; une portion de carbone s'unit à l'hydrogène pour produire de l'huile ;
il se forme aussi de l'acide carbonique par la combinaison du carbone et de l'oxygène ;
enfin il se trouve presque touj ours une quantité excédante de charbon qui reste libre. C'est ce que je me propose de
développer un peu davantage dans le chapitre suivant. Les oxydes du règne animal sont encore moins connus
que ceux du règne végétal, et leur nombre même est encore indéterminé. La partie rouge du sang, la lymphe, presque
toutes les sécrétions, sont de véritables oxydes, et c'est sous ce point
de vue qu'il est important de les étudier. Pagination
originale du document : p.94 phosphorique au rang des acides animaux,
parce qu'il appartient également aux trois règnes. La connexion des
principes qui constituent les acides et les oxydes animaux n'est pas plus
solide que celle des acides et des oxydes végétaux ; un très-léger
changement dans la température suffit pour la troubler, et c'est ce que
j'espère rendre plus sensible par les observations que je vais rapporter dans
le chapitre
suivant. Pagination
originale du document : p.95 CHAPITRE XII. DE
LA DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES VÉGÉTALES ET ANIMALES PAR L'ACTION DU
FEU.
Pour bien concevoir ce qui se passe dans la décomposition des substances
végétales par le feu, il faut non-seulement considérer la nature des principes
qui entrent dans leur composition, mais encore les différentes forces
d'attraction que les molécules de ces principes exercent les unes sur
les autres, et en même temps celle que le calorique exerce sur eux. Les principes
vraiment constitutifs des végétaux se réduisent à trois, comme je viens de
l'exposer dans le chapitre précédent : l'hydrogène, l'oxygène et le carbone. Je
les appelle constitutifs, parce qu'ils sont communs à tous les végétaux,
qu'il ne peut exister de végétaux sans eux, à la différence des autres
substances, qui ne sont essentielles qu'à la constitution de tel végétal en
particulier, mais non pas de tous les végétaux en général. De ces
trois principes, deux, l'hydrogène et l'oxygène, ont une grande
tendance à s'unir au calorique et à se convertir en gaz ; tandis que le
carbone, au contraire, est un principe fixe, et qui a très-peu d'affinité avec
le calorique. D'un autre côté, l'oxygène, qui tend avec un degré de
force à peu près égal à s'unir, soit avec l'hydrogène, soit avec le carbone, à
la température habituelle dans laquelle nous vivons, a, au contraire, plus
d'affinité avec le carbone à une chaleur rouge ; l'oxygène quitte en
conséquence, à ce degré, l'hydrogène, et s'unit au carbone, pour
former de l'acide carbonique. Je me servirai quelquefois de cette expression
chaleur rouge, quoiqu'elle n'exprime pas un degré de chaleur bien
déterminé, mais beaucoup supérieure cependant à celle de l'eau bouillante. Pagination
originale du document : p.96 Quoique nous
soyons bien éloignés de connaître la valeur de toutes ces forces, et, de
pouvoir en exprimer l'énergie par des nombres, ait moins sommes-nous certains,
par ce qui se passe journellement sous nos yeux, que, quelque variables
qu'elles soient en raison du degré de température, ou, ce qui est la
meule chose, en raison de la quantité de calorique avec ; lequel elles sont
combinées, elles sont toutes à peu près en équilibre à la température dans
laquelle nous vivons ; ainsi les végétaux ne contiennent ni huile, ni eau,
ni acide carbonique (1), mais ils contiennent les éléments de
toutes ces substances. L'hydrogène n'est point combiné, ni avec l'oxygène, ni
avec le carbone,
et réciproquement ; mais les molécules de ces trois substances forment une combinaison
triple, d'où résultent le repos et
l'équilibre. Un changement très-léger dans la température suffit pour renverser
tout cet échafaudage de combinaisons, s'il est permis de se servir de cette
expression. Si la température à
laquelle le végétal est exposé n’excède pas beaucoup celle de l'eau bouillante,
l'hydrogène et l'oxygène se
réunissent, et forment de l'eau qui passe dans la distillation ; une portion
d'hydrogène et de carbone s'unissent ensemble pour former de l'huile volatile,
une autre portion de carbone devient
libre, et, comme le principe le plus fixe, il reste dans la cornue. Mais si, au
lieu d'une chaleur voisine de l'eau
bouillante, on applique à une substance végétale une chaleur rouge, alors ce
n'est plus de l'eau qui se forme, ou plutôt même celle qui pouvait s'être
formée par la première impression de
la chaleur se décompose ; l’oxygène s'unit au carbone, avec lequel il a plus
d'affinité à ce degré, il se forme de l'acide carbonique, et l'hydrogène devenu
libre s'échappe sous la forme de gaz, en s'unis- [unissant] (1) On conçoit que je suppose
ici des végétaux réduits à l’état de dessiccation parfaite, et qu’à l’égard de l’huile je n’entends pas parler
des végétaux qui en fournissent, soit par expression à froid, soit par
une chaleur qui n’excède pas celle de l’eau bouillante. Il n’est ici question que de l’huile empyreumatique qu’on
obtient par la distillation à feu nu, à un
degré de feu supérieur à l’eau bouillante. C’est cette huile seule que j ’annonce être un produit de l’opération. On peut
voir ce que j ’ai publié, à cet égard, dans le volume de l’Académie,
année 1786. Pagination
originale du document : p.97 sant au
calorique. Non-seulement, à ce degré, il ne se forme point d'huile, mais, s'il
s'en était formé, elle serait décomposée. On voit donc que la décomposition des
matières végétales se fait à ce degré, en vertu d'un jeu d'affinités doubles et
triples, et que, tandis que le carbone attire l'oxygène pour former de
l'acide carbonique, le calorique attire l'hydrogène pour former du gaz
hydrogène. Il n'est point de substance végétale dont la distillation ne
fournisse la preuve de cette théorie, si toutefois on peut appeler de ce nom un
simple énoncé des faits. Qu'on distille du sucre ; tant qu'on ne lui fera éprouver
qu'une chaleur inférieure à celle de l'eau bouillante, il ne perdra qu'un peu
d'eau de cristallisation, il sera toujours du sucre, et il en
conservera toutes les propriétés ; mais, sitôt qu'on l'expose à une
chaleur tant soit peu supérieure à celle de l'eau bouillante, il noircit ; une
portion de carbone
se sépare de la combinaison, en même temps il passe de l'eau légèrement acide
et un peu d'huile ; le charbon qui reste dans
la cornue forme près d'un tiers du poids originaire. Le jeu des affinités est encore plus compliqué dans les
plantes qui contiennent de l'azote, comme les crucifères, et dans celles qui contiennent du phosphore ; mais,
comme ces substances n'entrent qu'en petite quantité dans leur combinaison, elles n'apportent pas de grands
changements, au moins en apparence, dans les phénomènes de la
distillation ; il paraît que le phosphore demeure combiné, avec le charbon, qui
lui communique de la fixité. Quant à l'azote, il s'unit à l'hydrogène pour
former de l'ammoniaque ou alcali volatil. Quant à l’azote, il s’unit à
l’hydrogène pour former de l’ammoniaque ou
alcali volatil. Les matières animales étant composées à peu près des mêmes
principes que les plantes crucifères,
leur distillation donne le même résultat ; mais, comme elles contiennent plus d'hydrogène et plus d'azote, elles fournissent
plus d'huile et plus d'ammoniaque. Pour faire connaître avec quelle ponctualité cette théorie rend compte
de tous les phénomènes qui ont lieu dans la distillation des matières
animales, je ne citerai qu'un fait : c'est la rectification et la décomposition
totale des huiles volatiles animales,
appelées vulgairement huiles de Dippel. Ces huiles, lorsqu'on les obtient
par une première distillation à feu nu, Pagination
originale du document : p.98 sont brunes parce
qu'elles contiennent un peu de charbon presque libre, mais elles deviennent blanches
par la rectification. Le carbone tient si peu à ces combinaisons, qu'il s'en
sépare par leur simple
exposition à l'air. Si on place une huile volatile animale bien rectifiée, et
par conséquent blanche, limpide et
transparente, sous une cloche remplie de gaz oxygène, en peu de temps le volume du gaz diminue et il est absorbé par
l'huile. L'oxygène se combine avec l'hydrogène de l'huile pour former de l'eau, qui tombe au fond ;
en même temps la portion de charbon qui était combinée avec l'hydrogène
devient libre et se manifeste par sa couleur noire. C'est par cette raison que ces huiles ne se conservent blanches et
claires qu'autant qu'on les enferme dans des flacons bien bouchés, et qu'elles noircissent dès qu'elles ont
le contact de l'air. Les rectifications successives de ces mêmes huiles
présentent un autre phénomène confirmatif de cette théorie. A chaque fois qu'on
les distille, il reste un peu de
charbon au fond de la cornue ; en même temps il se forme un peu d'eau par la combinaison de l'oxygène de l'air des
vaisseaux avec l'hydrogène de l'huile. Comme ce même phénomène a lieu à
chaque distillation de la même huile, il en résulte qu'au bout d'un grand
nombre de rectifications successives,
surtout si on opère à un degré de feu un peu fort, et dans des vaisseaux d'une capacité un peu grande, la totalité de
l'huile se trouve décomposée, et l'on parvient à la convertir entièrement en eau et en charbon. Cette
décomposition totale de l'huile, par des rectifications répétées, est beaucoup plus longue et beaucoup plus
difficile, quand on opère avec des vaisseaux d'une petite capacité, et surtout
à un degré de feu lent et peu supérieur à celui de l'eau bouillante. Je rendrai compte à l'Académie, dans
un mémoire particulier, du détail de mes expériences sur cette décomposition des huiles ; mais ce que j'ai dit me
paraît suffire pour donner des idées précises de la constitution des
matières végétales et animales, et de leur décomposition par le feu. Pagination
originale du document : p.99 CHAPITRE XIII.
DE LA DÉCOMPOSITION DES OXYDES VÉGÉTAUX PAR LA FERMENTATION
VINEUSE.
Tout le monde sait comment se font le vin, le cidre, l'hydromel, et en
général toutes les boissons fermentées spiritueuses. On exprime le jus des
raisins et des pommes, on étend d'eau ce dernier ; on met la liqueur dans
de grandes cuves, et on la tient dans un lieu dont la température
soit au moins de 10 degrés du thermomètre de Réaumur. Bientôt il s'y excite un mouvement
rapide de fermentation, des bulles d'air nombreuses viennent crever à la
surface, et, quand la fermentation est à son plus haut période, la
quantité de ces bulles est si grande, la quantité de gaz qui se dégage est si
considérable, qu'on croirait que la liqueur est sur un brasier ardent qui y excite une violente ébullition. Le gaz qui se
dégage est de l'acide carbonique, et, quand on le recueille avec soin, il est
parfaitement pur et exempt du mélange de toute autre espèce d'air ou de gaz. Le suc des raisins, de doux et de sucré qu'il
était, se change, dans cette opération, en une liqueur vineuse, qui, lorsque la fermentation est complète, ne contient
plus de sucre, et dont on peut retirer
par distillation une liqueur inflammable, qui est connue dans le commerce et
dans les arts sous le nom d'esprit-de-vin. On sent que, cette
liqueur étant un résultat de la fermentation d'une matière sucrée quelconque suffisamment étendue d'eau, il
aurait été contre les principes de notre nomenclature de la nommer plutôt esprit-de-vin qu'esprit de cidre, ou
esprit de sucre fermenté. Nous avons
donc été forcés d'adopter un nom plus général, et celui d'alcool, qui
nous vient des Arabes, nous a paru
propre à remplir notre objet. Cette opération est une des plus frappantes et
des plus extraordinaires de toutes celles que la chimie nous présente,
et nous avons à Pagination
originale du document : p.100 examiner d'où
vient le gaz acide carbonique qui se dégage, d'où vient l'esprit inflammable
qui se forme, et comment un corps doux, un oxyde végétal, peut
se transformer ainsi en deux substances si différentes, dont
l'une est combustible, l'autre éminemment incombustible. On voit que, pour
arriver à la solution de ces deux questions, il fallait d'abord bien
connaître l'analyse et la nature du corps susceptible de
fermenter, et les produits de la fermentation ; car rien ne se crée, ni dans
les opérations de l'art, ni dans celles de la nature, et l'on peut poser en
principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de
matière avant et après l'opération ; que la qualité et la quantité des
principes est la même, et qu'il n'y a que des changements, des modifications.
C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art de faire des expériences
en chimie : on est obligé de supposer dans toutes une véritable égalité ou
équation entre les principes du corps qu'on examine et ceux qu'on en retire par l'analyse. Ainsi, puisque du moût de
raisin donne du gaz acide carbonique et de l'alcool, je puis dire que le moût de raisin acide
carbonique + alcool. Il résulte de là qu'on peut parvenir de deux manières à éclaircir ce qui se passe dans la
fermentation vineuse : la première, en déterminant bien la nature et les
principes du corps fermentescible ; la seconde, en observant bien les produits qui en résultent par la fermentation, et
il est évident que les connaissances que l'on peut acquérir sur l'un conduisent à des conséquences
certaines sur la nature des autres, et réciproquement. Il était important, d'après cela, que je
m'attachasse à bien connaître les principes constituants du corps
fermentescible. On conçoit que, pour y parvenir, je n'ai pas été chercher les
sucs de fruits très-composés, et dont
une analyse rigoureuse serait peut- être impossible. J'ai choisi, de tous les corps susceptibles de fermenter, le plus simple,
le sucre, dont l'analyse est facile, et dont j'ai déjà précédemment fait connaître la nature. On se
rappelle que cette substance est un véritable oxyde végétal, un oxyde à deux
bases ; qu'il est composé d'hydrogène et de carbone porté à l'état d'oxyde par une certaine proportion d'oxygène, et que ces
trois principes sont dans un état d'équilibre qu'une force très-légère Pagination
originale du document : p.101 suffit pour
rompre. Une longue suite d'expériences faites par différentes voies, et que
j'ai répétées bien
des fois, m'a appris que les proportions des principes qui entrent dans la
composition du sucre sont à peu près les
suivantes : Hydrogène : 8 parties. Oxygène : 64 parties Carbone : 28 parties
Total : 100 parties. Pour faire fermenter le sucre, il faut d'abord l'étendre
d’environ quatre parties d'eau. Mais de l'eau et du sucre mêlés
ensemble, dans quelque proportion que ce soit, ne fermenteraient jamais seuls, et l'équilibre subsisterait touj
ours entre les principes de cette combinaison, si on ne les rompait par un moyen quelconque. Un peu de levure
de bière suffit pour produire cet effet et pour donner le premier mouvement à la fermentation ; elle se continue ensuite
d'elle-même jusqu'à la fin. Je rendrai
compte ailleurs des effets de la levure et de ceux des ferments en général.
J'ai communément employé 10 livres de
levure en pâte pour 1 quintal de sucre, et une quantité d'eau égale à
quatre fois le poids du sucre. Ainsi la liqueur fermentescible se trouvait
composée ainsi qu'il suit ; je donne ici les
résultats de mes expériences tels que je les ai obtenus, et en conservant même jusqu'aux fractions que m'a données le calcul de
réduction. MATÉRIAUX DE LA FERMENTATION
POUR UN QUINTAL DE SUCRE. Livres. Onces. Gros. Grains. Eau : 400l livres Sucre : 100 livres Levure de bière en pâte,
composée d’Eau : 7 livres 3 onces 6 gros 44 grain. Levure de bière en pâte, composée de : Levure
sèche 7 livres 12 onces 1 gros 28 grain Total : 510 livres Pagination
originale du document : p.102 DÉTAIL DES
PRINCIPES CONSTITUANTS DES MATÉRLAUX DE LA FERMENTATION.
407 Livres 3 onces 6 gros 44 grains
d’eau composées de : Hydrogène :61 livres 1 onces 2 gros 71,40 grains Oxygène : 346 livres 2 onces 3 gros 44,60
grains 100 Livres de sucre composées de : Hydrogène : 8 livres Oxygène :
64 livres Carbone : 28 livres 2 Livres 12 onces 1 gros 28 grains de levure sèche composée de : Carbone : 12 onces 4
gros 59,00 grains Azote : 5 gros 2,94 grains Hydrogène : 4 onces 5 gros 9,30 grains Oxygène : 1 livres 10 onces 2
gros 28,76 grains Total : 510 livres
RÉCAPITULATION DES PRINCIPES
CONSTITUANTS DES MATÉRIAUX DE LA FERMENTATION.
Oxygène : de l’eau. : 340 livres de l’eau de la levure : 6 Livres 2 onces 3
gros 44,60 grains du sucre : 64 livres
de la levure. : 1 livres 10 onces 2 gros 28,76 grains Total : 411 livres 12 onces 6 gros 1,36 grains Hydrogène : de
l’eau. : 60 livres de l’eau de la levure : 1 livres 1 onces 2 gros 7 1,40 du sucre : 8 livres de la
levure : 4 onces 5 gros 9,30 grains Total : 69 Livres 6 onces 8,70 grains
Carbone : du sucre : 28 livres de la levure : 12 onces 4 gros 59,00 grains
Total : 28 livres 12 onces 4 gros
59,00 grains Azote de la levure : 5 gros 2,94 grains Total : 510 livres Après avoir bien déterminé quelle est la nature et
la quantité des principes qui constituent les matériaux de la fermentation, il
reste à examiner quels en sont les produits. Pour parvenir à les connaître, Pagination
originale du document : p.103 j'ai commencé par
renfermer les 510 livres de liqueur ci-dessus dans un appareil, par le moyen duquel
je pouvais, non-seulement déterminer la qualité et la quantité des gaz à mesure
qu'ils se dégageaient, mais encore peser chacun des produits
séparément, à telle époque de la fermentation que je le jugeais
à propos. Il serait trop long de décrire ici cet appareil, qui se trouve, au
surplus, décrit dans la troisième partie de cet ouvrage. Je me bornerai
donc à rendre compte des effets. Une heure ou deux après que le
mélange est fait, surtout si la température dans laquelle on opère est de 15 à 18 degrés, on commence à
apercevoir les premiers indices de la fermentation : la liqueur se trouble et devient écumeuse, il s’en dégage des
bulles qui viennent crever à la surface ; bientôt la quantité de ces bulles augmente, et il se fait un
dégagement abondant et rapide de gaz acide carbonique très-pur accompagné d'écume, qui n'est autre chose que de la
levure qui se sépare. Au bout de
quelques jours, suivant le degré de chaleur, le mouvement et le dégagement de
gaz diminue, mais il ne cesse pas
entièrement, et ce n'est qu'après un intervalle de temps assez long que la fermentation est achevée. Le poids de l'acide
carbonique sec qui se dégage dans cette opération est de 35 livres 5 onces 4 gros 19 grains. Ce gaz
entraîne, en outre, avec lui une portion assez considérable d'eau qu'il tient en dissolution, et qui est environ de 13
livres 14 onces 5 gros. Il reste dans
le vase dans lequel on opère une liqueur vineuse légèrement acide, d'abord
trouble, qui s'éclaircit ensuite
d'elle-même, et qui laisse déposer une portion de levure. Cette liqueur pèse en
totalité 460 livres 11 onces 6 gros 53 grains. Enfin, en analysant
séparément toutes ces substances, et en les
résolvant dans leurs parties constituantes, on trouve, après un travail
très-pénible, les résultats qui suivent, qui seront détaillés dans les
Mémoires de l'Académie. Pagination
originale du document : p.104 TABLEAU DES
RÉSULTATS OBTENUS PAR LA FERMENTATION. [tableau non reproduit sous cette version] Pagination
originale du document : p.105 RÉCAPITULATION DES RÉSULTATS OBTENUS
PAR LA FERMENTATION. [tableau non reproduit
sous cette version]
Quoique, dans ces résultats, j'aie porté jusqu'aux grains
la précision du calcul, il s'en faut
bien que ce genre d'expérience puisse comporter encore une aussi grande exactitude ; mais, comme je n'ai opéré que sur
quelques livres de sucre, et que, pour établir des comparaisons, j'ai été obligé de les réduire au
quintal, j'ai cru devoir laisser subsister les fractions telles que le calcul
me les a données. En réfléchissant sur les résultats que présentent les
tableaux ci-dessus, il est aisé de
voir clairement ce qui se passe dans la fermentation vineuse. On remarque d'abord
que, sur les 100 livres de sucre Pagination
originale du document : p.106 qu'on a
employées, il y a eu 4 livres 1 once 4 gros 3 grains qui sont restées dans
l’état de sucre non décomposé, en sorte qu'on n'a réellement opéré que
sur 95 livres 14 onces 3 gros 69 grains de sucre, c'est-à-dire sur
61 livres 6 onces 45 grains d'oxygène, sur 7 livres 10 onces 6 gros 6 grains d'hydrogène,
et sur 26 livres 13 onces 5 gros 19 grains de carbone. Or, en comparant ces
quantités, on verra qu'elles sont suffisantes pour former tout
l'esprit-de-vin ou alcool, tout l'acide carbonique et tout l'acide
acéteux qui a été produit par l'effet de la fermentation. Il n'est donc point
nécessaire de supposer que l’eau se décompose dans cette opération, à moins que
l'on ne prétende que l'oxygène et l'hydrogène sont dans l'état d'eau dans
le sucre ; ce que je ne crois pas, puisque j'ai établi, au contraire,
qu'en général les trois principes constitutifs des végétaux, l'hydrogène,
l’oxygène et le carbone, étaient entre eux dans un état d'équilibre ; que
cet état d'équilibre subsistait tant qu'il n'était point troublé,
soit par un changement de température, soit par une double affinité, et que ce
n'était qu'alors
que les principes, se combinant deux à deux, formaient de l'eau et de l’acide
carbonique.
Les effets de la
fermentation vineuse se réduisent donc à séparer en deux portions le sucre, qui
est un oxyde, à oxygéner l’une aux dépens de l’autre pour en former de l’acide
carbonique ; à désoxygéner l’autre en faveur de la première pour en
former une substance combustible, qui est l’alcool ; en sorte que, s’il
était possible de recombiner ces deux substances, l’alcool et l’acide
carbonique, on reformerait du sucre. Il est à remarquer, au surplus, que
l’hydrogène et le carbone ne sont pas dans l’état d’huile dans l’alcool ; ils
sont combinés avec une portion d’oxygène qui les rend miscibles à l’eau ;
les trois principes, l’oxygène, l’hydrogène et la carbone, sont donc encore ici
dans une espèce d’état d’équilibre ; et en effet, en les faisant passer à
travers un tube de verre ou de porcelaine rougi au feu, on les recombine deux à
deux, et on retrouve de l’eau, de l’hydrogène, de l’acide carbonique et du carbone. J’avais
remarqué d’une manière formelle, dans mes premiers mémoires Pagination
originale du document : p.107 sur la formation
de l'eau, que cette substance, regardée comme un élément, se décomposait dans
un grand nombre
d'opérations chimiques, notamment dans la fermentation vineuse ; je supposais
alors qu'il existait de l'eau toute formée
dans le sucre, tandis que je suis persuadé aujourd'hui qu'il contient seulement
les matériaux propres à la former. On conçoit qu'il a dû m'en coûter pour
abandonner mes premières ides ; aussi n'est-ce qu'après plusieurs années de
réflexions, et d'après une longue suite d'expériences et d'observations sur les végétaux, que le m'y suis
déterminé. Je terminerai ce que j'ai à
dire sur la fermentation vineuse, en faisant observer qu'elle peut fournir un
moyen d'analyse du sucre, et, en
général, des substances végétales susceptibles de fermenter. En effet, comme je
l'ai déjà indiqué au commencement de
cet article, je puis considérer les matières mises à fermenter et le résultat obtenu après la fermentation comme une
équation algébrique ; et, en supposant successivement
chacun des éléments de cette équation inconnus, j'en puis tirer une valeur et
rectifier ainsi l'expérience par le
calcul, et le calcul par l'expérience. J'ai souvent profité de cette méthode pour corriger les premiers résultats de mes
expériences, et pour me guider dans les précautions à prendre pour les recommencer ; mais ce n'est pas
ici le moment d'entrer dans ces détails, sur lesquels je me suis, au surplus, étendu fort au long dans le mémoire que
j'ai donné à l'Académie sur la fermentation vineuse, et qui sera
incessamment imprimé. Pagination
originale du document : p.108 CHAPITRE XIV. DE
LA FERMENTATION PUTRIDE.
Je viens de faire voir comment le corps sucré se
décomposait, lorsqu'il était étendu d'une certaine quantité d'eau et à l'aide
d'une douce chaleur ; comment les trois principes qui le constituent,
l'oxygène, l'hydrogène et le carbone, qui étaient dans un
état d'équilibre, et qui ne formaient, dans l'état de sucre, ni de l'eau, ni de
l'huile, ni de l'acide carbonique, se séparaient pour se combiner
dans un autre ordre ; comment une portion de carbone se réunissait à l'oxygène
pour former de l'acide carbonique ; comment une autre portion de carbone
se combinait avec l'hydrogène et avec de l'eau pour former de l'alcool. Les
phénomènes de la putréfaction s'opèrent de même en vertu d'affinités
très- compliquées. Les trois principes constitutifs du corps cessent également, dans cette
opération, d'être dans un état d'équilibre ; au lieu d'une combinaison ternaire, il se forme des combinaisons binaires ; mais
le résultat de ces combinaisons est
bien différent de celui que donne la fermentation vineuse. Dans cette dernière,
une partie des principes de la
substance végétale, l'hydrogène par exemple, reste uni à une portion d'eau et de carbone pour former de l'alcool. Dans la
fermentation putride, au contraire, la totalité de l'hydrogène se dissipe sous la forme de gaz
hydrogène ; en même temps l'oxygène et le carbone, se réunissant au calorique, s'échappent sous la forme
de gaz acide carbonique. Enfin, quand l'opération est entièrement
achevée, surtout si la quantité d'eau nécessaire pour la putréfaction n'a pas
manqué, il ne reste plus que la terre du
végétal mêlée d'un peu de carbone et de fer. La putréfaction des végétaux n'est donc autre chose qu'une analyse
complète des substances végétales, dans laquelle la totalité de leurs Pagination
originale du document : p.109 principes
constitutifs se dégage sous forme de gaz, à l'exception de la terre, qui reste
dans l'état de ce qu'on nomme terreau. Je donnerai, dans la
troisième partie de cet ouvrage, une idée des appareils qu'on peut
employer pour ce genre d'expériences. Tel est le résultat de la putréfaction,
quand le corps qu'on y soumet ne contient que de l'oxygène, de
l'hydrogène, du carbone et un peu de terre ; mais ce cas est
rare, et il paraît même que ces substances, lorsqu'elles sont seules,
fermentent difficilement, qu'elles fermentent mal, et qu'il faut un
temps considérable pour que la putréfaction soit complète. Il n'en est pas de
même quand la substance mise à fermenter contient de l'azote, et c'est ce
qui a lieu à l'égard de toutes les matières animales et même d'un assez grand
nombre de matières végétales. Ce nouvel ingrédient favorise
merveilleusement la putréfaction :c'est pour cette raison qu'on
mélange les matières animales avec les végétales, lorsqu'on veut hâter la
putréfaction, et c'est dans ce mélange que consiste presque toute la
science des amendements et des fumiers. Mais l'introduction de
l'azote dans les matériaux de la putréfaction ne produit pas seulement l'effet
d'en accélérer les phénomènes, elle forme, en se combinant avec l'hydrogène,
une nouvelle substance connue sous le nom d'alcali volatil ou ammoniaque. Les
résultats qu'on obtient, en analysant les matières
animales par différents procédés, ne laissent aucun doute sur la nature des
principes qui constituent l'ammoniaque. Toutes les fois qu'on sépare
préalablement l'azote de ces matières, elles ne donnent plus d'ammoniaque, et
elles n'en donnent qu'autant qu'elles contiennent de l'azote. Cette composition
de l'ammoniaque est d'ailleurs confirmée par des expériences analytiques que M.
Berthollet a détaillées dans les Mémoires de l'Académie, année 1785 p.
316 ; il a donné différents moyens de décomposer cette substance, et
d'obtenir séparément les deux principes, l'azote et l'hydrogène, qui
entrent dans sa combinaison. J'ai déjà annoncé plus haut (voy. chap. x) que les
corps combustibles étaient presque tous susceptibles de se combiner les uns
avec les autres. Le gaz hydrogène a éminemment cette propriété : il dissout le
carbone, Pagination
originale du document : p.110 le soufre et le
phosphore, et il résulte de ces combinaisons ce que j'ai appelé plus haut
gaz
hydrogène carboné, gaz hydrogène sulfuré, gaz hydrogène phosphoré.
Les deux
derniers de ces gaz ont une odeur particulière et très-désagréable : celle du
gaz hydrogène sulfuré a beaucoup de rapport avec celle des neufs gâtés et corrompus ;
celle du gaz hydrogène phosphoré est absolument la même que celle du poisson
pourri ; enfin l'ammoniaque a une odeur qui n'est ni moins pénétrante, ni moins
désagréable que les précédentes. C'est de la
combinaison de ces différentes odeurs que résulte celle qui s'exhale des matières animales en putréfaction,
et qui est si fétide. Tantôt c'est l'odeur de l'ammoniaque qui est prédominante, et on la reconnaît aisément à ce
qu'elle pique les yeux ; tantôt c'est
celle du soufre, comme dans les matières fécales ; tantôt enfin c'est celle du
phosphore, comme dans le hareng
pourri. J'ai supposé jusqu'ici que rien ne dérangeait le cours de la
fermentation et n'en troublait les effets. Mais M. de Fourcroy et M.
Thouret ont observé, relativement à des cadavres enterrés à une certaine profondeur et garantis jusqu'à un certain point
du contact de l'air, des phénomènes
particuliers. Ils ont remarqué que souvent la partie musculaire se
convertissait en une véritable
graisse animale. Ce phénomène tient à ce que, par quelque circonstance
particulière, l'azote que contenaient
ces matières animales aura été dégagé, et à ce qu'il n'est resté que de
l'hydrogène et du carbone, c'est-à-dire
les matériaux propres à faire de la graisse. Cette observation sur la possibilité de convertir en graisse les matières
animales peut conduire un jour à des découvertes importantes sur le parti qu'on en peut tirer pour les usages de la
société. Les déjections animales, telles
que les matières fécales, sont principalement composées de carbone et
d'hydrogène ; elles se rapprochent
donc beaucoup de l'état d'huile, et en effet elles en fournissent beaucoup par
la distillation à feu nu. Mais
l'odeur insoutenable qui accompagne tous les produits qu'on en retire ne permet pas d'espérer de longtemps qu'on puisse les
employer à autre chose qu'à faire des engrais. Je n'ai donné dans ce
chapitre que des aperçus, parce que la com- [composition] Pagination
originale du document : p.111 position des
matières animales n'est pas encore très-exactement connue. On sait qu'elles
sont composées d'hydrogène, de carbone, d'azote, de phosphore, de soufre ;
le tout porté à l'état d'oxyde par une quantité plus ou moins grande
d'oxygène, mais on ignore absolument, quelle est la proportion de
ces principes. Le temps complétera cette partie de l'analyse chimique comme il
en a complété
déjà quelques autres. Pagination
originale du document : p.112 CHAPITRE XV. DE
LA FERMENTATION ACÉTEUSE.
La fermentation acéteuse n'est autre chose
que l'acidification du vin qui se fait à l'air libre par l'absorption de
l'oxygène. L'acide qui en résulte est l'acide acéteux, vulgairement
appelé vinaigre ; il est composé d'une proportion, qui n'a point
encore été déterminée, d'hydrogène et de carbone combinés ensemble et portés à
l'état d'acide par l'oxygène. Le vinaigre étant un acide, l'analogie
conduisait seule à conclure qu'il contenait de l'oxygène ; mais
cette vérité est prouvée de plus par des expériences directes. Premièrement, le
vin ne peut se convertir en vinaigre qu'autant qu'il a le contact de l'air,
et qu'autant que cet air contient du gaz oxygène. Secondement, cette
opération est accompagnée d'une diminution de volume de l'air dans
lequel elle se fait, et cette diminution de volume est occasionnée par
l'absorption du gaz oxygène. Troisièmement, on peut transformer le vin
en vinaigre en l'oxygénant par quelque autre moyen que ce
soit. Indépendamment de ces faits, qui prouvent que l'acide acéteux est un
résultat de l'oxygénation du vin, une expérience de M. Chaptal, professeur de
chimie à Montpellier, fait voir clairement ce qui se passe dans cette
opération. Il prend du gaz acide carbonique dégagé de la bière en
fermentation ; il en imprègne de l'eau jusqu'à saturation, c'est-à-dire jusqu'à
ce qu'elle en ait absorbé environ une quantité égale à son volume ; il
met cette eau à la cave dans des vaisseaux qui ont communication
avec l'air, et, au bout de quelque temps, le tout se trouve converti en acide acéteux. Le gaz acide
carbonique des cuves de bière en fermentation n'est pas entièrement pur, il est
mêlé d'un peu d'alcool qu'il tient en dissolution ; il y a donc dans l'eau
imprégnée d'acide Pagination
originale du document : p.113 carbonique
dégagé de la fermentation vineuse tous les matériaux nécessaires pour former de
l'acide acéteux. L'alcool fournit l'hydrogène et une portion de
carbone ; l'acide carbonique fournit du carbone et de l’oxygène ; enfin
l'air de l’atmosphère doit fournir ce qui manque d'oxygène pour porter le
mélange à l'état d'acide acéteux. On voit par là qu'il ne faut qu'aj outer de
l'hydrogène à l’acide carbonique pour le constituer acide acéteux, ou, pour
parler plus généralement, pour le transformer en un acide végétal
quelconque, suivant le degré d'oxygénation ; qu'il ne faut, au contraire,
que retrancher de l’hydrogène aux acides végétaux pour les convertir en acide
carbonique. Je
ne m'étendrai pas davantage sur la fermentation acéteuse, à l'égard de laquelle
nous n'avons pas encore d'expériences
exactes ; les faits principaux sont connus, mais l'exactitude numérique manque.
On voit d'ailleurs que la théorie de
l’acétification est étroitement liée à celle de la constitution de tous les
acides et oxydes végétaux, et nous ne connaissons point encore la proportion
des principes dont ils sont composés.
Il est aisé de s'apercevoir cependant que toute cette partie de la chimie marche
rapidement, comme toutes les autres, vers sa perfection, et qu'elle est
beaucoup plus simple qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. Pagination
originale du document : p.114 CHAPITRE XVI. DE
LA FORMATION DES SELS NEUTRES ET DE DIFFÉRENTES BASES QUI ENTRENT DANS LEUR
COMPOSITION.
Nous avons vu comment un petit nombre. de substances simples, ou
au moins qui n'ont point été décomposées jusqu'ici, telles que l'azote, le soufre,
le phosphore, le carbone, le radical muriatique et l’hydrogène, formaient, en
se combinant avec l'oxygène, tous les oxydes et les acides du règne
végétal et du règne animal ; nous avons admiré avec quelle simplicité de
moyens la nature multipliait les propriétés et les formes, soit en combinant
ensemble jusqu'à trois et quatre bases acidifiables dans différentes
proportions, soit en changeant la dose d'oxygène destiné à les acidifier. Nous
ne la trouverons ni moins variée, ni moins simple, ni surtout moins féconde,
dans l’ordre des choses que nous allons parcourir. Les substances acidifiables,
en se combinant avec l'oxygène et en se convertissant en acides, acquièrent une
grande tendance à la combinaison ; elles deviennent susceptibles de s'unir avec
des substances terreuses et métalliques ; et c'est de cette réunion que résultent les
sels neutres. Les acides peuvent donc être regardés
comme de véritables principes salifiants, et les substances auxquelles ils
s'unissent pour former des sels
neutres, comme des bases salifiables ; c'est précisément de la combinaison des principes salifiants avec les bases salifiables
que nous allons nous occuper dans cet article. Cette manière d'envisager les acides ne me permet pas de
les regarder comme des sels, quoiqu'ils aient quelques-unes de leurs propriétés principales. telles que la solubilité
dans l'eau, etc. Les acides, comme je
l’ai déjà fait observer, résultent d'un premier ordre de combinaisons ; ils
sont formés de la réunion de deux
principes simples, ou Pagination
originale du document : p.115 au moins qui se
comportent à la manière des principes simples, et ils sont par conséquent, pour
me servir de l'expression de Stahl, dans l'ordre des mixtes. Les sels
neutres, au contraire, sont d'un autre ordre de combinaisons : ils sont
formés de la réunion de deux mixtes, et ils rentrent dans la classe des
composés. Je ne rangerai pas non plus, par la même cause, les alcalis (1) ni
les substances terreuses,
telles que la chaux, la magnésie, etc. dans la classe des sels, et je ne
désignerai par ce non que des composés formés
de la réunion d'une substance simple oxygénée et d'une base quelconque. Je me suis suffisamment étendu, dans les chapitres
précédents, sur la formation des acides, et je n'ajouterai rien à cet égard ; mais je n'ai rien dit encore des bases qui
sont susceptibles de se combiner avec eux pour former des sels neutres ; ces
bases, que je nomme salifiables, sont : La potasse, La soude,
L'ammoniaque, La chaux, La magnésie, La baryte, L'alumine, Et toutes les substances métalliques. Je vais dire un mot de
l'origine et de la nature de chacune de ces bases en particulier. DE LA POTASSE. Nous avons déjà fait
observer que, lorsqu'on échauffait une substance
végétale dans un appareil distillatoire, les principes qui la composent,
l'oxygène, l'hydrogène et le carbone,
et qui formaient une combinaison triple dans un état d'équilibre, se réunissaient
deux à deux en obéissant (1) On regardera peut-être comme un
défaut de la méthode que j'ai adoptée, de m'avoir contraint
à rejeter les alcalis de la classe des sels, et je conviens que c'est un reproche
qu'on peul lui faire ; mais cet inconvénient se trouve compensé par de si grands avantages, que je n'ai
pas cru qu'il dût m'arrêter. Pagination
originale du document : p.116 aux affinités
qui doivent avoir lieu suivant le degré de température. Ainsi, à la première
impression du feu, et dès que la chaleur excède celle de l'eau
bouillante, l’oxygène et l'hydrogène se réunissent pour former de l'eau. Bientôt après
une portion de carbone et une d'hydrogène se combinent pour former de l'huile. Lorsque ensuite, par le progrès
de la distillation, on est parvenu à une chaleur rouge, l'huile et l'eau même qui s'étaient formées se décomposent ;
l'oxygène et le carbone forment l’acide
carbonique, une grande quantité de gaz hydrogène devenue libre se dégage et
s'échappe ; enfin il ne reste plus
que du charbon dans la cornue. La plus grande partie de ces phénomènes se
retrouvent dans la combustion des végétaux à l’air libre ;mais alors la
présence de l’air introduit dans l'opération trois ingrédients nouveaux, dont
deux au moins apportent des changements considérables dans les résultats de l'opération. Ces ingrédients
sont l'oxygène de l'air, l'azote et le calorique. A mesure que l’hydrogène du végétal ou celui qui
résulte de la décomposition de l'eau est chassé par le progrès du feu sous la forme
de gaz hydrogène, il s'allume au moment où il a le contact de l'air, il reforme
de l'eau, et le calorique des deux gaz qui devient libre, au moins pour la plus
grande partie, produit la flamme.
Lorsque ensuite tout le gaz hydrogène a été chassé, brûlé et réduit en eau, le charbon qui reste brûle à son tour, mais sans
flamme ; il forme de l’acide carbonique, qui s'échappe, emportant avec lui une portion de calorique qui le
constitue dans l’état de gaz ; le surplus du calorique devient libre, s'échappe et produit la chaleur et la lumière
qu'on observe dans la combustion du
charbon. Tout le végétal se trouve ainsi réduit en eau et en acide carbonique ;
il ne reste qu'une petite portion d'une matière terreuse grise, connue
sous le nom de cendre, et qui contient les
seuls principes vraiment fixes qui entrent dans la constitution des végétaux.
Cette terre ou cendre, dont le poids
n'excède pas communément le vingtième de celui du végétal, contient une substance
d'un genre particulier, connue sous le nom d'alcali fixe végétal ou de potasse. Pagination
originale du document : p.117 Pour l'obtenir,
on passe de l'eau sur les cendres ; l'eau se charge de la potasse, qui est
dissoluble, et elle laisse les cendres, qui sont insolubles ; en évaporant
ensuite l'eau, on obtient la potasse, qui est fixe. même à un
très-grand degré de chaleur, et qui reste sous forme blanche et concrète. Mon
objet n'est point de décrire ici l'art de préparer la potasse, encore moins les
moyens de l'obtenir pure ; je n'entre même ici dans ces détails que pour obéir à la loi que
je me suis faite de n'admettre aucun mot qui
n'ait été défini. La potasse qu'on obtient par ce procédé est toujours plus ou
moins saturée d'acide carbonique, et
la raison en est facile à saisir : comme la potasse ne se forme, ou au moins
n'est rendue libre qu'à mesure que le
charbon du végétal est converti en acide carbonique par l'addition de l'oxygène, soit de l'air, soit de l'eau, il en
résulte que chaque molécule de potasse se trouve, au moment de sa formation, en contact avec une
molécule d'acide carbonique, et, comme il y a beaucoup d'affinité entre ces deux substances, il doit y avoir
combinaison. Quoique l'acide carbonique
soit celui de tous les acides qui tient le moins à la potasse, il est cependant
difficile d'en séparer les dernières portions.
Le moyen le plus habituellement employé consiste à dissoudre la potasse dans de l'eau, à y ajouter deux ou trois
fois son poids de chaux vive, à filtrer et à évaporer dans des vaisseaux fermés ; la substance saline
qu'on obtient est de la potasse presque entièrement dépouillée d'acide
carbonique. Dans cet état, elle est non-seulement dissoluble dans l'eau, au
moins à partie égale, mais elle attire
encore celle de l'air avec une étonnante avidité ; elle fournit en conséquence
un moyen de sécher l'air ou les gaz auxquels elle est exposée. Elle est
également soluble dans
l'esprit-de-vin ou alcool, à la différence de celle qui est saturée d'acide
carbonique, qui n'est pas soluble dans ce dissolvant. Cette circonstance a
fourni à M. Berthollet un moyen d'avoir de la potasse parfaitement pure. Il n'y a point de végétaux qui ne donnent
plus ou moins de potasse par incinération, mais on ne l'obtient pas
également pure de tous ; Pagination
originale du document : p.118 elle est ordinairement mêlée avec
différents sels, qu'il est aisé d'en séparer. On ne peut guère douter que les cendres, autrement dit la terre, que
laissent les végétaux lorsqu'on les brûle, ne préexistât dans ces végétaux
antérieurement à la combustion ; cette terre forme, à ce qu'il paraît, la
partie osseuse, la carcasse du
végétal. Mais il n'en est pas de même de la potasse : on n'est encore parvenu à séparer cette substance des végétaux qu'en
employant des procédés ou des intermèdes qui peuvent fournir de l'oxygène et de l'azote, tels que la
combustion ou la combinaison avec l'acide nitrique ; en sorte qu'il n'est point démontré que cette
substance ne soit pas un produit de ces opérations. J'ai commencé une suite d'expériences sur cet objet,
dont je serai bientôt en état de rendre compte. DE LA SOUDE. La soude est, comme la potasse, un
alcali qui se tire de la lixiviation des cendres des plantes, mais de celles seulement qui croissent aux
bords de la mer, et principalement du cali, d'où est venu le nom d'alcali qui
lui a été donné par les Arabes ; elle a quelques propriétés communes avec la potasse, mais elle en a d'autres qui l'en
distinguent. En général, ces deux substances portent chacune, dans toutes les combinaisons salines, des
caractères qui leur sont propres. La soude, telle qu'on l'obtient de la lixiviation des plantes
marines, est le plus souvent entièrement saturée d'acide carbonique, mais elle n'attire pas, comme la
potasse, l'humidité de l'air ; au contraire, elle s'y dessèche, ses cristaux s'effleurissent et se
convertissent en une poussière blanche qui a toutes les propriétés de la soude,
et qui n'en diffère que parce qu'elle a perdu son eau de cristallisation. On ne
connaît pas mieux, jusqu'ici, les
principes constituants de la soude que ceux de la potasse, et on n'est pas même certain si cette substance est toute
formée dans les végétaux, antérieurement à la combustion. L'analogie pourrait
porter à croire que l'azote est un des principes constituants des alcalis
en général, et on en a la preuve à l'égard Pagination
originale du document : p.119 de l’ammoniaque,
comme je vais l'exposer ; mais on n'a, relativement à la potasse et à la soude,
que de légères présomptions, qu'aucune expérience décisive n'a encore
confirmées.
DE L’AMMONIAQUE.
Comme nous n'avions aucune connaissance
précise à présenter sur la composition de la soude et de la potasse,
nous avons été obligé de nous borner, dans les deux paragraphes précédents, à indiquer
les substances dont on les retire et les moyens qu'on emploie pour les obtenir. Il n'en est pas de même de
l'ammoniaque, que les anciens ont nommée alcali volatil. M. Berthollet, dans un mémoire imprimé dans le Recueil
de l'Académie, année 1784, p. 3 16, est parvenu à prouver, par voie de décomposition, que i 1000 parties de
cette substance en poids étaient composées d'environ 807 d'azote et de 193
d'hydrogène. C'est principalement par la distillation des matières animales qu'on obtient cette substance ;
l'azote, qui est un de leurs principes constituants, s'unit à la proportion d'hydrogène propre à cette
combinaison, et il se forme de l'ammoniaque ; mais on ne l'obtient point pure
dans cette opération, elle est mêlée avec de l'eau, de l'huile, et en grande partie saturée d'acide carbonique. Pour la séparer
de toutes ces substances, on la combine d'abord avec un acide, tel, par exemple, que l'acide muriatique ; on l'en dégage
ensuite, soit par une addition de
chaux, soit par une addition de potasse. Lorsque l'ammoniaque a été. ainsi
amenée à son plus grand degré de
pureté, elle ne peut plus exister que sous forme gazeuse, à la température
ordinaire dans laquelle nous vivons ; elle a une odeur excessivement
pénétrante. L'eau en absorbe une trèsgrande
quantité, surtout si elle est froide et si on ajoute la pression au
refroidissement ; ainsi saturée d'ammoniaque, elle a été appelée alcali
volatil fluor ; nous l'appellerons simplement ammonia que ou ammonia que en liqueur, et nous désignerons la mène substance, quand elle
sera dans l'état aériforme, par le nom de gaz ammoniac. Pagination
originale du document : p.120 DE LA CHAUX, DE
LA MAGNÉSIE, DE LA BARYTE ET DE L'ALUMINE.
La composition de ces quatre terres
est absolument inconnue ; et, comme on n'est point encore parvenu à déterminer quelles
sont leurs parties constituantes et élémentaires, nous sommes autorisés, en
attendant de nouvelles découvertes, à les regarder comme des êtres simples :
l’art n'a donc aucune part à la formation de ces terres, la nature nous
les présente toutes formées. Mais, comme elles ont. la plupart, surtout les trois premières, une grande
tendance à la combinaison, on ne les trouve jamais seules. La chaux
est presque touj ours saturée d'acide carbonique, et, dans cet état, elle forme
la craie, les spaths calcaires, une partie des marbres, etc. Quelquefois
elle est saturée d'acide sulfurique, comme dans le gypse et les
pierres à plâtre ; d'autres fois, combinée avec l'acide fluorique, elle forme
le spath fluor ou vitreux. Enfin les eaux de la mer et des fontaines
salées en contiennent de combinée avec l'acide muriatique. C'est, de toutes les
bases salifiables, celle qui est le plus abondamment répandue dans la nature.
On rencontre la magnésie dans un grand nombre d'eaux minérales ; elle y est le
plus communément combinée avec l'acide sulfurique ; on la trouve aussi très-
abondamment dans l'eau de la mer, où elle est combinée avec
l'acide muriatique ; enfin elle entre dans la composition d'un grand nombre de
pierres. La baryte est beaucoup moins abondante que les deux terres précédentes
; on la trouve dans le règne minéral combinée avec l'acide
sulfurique, et elle forme alors le spath pesant ; quelquefois,
mais plus rarement, elle est combinée avec l'acide carbonique. L'alumine, ou
base de l'alun, a moins de tendance à la combinaison que les
précédentes ; aussi la trouve-t-on souvent à l'état
d'alumine, sans être combinée avec aucun acide. C'est principalement dans les
argiles qu'on la rencontre
; elle en fait, à proprement parler, la base. Pagination
originale du document : p.121 DES SUBSTANCES
MÉTALLIQUES.
Les métaux, à l'exception de l'or et quelquefois de l'argent, se
présentent rarement, dans le règne minéral, sous leur forme métallique ; ils
sont communément ou plus ou moins saturés d'oxygène, ou combinés avec
du soufre, de l'arsenic, de l'acide sulfurique, de l'acide
muriatique, de l'acide carbonique, de l'acide phosphorique. La docimasie et la
métallurgie enseignent à les séparer de toutes ces substances
étrangères, et nous renvoyons aux ouvrages qui traitent de cette
partie de la chimie. Il est probable que nous ne connaissons qu'une partie des substances
métalliques qui existent dans la nature ; toutes celles, par exemple, qui ont
plus d'affinité avec l'oxygène qu'avec le carbone ne sont pas susceptibles
d'être réduites ou ramenées à l'état métallique, et elles ne doivent
se présenter à nos yeux que sous la forme d'oxydes, qui se confondent pour nous
avec les terres. Il est très-probable que la baryte, que nous venons de ranger
dans la classe des terres, est dans ce cas ; elle présente, dans le
détail des expériences, des caractères qui la rapprochent beaucoup des
substances métalliques. Il serait possible, à la rigueur, que toutes les
substances auxquelles nous donnons le nom de terres ne fussent que des oxydes
métalliques irréductibles
par les moyens que nous employons. Quoi qu'il en soit, les substances
métalliques que nous connaissons. celles que
nous pouvons obtenir dans l'état métallique, sont au nombre de dix-sept, savoir : L'arsenic. Le molybdène, Le
manganèse, Le nickel, Le bismuth, L'antimoine. Le zinc, Le fer, L'étain,
Le tungstène, Le plomb, Le cuivre, Le mercure, Le cobalt, L'argent, Le platine,
L'or. Pagination
originale du document : p.122 Je ne
considérerai ces métaux que comme des bases salifiables, et je n'entrerai dans
aucun détail sur leurs
propriétés relatives aux arts et aux usages de la société. Chaque métal, sous
ces points de vue, exigerait un traité
complet. et je sortirais absolument des
bornes que je me suis prescrites. Pagination
originale du document : p.123 CHAPITRE XVII.
SUITE DES RÉFLEXIONS SUR LES BASES SALIFIABLES, ET SUR LA FORMATION DES
SELS NEUTRES.
Telles sont les bases salifiables, c'est-à-dire susceptibles de se
combiner avec les acides et de former des sels neutres. Mais il faut observer
que les alcalis et les terres entrent purement et simplement dans la
composition des sels neutres, sans aucun intermède qui serve à les
unir ; tandis qu'au contraire les métaux ne peuvent se combiner avec les acides
qu'autant qu'ils ont été préalablement plus ou moins oxygénés. On peut
donc rigoureusement dire que les métaux ne sont point dissolubles
dans les acides, mais seulement les oxydes métalliques. Ainsi, lorsqu'on
met une substance métallique dans un acide, la première condition pour qu'elle puisse
s'y dissoudre est qu'elle puisse s'y oxyder, et elle ne le peut qu'en enlevant
de l'oxygène ou à l'acide ou à l'eau dont cet acide est étendu ;
c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'une substance métallique ne
peut se dissoudre dans un acide qu'autant que l'oxygène qui entre, soit dans la
composition de l'eau, soit dans celle de l'acide, a plus d'affinité avec le
métal qu'il n'en a avec l'hydrogène ou la base acidifiable ; ou, ce qui revient
encore au même, qu'il n'y a de dissolution métallique
qu'autant qu'il y a décomposition de l'eau ou de l'acide. C'est de cette
observation simple, qui a échappé, même à l'illustre Bergman, que
dépend l'explication des principaux phénomènes des dissolutions
métalliques. Le premier de tous et le plus frappant est l'effervescence, ou,
pour parler d'une manière moins équivoque, le dégagement de gaz qui a
lieu pendant la dissolution. Ce gaz, dans les dissolutions par l'acide
nitrique, est du gaz nitreux ; dans les dissolutions par l'acide sulfurique, il est ou du gaz
acide sulfureux, ou du Pagination
originale du document : p.124 gaz hydrogène,
suivant que c'est aux dépens de l'acide sulfurique ou de l'eau que le métal
s'est oxydé. Il
est sensible que l'acide nitrique et l'eau étant composés l'un et l'autre de
substances qui séparément ne peuvent exister
que dans l'état de gaz, du moins à la température dans laquelle nous vivons, aussitôt qu'on leur enlève l'oxygène, le
principe qui lui était uni doit entrer sur-le-champ en expansion, il doit prendre la forme gazeuse, et
c'est ce passage rapide de l'état liquide à l'état gazeux qui constitue
l'effervescence. Il en est de même de l'acide sulfurique ; les métaux, en
général, surtout par la voie humide,
n'enlèvent point à cet acide la totalité de l'oxygène ; ils ne le réduisent
point en soufre, mais en acide
sulfureux qui ne peut également exister que dans l'état de gaz au degré de température
et de pression dans lequel nous vivons. Cet acide doit donc se dégager sous la
forme de gaz, et c'est encore à ce
dégagement qu'est due l'effervescence. Un second phénomène est que toutes les substances métalliques se dissolvent sans
effervescence dans les acides quand elles ont été oxydées avant la dissolution : il est clair
qu'alors le métal n'ayant plus à s'oxyder, il ne tend plus à décomposer ni l'acide ni l'eau ; il ne doit donc
plus y avoir d'effervescence, puisque l'effet qui le produisait n'a plus lieu.
Un troisième phénomène est que tous les métaux se dissolvent sans effervescence dans l'acide muriatique oxygéné : ce
qui se passe dans cette opération mérite quelques réflexions particulières. Le métal, dans ce cas,
enlève à l'acide muriatique oxygéné son excès d'oxygène ; il se forme d'une part un oxyde métallique, et de l'autre de
l'acide muriatique ordinaire. S'il
n'y a pas d'effervescence dans ces sortes de dissolutions, ce n'est pas qu'il
ne soit de l'essence de l'acide
muriatique d'exister, sous la forme de gaz, au degré de température dans lequel
nous vivons, mais ce gaz trouve dans l'acide muriatique oxygéné plus
d'eau qu'il n'en faut pour être retenu et pour demeurer sous forme liquide ; il ne se dégage donc pas comme l'acide
sulfureux, et, après s'être combiné
avec l'eau dans le premier instant, il se combine paisiblement ensuite avec
l'oxyde métallique qu'il dissout. Pagination
originale du document : p.125 Un quatrième
phénomène est que les métaux qui ont peu d'affinité pour l'oxygène, et qui
n'exercent pas sur ce principe une action assez forte pour
décomposer, soit l'acide, soit l'eau, sont absolument indissolubles : c'est par
cette raison que l'argent, le mercure, le plomb, ne sont pas dissolubles dans
l'acide muriatique, lorsqu'on les présente à cet acide dans leur état
métallique ; mais, si on les oxyde auparavant, de quelque manière que ce soit, ils deviennent
aussitôt très-dissolubles, et la dissolution se
fait sans effervescence. L’oxygène est donc le moyen d'union entre les métaux
et les acides ; et cette
circonstance, qui a lieu pour tous les métaux comme pour tous les acides,
pourrait porter à croire que toutes les substances qui ont une grande
affinité avec les acides contiennent de l'oxygène. Il est donc assez probable que les quatre terres salifiables que nous
avons désignées ci-dessus contiennent
de l'oxygène, et que c'est par ce latus qu'elles .s'unissent aux acides. Cette
considération semblerait. appuyer ce
que j'ai précédemment avancé à l'article des terres, que ces substances pourraient
bien n'être autre chose que des métaux oxydés, avec lesquels l'oxygène a plus
d'affinité qu'il n'en a avec le charbon, et qui, par cette circonstance, sont
irréductibles. Au reste ce n'est ici qu'une
conjecture que des expériences ultérieures pourront seules ou confirmer ou
détruire. Les acides connus jusqu'ici sont les suivants ; nous allons, en les
désignant, indiquer le nom du radical ou
base acidifiable dont ils sont composés.
NOMS DES ACIDES. NOM DE LA BASE ACIDIFIABLE, OU RADICAL, DE CHAQUE ACIDE, AVEC
DES OBSERVATIONS. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.126 [Tableau non
reproduit dans cette version.] On voit que le nombre des acides est de
quarante-huit, en y com- [comprenant] Pagination
originale du document : p.127 prenant les
dix-sept acides métalliques, qui sont encore peu connus, mais sur lesquels M.
Berthollet va donner incessamment un travail important. On ne peut
pas encore se flatter sans doute de les avoir tous découverts ; mais il est
probable, d'un autre côté, qu'un examen plus approfondi fera connaître que
plusieurs des acides végétaux regardés comme différents rentrent les uns dans
les autres. Au reste, on ne peut présenter ici le tableau de la chimie que
dans l'état où elle est, et tout ce qu'on peut faire, c'est de donner des
principes pour nommer, en conformité du même système, les corps qui
pourront être découverts dans la suite. Le nombre des bases salififiables,
c'est-à-dire susceptibles d'être converties en sels neutres par les
acides, est de vingt-quatre, savoir : Trois alcalis, Quatre terres Et
dix-sept substances métalliques. La totalité des sels neutres qu'on peut
concevoir, dans l’état actuel de nos connaissances, est donc de onze
cent cinquante-deux ; mais c'est en supposant que les acides métalliques soient
susceptibles de dissoudre d'autres métaux ; et cette dissolubilité
des métaux oxygénés les uns par les autres est une science neuve, qui n'a point
encore été entamée : c'est de cette partie de la science que
dépendent toutes les combinaisons vitreuses métalliques. Il
est d'ailleurs probable que toutes les combinaisons salines qu'on peut
concevoir ne sont pas possibles, ce qui doit réduire considérablement
le nombre des sels que la nature et l'art peuvent former.
Mais, quand on ne supposerait que cinq à six cents espèces de sels possibles,
il est évident que, si on voulait donner à toutes des dénominations
arbitraires à la manière des anciens, si on les désignait, ou par le nom
des premiers auteurs qui les ont découverts, ou par le nom des substances
dont ils ont été tirés, il en résulterait une confusion que la mémoire la plus
heureuse ne pourrait pas débrouiller. Cette méthode pouvait être
tolérable dans le premier âge de la chimie ; elle pouvait l'être
encore il y a vingt ans, parce qu'alors, on ne connaissait pas au delà de
trente espèces de
sels; mais aujour- [aujourd’hui] Pagination
originale du document : p.128 d'hui que le
nombre en augmente tous les jours, que chaque acide qu'on découvre enrichit
souvent la chimie de vingt-quatre sels nouveaux, quelquefois de
quarante-huit, en raison des deux degrés d'oxygénation de l'acide, il faut
nécessairement une méthode, et cette méthode est donnée par l'analogie
: c'est celle que nous avons suivie dans la nomenclature des acides ; et, comme
la marche de la nature est une, elle s'appliquera naturellement à
la nomenclature des sels neutres. Lorsque nous avons nommé les
différentes espèces d'acides, nous avons distingué dans ces substances la base acidifiable
particulière à chacun d'eux, et le principe acidifiant, l'oxygène, qui est
commun à tous. Nous avons exprimé la propriété commune à tous par le nom
générique d'acide, et nous avons ensuite différencié les acides par le nom de la base
acidifiable particulière à chacun. C'est, ainsi que nous avons donné au soufre,
au phosphore, au carbone oxygéné le nom d'acide sulfurique, d'acide phosphorique, d'acide carbonique : enfin, nous avons cru devoir indiquer les
différents degrés de saturation
d'oxygène par une terminaison différente du même. mot. Ainsi, nous avons
distingué l'acide sulfureux de
l'acide sulfurique, l’acide phosphoreux de l'acide phosphorique. Ces principes,
appliqués à la nomenclature des sels
neutres, nous ont obligés de donner un nom commun à tous les sels dans la
combinaison desquels entre le même acide, et de les différencier ensuite par le
nom de la base salifiable. Ainsi, nous
avons désigné tous les sels qui ont l'acide sulfurique pour acide par le nom de sulfates; tous ceux qui ont l'acide
phosphorique pour acide par le nom de phosphates, et ainsi des autres. Nous distinguerons donc du sulfate
de potasse, sulfate de soude, sulfate d'ammoniaque, sulfate
de chaux, sulfate de fer,
etc. et, comme nous connaissons
vingt-quatre bases, tant alcalines que
terreuses et métalliques, nous aurons vingt-quatre espèces de sulfates, autant
de phosphates, et de même pour tous les autres acides. Mais, comme
le soufre est susceptible de deux degrés
d'oxygénation, qu'une première dose d'oxygène constitue l'acide sulfureux, et
une seconde l'acide sul- [sulfurique] Pagination
originale du document : p.129 furique; comme
les sels neutres que forment ces deux acides avec les différentes bases ne sont
pas les mêmes, et qu'ils ont des propriétés fort différentes, il a fallu les
distinguer encore par une terminaison particulière : nous avons en
conséquence désigné par le nom de sulfites,de phosphites,
etc. les
sels neutres formés par l'acide le moins oxygéné. Ainsi, le soufre oxygéné sera
susceptible de former
quarante-huit sels neutres, savoir: vingt-quatre sulfates et
vingt-quatre sulfites, et ainsi des autres
substances susceptibles de deux degrés d'oxygénation. Il serait excessivement
ennuyeux pour les lecteurs de suivre
ces dénominations dans tous leurs détails ; il suffit d'avoir exposé clairement
la méthode de nommer : quand on l'aura
saisie, on pourra l'appliquer sans effort à toutes les combinaisons possibles ; et, le nom de la
substance combustible et acidifiable connu, on se rappellera touj ours aisément le nom de l'acide
qu'elle est susceptible de former, et celui de tous les sels neutres qui doivent en dériver. Je m'en
tiendrai donc à ces notions élémentaires; mais, pour satisfaire en même temps ceux qui pourraient avoir
besoin de plus grands détails, j'ajouterai, dans une seconde partie, des
tableaux qui présenteront une récapitulation générale, non- seulement de tous les sels neutres, mais en général de toutes les
combinaisons chimiques. J'y joindrai quelques courtes explications sur la méthode la plus simple et la
plus sûre de se procurer les différentes espèces d'acides, et sur les propriétés générales des sels neutres qui en
résultent. Je ne me dissimule pas qu'il aurait été nécessaire, pour compléter cet ouvrage, d'y joindre des
observations particulières sur chaque espèce de sel, sur sa dissolubilité dans
l'eau et dans l'esprit-de-vin, sur la proportion d'acide et de base qui
entre dans sa composition, sur sa quantité d'eau de cristallisation, sur les
différents degrés de saturation dont il est
susceptible, enfin sur le degré de force avec laquelle l'acide tient à sa hase. Ce travail immense a été commencé par M.
Bergman, M. de Morveau, M. Kirwan et quelques autres célèbres chimistes
; mais il n'est encore que médiocrement avancé, et les bases Pagination
originale du document : p.130 sur lesquelles il
repose ne sont pas même encore d'une exactitude rigoureuse. Des détails aussi
nombreux n'auraient pas pu convenir à un ouvrage élémentaire, et le temps de
rassembler les matériaux et de compléter les expériences aurait retardé
de plusieurs années la publication de cet ouvrage. C'est
un vaste champ ouvert au zèle et à l'activité des jeunes chimistes; mais qu'il
me soit permis de recommander, en terminant ici ma tâche, à ceux
qui auront le courage de l'entreprendre, de s'attacher plutôt à faire bien
qu'à faire beaucoup; à s’assurer d'abord, par des expériences précises et
multipliées, de la composition des acides, avant de s'occuper de celle des sels
neutres. Tout édifice destiné à braver les outrages du temps doit être
établi sur des fondements solides, et, dans l'état où est parvenue la
chimie, c'est en retarder la marche que d'établir ses progrès sur des
expériences qui ne
sont ni assez exactes, ni assez rigoureuses. Pagination
originale du document : p.131 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.132 SECONDE PARTIE.
DE LA COMBINAISON DES ACIDES AVEC LES BASES SALIFIABLES, ET DE LA
FORMATION DES SELS NEUTRES.
AVERTISSEMENT.
Si j'avais voulu suivre strictement
le plan que je m'étais formé dans la distribution des différentes parties de
cet ouvrage, je me serais borné, dans les tableaux qui composeront cette
seconde partie et dans les explications qui les accompagnent,
à donner de courtes définitions des différents acides que l'on connaît, une
description abrégée des procédés par lesquels on les obtient, et j'y aurais
joint une simple nomenclature des sels neutres qui résultent de leurs
combinaisons avec différentes bases. Mais j'ai reconnu que, sans
ajouter beaucoup au volume de cet ouvrage, je pourrais en augmenter beaucoup l'utilité
en présentant sous la même forme le tableau des substances simples, de celles
qui entrent dans la composition des acides et des oxydes, et leurs
combinaisons. Cette addition n'augmente que de dix le nombre
des tableaux strictement nécessaires pour la nomenclature de tous les sels
neutres. J'y
présente : 1° Les substances simples, ou, du moins, celles que l'état actuel de
nos connaissances nous oblige à regarder comme telles ; 2° Les radicaux
oxydables et acidifiables doubles et triples, qui se combinent avec l'oxygène,
à la manière des substances simples ; Pagination
originale du document : p.133 3° Les
combinaisons de l'oxygène avec les substances simples métalliques et non
métalliques ; 4° Les combinaisons de l'oxygène avec les radicaux composés
; 5° Les combinaisons de l'azote avec les substances
simples ; 6 Les combinaisons de l'hydrogène avec les substances simples ; 7°
Les combinaisons du soufre avec les substances simples ; 8° Les combinaisons du
phosphore avec les substances simples ; 9° Les combinaisons du carbone avec les substances
simples ; 10° Les combinaisons de quelques
autres radicaux avec les substances simples ; Ces dix tableaux et les observations qui les accompagnent forment une
espèce de récapitulation des quinze premiers chapitres de cet ouvrage. Les tableaux qui sont à la suite, et qui
présentent l'ensemble de toutes les combinaisons salines, ont plus
particulièrement rapport aux chapitres XIV et XV. On s'apercevra facilement que j'ai beaucoup profité, dans ce
travail, de ce que M. de Morveau a publié dans le premier volume de
l'Encyclopédie par ordre de matières ; et, en effet, il m'aurait été difficile
de puiser dans de meilleures sources,
surtout d'après la difficulté de consulter les ouvrages étrangers dans leur
langue originale. Je ne le citerai qu'une seule fois, au commencement de cette
seconde partie, pour ne pas être
obligé de le citer à chaque article. J'ai placé à la suite de chaque tableau et
vis-à-vis, autant qu'il a été possible, les explications qui y sont
relatives. Pagination
originale du document : p.134 TABLEAU DES SUBSTANCES SIMPLES.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.135 OBSERVATIONS SUR
LE TABLEAU DES SUBSTANCES SIMPLES, OU, DU MOINS, DE CELLES QUE
L'ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES NOUS OBLIGE À CONSIDÉRER COMME
TELLES.
La chimie, en soumettant à des expériences les différents corps de la
nature, a pour objet de les décomposer et de se mettre en état
d'examiner
séparément les différentes substances qui entrent dans leur
combinaisons. Cette science a fait, de nos jours, des progrès
très-rapides. Il sera facile de s'en convaincre, si l'on consulte les
différents auteurs qui ont écrit sur l’ensemble de la chimie ; on
verra que, dans les premiers temps, on regardait, l'huile et le sel comme les
principes des corps: que l’expérience et l'observation ayant amener de
nouvelles connaissances, on s'aperçut ensuite que les sels n'étaient point des
corps simples, qu'ils étaient composés d'un acide et d'une base, et que c'était de cette
réunion que résultait leur état de neutralité. Les découvertes modernes ont encore reculé de plusieurs degrés les
bornes de l'analyse (1) ; elles nous
ont éclairés sur la formation des acides, et nous ont fait. voir qu'ils étaient
formés par la combinaison d'un principe acidifiant, commun à tous, l'oxygène,
et d'un radical particulier pour chacun.
qui les différencie et qui les constitue plutôt tel acide ou tel autre. J'ai
été encore plus loin dans cet ouvrage, puisque j'ai fait voir, comme M.
Hassenfratz, au surplus, l’avait déjà annoncé, que les radicaux des acides
eux-mêmes ne sont pas touj ours des substances simples, même dans le sens que nous attachons à ce mot; qu'ils sont, ainsi
que le principe huileux, un composé d'hydrogène et de carbone. Enfin. M
Berthollet a prouvé que les bases des sels n'étaient pas plus simples que les
acides eux-mêmes, et que l'ammoniaque était un composé d'azote et
d'hydrogène. (1) Voyez Mémoires de l'académie des
sciences, années 1776, p.671 et 1778, p.535. Pagination
originale du document : p.136 La chimie marche
donc vers son but et vers sa perfection en divisant, subdivisant, et
resubdivisant encore, et nous ignorons quel sera le terme de ses succès. Nous ne
pouvons donc pas assurer que ce que nous regardons comme simple
aujourd'hui le soit en effet : tout ce que nous pouvons dire, c'est que
telle substance est le terme actuel auquel arrive l’analyse chimique, et
qu'elle ne peut plus se subdiviser au delà, dans l'état actuel de nos
connaissances. Il est à présumer que les terres cesseront bientôt d'être
comptées au nombre des substances simples ; elles sont les seules de toute
cette classe qui n'aient point de tendance à .s'unir à l'oxygène, et
je suis bien porté à croire que cette indifférence pour l'oxygène, s'il m'est permis do
me servir de cette expression, tient à ce qu'elles en sont déjà saturées. Les terres, dans cette manière de voir,
seraient des substances simples, peut-être des oxydes métalliques oxygénés
jusqu'à un certain point. Ce n'est, au surplus, qu'une simple conjecture que je
présente ici. J'espère que le
lecteur voudra bien ne pas confondre ce que je donne pour des vérités de fait et d'expérience avec ce qui n'est encore
qu'hypothétique. Je n'ai point fait entrer dans ce tableau les alcalis fixes, tels que la potasse et la soude,
parce que ces substances sont évidemment composées, quoiqu'on ignore cependant encore la nature des principes qui
entrent dans leur combinaison. Pagination
originale du document : p.137 DES RADICAUX OU
BASES OXYDABLES ET ACIDIFIABLES, COMPOSÉS, QUI ENTRENT DANS LES COMBINAISONS A LA MANIERE
DES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.138 OBSERVATIONS SUR LE TABLEAU DES
RADICAUX OU BASES OXYDABLES ET ACIDIFIABLES,
COMPOSÉS PAR LA RÉUNION DE PLUSIEURS SUBSTANCES SIMPLES.
Les radicaux du règne végétal et du règne animal
que présente ce tableau, et qui tous sont susceptibles d'être oxydés et acidifiés, n'ayant point encore été
analysés avec précision, il est impossible
de les assujettir encore à une nomenclature régulière. Des expériences, dont quelques-unes me sont propres, et. dont d'autres
ont été faites par M. Hassenfratz, m'ont seulement appris qu'en général presque tous les acides
végétaux, tels que l'acide tartareux, l'acide oxalique, l'acide citrique, l'acide malique, l'acide
acéteux, l'acide pyro-tartarique, l'acide pyro-mucique, ont pour radical l'hydrogène et le carbone, mais réunis
de manière à ne former qu'une seule et même base ; que tous ces acides ne diffèrent entre eux que par la différence
de proportion de ces deux substances,
et par le degré d'oxygénation. Nous savons de plus, principalement par les
expériences de M. Berthollet, que les radicaux du règne animal, et quelques-uns
même du règne végétal, sont plus composés, et qu'indépendamment de
l'hydrogène et du carbone, ils contiennent encore souvent de l'azote, et quelquefois du phosphore; mais il
n'existe point encore de calculs exacts sur les quantités. Nous nous sommes
donc trouvés forcés de donner, à la manière des anciens, à ces différents
radicaux, des noms dérivés de celui de la substance dont ils ont été tirés.
Sans doute, un jour, et à mesure choc nos
connaissances acquerront plus de certitude et d'étendue, tous ces noms
disparaîtront, et ils ne subsisteront plus que comme un témoignage de l'état
dans lequel la science chimique nous a
été transmise : ils feront place à ceux des radicaux hydro-carboneux et hydro-carbonique,
carbone-hydreux et carbone-hydrique, comme je l'ai expliqué Pagination
originale du document : p.139 dans le
chapitre XI, et le choix de ces noms sera déterminé par la proportion des deux
bases dont ils sont composés. On aperçoit aisément que les huiles étant
composées d'hydrogène et de carbone, elles sont de véritables radicaux
carbone-hydreux ou hydro-carboneux, et, en effet, il suffit d'oxygéner
des huiles pour les convertir d'abord en oxydes, et ensuite en acides végétaux,
suivant le degré d'oxygénation. On ne peut pas cependant assurer
d'une manière positive que les huiles entrent tout entières
dans la composition des oxydes et ensuite des acides végétaux ; il est possible
qu'elles perdent auparavant une portion de leur hydrogène ou de
leur carbone, et que ce qui reste de l'une et de l'autre de ces
substances ne soit plus dans la proportion nécessaire pour constituer des
huiles. C'est sur quoi nous avons encore besoin d'être éclairés
par l'expérience. Nous ne connaissons, à proprement parler, dans le règne minéral, d'autre
radical composé que le radical nitro-muriatique. Il est formé par la réunion de l'azote avec le radical muriatique. Les
autres acides composés ont été beaucoup moins étudiés, et ne présentent
pas d'ailleurs des phénomènes aussi frappants. Pagination
originale du document : p.140 OBSERVATIONS SUR
LES COMBINAISONS DE LA LUMIERE ET DU CALORIQUE AVEC LES DIFFÉRENTES
SUBSTANCES.
Je n'ai point formé de tableau pour les combinaisons de la lumière
et du calorique avec les substances simples ou composées, parce que nous
n'avons point encore des idées suffisamment arrêtées sur ces sortes de
combinaisons. Nous savons, en général, que tous les corps de la nature
sont plongés dans le calorique, qu'ils en sont environnés, pénétrés de toutes
parts, et qu'il remplit tous les intervalles que laissent entre elles leurs
molécules : que, dans certains cas, le calorique se fixe dans les corps, de
manière même à constituer leurs parties solides; mais que le plus souvent il en écarte
les molécules, il exerce sur elles une force répulsive, et que c'est de son action ou de son accumulation plus ou moins
grande que dépend le passage des corps de l'état solide à l'état
liquide, de l'état liquide à l'état aériforme. Enfin, nous avons appelé d'un
nom générique de gaz toutes les substances
portées à l'état aériforme par une addition suffisante de calorique; en sorte que, si nous voulons désigner
l'acide muriatique, l'acide carbonique, l'hydrogène, l'eau, l'alcool dans l'état aériforme, nous leur
donnons le nom de gaz acide muriatique, gaz acide carbonique, gaz hydrogène,
gaz aqueux, gaz alcool. A l’égard de la lumière, ses combinaisons et sa manière d'agir sur les corps sont encore moins
connues. Il paraît seulement, d'après les expériences de M. Berthollet, qu'elle
a une grande affinité avec l'oxygène, qu'elle est susceptible de se combiner avec lui, et qu'elle contribue avec le calorique à
le constituer dans l'état de gaz. Les expériences qui ont été faites sur la végétation donnent aussi
lieu de croire due la lumière se combine avec quelques parties des plantes, et
que c'est à Pagination
originale du document : p.141 cette combinaison qu’est due la
couleur verte des feuilles et la diversité de couleurs des fleurs. Il est au moins certain que les plantes qui croissent dans
l’obscurité sont étiolées, et qu’elles sont absolument blanches ; qu’elles sont dans un état de langueur et de
souffrance, et qu’elles ont besoin, pour reprendre leur vigueur
naturelle et pour se colorer, de l’influence immédiate de la lumière. On observe quelque chose de semblable sur les animaux
eux-mêmes ; les hommes, les femmes, les enfants, s’étiolent jusqu'à un certain point dans les travaux
sédentaires des manufactures, dans les logements resserrés, dans les
rues étroites des villes. Ils se développent au contraire, ils acquièrent plus de force et plus de vie, dans la plupart des
occupations champêtres et dans les travaux en plein air. L’organisation, le sentiment, le mouvement
spontané, la vie, n’existent qu’à la surface de la terre et dans les lieux exposés à la lumière. On
dirait que la fable du flambeau de Prométhée était l’expression d’une vérité
philosophique qui n’avait point échappée aux anciens. Sans la lumière, la
nature était sans vie, elle était morte et inanimée : un Dieu bienfaisant, en
apportant la lumière, a répandu sur la surface de la terre
l’organisation, le sentiment et la pensée. Mais ce n’est point ici le lieu
d’entrer dans aucuns détails sur les corps organisés ; c’est à dessein que j
’ai évité de m’en occuper dans cet ouvrage,
et c’est ce qui m’a empêché de parler des phénomènes de la respiration, de
la sanguification et de la chaleur animale. Je reviendrai un jour sur ces
objets. Pagination
originale du document : p.142 OBSERVATIONS SUR
LES COMBINAISONS BINAIRES DE L'OXYGINE AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES, MÉTALLIQUES ET
NON MÉTALLIQUES.
L'oxygène est une des substances les plus abondamment
répandues dans la nature, puisqu'elle forme près du tiers en poids de notre atmosphère, et, par conséquent, du fluide
élastique que nous respirons. C'est dans ce réservoir immense que vivent et croissent les animaux et les végétaux,
et c'est également de lui que nous
tirons principalement tout l'oxygène que nous employons dans nos expériences.
L'attraction réciproque qui s'exerce entre ce principe et les différentes
substances est telle, qu'il est impossible de l'obtenir seul et dégagé de toute combinaison. Dans notre atmosphère, il
est uni au calorique qui le tient en état de gaz, et il est mêlé avec
environ deux tiers en poids de gaz azote. Il faut, pour qu'un corps s'oxygène, réunir un certain nombre de
conditions : la première est que les molécules constituantes de ce corps n’exercent pas sur elles- mêmes une attraction
plus forte que celles qu'elles exercent sur l'oxygène ; car il est
évident qu'alors il ne peut plus y avoir de combinaison. L'art, dans ce cas, peut venir au secours de la nature, et
l'on peut diminuer presque à volonté l'attraction des molécules des corps, en les échauffant,
c'est-à-dire en y introduisant du calorique. Échauffer un corps, c'est écarter les unes des autres les
molécules qui le constituent ; et, comme l'attraction de ces molécules diminue suivant une certaine loi
relative à la distance, il se trouve nécessairement un instant où les molécules exercent une plus forte
attraction sur l’oxygène qu'elles n'en exercent sur elles-mêmes ; c'est alors que l'oxygénation a lieu.
On conçoit que le degré de chaleur auquel commence ce phénomène doit
être différent pour chaque substance. Ainsi, pour oxygéner la plupart des
corps, et, en général, presque toutes les substances sim- [simples] Pagination
originale du document : p.143 ples, il ne
s’agit que de les exposer à l’action de l’atmosphère, et de les élever à une
température convenable. Cette température, pour le plomb, le mercure,
l’étain, n’est pas fort supérieure à celle dans laquelle nous vivons. Il faut,
au contraire, un degré de chaleur assez grand pour oxygéner le fer, le cuivre, etc. du moins par la voie sèche, et
lorsque l’oxygénation n’est point aidée par l’action de l’humidité. Quelquefois l’oxygénation se fait avec
une extrême rapidité, et alors elle est accompagnée de chaleur, de lumière et même de flamme ; telle est la
combustion du phosphore dans l’air de
l’atmosphère, et celle du fer dans le gaz oxygène. Celle du soufre est moins
rapide ; enfin, celle du plomb, de
l’étain et de la plupart des métaux, se fait beaucoup plus lentement et sans
que le dégagement du calorique, et
surtout de la lumière, soit sensible. Il est des substances qui ont une telle affinité pour l’oxygène, et qui ont la
propriété de s’oxygéner à une température si basse, que nous ne les voyons que dans l’état d’oxygénation.
Tel est l’acide muriatique, que l’art, ni peut-être la nature, n’ont encore pu décomposer, et qui ne se présente
à nous que sous l’état d’acide. Il est probable
qu’il y a beaucoup d’autres substances du règne minéral qui, comme l’acide
muriatique, sont nécessairement
oxygénées au degré de chaleur dans lequel nous vivons ; et c’est sans doute parce qu’elles sont déjà saturées d’oxygène,
qu’elles n’exercent plus aucune action sur ce principe. L’exposition des substances simples à l’air,
élevées à un certain degré de température, n’et pas le seul moyen de les
oxygéner. Au lieu de leur présenter l’oxygène uni au calorique, on peut leur présenter cette substance unie à un métal avec
lequel elle ait peu d’affinité. L’oxide rouge de mercure est un des plus propres à remplir cet objet, surtout à l’égard
des corps qui ne sont point attaqués par le mercure. L’oxygène, dans cet
oxyde, tient très-peu au métal, et même il n’y tient plus au degré de chaleur qui commence à faire rougir le
verre. en conséquence, on oxygène avec beaucoup
de facilité tous les corps qui en sot susceptibles, en les mêlant avec de
l’oxyde rouge de mercure, et en les élevant à un degré de chaleur
médiocre. Pagination
originale du document : p.144 L'oxyde noir de manganèse, l'oxyde
rouge de plomb, les oxydes d'argent, et, en général, presque tous les oxydes métalliques, peuvent remplir, jusqu'à
un certain point, le même objet, en choisissant de préférence ceux dans lesquels l'oxygène a le moins
d'adhérence. Toutes les réductions ou revivifications
métalliques ne sont même que des opérations de ce genre : elles ne sont autre
chose que des oxygénations du charbon
par un acide métallique quelconque. Le charbon combiné avec l'oxygène et avec du calorique s'échappe sous
forme de gaz acide carbonique, et le métal reste pur et revivifié. On peut encore oxygéner toutes les
substances combustibles en les combinant, soit avec du nitrate de potasse ou de soude, soit avec du
muriate oxygéné de potasse. A un certain degré de chaleur, l'oxygène quitte le
nitrate et le muriate pour se combiner avec le corps combustible : mais ces sortes d'oxygénations ne doivent être tentées
qu'avec des précautions extrêmes et sur de très-petites quantités. L'oxygène entre dans la combinaison des nitrates
et surtout des muriates oxygénés avec
une quantité de calorique presque égale à celle qui est nécessaire pour le
constituer gaz oxygène. Cette immense
quantité de calorique devient subitement libre, au moment de sa combinaison avec le corps combustible, et il en
résulte des détonations terribles, auxquelles rien ne résiste. Enfin on peut oxygéner par la voie humide
une partie des corps combustibles, et transformer en acides la plupart des oxydes des trois règnes.
On se sert principalement, à cet effet, de l'acide nitrique, auquel l'oxygène tient peu, et qui le
cède facilement à un grand nombre de corps, à l'aide d'une douce chaleur. On peut également employer
l’acide muriatique oxygéné pour quelques-unes de ces opérations, mais non pas
pour toutes. J'appelle binaires les combinaisons des substances simples avec
l'oxygène, parce qu'elles ne sont formées que de la réunion de deux substances.
Je nommerai combinaisons ternaires
celles composées de trois substances simples, et combinaisons quaternaires
celles composées de quatre substances. Pagination
originale du document : p.145 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'OXYGÈNE AVEC LES RADICAUX COMPOSÉS. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.146 OBSERVATIONS SUR
LES COMBINAISONS DE L’OXYGENE AVEC LES RADICAUX COMPOSES.
Depuis
que j'ai publié dans les Mémoires de l'Académie, année 1776, page 671, et 1778,
page 535, une nouvelle théorie sur la nature et sur la formation des acides, et
que j'en ai conclu que le nombre de ces substances devait être beaucoup
plus grand qu'on ne l'avait pensé jusqu'alors, une nouvelle
carrière s'est ouverte en chimie : au lieu de cinq ou six acides qu'on
connaissait, on en a découvert successivement jusqu'à trente, et le nombre
des sels neutres s'est accru dans la même proportion. Ce
qui nous reste à étudier maintenant est la nature des bases acidifiables et le
degré d'oxygénation dont elles sont susceptibles. J'ai déjà fait observer que,
dans le règne minéral, presque tous les radicaux oxydables et
acidifiables étaient simples ; que, dans le règne végétal au contraire, et
surtout dans le règne animal, il n'en existait presque pas qui ne fussent
composés au moins de deux substances, d'hydrogène et de carbone ;
que souvent l'azote et le phosphore s'y réunissaient, et qu'il en
résultait des radicaux à quatre bases. Les oxydes et acides animaux et végétaux
peuvent, d'après ces observations, différer entre eux, 1° par le nombre des
principes acidifiants qui constituent leur base ; 2° par la
différente proportion de ces principes ; 3° par le différent degré
d'oxygénation ; ce qui suffit et au-delà pour expliquer le grand nombre de
variétés que nous présente la nature. Il n'est pas étonnant, d'après cela,
qu'on puisse convertir presque tous les acides végétaux les uns dans les autres ;
il ne s'agit, pour y parvenir, que de changer la proportion du carbone et de
l'hydrogène, ou de les oxygéner plus ou moins. C'est ce qu'a fait M. Crell dans
des expériences très-ingénieuses, qui ont été confirmées et
étendues depuis par M. Hassenfratz. Il en résulte que le carbone et l'hydro[hydrogène] Pagination
originale du document : p.147 gène donnent, par
un premier degré d'oxygénation, de l'acide tartareux, par un second, de l'acide
oxalique, par un troisième, de l'acide acéteux ou acétique. Il
paraîtrait seulement que le carbone entre dans une
proportion un peu moindre dans la combinaison des acides acéteux et acétique.
L'acide citrique et l'acide malique différent très-peu des précédents.
Doit-on conclure de ces réflexions que les huiles soient la base,
qu'elles soient le radical des acides végétaux et animaux ? J'ai déjà exposé mes
doutes à cet égard. Premièrement, quoique les huiles paraissent n'être
uniquement composées que d'hydrogène et de carbone, nous ne savons pas si
la proportion qu'elles en contiennent est précisément
celle nécessaire pour constituer les radicaux des acides. Secondement, puisque
les acides végétaux et animaux ne sont pas seulement composés d'hydrogène et
de carbone, mais que l'oxygène entre également dans leur combinaison, il
n'y a pas de raison de conclure qu'ils contiennent plutôt de l'huile que
de l'acide carbonique et de l'eau. Ils contiennent bien, il est vrai, les matériaux
propres à chacune de ces combinaisons ; mais ces combinaisons ne sont point
réalisées à la température habituelle dont nous jouissons, et les
trois principes sont dans un état d'équilibre, qu'un degré de
chaleur un peu supérieur à celui de l'eau bouillante subit pour troubler. On
peut consulter
ce que j'ai dit, à cet égard, p. 96 et suivantes de cet ouvrage. Pagination
originale du document : p.148 TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DE
L'AZOTE AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.149 OBSERVATIONS SUR
L'AZOTE ET SUR SES COMBINAISONS AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES.
L'azote
est un des principes les plus abondamment répandus dans la nature. Combiné avec le
calorique, il forme le gaz azote ou la mofette, qui entre environ pour les deux
tiers dans le poids de l'air de l'atmosphère. Il demeure constamment
dans l'état de gaz au degré de pression et de température dans
lequel nous vivons ; aucun degré de compression ni de froid n'ont encore pu le réduire à
l'état liquide ou solide. Ce principe est aussi un des éléments qui constituent
essentiellement les matières animales : il y est combiné avec le carbone
et l'hydrogène, quelquefois avec le phosphore, et le tout est lié par
une certaine portion d'oxygène qui les met ou à l'état d'oxyde, ou à
celui d'acide, suivant le degré d'oxygénation. La nature des matières animales
peut donc varier, comme celle des matières végétales, de trois manières, 1°
par le nombre des substances qui entrent dans la combinaison du
radical ; 2° par leur proportion ; 3° par le degré d'oxygénation. L'azote
combiné avec l'oxygène forme les oxydes et acides nitreux et nitrique ; combiné
avec l'hydrogène il forme l'ammoniaque ; ses autres combinaisons avec les
substances simples sont peu connues. Nous leur donnerons le nom
d'azotures, pour conserver l'identité de terminaison en ure que nous
avons affectée à toutes les substances non oxygénées. Il est assez probable que
toutes les substances
alcalines appartiennent à ce genre de combinaisons. Il y a plusieurs manières
d'obtenir le gaz azote : la première, de le
tirer de l'air commun en absorbant, par le sulfure de potasse ou de chaux dissous dans l'eau, le gaz oxygène qu'il
contient. Il faut douze ou quinze jours pour que l'absorption soit complète ; en supposant même qu'on agite et qu'on
renouvelle les surfaces, et qu'on rompe la pellicule qui s'y forme. Pagination
originale du document : p.150 La seconde, de le tirer des matières
animales en les dissolvant dans de l'acide nitrique affaibli et presque à froid. L'azote, dans cette opération, se
dégage sous forme de gaz, et on le reçoit sous des cloches remplies d'eau dans l'appareil pneumato-
chimique : mêlé avec un tiers en poids de gaz oxygène, il reforme de l’air
atmosphérique. Une troisième manière d'obtenir le gaz azote est de le retirer du nitre par la détonation, soit avec le
charbon, soit avec quelques autres corps combustibles. Dans le premier cas, le gaz azote se dégage mêlé
avec du gaz acide carbonique, qu'on absorbe ensuite par de l'alcali caustique ou de l'eau de chaux, et le gaz azote
reste pur. Enfin, un quatrième moyen d'obtenir le gaz azote est de le tirer de
la combinaison de l'ammoniaque avec les oxydes métalliques. L'hydrogène de l'ammoniaque se combine avec l'oxygène de
l'oxyde ; il se forme de l'eau,
comme l'a observé M. de Fourcroy ; en même temps l'azote, devenu libre, se
dégage sous la forme de gaz. Il n'y a
pas longtemps que les combinaisons de l'azote sont connues en chimie. M. Cavendish est le premier qui l’ait observé dans le
gaz et dans l'acide nitreux. M. Berthollet l’a ensuite découvert dans l'ammoniaque et dans l'acide prussique. Tout,
jusqu'ici, porte à croire que cette
substance est un être simple et élémentaire ; rien ne prouve au moins qu'elle
ait encore été décomposée, et ce motif suffit pour justifier la place
que nous lui avons assignée. Pagination
originale du document : p.151 TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DE
L'HYDROGÈNE AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. . [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.152 OBSERVATIONS SUR
L'HYDROGÈNE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'hydrogène, comme l’exprime
sa dénomination, est un des principes de l'eau ; il entre pour quinze centièmes
dans sa composition : l’oxygène en forme les quatre- vingt-cinq autres centièmes.
Cette substance,
dont les propriétés et même l'existence ne sont connues que depuis très-peu de
temps, est un des principes les plus
abondamment répandus dans la nature : c'est un de ceux qui jouent le principal
rôle dans le règne végétal et dans le règne animal. L'affinité de l’hydrogène
pour le calorique est telle, qu'il
reste constamment dans l’état de gaz au degré de chaleur et de pression dans lequel nous vivons. Il nous est donc impossible de
connaître ce principe dans un état concret et dépouillé de toute combinaison. Pour obtenir l'hydrogène ou plutôt le
gaz hydrogène, il ne faut que présenter
à l'eau une substance pour laquelle l'oxygène ait plus d'affinité qu'il n'en a
avec l'hydrogène. Aussitôt l'hydrogène
devient libre, il se combine avec le calorique et forme le gaz hydrogène. C'est le fer qu'on a coutume d'employer
pour opérer cette séparation, et il fart pour cela qu'il soit élevé à un degré
de chaleur capable de le faire rougir. Le fer s'oxyde dans cette opération, et devient semblable à la mine de fer de l’île
d'Elbe. Dans cet état il est beaucoup moins attirable à l’aimant, et il se dissout sans effervescence dans
les acides. Le carbone, lorsqu'il est rouge et embrasé, a également la propriété de décomposer l'eau et d'enlever
l'oxygène à l'hydrogène ; mais alors
il se forme de l’acide carbonique qui se mêle avec le gaz hydrogène ; on l'en
sépare facilement, parce que l’acide
carbonique est absorbable par l'eau et par les alcalis, tandis que l'hydrogène
ne l'est pas. On peut encore obtenir du gaz hydrogène en faisant
dissoudre du fer ou du Pagination
originale du document : p.153 zinc dans de
l'acide sulfurique étendu d'eau. Ces deux métaux, qui ne décomposent que très-difficilement
et très-lentement l'eau lorsqu'ils sont seuls, la décomposent au contraire avec
beaucoup de facilité lorsqu'ils sont aidés par la présence de l'acide
sulfurique. L'hydrogène s'unit au calorique dans cette opération, aussitôt
qu'il est dégagé, et on l'obtient dans l'état de gaz hydrogène. Quelques
chimistes d'un ordre très-distingué se persuadent que l'hydrogène est le
phlogistique de Stahl, et, comme ce célèbre chimiste admettait du
phlogistique dans les métaux, dans le soufre, dans le charbon, etc.
ils sont obligés de supposer qu'il existe également de l'hydrogène fixé et
combiné dans toutes ces substances ; ils le supposent, mais ils ne
le prouvent pas, et, quand ils le prouveraient, ils ne seraient pas
beaucoup plus avancés, puisque ce dégagement du gaz hydrogène n'explique
en aucune manière les phénomènes de la calcination et de la combustion. Il
faudrait. touj ours en revenir à l'examen de cette question : le
calorique et la lumière qui se dégagent pendant les différentes
espèces de combustion sont-ils fournis par le corps qui brûle ou par le gaz
oxygène qui se fixe dans toutes les opérations ? et certainement
la supposition de l'hydrogène dans les différents corps combustibles ne
jette aucune lumière sur cette question. C'est, au surplus, à ceux qui supposent
à prouver ; et toute doctrine qui expliquera aussi bien et aussi naturellement
que la leur, sans supposition, aura au moins l'avantage de la
simplicité. On peut voir ce que nous avons publié sur cette grande
question, M. de Morveau, M. Berthollet, M. de Fourcroy et moi, dans la
traduction de
l'essai de M. Kirwan sur le phlogistique. Pagination
originale du document : p.154 TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DU
SOUFRE NON OXYGÉNÉ AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans
cette version.] Pagination
originale du document : p.155 OBSERVATIONS
SUR LE SOUFRE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS AVEC LES SUBSTANCES
SIMPLES.
Le soufre est une des substances combustibles qui a le plus de tendance
à la combinaison. Il est naturellement dans l'état concret à la température
habituelle dans laquelle nous vivons, et ne se liquéfie qu'à une chaleur
supérieure de plusieurs degrés à celle de l'eau bouillante. La
nature nous présente le soufre tout formé, et à peu prés porte au dernier degré
de pureté dont il est susceptible dans le produit des volcans ; elle nous le
présente encore, et beaucoup plus souvent, dans l'état d'acide
sulfurique, c'est-à-dire combiné avec l'oxygène, et c'est dans cet état qu'il se trouve dans les
argiles, dans les gypses, etc. Pour ramener à l'état de soufre l'acide sulfurique
de ces substances, il faut lui enlever
l'oxygène, et on y parvient en le combinant à une chaleur rouge avec du carbone. Il se forme de l'acide carbonique
qui se dégage dans l'état de gaz, et il reste un sulfure qu'on décompose
par un acide : l'acide s'unit à la base, et le soufre se précipite. Pagination
originale du document : p.156 TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DU
PHOSPHORE NON OXYGÉNÉ AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans
cette version.] Pagination
originale du document : p.157 OBSERVATIONS SUR
LE PHOSPHORE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES.
Le
phosphore est une substance combustible simple, dont l'existence avait échappé aux recherches des anciens chimistes. C'est en
1667 que la découverte en fut faite
par Brandt, qui fit mystère de son procédé ; bientôt après Kunckel découvrit le
secret de Brandt ; il le publia, et le nom de phosphore de Kunckel, qui lui a
été conservé jusqu'à nos jours, prouve que la reconnaissance publique se porte
sur celui qui publie, plutôt que sur celui qui découvre, quand il fait mystère de sa découverte. C'est de l'urine seule
qu'on tirait alors le phosphore :
quoique la méthode de le préparer eût été décrite dans plusieurs ouvrages, et
notamment par M. Homberg, dans les
Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1692, l'Angleterre a été longtemps en possession d'en fournir seule aux savants de
toute l'Europe. Ce fut en 1737 qu'il fut fait pour la première fois en France, au Jardin royal des
Plantes, en présence des commissaires de l'Académie des Sciences.
Maintenant on le tire d'une manière plus commode, et surtout plus économique,
des os des animaux, qui sont un véritable
phosphate calcaire. Le procédé le plus simple consiste, d'après MM. Gahn,
Scheele, Rouelle, etc. à calciner des os d'animaux adultes, jusqu'à ce qu'ils
soient presque blancs. On les pile et on les passe au tamis de soie ; on verse
ensuite dessus de l'acide sulfurique
étendu d'eau, mais en quantité moindre qu'il n'en faut pour dissoudre la
totalité des os. Cet acide s'unit à la
terre des os pour former du sulfate de chaux ; en même temps l'acide
phosphorique est dégagé et reste libre
dans la liqueur. On décante alors, on lave le résidu, et on réunit l'eau du lavage
à la liqueur décantée ; on fait évaporer, afin de séparer du sulfate de chaux,
qui se Pagination
originale du document : p.158 cristallise en
filets soyeux, et on finit par obtenir l'acide phosphorique sous forme d'un
verre blanc et transparent, qui, réduit en poudre et mêlé avec un tiers
de son poids de charbon, donne de bon phosphore. L'acide phosphorique
qu'on obtient par ce procédé n'est jamais aussi pur que celui retiré du
phosphore, soit par la combustion, soit par l'acide nitrique ; il ne doit donc
point être employé pour des expériences de recherches. Le phosphore se
rencontre dans presque toutes les substances animales et dans quelques plantes
qui ont, d'après l'analyse chimique, un caractère animal. Il y est ordinairement
combiné avec le carbone, l'azote et l'hydrogène, et il en résulte des radicaux très-composés.
Ces radicaux sont communément portés à l'état d'oxyde par une portion
d'oxygène. La découverte que M. Hassenfratz a faite de cette
substance dans le charbon de bois ferait soupçonner qu'il est plus commun qu'on ne pense dans
le règne végétal. Ce qu'il y a de certain, c'est que des familles entières de plantes en fournissent quand on les traite
convenablement. Je range le phosphore
au rang des corps combustibles simples, parce qu'aucune expérience ne donne
lieu de croire qu'on puisse le décomposer. Il s'allume à 32 degrés du thermomètre. Pagination
originale du document : p.159 TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DU
CARBONE NON OXYGÉNÉ AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dasn
cette version.] Pagination
originale du document : p.160 OBSERVATIONS SUR
LE CARBONE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Comme aucune
expérience ne nous a indiqué jusqu'ici la possibilité de décomposer le carbone,
nous ne pouvons, quant à présent, le considérer que comme une substance
simple. Il paraît prouvé par les expériences modernes qu'il est tout formé
dans les végétaux, et j'ai déjà fait observer qu'il y était combiné
avec l'hydrogène, quelquefois avec l'azote et avec le phosphore, pour former
des radicaux composés ; enfin, que ces radicaux étaient ensuite portés
à l'état d'oxydes ou d'acides, suivant la proportion
d'oxygène qui y était ajoutée. Pour obtenir le carbone contenu dans les
matières végétales ou animales, il ne faut que les faire chauffer à un degré de
feu d'abord médiocre et ensuite très-fort, afin de
décomposer les dernières portions d'eau que le charbon retient obstinément.
Dans les opérations chimiques on se sert ordinairement de cornues
de grès ou de porcelaine, dans lesquelles on introduit le bois ou autres
matières combustibles, et on pousse à grand feu dans un bon fourneau de
réverbère : la chaleur volatilise, ou, ce qui est la même chose, convertit en
gaz toutes les substances qui en sont susceptibles, et le carbone, comme
le plus fixe, reste combiné avec un peu de terre et quelques
sels fixes. Dans les arts, la carbonisation du bois se fait par un procédé
moins coûteux : on dispose le bois en tas, on le recouvre de terre, de manière
qu'il n'y ait de communication avec l'air que ce qu'il en faut pour faire brûler le bois et
pour en chasser l'huile et l'eau ; on étouffe ensuite
le feu, en bouchant les trous qu'on avait ménagés à la terre du fourneau. Il y
a deux manières d'analyser le carbone
: sa combustion par le moyen de l'air ou plutôt du gaz oxygène, et son oxygénation par l'acide nitrique. On le convertit,
dans les deux cas, en acide carbonique, et il laisse de la chaux, de la potasse et quelques sels
neutres. Les chimistes se sont peu occupés de ce genre d'analyse, et il n'est pas même rigoureusement
démontré que la potasse existe dans le charbon avant la combustion. Pagination
originale du document : p.161 OBSERVATIONS SUR
LES RADICAUX MURIATIQUE, FLUORIQUE ET BORACIQUE, ET SUR LEURS COMBINAISONS.
On
n'a point formé de tableau pour présenter le résultat des combinaisons de
ces substances, soit entre elles, soit avec les autres corps combustibles,
parce qu'elles sont toutes absolument inconnues. On sait seulement que ces
radicaux s'oxygènent ; qu'ils forment les acides muriatique, fluorique
et boracique, et qu'alors ils sont susceptibles d'entrer dans un grand
nombre de combinaisons : mais la chimie n'a pas encore pu parvenir à les
désoxygéner, s'il est permis de se servir de cette expression, et à les
obtenir dans leur état de simplicité. Il faudrait, pour y parvenir,
trouver un corps pour lequel l’oxygène eût plus d'affinité qu'il n'en a avec
les radicaux muriatique, fluorique et boracique, ou bien se servir de
doubles affinités. On peut voir dans les observations relatives aux
acides muriatique, fluorique et boracique, ce que nous savons de l'origine de
leurs radicaux.
OBSERVATIONS SUR LA COMBINAISON DES MÉTAUX LES UNS AVEC
LES AUTRES.
Ce serait ici le lieu, pour terminer ce qui concerne les substances
simples, de présenter des tableaux de la combinaison de tous les métaux
les uns avec les autres ; mais, comme ces tableaux seraient
très-volumineux et ne présenteraient rien que d'incomplet, à moins de
recherches qui n'ont point encore été faites, je les ai supprimés. Il me
suffira de dire que toutes ces combinaisons portent le nom d'alliages, et qu'on
doit nommer le premier le métal qui entre en plus grande
abondance dans la composition métallique. Ainsi, alliage d'or et d'argent, ou
or allié d'argent, annonce une combinaison où l'or est le métal
dominant. Les alliages métalliques ont, comme toutes les autres combinaisons,
leur degré de saturation ; il paraîtrait même, d'après les expériences de M. de la
Briche, qu'ils en ont deux très- distincts. Pagination
originale du document : p.162 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'AZOTE, OU RADICAL NITRIQUE, PORTÉ A L'ÉTAT D'ACIDE NITREUX PAR LA
COMBINAISON D'UNE SUFFISANTE QUANTITÉ D'OXYGÈNE,
AVEC LES BASES SALIFIABLE, DANS L'ORDRE DE LEURS AFFINITÉS AVEC CET
ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.163 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'AZOTE COMPLÈTEMENT SATURÉ D'OXYGÈNE, ET PORTÉ À
L'ÉTAT D'ACIDE NITRIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET
ACIDE. [Tabaleau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.164 OBSERVATIONS SUR
LES ACIDES NITREUX ET NITRIQUE, ET SUR LE TABLEAU DE LEURS
COMBINAISONS.
L'acide nitreux et l'acide nitrique se tirent d'un sel connu dans
les arts sous le nom de salpêtre. On extrait ce sel par lixiviation des
décombres des vieux bâtiments et de la terre des caves, des écuries, des
granges, et en général des lieux habités. L'acide nitrique est le plus souvent
uni, dans ces terres, à la chaux et à la magnésie, quelquefois à la potasse, et
plus rarement à l'alumine. Comme tous ces sels, à l'exception de celui à
base de potasse, attirent l’humidité de l’air, et qu'ils
seraient d'une conservation difficile dans les arts, on profite de la plus
grande affinité qu'a la potasse avec l’acide nitrique, et de la
propriété qu'elle a de précipiter la chaux, la magnésie et l'alumine,
pour ramener ainsi dans le travail du salpêtrier et dans le raffinage qui se
fait ensuite dans les magasins du roi, tous les sels nitriques à l'état de nitrate de
potasse ou de salpêtre. Pour obtenir l'acide
nitreux de ce sel, on met dans une cornue tubulée trois parties de salpêtre
très-pur, et une d'acide sulfurique
concentré : on y adapte un ballon à deux pointes, auquel on joint l'appareil de
Woulfe, c'est-à-dire des flacons à
plusieurs goulots à moitié remplis d'eau et réunis par des tubes de verre. On voit cet appareil représenté pl. IV, fig.
1. On lute exactement toutes les jointures, et on donne un feu gradué ; il
passe de l'acide nitreux en vapeurs rouges, c'est-à-dire surchargé de gaz nitreux, ou, autrement dit, qui n'est point
oxygéné autant qu'il le peut être. Une partie de cet acide se condense dans le ballon, dans l’état d'une
liqueur d'un jaune rouge très-foncé ; le surplus se combine avec l'eau
des bouteilles. Il se dégage en même temps une grande quantité de gaz oxygène,
par la raison qu'à une température un peu
élevée l’oxygène a plus d'affinité avec le calorique qu'avec l’oxyde
nitreux, tandis que le contraire arrive à la température habituelle Pagination
originale du document : p.165 dans laquelle
nous vivons. C'est parce qu'une partie d'oxygène a quitté ainsi l'acide
nitrique, qu'il se trouve converti en acide nitreux. On peut ramener cet
acide de l'état nitreux à l'état nitrique en le faisant chauffer
à une chaleur douce ; le gaz nitreux qui était en excès s'échappe, et il reste
de l'acide nitrique : mais on n'obtient par cette voie qu'un acide
nitrique très-étendu d'eau, et il y a d'ailleurs une perte
considérable. On se procure de l'acide nitrique beaucoup plus concentré et avec
infiniment moins de perte, en mêlant ensemble du salpêtre et de
l'argile bien sèche, et en les poussant au feu dans une cornue
de grès. L'argile se combine avec la potasse pour laquelle elle a beaucoup
d'affinité : en même temps il passe de l'acide nitrique
très-légèrement fumant, et qui ne contient qu'une très-petite
portion de gaz nitreux. On l'en débarrasse aisément, en faisant chauffer
faiblement l'acide dans une cornue : on obtient une petite portion
d'acide nitreux dans le récipient, et il reste de l'acide nitrique dans la
cornue. On a vu dans le corps de cet ouvrage que l'azote était le radical
nitrique : si à vingt parties et demie en poids d'azote on ajoute
quarante-trois parties et demie d'oxygène, cette proportion constituera l'oxyde
ou le gaz nitreux ; si on ajoute à cette première combinaison trente-six autres
parties d'oxygène, on aura de l'acide nitrique. L'intermédiaire entre la
première et la dernière de ces proportions donne différentes
espèces d'acides nitreux, c'est-à-dire de l'acide nitrique plus ou moins
imprégné de gaz nitreux. J'ai déterminé ces proportions par voie de
décomposition, et je ne puis pas assurer qu'elles soient
rigoureusement exactes ; mais elles ne peuvent pas s'écarter beaucoup
de la vérité. M. Cavendish, qui a prouvé le premier, et par voie de
composition, que l'azote est le radical nitrique, a donné des
proportions un peu différentes, et dans lesquelles l'azote entre pour une
plus forte proportion ; mais il est probable en même temps que c'est de l'acide
nitreux qu'il a formé, et non de l'acide nitrique ; et cette
circonstance suffit pour expliquer jusqu'à un certain point la différence des
résultats. Pagination
originale du document : p.166 Pour obtenir
l'acide nitrique très-pur, il faut employer du nitre dépouillé de tout mélange
de corps étrangers. Si, après la distillation, on soupçonne qu'il
y reste quelques vestiges d'acide sulfurique, on y verse quelques gouttes de
dissolution de nitrate barytique : l'acide sulfurique s'unit avec la baryte, et forme
un sel neutre insoluble qui se précipite. On en sépare avec autant de facilité
les dernières portions
d'acide muriatique qui pouvaient y être contenues, en y versant quelques
gouttes de nitrate d'argent ; l'acide
muriatique contenu dans l'acide nitrique s'unit à l’argent, avec lequel il a
plus d'affinité, et se précipite sous forme de muriate d'argent, qui est
presque insoluble. Ces deux précipitations
faites, on distille jusqu'à ce qu'il ait passé environ les sept huitièmes de
l'acide, et on est sûr alors de
l’avoir parfaitement pur. L'acide nitrique est un de ceux qui ont le plus de
tendance à la combinaison, et dont en
même temps la décomposition est la plus facile. Il n'est presque point de substance simple, si on en excepte l'or, l'argent
et le platine, qui ne lui enlève plus ou moins d'oxygène ; quelques-unes même le décomposent en entier. Il a été fort
anciennement connu des chimistes, et
ses combinaisons ont été plus étudiées que celles d'aucun autre. MM. Macquer et
Baumé ont nommé nitres tous les sels qui ont l'acide nitrique pour acide. Nous
avons dérivé leur nom de la même
origine ; mais nous en avons changé la terminaison, et nous les avons appelés nitrates ou nitrites, suivant qu'ils ont l'acide
nitrique ou l'acide nitreux pour acide et d'après la loi générale dont nous avons expliqué les motifs,
chapitre XVI. C'est également par une suite des procédés généraux dont nous avons rendu compte que nous avons spécifié
chaque sel par le nom de sa base. Pagination
originale du document : p.167 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFURIQUE, OU SOUFRE OXYGÉNÉ AVEC LES BASES
SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. PAR LA
VOIE HUMIDE. NOMENCLATURE NOUVELLE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.168 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFURIQUE, OU SOUFRE OXYGÉNÉ AVEC LES BASES
SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. PAR LA
VOIE HUMIDE. NOMENCLATURE ANCIENNE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.169 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE SULFURIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On
a longtemps retiré l'acide sulfurique par distillation du sulfate de fer ou
vitriol de mars, dans lequel cet acide est uni au fer. Cette distillation a été
décrite par Basile Valentin, qui écrivait dans le XVe siècle. On préfère
aujourd'hui de le tirer du soufre par la combustion, parce qu'il est à
beaucoup meilleur marché que celui qu'on peut extraire des différents sels
sulfuriques. Pour faciliter la combustion du soufre et son oxygénation, on y
mêle un peu de salpêtre ou nitrate de potasse en poudre. Ce dernier est
décomposé, et fournit au soufre une portion de son oxygène,
qui
facilite. sa
conversion en acide. Malgré l'addition de salpêtre, on ne peut continuer la
combustion du soufre dans des vaisseaux fermés, quelque grands qu'ils soient,
que pendant un
temps déterminé. La combustion cesse par deux raisons : 1° parce que le gaz
oxygène sa trouve épuisé, et que l'air dans
lequel se fait la combustion se trouve presque réduit à l'état de gaz azotique ; 2° parce que l'acide lui-même, qui reste
longtemps en vapeurs, met obstacle à la combustion. Dans les travaux en grand des arts, on brûle le mélange de
soufre et de salpêtre dans de grandes
chambres dont les parois sont recouvertes de feuilles de plomb : on laisse un
peu d'eau au fond pour faciliter la
condensation des vapeurs. On se débarrasse ensuite de cette eau, en introduisant l'acide sulfurique qu'on a obtenu
dans de grandes cornues : on distille à un degré de chaleur modéré ; il passe une eau légèrement
acide, et il reste dans la cornue de l'acide sulfurique concentré. Dans cet
état, il est diaphane, sans odeur, et il pèse à peu près le double de l'eau. On
prolongerait la combustion du soufre, et on accélérerait la fabrication de
l'acide sulfurique, si on introduisait dans les grandes chambres
doublées de plomb, où se fait Pagination
originale du document : p.170 cette opération,
le vent de plusieurs soufflets qu'on dirigerait sur la flamme. On ferait
évacuer le gaz azotique par de longs canaux ou espèces de serpentins,
dans lesquels il serait en contact avec de l'eau, afin de
le dépouiller de tout le gaz acide sulfureux ou acide sulfurique qu'il pourrait
contenir. Suivant une première expérience de M. Berthollet,
soixante-neuf parties de soufre, en brûlant, absorbent trente
et une parties d'oxygène, pour former cent parties d'acide sulfurique. Suivant
une seconde
expérience faite par une autre méthode, soixante et douze parties de soufre en
absorbent vingt-huit d'oxygène pour former
la même quantité de cent parties d'acide sulfurique sec. Cet acide ne dissout, comme tous les autres, les métaux
qu'autant qu'ils ont été préalablement oxydés ; mais la plupart sont susceptibles de décomposer une
portion de l'acide, et de lui enlever assez d'oxygène pour devenir
dissolubles dans le surplus : c'est ce qui arrive à l'argent, au mercure et
même au fer et au zinc, quand on les fait
dissoudre dans de l'acide sulfurique concentré et bouillant. Ces métaux s'oxydent et se dissolvent, mais ils n'enlèvent
pas assez d'oxygène à l'acide pour le réduire en soufre ; ils le réduisent seulement à l'état d'acide
sulfureux, et il se dégage alors sous la forme de gaz acide sulfureux. Lorsqu'on met de l'argent, du mercure,
ou quelque métal autre que le fer et le zinc, dans de l'acide sulfurique
étendu d'eau, comme ils n'ont pas assez d'affinité avec l'oxygène pour
l'enlever, ni au soufre, ni à l'acide
sulfureux, ni à l'hydrogène, ils sont absolument insolubles dans cet acide. Il n'en est pas de même du zinc et du fer : ces deux
métaux, aidés par la présence de l'acide, décomposent l'eau ; ils
s'oxydent à ses dépens, et deviennent alors dissolubles dans l'acide, quoiqu'il
ne soit ni concentré ni bouillant. Pagination
originale du document : p.171 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFUREUX AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR
AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. NOMENCLATURE NOUVELLE. [Tableau non reproduit dans
cette version.] Pagination
originale du document : p.172 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE SULFUREUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide sulfureux est formé, comme l'acide sulfurique, de la combinaison du soufre
avec l’oxygène, mais avec une moindre proportion de ce dernier. On peut
l'obtenir de différentes manières : 1° en faisant brûler du soufre
lentement ; 2° en distillant de l'acide sulfurique sur de l'argent,
de l'antimoine, du plomb, do mercure ou du charbon : une portion d'oxygène
s'unit au métal, et l'acide passe dans l’état d'acide sulfureux.
Cet acide existe naturellement dans l’état de gaz au degré de
température et de pression dans lequel nous vivons ; mais il parait. d'après
des expériences de M. Clouet, qu'à un très-grand degré du
refroidissement. il se
condense et devient liquide ; l'eau absorbe beaucoup plus de ce gaz acide
qu'elle n'absorbe de gaz acide carbonique : mais elle en absorbe beaucoup moins
que de gaz acide muriatique. C'est une vérité bien établie, et que je
n'ai peut-être que trop répétée, que les métaux en général ne peuvent se
dissoudre dans les acides qu'autant qu'ils peuvent s'y oxyder : or,
l'acide sulfureux étant déjà dépouillé d'une grande partie de
l'oxygène nécessaire pour le constituer acide sulfurique, il est plutôt disposé
à en reprendre qu'à en fournir à la plupart des métaux, et c'est pour
cela qu'il ne peut les dissoudre, à moins qu'ils n'aient été
préalablement oxydés. Par une suite du même principe, les oxydes métalliques se
dissolvent dans l'acide sulfureux sans effervescence et même avec
beaucoup de facilité. Cet acide a même, comme l'acide muriatique, la propriété
de dissoudre des oxydes métalliques qui sont trop oxygénés, et qui
seraient par cela même indissolubles dans l'acide sulfurique : il forme alors
avec eux de véritables sulfates. On pourrait donc soupçonner qu'il n'existe
que des sulfates métalliques et non des sulfites, si les phénomènes qui ont lieu Pagination
originale du document : p.173 dans la
dissolution du fer, du mercure, et de quelques autres métaux, ne nous
apprenaient que ces substances métalliques sont susceptibles de s'oxyder plus
ou moins en se dissolvant dans les acides. D'après cette observation, le sel
dans lequel le métal sera le moins oxydé devra porter le nom de sulfite, et celui dans lequel le métal sera le
plus oxydé devra porter le nom de sulfate. On ignore encore si cette distinction, nécessaire pour le
fer et pour le mercure, est applicable à tous les autres sulfates
métalliques. Pagination
originale du document : p.174 TABLEAU DES COMBINAISONS DU PHOSPHORE
QUI A REÇU UN PREMIER DEGRÉ D’OXYGÉNATION ET
QUI A ÉTÉ PORTÉ À L'ÉTAT D'ACIDE PHOSPHOREUX, AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ
AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.175 TABLEAU DES COMBINAISONS DU PHOSPHORE
SATURÉ D'OXYGÈNE, OU ACIDE PHOSPHORIQUE,
AVEC LES SUBSTANCES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET
ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.176 OBSERVATIONS SUR
DES ACIDES PHOSPHOREUX ET PHOSPHORIQUE, ET SUR LES TABLEAUX DE
LEURS COMBINAISONS.
On a vu, à l'article phosphore, un précis historique de la
découverte de cette singulière substance, et quelques observations sur la
manière dont elle existe dans les végétaux et dans les animaux.
Le moyen le plus sûr pour obtenir l'acide phosphorique pur et exempt
de tout mélange est de prendre du phosphore en nature et de le faire brûler
sous des cloches de verre, dont on a humecté l'intérieur en y
promenant de l'eau distillée. Il absorbe dans cette opération deux
fois 1/2 son poids d'oxygène. On peut obtenir cet acide concret en faisant
cette même combustion sur du mercure au lieu de la faire sur de l'eau : il se
présente alors dans l'état de flocons blancs qui attirent l'humidité
de l'air avec une prodigieuse activité. Pour avoir ce même acide dans l'état
d'acide phosphoreux, c'est- à-dire moins oxygéné, il faut abandonner le
phosphore à une combustion extrêmement lente, et le laisser tomber en quelque
façon en deliquium à l'air dans un entonnoir placé sur un flacon de cristal. Au
bout de quelques jours on trouve le phosphore oxygéné ; l'acide
phosphoreux, à mesure qu'il s'est formé, s'est emparé d'une portion d'humidité
de l'air, et a coulé dans le flacon. L'acide phosphoreux se convertit au
surplus aisément en acide phosphorique par une simple exposition à l'air
longtemps continuée. Comme le phosphore a une assez grande affinité
avec l'oxygène pour l'enlever à l'acide nitrique et à l'acide muriatique
oxygéné, il en résulte encore un moyen simple et peu dispendieux d'obtenir
l'acide phosphorique. Lorsqu'on veut opérer par l'acide
nitrique, on prend une cornue tubulée bouchée avec un bouchon de cristal ; on
l'emplit à moitié
d'acide nitrique concentré, on fait chauffer légèrement, puis on intro-
[introduit] Pagination
originale du document : p.177 duit par la
tubulure de petits morceaux de phosphore. Ils se dissolvent avec effervescence
; en même temps le gaz nitreux s'échappe sous la forme de vapeurs rutilantes.
On continue ainsi d'aj outer du phosphore jusqu'à ce qu'il refuse de se
dissoudre. On pousse alors le feu un peu plus fort pour chasser les
dernières portions d'acide nitrique, et on trouve l'acide phosphorique dans la
cornue, en partie
sous forme concrète, et en partie sous forme liquide. Pagination
originale du document : p.178 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
CARBONIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE CARBONIQUE,
AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET
ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.179 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE CARBONIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
De
tous les acides que nous connaissons, l'acide carbonique est peut-être celui qui est
le plus abondamment répandu dans la nature. Il est tout formé dans les craies,
dans les marbres, dans toutes les pierres calcaires, et il est
neutralisé principalement par une terre particulière connue sous le
nom de chaux. Pour le dégager de ces substances, il ne faut que verser dessus
de l'acide sulfurique, ou tout autre acide qui ait plus d'affinité avec la
chaux que n'en a l'acide carbonique : il se fait une vive effervescence, laquelle
n'est produite que par le dégagement de cet acide,
qui prend la forme de gaz dès qu'il est libre. Ce gaz n'est susceptible de se
condenser par aucun des degrés de
refroidissement et de pression auxquels il a été exposé jusqu'ici : il ne
s'unit avec l'eau qu'à peu prés à
volume égal, et il en résulte un acide extrêmement faible. On peut encore obtenir l'acide carbonique assez pur, en le
dégageant de la matière sucrée en fermentation ; mais alors il tient une petite portion d'alcool en
dissolution. Le carbone est le radical de l'acide carbonique. On peut, en conséquence, former
artificiellement cet acide, en brûlant du charbon dans du gaz oxygène,
ou bien en combinant de la poudre de charbon avec un oxyde métallique dans de justes proportions. L'oxygène de l'oxyde se combine
avec le charbon, forme du gaz acide carbonique, et le métal devenu libre
reparaît sous sa forme métallique. C'est à M. Black que nous devons les
premières connaissances qu'on ait eues sur cet acide. La propriété qu'il a de
n'exister que sous forme de gaz, au degré de
température et de pression dans lequel nous vivons, l’avait soustrait aux
recherches des anciens chimistes. Pagination
originale du document : p.180 Si on pouvait
parvenir à décomposer cet acide par des moyens peu dispendieux, on aurait fait
une découverte bien précieuse pour l'humanité, puisqu'on pourrait obtenir
libres les masses immenses de carbone que contiennent les terres
calcaires, les marbres, etc. On ne le peut pas par des affinités simples,
puisque le corps qu'il faudrait employer pour décomposer l'acide carbonique
devrait être au moins aussi combustible que le charbon même, et qu'alors
on ne ferait que changer un combustible contre un autre ; mais il n'est
pas impossible d'y parvenir par des affinités doubles, et ce qui porte à le
croire, c'est que la nature résout complétement ce problème, et avec des
matériaux qui ne lui coûtent rien, dans l'acte de la végétation. Pagination
originale du document : p.181 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
MURIATIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE MURIATIQUE,
AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET
ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.182 TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE
MURIATIQUE OXYGÉNÉ, AVEC LES DIFFÉRENTES BASES SALIFIABLES AVEC LESQUELLES IL
EST SUSCEPTIBLE DE S'UNIR. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.183 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE MURIATIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide muriatique est répandu très-abondamment dans le règne minéral : il est uni avec
différentes bases, principalement avec la soude, la chaux et la magnésie. C'est
avec ces trois bases qu'on le rencontre dans l'eau de la mer et
dans celle de plusieurs lacs : il est plus communément uni
avec la soude dans les mines de sel gemme. Cet acide ne paraît pas avoir été décomposé
jusqu'à ce jour dans aucune expérience chimique ; en sorte que nous n'avons
nulle idée de la nature de son radical : ce n'est même que par
analogie que nous concluons qu'il contient le principe
acidifiant ou oxygène. M. Berthollet avait soupçonné que ce radical pouvait
être de nature métallique ; mais, comme il paraît que l’acide muriatique
se forme journellement dans les lieux habités, par la combinaison des
miasmes et des fluides aériformes, il faudrait supposer qu'il existe un gaz
métallique dans l'atmosphère, ce qui n'est pas sans doute impossible, mais ce qu'on
ne peut admettre, au moins, que d'après des preuves. L'acide
muriatique ne tient que médiocrement aux bases avec lesquelles il est uni
: l'acide sulfurique l'en chasse, et c'est principalement par l'intermède de cet
acide que les chimistes ont coutume de se le procurer. On pourrait employer
d'autres acides pour remplir ce même objet, par exemple, l'acide nitrique
; mais cet acide étant volatil, il aurait l'inconvénient de se mêler avec
l'acide muriatique dans la distillation. Il faut, dans cette opération, employer
environ une partie d'acide sulfurique concentré, et deux de sel marin. On se
sert d'une cornue tubulée, dans laquelle on introduit d'abord le sel
; on y adapte un récipient également tubulé, à la suite duquel on ajoute deux
ou trois bouteilles remplies d'eau, et qui sont jointes par des tubes, à la ma- [ manière] Pagination
originale du document : p.184
métalliques : ces détonations sont
d'autant plus dangereuses, que l'oxygène entre dans la composition du muriate oxygéné avec une très-grande quantité de
calorique, qui donne lieu, par son expansion, à des explosions
très-dangereuses. Pagination
originale du document : p.185 TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE
NITRO-MURIATIQUE AVEC LES BASES SALIFIABLES,
RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE, ATTENDU QUE LES AFFINITÉS DE CET ACIDE NE SONT POINT ASSEZ CONNUES. [Tableau
non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.186 OBSERVATIONS SUR L'ACIDE
NITRO-MURIATIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide nitro-muriatique, anciennement appelé eau régale, est formé par
un mélange d'acide nitrique et d'acide muriatique. Les radicaux de ces
deux acides s'unissent ensemble dans cette
combinaison, et il en résulte un acide à deux bases, qui a des propriétés
particulières qui n'appartiennent à
aucun des deux séparément, notamment celle de dissoudre l'or et le platine.
Dans les dissolutions
nitro-muriatiques, comme dans toutes les autres, les métaux commencent par s'oxyder avant de se dissoudre ; ils s'emparent
d'une portion de l'oxygène de l'acide, il se dégage en même temps un gaz nitro-muriatique d'une espèce
particulière, qui n'a encore été bien décrit par personne. Son odeur est très- désagréable, et il est aussi funeste
qu'aucun autre aux animaux qui le respirent
; il attaque les instruments de fer et les rouille ; l'eau en absorbe une assez
grande quantité et prend quelques
caractères d'acidité. J'ai eu occasion de faire ces observations lorsque j'ai
traité le platine et que je l'ai fait
dissoudre très en grand dans l'acide nitro-muriatique. J'avais d'abord soupçonné que, dans le mélange de l'acide nitrique
et de l'acide muriatique, ce dernier s'emparait d'une partie de l'oxygène de l'acide nitrique, et qu'alors, porté à
l'état d'acide muriatique oxygéné, il devenait
susceptible de dissoudre l'or ; mais plusieurs faits se refusent à cette
explication. S'il en était ainsi, en
faisant chauffer de l'acide nitro-muriatique, il s'en dégagerait du gaz nitreux
; et cependant on n'en obtient pas sensiblement. Je reviens donc à considérer
l'acide nitro-muriatique comme un acide à deux bases, et j'adopte
entièrement, à cet égard, les idées de M. Berthollet. Pagination
originale du document : p.187 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL FLUORIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE FLUORIQUE, AVEC
DES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.188 OBSERVATIONS SUR
L’ACIDE FLUORIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
La
nature nous offre l'acide fluorique tout formé dans le spath phosphorique ou fluate de
chaux : il y est combiné avec la terre calcaire, et forme un sel insoluble.
Pour obtenir l'acide
fluorique seul et dégagé de toute combinaison, on met du spath fluor ou fluate
de chaux dans une cornue de plomb ;on verse
dessus de l'acide sulfurique, et on adapte à la cornue un récipient également de plomb, à moitié rempli d'eau. On donne
une chaleur douce, et l'acide fluorique est absorbé par l'eau du récipient, à mesure qu'il se dégage. Comme cet
acide est naturellement sous forme de
gaz au degré de chaleur et de pression dans lequel nous vivons, on peut le
recueillir dans cet état dans
l'appareil pneumato-chimique au mercure, comme on y reçoit le gaz acide marin,
le gaz acide sulfureux, le gaz acide
carbonique. On est obligé de se servir, pour cette opération, de vaisseaux
métalliques, parce que l'acide fluorique dissout le verre et la terre siliceuse
; il communique même de la volatilité
à ces deux substances, et il les enlève avec lui dans l’état de gaz. C'est à M. Margraff que nous devons la première
connaissance de cet acide ; mais il ne l'a jamais obtenu que combiné avec une quantité considérable
de silice : l i norait d ailleurs que ce fût un acide particulier et sui generis. M. le duc de Liancourt, dans un
Mémoire imprimé sous le nom de M. Boulanger,
a étendu beaucoup plus loin nos connaissances sur les propriétés de l'acide f
uorique ; enfin M. Scheele semble
avoir mis la dernière main à ce travail. Il ne reste plus aujourd'hui qu'à
déterminer quelle est la nature du radical fluorique ; mais, comme il ne paraît
pas qu'on soit encore parvenu à
décomposer l'acide, on ne peut avoir aucun aperçu de la nature du radical. S'il
y avait quelques expériences à tenter
à cet égard, ce ne pourrait être que par la voie des doubles affinités qu'on
pourrait espérer quelques succès. Pagination
originale du document : p.189 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
BORACIQUE OXYGÉNÉ AVEC LES DIFFÉRENTES BASES
SALIFIABLES AUXQUELLES IL EST SUSCEPTIBLE DE S'UNIR, DANS L'ORDRE DE
LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.190 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE BORACIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On
donne le nom il de boracique à un acide concret qu'on retire du borax, sel qui nous
vient de l’Inde par le commerce. Quoique le borax ait été employé
très-anciennement dans les arts, on n'a que des notions
très-incertaines sur son origine, sur la manière de l'extraire et de le purifier.
On a lieu de soupçonner que c'est un sel natif, qui se trouve naturellement
dans les terres de quelques contrées de l'Inde et dans l'eau des lacs :
tout le commerce de ce sel se fait par les Hollandais ; ils
ont été longtemps seuls en possession de le purifier ; mais MM. l'Éguilier,
dans une fabrique
qu'ils ont élevée à Paris, sont parvenus à rivaliser avec eux : le procédé de
cette purification, au surplus, est encore
un mystère. L'analyse chimique nous a appris que le borax était un sel neutre avec excès de base ; que cette base était la
soude, et qu'elle était en partie neutralisée par un acide particulier, qui a été longtemps été appelé sel
sédatif de Homberg, et que nous avons désigné sous le nom d'acide boracique. On le rencontre
quelquefois libre dans l'eau des lacs ; celle du lac Cherchiaio en Italie en contient 94 grains et demi
par pinte. Pour séparer l'acide boracique et l'obtenir libre, on
commence par dissoudre le borax dans l'eau bouillante ; on filtre la liqueur
très chaude et on y verse de, l'acide
sulfurique, ou un autre acide quelconque qui ait plus d'affinité avec la soude que n'en a l'acide boracique. Ce dernier
se sépare aussitôt, et on l'obtient sous forme cristalline par refroidissement. On a cru longtemps que l'acide
boracique était un produit de l'opération
par laquelle on l'obtenait : on se persuadait, en conséquence, qu'il était
différent, suivant l'acide qu'on
avait employé pour le séparer Pagination
originale du document : p.191 d'avec la soude.
Aujourd'hui il est bien reconnu que l'acide boracique est touj ours
identiquement le même, de quelque manière qu'il ait été dégagé, pourvu,
toutefois, qu'il ait été bien dépouillé de tout acide étranger
par le lavage, et qu'on l'ait purifié par une ou deux cristallisations
successives. L'acide boracique est soluble dans l'eau et dans
l'alcool. Il a la propriété de communiquer à la flamme de ce dernier, dans
lequel on l'a dissous, une couleur verte, et cette circonstance avait fait croire
qu'il contenait du cuivre ; mais aucune expérience décisive n'a confirmé ce
résultat. Il y a apparence que, si le borax contient quelquefois du
cuivre, il lui est accidentel. Cet acide se combine avec les substances
salifiables, par la voie humide et par la voie sèche. Il ne dissout pas
directement les métaux par la voie humide, mais on peut parvenir à
opérer la combinaison par double affinité. Le tableau ci-dessus
présente les différentes substances avec lesquelles l'acide boracique peut
s'unir dans l'ordre des affinités qui s'observent par la voie
humide ; il exige un changement notable, lorsqu'on opère par la voie sèche
: alors l'alumine, qui est placée la dernière, doit être placée immédiatement
après la soude. Le radical boracique est entièrement inconnu ; l'oxygène y
tient tellement, qu'il n'a pas encore été possible de l'en séparer par aucun
moyen. Ce n'est même que par analogie qu'on peut conclure que l'oxygène fait
partie de sa combinaison, comme de celle de tous les acides. Pagination
originale du document : p.192 TABLEAU DES
COMBINAISONS DE L'ARSENIC 0XYGÉNÉ, OU ACIDE ARSÉNIQUE, AVEC LES BASES
SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.193 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE ARSÉNIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Dans un Mémoire imprimé dans le recueil de l'Académie, année 1746, M. Macquer a
fait voir qu'en poussant au feu un mélange d'oxyde blanc, d'arsenic et de
nitre, on obtenait un sel neutre, qu'il a nommé sel neutre
arsenical. On ignorait entièrement, à l'époque où M. Macquer a publié
ce Mémoire, la cause de ce singulier phénomène, et comment une substance métallique
pouvait jouer le rôle d'un acide. Des expériences plus modernes nous ont appris
que l'arsenic s'oxygénait dans cette opération ; qu'il enlevait l'oxygène à
l'acide nitrique, et qu'à l'aide de ce principe il se convertissait en un
véritable acide, qui se combinait ensuite avec la potasse. On connaît
aujourd'hui d'autres moyens, non-seulement d'oxygéner l'arsenic, mais encore
d'obtenir l'acide arsénique libre et dégagé de toute combinaison.
Le plus simple est de dissoudre l'oxyde blanc d'arsenic dans
trois fois son poids d'acide muriatique : on ajoute dans cette dissolution,
pendant qu'elle est encore bouillante, une quantité d'acide
nitrique double du poids de l'arsenic, et on évapore jusqu'à siccité.
L'acide nitrique se décompose dans cette opération ; son oxygène s'unit à
l'oxyde d'arsenic pour l'acidifier ; le radical nitrique se
dissipe sous forme de gaz nitreux. A l'égard de l'acide muriatique, il se
convertit en gaz muriatique, et on peut le retenir par voie de distillation. On
s'assure qu'il ne reste plus d'acide étranger, en calcinant l'acide
concret jusqu'à ce qu'il commence à rougir : ce qui reste ainsi dans le
creuset est de l'acide arsénique pur. Il y a plusieurs autres manières d'oxygéner
l'arsenic et de le convertir en un acide. Le procédé que M. Scheele a employé,
et que M. de
Morveau a répété avec un grand succès dans le laboratoire de Pagination
originale du document : p.194 Dijon, consiste
à distiller de l'acide muriatique oxygéné sur de la manganèse. Cet acide
s'oxygène, comme je l'ai dit ailleurs, et passe sous la forme
d'acide muriatique suroxygéné. On le reçoit dans un récipient, dans
lequel on a mis de l'oxyde blanc d'arsenic recouvert d'un peu d'eau distillée.
L'arsenic blanc décompose l'acide muriatique oxygéné, et lui enlève
l'oxygène surabondant ; d'une part il se convertit en acide arsénique, et
de l'autre l'acide muriatique oxygéné redevient acide muriatique ordinaire.
On sépare ces deux acides en distillant à une chaleur douce, qu'on augmente
cependant sur la fin : l'acide muriatique passe, et l'acide arsénique
reste sous forme blanche et concrète. Dans cet état il est
beaucoup moins volatil que l'oxyde blanc d'arsenic. Très-souvent l'acide
arsénique tient en dissolution une portion d'oxyde blanc d'arsenic qui n'a pas
été suffisamment oxygéné. On n'est point exposé à cet inconvénient quand
on a opéré par l'acide nitrique, et qu'on en ajoute de nouveau jusqu'à ce qu'il ne passe
plus de gaz nitreux. D'après ces différentes observations, je définirai l’acide
arsénique, un acide métallique blanc,
concret, fixe au degré de feu qui le fait rougir, formé par la combinaison de l'arsenic avec l'oxygène, qui se
dissout dans l'eau, et qui est susceptible de se combiner avec un grand
nombre de bases salifiables. Pagination
originale du document : p.195 TABLEAU DES COMBINAISONS DU MOLYBDÈNE
OXYGÉNÉ, OU ACIDE MOLYBDIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, PAR ORDRE
ALPHABETIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.196 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE MOLYBDIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Le
molybdène est une substance métallique particulière, qui est susceptible de s'oxygéner
au point de se transformer en un véritable acide concret. Pour y parvenir, on
introduit dans une cornue une partie de mine de molybdène, telle
que la nature nous la présente, et qui est un véritable sulfure de molybdène ;
on y ajoute cinq ou six parties d'un acide nitrique affaibli d'un quart d'eau
environ, et on distille. L'oxygène de l'acide nitrique se porte sur le
molybdène et sur le soufre : il transforme l'un en un oxyde
métallique, et d'autre en acide sulfurique. On repasse de nouvel acide nitrique
dans la même proportion et jusqu'à quatre ou cinq fois ; et, quand il n'y a
plus de vapeurs rouges, le molybdène est oxygéné autant qu'il le peut
être, du moins par ce moyen, et on le trouve au fond de la
cornue sous forme blanche, pulvérulente, comme de la craie. Cet acide est peu
soluble, et on peut, sans risquer d'en perdre beaucoup, le laver avec
de l'eau chaude. Cette précaution est nécessaire pour le débarrasser des dernières portions
d'acide sulfurique qui pourraient y adhérer. Pagination
originale du document : p.197 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU TUNGSTÈNE, OU ACIDE TUNGSTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES. [Tableau non
reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.198 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE TUNGSTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On
donne le nom de tungstène à un métal particulier, dont la mine a été souvent confondue
avec celle d'étain ; dont la cristallisation a du rapport avec celle des
grenats ; dont la pesanteur spécifique excède 6000, celle de l'eau
étant supposée 1000 ; enfin qui varie du blanc perlé au rougeâtre et
au jaune. On le trouve en plusieurs endroits de la Saxe et en Bohème. Le
wolfram est aussi une véritable mine de tungstène, qui se rencontre
fréquemment dans les mines de Cornouailles. Le métal qui porte le nom
de tungstène est dans l'état d'oxyde dans ces deux espèces de
mines. Il paraîtrait même qu'il est porté, dans sa mine de tungstène, au delà
de l'état d'oxyde ; qu'il y fait fonction d'acide : il y est uni à
la chaux. Pour obtenir cet acide libre, on mêle une partie de mine de
tungstène avec quatre parties de carbonate de potasse, et on fait fondre le
mélange dans un creuset. Lorsque la matière est refroidie, on la met en poudre
et on verse dessus douze parties d'eau bouillante ; puis on ajoute de
l'acide nitrique qui s'unit à la potasse, avec laquelle il a plus d'affinité, et en
dégage l'acide tungstique : cet acide se précipite aussitôt sous forme
concrète. On peut y repasser de l'acide nitrique qu'on évapore à siccité,
et continuer ainsi jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de vapeurs rouges ; on est
assuré pour lors qu'il est complètement oxygéné. Si on veut obtenir l'acide tungstique pur, il faut opérer la fusion
de la mine avec le carbonate de potasse dans un creuset de platine ; autrement la terre du creuset se mêlerait avec les
produits, et altérerait la pureté de l'acide. Les affinités de l'acide
tungstique avec les oxydes métalliques ne sont point déterminées, et c'est pour cette raison qu'on les a rangées par
ordre alphabétique ; à l'égard des autres substances salifiables, on les a rangées dans l'ordre de leur
affinité avec l'acide tungstique. Toute cette classe de sels n'avait été
ni connue ni nommée par les anciens. Pagination
originale du document : p.199 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
TARTAREUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE TARTAREUX, AVEC
LES BASES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.200 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE TARTAREUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Tout le monde connaît le tartre qui s'attache autour des tonneaux dans lesquels
la fermentation
du vin s'est achevée. Ce sel est composé d'un acide particulier sui generis,
combiné avec la potasse, mais de manière
que l'acide est dans un excès considérable. C'est encore M. Scheele qui a
enseigné aux chimistes le moyen d'obtenir l'acide tartareux pur. Il a observé
d'abord que cet acide avait plus
d'affinité avec la chaux qu'avec la potasse ; il prescrit, en conséquence, de commencer par dissoudre du tartre purifié dans de
l'eau bouillante, et d'y ajouter de la chaux jusqu'à ce que tout l'acide soit saturé. Le tartrite de
chaux qui se forme est un sel presque insoluble, qui tombe au fond de la
liqueur, surtout quand elle est refroidie ; on l'en sépare par décantation, on
le lave avec de l'eau froide et on le
sèche ; après quoi on verse dessus de l'acide sulfurique étendu de huit à neuf fois son poids d'eau, on fait digérer
pendant douze heures, à une chaleur douce, en observant de remuer de temps en temps : l'acide sulfurique s'empare de
la chaux, forme du sulfate de chaux,
et l'acide tartareux se trouve libre. Il se dégage, pendant cette digestion,
une petite quantité de gaz qui n'a pas
été examiné. Au bout de douze heures on décante la liqueur, on lave le sulfate
de chaux avec de l'eau froide pour
emporter les portions d'acide tartareux dont il est imprégné ; on réunit tous les lavages à la première liqueur, on
filtre, on évapore et on obtient l'acide tartareux concret. Deux livres de tartre purifié donnent
environ onze onces d'acide. La quantité d'acide sulfurique nécessaire pour cette quantité de tartre est de huit à dix
onces d'acide concentré, qu'on étend,
comme je viens de le dire, de huit à neuf parties d'eau. Comme le radical
combustible est en excès dans cet acide, nous lui Pagination
originale du document : p.201 avons conservé
la terminaison en eux, et nous avons nommé tartrite le résultat
de sa combinaison avec les substances salifiables. La base de l'acide
tartareux est le radical carbone-hydreux ou hydro-carboneux,
et il parait qu'il y est moins oxygéné que dans l'acide oxalique. Les
expériences de M. Hassenfratz paraissent prouver que l'azote entre aussi dans
la combinaison de ce radical, même en assez grande quantité. En oxygénant
l'acide tartareux, on le convertit en acide oxalique, en acide malique
et en acide acéteux ; mais il est probable que la proportion de l'hydrogène et
du carbone change dans ces conversions, et que la différence du
degré d'oxygénation n'est pas la seule cause qui constitue la différence de ces
acides. L'acide tartareux, en se combinant avec les alcalis fixes, est susceptible
de deux degrés de saturation : le premier constitue un sel avec excès d'acide,
nommé très- improprement crème de tartre, et que nous avons nommé tartrite
acidule de potasse. La même combinaison donne, par un second degré de
saturation, un sel parfaitement neutre, que nous nommons
simplement tartrite de potasse, et qui est connu en pharmacie sous le
nom de sel végétal. Le même acide, combiné avec la soude jusqu'à saturation,
donne un tartrite de soude connu sous le nom de sel de seignette, ou de
sel
de polycreste de la Rochelle. Pagination
originale du document : p.202 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL MALIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE MALIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.203
COMBINAISONS.
L'acide malique se trouve
tout formé dans le jus des pommes acides mûres ou non mûres, et d'un grand nombre
d'autres fruits. Pour l’obtenir, on commence par saturer le jus de pommes avec de la potasse ou de la soude. On verse
ensuite, sur la liqueur saturée, de l'acétite de plomb dissous dans l'eau. Il se fait un échange de bases ; l'acide
malique se combine avec le plomb, et se précipite. On lave bien ce précipité,
ou plutôt ce sel, qui est à peu près insoluble ; après quoi on y verse de
l'acide sulfurique affaibli, qui chasse l'acide malique, s'empare du plomb,
forme avec lui un sulfate, qui est
de même très-peu soluble et qu'on sépare par filtration ; il reste de l'acide
malique libre et en liqueur. Cet
acide se trouve mêlé avec l'acide citrique et avec l'acide tartareux dans un grand nombre de fruits : il tient à peu près le
milieu entre l'acide oxalique et l'acide acéteux ; et c'est ce qui a porté M. Hermbstadt à lui donner le nom de
vinaigre imparfait. Il est plus oxygéné que l'acide oxalique, mais il
l'est moins que l'acide acéteux. Il diffère aussi de ce dernier par la nature
de son radical, qui contient un peu plus de carbone et un peu moins
d'hydrogène. On peut le former artificiellement,
en traitant du sucre avec de l'acide nitrique. Si on s'est servi d'un acide
étendu d'eau, il ne se forme point de
cristaux d'acide oxalique ; mais la liqueur contient réellement deux acides,
savoir l'acide oxalique, l'acide malique, et probablement même un peu d'acide
tartareux. Pour s'en assurer, il ne
s'agit que de verser de l'eau de chaux sur la liqueur ; il se forme en même
temps du malate de chaux qui reste
en dissolution. Pour avoir l'acide pur et libre, on décompose le malate de chaux par l'acétite de plomb, et on enlève le plomb
à l'acide malique par l'acide sulfurique, de la même manière que quand
on opère directement sur le jus des pommes. Pagination
originale du document : p.204 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL CITRIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE CITRIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.205 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE CITRIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On
donne le nom de citrique à l'acide en liqueur qu'on retire par
expression du citron ; on le rencontre dans plusieurs autres fruits mêlé avec
l'acide malique. Pour l'obtenir pur et concentré, on le laisse déposer
sa partie muqueuse par un long repos dans un lieu frais, tel que la cave,
ensuite on le concentre par un froid de 4 à 5 degrés au- dessous de zéro du
thermomètre de Réaumur : l'eau se gèle et l'acide reste en liqueur. On
peut ainsi le réduire à un huitième de son volume. Un trop
grand degré de froid nuirait au succès de l'opération, parce que l'acide se
trouverait engagé dans la glace, et qu'on aurait de la peine à l'en
séparer. Cette préparation de l'acide citrique est de M.
Georgius. On peut l'obtenir d'une manière plus simple encore, en saturant du
jus de citron avec de la chaux. Il se forme un citrate calcaire qui
est indissoluble dans l'eau ; on lave ce sel, et on verse dessus de l'acide
sulfurique, qui s'empare de la chaux et qui forme du sulfate de chaux, sel presque insoluble. L'acide
citrique reste libre dans la liqueur. Pagination
originale du document : p.206 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
PYRO-LIGNEUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE PYRO-
LIGNEUX, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC
CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.207 OBSERVATIONS SUR L'ACIDE PYRO-LIGNEUX
ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Les
anciens chimistes avaient observé que la plupart des bois, et surtout ceux qui sont lourds et compactes, donnaient, par la
distillation à feu nu, un esprit acide d'une nature particulière ; mais personne, avant M. Goettling,
ne s'était occupé d'en rechercher la nature. Le travail qu'il a donné sur ce sujet se trouve dans le journal de Crell,
année 1779. L'acide pyro-ligneux, qu'on obtient par la distillation du bois à
feu nu, est de couleur brune ; il est très-chargé d'huile et de charbon ; pour l'obtenir plus pur, on le rectifie
par une seconde distillation. Il paraît qu'il est à peu près le même, de quelque bois qu'il ait été tiré.
M. de Morveau et M. Éloi Boursier de Clervaux se sont attachés à déterminer les affinités de cet acide avec les
différentes bases salifiables ; et c'est dans l'ordre qu'ils leur ont assigné qu'on les présente ici. Le radical
de cet acide est principalement formé d'hydrogène et de carbone. Pagination
originale du document : p.208 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL PYRO-TARTAREUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE PYRO- TARTAREUX, AVEC LES BASES
SALIFIABLES DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ
AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.209 OBSERVATIONS SUR L'ACIDE
PYRO-TARTAREUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On donne le nom de pyro-tartareux à un acide empyreumatique peu concentré, qu'on
retire du tartre purifié par voie de distillation. Pour l'obtenir, on remplit à
moitié de tartrite acidule de potasse ou
tartre, en poudre, une cornue de verre ; on y adapte un récipient tubulé auquel
on ajoute un tube qui s'engage sous une cloche dans l'appareil
pneumato-chimique. En graduant le feu, on obtient une liqueur acide
empyreumatique mêlée avec de l'huile : on sépare ces deux produits au moyen d'un entonnoir, et c'est la liqueur acide
qu'on a nommée acide pyro-tartareux. Il se dégage, dans cette distillation, une prodigieuse quantité
de gaz acide carbonique. L'acide pyro- tartareux qu'on obtient n'est pas parfaitement pur ; il contient touj ours de
l'huile, qu'il serait à souhaiter qu'on en pût séparer. Quelques auteurs ont conseillé de le rectifier ; mais les
académiciens de Dijon ont constaté que cette opération était dangereuse,
et qu'il y avait explosion. Pagination
originale du document : p.210 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL PYRO-MUQUEUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE PYRO- MUQUEUX,
AVEC LES BASES ACIDIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC
CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.21 1 OBSERVATIONS SUR L'ACIDE PYRO-MUQUEUX
ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On
retire l'acide pyro-muqueux du sucre et de tous les corps sucrés par la distillation à feu nu. Comme ces substances se
boursouflent considérablement au feu, on doit laisser vides les sept huitièmes de la cornue. Cet acide
est d'un jaune qui tire sur le rouge ; on l'obtient moins coloré en le
rectifiant par une seconde distillation. Il est principalement composé d'eau et
d'une petite portion d'huile légèrement oxygénée. Quand il en tombe sur
les mains, il les tache en jaune, et ces
taches ne s'en vont qu'avec l'épiderme. La manière la plus simple de le
concentrer est de l'exposer à la gelée
ou bien à un froid artificiel ; si on l'oxygène par l'acide nitrique, on le
convertit en partie en acide oxalique
et en acide malique. C'est mal à propos qu'on a prétendu qu'il se dégage beaucoup
de gaz pendant la distillation de cet acide ; il n'en passe presque point quand
la distillation est conduite lentement et par un degré de feu modéré. Pagination
originale du document : p.212 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL OXYGÉNE, OU ACIDE OXALIQUE, AVEC LES BASES
SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans
cette version.] Pagination
originale du document : p.213 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE OXALIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide oxalique se prépare principalement en Suisse et en Allemagne ; il se
tire du suc de l'oseille qu'on exprime, et dans lequel ses cristaux se
forment par un long repos. Dans cet état il est en partie saturé par de
l'alcali fixe végétal ou potasse : eu sorte que c’est, à proprement parler,
un sel neutre avec un grand excès d'acide. Quand on veut obtenir l'acide pur,
il faut le former artificiellement, et on y parvient en oxygénant le
sucre, qui paraît être le véritable radical oxalique. On verse en
conséquence, sur une partie de sucre, six à huit parties d'acide nitrique, et
on fait chauffer à une chaleur douce ; il se produit une vive effervescence, et
il se dégage une grande abondance de gaz nitreux ; après quoi,
en laissant reposer la liqueur, il s'y forme des cristaux qui sont de
l'acide oxalique très-pur. On les sèche sur un papier iris pour en séparer les
dernières portions d'acide nitrique dont ils pourraient être
imbibés ; et, pour être encore plus sûr de la pureté de l'acide, on le
dissout dans de l'eau distillée, et on le fait cristalliser une seconde fois.
L'acide oxalique n'est pas le seul qu'on puisse obtenir du sucre
en l'oxygénant. La même liqueur qui a donné des cristaux
d'acide oxalique par refroidissement contient en outre l'acide malique, qui est
un peu plus oxygéné. Enfin, en oxygénant encore davantage le sucre, on le
convertit en acide acéteux ou vinaigre. L'acide oxalique, uni à une
petite quantité de soude ou de potasse, a, comme l'acide tartareux, la
propriété d'entrer tout entier dans un grand nombre de combinaisons sans se décomposer
: il en résulte des sels à deux bases, qu'il a bien fallu nommer. Nous avons
appelé le sel d'oseille
oxalate acidule de potasse. Pagination
originale du document : p.214 Il y a plus d'un siècle que l'acide
oxalique est connu des chimistes. M. Duclos en a fait mention dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année
1688. Il a été décrit avec assez de soin par Boerhaave ; mais M. Scheele est le premier qui ait reconnu qu'il
contenait de la potasse toute formée, et qui ait démontré son identité
avec l'acide qu'on forme par l'oxygénation du sucre. Pagination
originale du document : p.215 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL ACETEUX OXYGÉNÉ, PAR UN PREMIER DEGRÉ
D’OXYGENATION, AVEC LES BASES SALIFIABLES, SUIVANT L’ORDRE DE LEUR
AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.216 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL ACETEUX OXYGÉNÉ, PAR UN PREMIER DEGRÉ
D’OXYGENATION, AVEC LES BASES SALIFIABLES, SUIVANT L’ORDRE DE LEUR
AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.217 OBSERVATIONS SUR LE RADICAL ACETEUX
OXYGÉNÉ PAR UN PREMIER DEGRÉ D’OXYGÉNATION,
OU ACIDE ACETEUX, ET SUR SES COMBINAISONS AVEC LES BASES SALIFIABLES.
Le
radical acéteux est composé de la réunion du carbone et de l’hydrogène portés à
l'état d'acide par l'addition de l'oxygène. Cet acide est, par conséquent,
composé des mêmes principes que l'acide
tartareux, que l'acide malique, etc. mais la proportion des principes est différente pour chacun de ces acides, et il parait
que l'acide acéteux est le plus oxygéné de tous. J'ai quelques raisons
de croire qu'il contient aussi un peu d'azote, et que ce principe, qui n'existe
pas dans les autres acides végétaux que je
viens de nommer, si ce n'est peut-être dans l'acide tartareux, est une des causes qui le différencient. Pour produire
l'acide acéteux ou vinaigre, on expose le vin à une température douce, en y ajoutant un ferment, qui
consiste principalement dans la lie qui s’est précédemment séparée d'autre vinaigre pendant sa fabrication, ou dans
d'autres matières de même nature. La partie spiritueuse du vin (le
carbone et l'hydrogène) s'oxygène dans cette opération ; c'est par cette raison qu'elle ne peut se faire qu'à
l'air libre, et qu'elle est toujours accompagnée d'une diminution du volume de l'air. Il faut, en
conséquence, pour faire de bon vinaigre, que le tonneau dans lequel on opère ne
soit qu'à moitié plein. L'acide qui se forme ainsi est très-volatil ; il est étendu d'une très-grande quantité d'eau et mêlé de
beaucoup de substances étrangères. Pour l'avoir pur, on le distille à une
chaleur douce, dans des vaisseaux de grès ou de verre : mais ce qui paraît avoir échappé aux chimistes, c'est que l'acide
acéteux change de nature dans cette opération ; l'acide qui passe dans
la distillation n'est pas exactement de même nature que celui qui reste dans
l'alambic ; ce dernier paraît être plus oxygéné. Pagination
originale du document : p.218 La distillation
ne suffit pas pour débarrasser l'acide acéteux du flegme étranger qui s'y
trouve mêlé ; le meilleur moyen de le concentrer sans en altérer la nature
consiste à l'exposer à un froid de quatre ou six degrés
au-dessous de la congélation : la partie aqueuse gèle, et l'acide reste
liquide. Il paraît que l'acide acéteux, libre de toute combinaison, est
naturellement dans l'état de gaz, au degré de température et de
pression dans lequel nous vivons, et que nous ne pouvons le retenir qu'en le
combinant avec une grande quantité d'eau. Il est d'autres procédés plus
chimiques pour obtenir l'acide acéteux : ils consistent à oxygéner l'acide du
tartre, l'acide oxalique ou l'acide malique par l'acide nitrique
; mais il y a lieu de croire que la proportion des bases qui composent le
radical change dans cette opération. Au surplus, M. Hassenfratz
est occupé dans ce moment à répéter les expériences d'après lesquelles on a prétendu établir
la possibilité de ces conversions. La combinaison de l'acide acéteux avec les différentes bases salifiables se fait avec
assez de facilité ; mais la plupart des
sels qui résultent ne sont pas cristallisables, à la différence des sels formés
par l'acide tartareux et l'acide
oxalique, qui sont en général peu solubles. Le tartrite et l'oxalate de chaux
ne le sont pas même sensiblement. Les
malates tiennent une espèce de milieu entre les oxalates et les acétates pour la solubilité, comme l'acide qui les forme en tient
un pour le degré d'oxygénation. Il faut, comme pour tous les autres acides, que
les métaux soient oxygénés, pour pouvoir être dissous dans l'acide acéteux. Pagination
originale du document : p.219 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL ACÉTEUX OXYGÉNÉ PAR UN SECOND DEGRÉ
D'OXYGÉNATION, OU ACIDE ACÉTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS
L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.220 OBSERVATIONS SUR
L’ACIDE ACÉTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Nous avons donné au vinaigre radical le nom d'acide acétique, parce que nous avons
supposé qu'il était plus chargé d'oxygène que le vinaigre ou acide acéteux.
Dans cette supposition, le vinaigre radical, ou acide acétique,
serait le dernier degré d'oxygénation que puisse prendre le
radical hydro-carboneux ; mais, quelque probable que soit cette conséquence,
elle demande à être confirmée par des expériences plus décisives. Quoi qu'il
en soit, pour préparer le vinaigre radical, on prend de l'acétite
de potasse, qui est une combinaison d'acide acéteux et de potasse, ou de
l'acétite de cuivre, qui est une combinaison du même acide avec du cuivre ; on
verse dessus un tiers de son poids d'acide sulfurique concentré, et, par la
distillation, on obtient un vinaigre très-concentré, qu'on nomme
vinaigre radical ou acide acétique. Mais, comme je viens de l'indiquer, il
n'est point encore rigoureusement démontré que cet acide soit plus oxygéné que
l'acide acéteux
ordinaire, ni même qu'il n'en diffère pas par la différence de proportion des
principes du radical. Pagination
originale du document : p.221 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL SUCCINIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE SUCCINIQUE, AVEC LES BASES
SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non
reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.222 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE SUCCINIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide succinique se retire du succin, karabé ou ambre jaune, par
distillation. Il suffit de mettre cette substance dans une cornue, et de
donner une chaleur douce ; l'acide succinique se sublime sous
forme concrète dans le col de la cornue. Il faut éviter de pousser trop loin la
distillation, pour ne pas faire passer l'huile. L'opération finie, on
met le sel égoutter sur du papier gris ; après quoi on le purifie par des
dissolutions et cristallisations répétées. Cet acide exige vingt-quatre
parties d'eau froide pour être tenu en dissolution ; mais il est beaucoup plus
dissoluble dans l'eau chaude ; il n'altère que faiblement les teintures bleues
végétales, et il n'a pas dans un degré très-éminent les qualités d'acide.
M. de Morveau est le premier des chimistes qui ait essayé de déterminer
ses différentes affinités, et c'est d'après lui qu'elles sont indiquées dans le
tableau joint à ces
observations. Pagination
originale du document : p.223 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
BENZOIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE BENZOIQUE, AVEC
LES DIFFÉRENTES BASES SALIFIABLES, RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.224 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE BENZOIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS
AVEC LES BASES SALIFIABLES.
Cet acide a été connu des anciens chimistes sous le
nom de fleurs de benjoin ; on l'obtenait par voie de sublimation. Depuis, M.
Geoffroy a découvert qu'on pouvait également l'extraire par la voie
humide : enfin, M. Scheele, d'après un grand nombre
d'expériences qu'il a faites sur le benjoin, s'est arrêté au procédé qui suit :
On prend de bonne eau de chaux, dans laquelle même il est avantageux
de laisser de la chaux en excès ; on la fait digérer portion
par portion sur du benjoin réduit en poudre fine, en remuant continuellement le
mélange. Après une demi-heure de digestion, on décante et on remet de
nouvelle eau de chaux, et ainsi plusieurs fois, jusqu'à ce qu'on
s'aperçoive que l'eau de chaux ne se neutralise plus. On rassemble
toutes les liqueurs, on les rapproche par évaporation, et, quand elles sont
réduites autant qu'elles
le peuvent être sans cristalliser, on laisse refroidir : on verse de l'acide
muriatique goutte à goutte, jusqu'à ce qu'il
ne se fasse plus de précipité. La substance qu'on obtient par ce procédé est l'acide
benzoïque concret. Pagination
originale du document : p.225 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
CAMPHORIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE CAMPHORIQUE,
AVEC LES BASES ACIDIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non
reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.226 OBSERVATIONS SUR L'ACIDE CAMPHORIQUE
ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Le
camphre est une espèce d'huile essentielle concrète, qu'on retire, par sublimation, d'un laurier qui croit à la Chine et
au Japon. M. Kosegarten a distillé jusqu'à huit fois de l'acide nitrique sur du camphre, et il est
parvenu ainsi à l'oxygéner et à le convertir en un acide très-analogue à l'acide oxalique. Il en diffère
cependant à quelques égards, et c'est ce qui nous a déterminés à lui
conserver, jusqu'à nouvel ordre, un nom particulier. Le camphre étant un
radical carbone-hydreux ou hydro-carboneux,
il n'est pas étonnant qu'en l'oxygénant il forme de l'acide oxalique, de l'acide malique et plusieurs autres
acides végétaux. Les expériences rapportées par M. Kosegarten ne démentent pas cette conjecture, et la
plus grande partie des phénomènes qu'il a observés dans la combinaison de cet acide avec les bases salifiables
s'observent de même dans les combinaisons de l'acide oxalique ou de l'acide
malique ; je serais donc assez porté à regarder l'acide camphorique
comme un mélange d'acide oxalique et d'acide malique. Pagination
originale du document : p.227 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL GALLIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE GALLIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.228 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE GALLIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide gallique, ou principe astringent, se tire de la noix de galle, soit par
la simple infusion ou décoction dans l'eau, soit par une distillation à un
feu très-doux. Ce n'est que depuis un petit nombre d'années qu'on a donné nue attention
plus particulière à cette substance. MM. les commissaires de l'Académie de
Dijon en ont suivi toutes les combinaisons, et ont donné le travail le plus complet qu'on eût fait jusqu'alors. Quoique
les propriétés acides de ce principe ne soient pas très-marquées, il rougit la teinture de tournesol,
il décompose les sulfures, il s'unit à tous les métaux, quand ils ont été préalablement dissous par un
autre acide, et il les précipite sous différentes couleurs. Le fer, par cette combinaison, donne un
précipité d'un bleu ou d'un violet foncé. Cet acide, si toutefois il mérite ce nom, se trouve dans un
grand nombre de végétaux, tels que le chêne, le saule, l'iris des marais, le fraisier, le nymphéa, le
quinquina, l'écorce et la fleur de grenade, et dans beaucoup de bois et
d'écorces. On ignore absolument quel est son radical. Pagination
originale du document : p.229 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL LACTIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE LACTIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.230 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE LACTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
M.
Scheele est celui auquel nous devons les seules connaissances exactes que nous
ayons sur l'acide lactique. Cet acide se rencontre dans le petit-lait, et il y
est uni à un peu de terre. Pour l'obtenir on fait réduire par évaporation du petit-lait
au huitième de son volume ; on filtre pour bien séparer toute la partie
caséeuse ; on ajoute de la chaux, qui s'empare de l'acide dont il est question
et qu'on en dégage ensuite par l’addition de l'acide oxalique : on sait en
effet que ce dernier acide forme avec la chaux un sel insoluble. Après que
l'oxalate de chaux a été séparé par décantation, on évapore la liqueur jusqu'à
consistance de miel ; on ajoute de l'esprit-de-vin qui dissout l'acide,
et on filtre pour en séparer le sucre de lait et les autres substances
étrangères. Il ne reste plus ensuite, pour avoir l'acide lactique seul,
que de chasser l'esprit-de-vin par évaporation ou par
distillation. Cet acide s'unit avec presque toutes les bases salifiables, et
forme avec elles des sels incristallisables. Il paraît se rapprocher, à beaucoup
d'égards, de l'acide acéteux. Pagination
originale du document : p.231 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL SACCHOLACTIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE
SACCHOLACTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ
AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.232 OBSERVATIONS SUR L’ACIDE
SACCHOLACTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
On peut extraire du petit-lait, par évaporation, une espèce de sucre qui a
beaucoup de rapport avec celui des cannes à sucre, et qui est très-anciennement
connu dans la pharmacie. Ce sucre est
susceptible, comme le sucre ordinaire, de s’oxygéner par différents moyens, et principalement par sa combinaison avec l’acide
nitrique : on repasse à cet effet plusieurs fois de nouvel acide ; on concentre ensuite la liqueur par
évaporation ; on met à cristalliser et on obtient de l’acide oxalique : en même temps il se sépare une poudre
blanche très-fine, qui est susceptible de se combiner avec les alcalis, avec l’ammoniaque, avec les terres, même avec
quelques métaux. C’est à cet acide
concret, découvert par Scheele, qu’on a donné le nom d’acide saccholactique.
Son action sur les métaux est pau connue ; on sait seulement qu’il forme
avec eux des sels très-peu solubles. L’ordre des affinités qu’on a suivi dans
le tableau est celui indiqué par M. Bergman. Pagination
originale du document : p.233 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL FORMIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE FORMIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.234 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE FORMIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
L'acide formique a été
connu dès le siècle dernier. Samuel Fischer est le premier qui l'ait obtenu en
distillant des fourmis. M. Margraff a suivi ce même objet dans un mémoire qu'il
a publié en 1749, et MM. Arwidson et Oehrn,
dans une dissertation qu'ils ont publiée à Leipsick en 1777. L'acide formique
se tire d'une grosse espèce de fourmi rousse, formica rufa, qui habite les bois, et qui y forme de grandes fourmilières. Si
c'est par distillation qu'on veut opérer, on introduit les fourmis dans une cornue de verre ou dans une
cucurbite garnie de son chapiteau ; on distille à une chaleur douce, et on trouve l'acide formique
dans le récipient : on en tire environ moitié du poids des fourmis. Lorsqu'on veut procéder par voie de
lixiviation, on lave les fourmis à l'eau froide, on les étend sur un linge, et
on y passe de l'eau bouillante, qui se charge de la partie acide ; on peut même
exprimer légèrement ces insectes dans
le linge, et l'acide en est plus fort. Pour l'obtenir pur et concentré,
on le rectifie et on sépare le flegme par la gelée. Pagination
originale du document : p.235 TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL
BOMBIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE BOMBIQUE, AVEC
LES SUBSTANCES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non
reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.236 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE BOMBIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Lorsque le ver à soie se change en chrysalide, ses humeurs paraissent prendre
un caractère d'acidité. Il laisse même échapper, au moment où il se
transforme en papillon, une liqueur rousse très-acide, qui rougit le papier
bleu, et qui a fixé l'attention de M. Chaussiez, membre de l'Académie
de Dijon. Après plusieurs tentatives pour obtenir cet acide pur, voici le
procédé auquel il a cru devoir s'arrêter. On fait infuser des
chrysalides de vers à soie dans de l'alcool : ce dissolvant se charge de
l'acide, sans attaquer les parties muqueuses ou gommeuses ; et, en faisant
évaporer l'esprit-de- vin, on a l'acide bombique assez pur. On
n'a pas encore déterminé avec précision les propriétés et les
affinités de cet acide. Il y a apparence que la famille des insectes en
fournirait beaucoup d'analogues. Son radical, ainsi que celui de tous les
acides du règne animal, paraît être composé de carbone, d'hydrogène, d'azote et peut-être de
phosphore. Pagination
originale du document : p.237 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL SÉBACIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE SÉBACIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit
dans cette version.] Pagination
originale du document : p.238 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE SEBACIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Pour obtenir l'acide
sébacique, on prend du suif qu'on fait fondre dans un poêlon de fer ; on y
jette de la chaux vive pulvérisée, et on remue continuellement. La vapeur qui
s'élève du mélange est très-piquante, et on
doit tenir les vaisseaux élevés afin d'éviter de la respirer. Sur la fin on hausse le feu. L'acide sébacique, dans cette
opération, se porte sur la chaux, et forme du sébate calcaire, espèce de sel peu soluble : pour le
séparer des parties grasses dont il est empâté, on fait bouillir à
grande eau la masse ; le sébate calcaire se dissout, le suif se fond et
surnage. On sépare ensuite le sel en faisant
évaporer l'eau, on le calcine à une chaleur modérée ; on redissout, on fait cristalliser de nouveau et on parvient à l'avoir
pur. Pour obtenir l'acide libre, on verse de l'acide sulfurique sur le sébate de chaux ainsi purifié, et
on distille ; l'acide sébacique passe clair dans le récipient. Pagination
originale du document : p.239 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL LITHIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE LITHIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.240 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE LITHIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Le
calcul de la vessie, d'après les dernières expériences de Bergman et de Scheele,
paraîtrait être une espèce de sel concret à base terreuse, légèrement acide,
qui demande une grande quantité d'eau pour être dissous. Mille grains
d'eau bouillante en dissolvent à peine trois grains, et la
majeure partie recristallise par le refroidissement. C'est cet acide concret
auquel M. de Morveau a donné le nom d'acide lithiasique, et que nous nommons acide
lithique. La nature et les propriétés de cet acide sont encore peu
connues. Il y a quelque apparence que c'est un sel acidule déjà
combiné à une base, et plusieurs raisons me portent à croire que c'est un
phosphate acidule de chaux. Si cette présomption se confirme, il faudra le rayer de la classe
des acides particuliers. Pagination
originale du document : p.241 TABLEAU DES
COMBINAISONS DU RADICAL PRUSSIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE PRUSSIQUE, AVEC
LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.242 OBSERVATIONS SUR
L'ACIDE PRUSSIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.
Je
ne m'étendrai point ici sur les propriétés de l'acide prussique, ni sur les procédés
qu'on emploie pour l'obtenir pur et dégagé de toute combinaison. Les
expériences qui ont été faites à cet égard me paraissent laisser encore quelques nuages sur
la vraie nature de cet acide. Il me suffira
de dire qu'il se combine avec le fer, et qu'il lui donne la couleur bleue ;
qu'il est également susceptible de
s'unir avec presque tous les métaux, mais que les alcalis, l'ammoniaque et la
chaux, le leur enlèvent en vertu de
leur plus grande force d'affinité. On ne connaît point le radical de l'acide prussique ; mais les expériences de M. Scheele et
surtout celles de M. Berthollet donnent lieu de croire qu'il est composé de carbone et d'azote ; c'est donc un acide à
base double : quant à l'acide phosphorique
qui s'y rencontre, il paraît, d'après les expériences de M. Hassenfratz, qu'il
y est accidentel. Quoique l'acide
prussique s'unisse avec, les métaux, avec les alcalis et avec les terres, à la manière des acides, il n'a cependant qu'une
partie des propriétés qu'on a coutume d'attribuer aux acides. Il serait
donc possible que ce fût improprement qu'on l'eût rangé dans cette classe ;
mais, comme je l'ai déjà fait observer, il me parait difficile de prendre une
opinion déterminée sur la nature de cette substance, jusqu'à ce que la matière
ait été éclaircie par de nouvelles expériences. Pagination
originale du document : p.243 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.244 TROISIÈME
PARTIE.
DESCRIPTION DES APPAREILS ET DES OPÉRATIONS MANUELLES DE LA
CHIMIE.
INTRODUCTION.
Ce n'est pas sans dessein que je ne me suis pas étendu davantage,
dans les deux premières parties de cet ouvrage, sur les opérations manuelles de
la chimie. J'ai reconnu, d'après ma propre expérience, que des
descriptions minutieuses, des détails de procédés et des explications de
planches figuraient mal dans un ouvrage de raisonnement ; qu'elles interrompaient
la marche des idées, et qu'elles rendaient la lecture de l’ouvrage fastidieuse
et difficile. D'un autre côté, si je m'en fusse tenu aux simples
descriptions sommaires que j'ai données jusqu'ici, les commençants
n'auraient pu prendre dans cet ouvrage que des idées très-vagues de la chimie
pratique. Des opérations qu'il leur aurait été impossible de répéter ne leur
auraient inspiré ni confiance ni intérêt ; ils n'auraient pas même eu la
ressource de chercher dans d'autres ouvrages de quoi suppléer à
ce qui aurait manqué à celui-ci. Indépendamment de ce qu'il n'en existe aucun
où les expériences modernes se trouvent décrites avec assez
d'étendue, il leur aurait été impossible de recourir à des traités Pagination
originale du document : p.245 où les idées
n'auraient point été présentées dans le même ordre, où l'on n'aurait pas parlé
le même langage ; en sorte que le but d'utilité que je me suis
proposé n'aurait pas été rempli. J'ai pris, d'après ces réflexions,
la résolution de réserver pour une troisième partie la description sommaire de
tous les appareils et de toutes les opérations manuelles qui ont rapport à la
chimie élémentaire. J'ai préféré de placer ce traité particulier à la fin
plutôt qu'au commencement de cet ouvrage, parce qu'il m'aurait été impossible
de n'y pas supposer des connaissances que les commençants ne peuvent avoir, et
qu'ils ne peuvent acquérir que par la lecture de l'ouvrage même.
Toute cette troisième partie doit être, en quelque façon,
considérée comme l’explication des figures qu'on a coutume de rejeter à la fin
des mémoires, pour ne point en couper le texte par des descriptions trop
étendues. Quelque soin que j'aie pris pour mettre de la clarté et
de la méthode dans cette partie de mon travail, et pour n'omettre la
description d'aucun appareil essentiel, je suis loin de prétendre que ceux qui
veulent prendre des connaissances exactes en chimie puissent se dispenser
de suivre des cours, de fréquenter les laboratoires et de se familiariser
avec les instruments qu'on y emploie. Nihil est in intellectu quod
non prius
fuerit in sensu : grande et importante vérité, que ne doivent jamais
oublier ceux qui apprennent comme ceux qui enseignent, et que le célèbre
Rouelle avait fait tracer en gros caractères dans le lieu le
plus apparent de son laboratoire. Les opérations chimiques se divisent naturellement
en plusieurs classes, suivant l'objet qu'elles se proposent de remplir :
les unes peuvent être regardées comme purement mécaniques ; telle est la
détermination du poids des corps, la mesure de leur volume, la trituration, la
porphyrisation, le tamisage, le lavage, la filtration : les autres sont des opérations
véritablement chimiques, parce qu'elles emploient des forces et des agents
chimiques, telles que la dissolution, la fusion, etc. Enfin, les unes
ont pour objet de séparer les principes des corps, les autres de les réunir ;
souvent même elles ont ce double but, et il n'est Pagination
originale du document : p.246 pas rare que,
dans une même opération, comme dans la combustion, par exemple, il y ait à la
fois décomposition et recomposition. Sans adopter particulièrement aucune de
ces divisions, auxquelles il serait difficile de s'astreindre, du
moins d'une manière rigoureuse, je vais présenter le détail des opérations chimiques, dans
l'ordre qui m'a paru le plus propre à en faciliter l'intelligence. J'insisterai
particulièrement sur les appareils relatifs
à la chimie moderne, parce qu'ils sont encore peu connus, même de ceux qui font une étude particulière de
cette science, je pourrais presque dire, d'une partie de ceux qui la
professent. Pagination
originale du document : p.247 CHAPITRE
PREMIER.
DES INSTRUMENTS PROPRES À DÉTERMINER LE POIDS ABSOLU ET LA
PESANTEUR SPÉCIFIQUE DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES.
On ne connaît, jusqu'à présent, aucun
meilleur moyen, pour déterminer les quantités de matières qu'on emploie dans les opérations chimiques, et celles qu'on obtient
par le résultat des expériences, que de les mettre en équilibre avec d'autres corps qu'on est convenu
de prendre pour terme de comparaison. Lors, par exemple, que nous voulons allier ensemble douze livres de plomb et six
livres d'étain, nous nous procurons un levier de fer assez fort pour
qu'il ne fléchisse pas ; nous le suspendons dans son milieu, et de manière que ses deux bras soient
parfaitement égaux ; nous attachons à l'une de ses extrémités un poids de douze livres, nous attachons à l'autre
du plomb, et nous en ajoutons jusqu'à ce qu'il y ait équilibre, c'est-à-dire jusqu'à ce que le levier
demeure parfaitement horizontal. Après avoir ainsi opéré sur le plomb, on opère sur l'étain ; et on en
use de la même manière pour toutes les autres matières dont on veut déterminer la quantité. Cette opération se nomme peser
; l'instrument dont on se sert se
nomme balance : il est principalement composé, comme tout le monde le
sait, d'un fléau, de deux bassins et
d'une aiguille. Quant au choix des poids et à la quantité de matière qui doit composer une unité, une livre, par exemple, c'est
une chose absolument arbitraire ; aussi voyons-nous que la livre diffère
d'un royaume à un autre, d'une province et souvent même d'une ville à une
autre. Les sociétés n'ont même d'autre moyen de conserver l'unité qu'elles se
sont choisie, et d'empêcher qu'elle ne varie et ne s'altère par la révolution
des temps, qu'en formant ce qu'on nomme des étalons, qui sont déposés et
soigneusement conservés dans les greffes des juridictions. Pagination
originale du document : p.248 Il n'est point indifférent sans
doute, dans le commerce et pour les usages de la société, de se servir d'une livre ou d'une autre, puisque la quantité
absolue de matière n'est pas la même, et que les différences mêmes sont très-considérables. Mais il n'en est pas de même
pour les physiciens et pour les chimistes. Peu importe, dans la plupart des
expériences, qu'ils aient employé une quantité A ou une quantité B de matière,
pourvu qu'ils expriment clairement les produits qu'ils ont obtenus de l'une ou de l'autre de ces quantités, en fractions d'un
usage commode, et qui, réunies toutes ensemble, fassent un produit égal au tout. Ces considérations m'ont fait penser
qu'en attendant que les hommes, réunis
en société, se soient déterminés à n'adopter qu'un seul poids et qu'une seule
mesure, les chimistes de toutes les
parties du monde pourraient sans inconvénient se servir de la livre de leur pays, quelle qu'elle fût, pourvu que, au lieu de
la diviser, comme on l'a fait jusqu'ici, en fractions arbitraires, on se
déterminât par une convention générale à la diviser en dixièmes, en centièmes,
en millièmes, en dix-millièmes, etc.
C'est-à-dire, en fractions décimales de livres. On s'entendrait alors dans tous les pays, comme dans toutes les langues
: on ne serait pas sûr, il est vrai, de la quantité absolue de matière
qu'on aurait employée dans une expérience ; mais on connaîtrait sans
difficulté, sans calcul, le rapport des
produits entre eux ; ces rapports seraient les mêmes pour les savants du monde entier, et l'on aurait véritablement pour cet
objet un langage universel. Frappé de ces considérations, j'ai toujours
eu le projet de faire diviser la livre poids de marc en fractions décimales, et
ce n'est que depuis peu que j'y suis parvenu. M. Fourché, balancier, successeur
de M. Chemin, rue de la Ferronnerie, a
rempli cet objet avec beaucoup d'intelligence et d'exactitude, et j'invite tous
ceux qui s'occupent d'expériences à
se procurer de semblables divisions de la livre : pour peu qu'ils aient d'usage
du calcul des décimales, ils seront étonnés de la simplicité et de la facilité
que cette division apportera dans
toutes leurs opérations. Je détaillerai, dans un mémoire particulier destiné
pour l'Académie, les précautions et les attentions que cette division de
la livre exige. Pagination
originale du document : p.249 En attendant
que cette méthode soit adoptée par les savants de tous les pays, il est un
moyen simple, sinon d'atteindre au même but, au moins d'en approcher et
de simplifier les calculs. Il consiste à convertir, à chaque pesée, les
onces, gros et grains qu'on a obtenus, en fractions décimales de livre, et, pour
diminuer la peine que ce calcul pourrait présenter, j'ai formé une table où ces
calculs se trouvent tout faits ou au moins réduits à de simples additions. Elle
se trouve à la fin de cette troisième partie : voici la manière de
s'en servir. Je suppose qu'on ait employé dans une expérience quatre
livres de matières, et que, par le résultat de l’opération, on ait obtenu
quatre produits différents A, B, C, D, pesant, savoir : Produit A : 2
livres 5 onces 3 gros 63 grains Produit B : 1 livre 2 onces 7
gros 15 grains Produit C : 3onces 1 gros 37 grains Produit D : 4 onces 3 gros
29 grains On transformera, au moyen de la table, ces fractions vulgaires en
décimales, comme il suit : POUR LE PRODUIT A : Fractions vulgaire :
2 livres ; Fraction décimales correspondantes : 2,0000000 livres
Fractions vulgaire : 5 onces ; Fraction décimales correspondantes : 0,3125000
livres Fractions vulgaire : 3 gros ; Fraction décimales
correspondantes : 0,0234375 livres Fractions vulgaire : 63 grains ;
Fraction décimales correspondantes : 0,0068359livres Fractions vulgaire : 2
livres 5 onces 3 gros 63 grains ; Fraction décimales
correspondantes : 2,3427734 livres POUR LE PODUIT B : Fractions
vulgaire : 1 livres ; Fraction décimales correspondantes : 1,0000000 livres
Fractions vulgaire : 2 onces ; Fraction décimales correspondantes :
0,1250000 livres Fractions vulgaire : 7 gros ; Fraction
décimales correspondantes : 0,054687 5 livres Fractions vulgaire : 15 grains ;
Fraction décimales correspondantes : 0,0016276 livres Fractions vulgaire : 1
livre 2 onces 7 gros 15 grains ; Fraction décimales correspondantes : 1,1813151 livres Pagination
originale du document : p.250 POUR LE PRODUIT C
: Fractions vulgaire : 3onces gros grains ; Fraction décimales correspondantes
: 0,1875000 livres Fractions vulgaire : 1 gros ; Fraction décimales
correspondantes : 0,0078125 livres Fractions vulgaire : 37grains ;
Fraction décimales correspondantes : 0,0040148 livres
Fractions vulgaire : 3onces 1 gros 37 grains; Fraction décimales
correspondantes : 0,1993273 livres POUR LE PRODUIT D : Fractions
vulgaire : 4 onces gros grains ; Fraction décimales correspondantes
: 0,2500000 livres Fractions vulgaire : 3 gros ; Fraction décimales
correspondantes : 0,0234375 livres Fractions vulgaire : 29grains ;
Fraction décimales correspondantes : 0,0031467 livres Fractions
vulgaire : 4 onces 3 gros 29 grains ; Fraction décimales correspondantes :
0,2765842 livres En récapitulant ces résultats, on aura en fractions
décimales : Pour le produit A : 2,3427734. Pour le produit
B : 1,1813151. Pour le produit C : 0,1993273. Pour le produit D : 0,2765842.
Total : 4,0000000.
Les produits, ainsi exprimés en fractions décimales, sont ensuite susceptibles
de toute espèce de réduction et de calcul, et
on n'est plus obligé de réduire continuellement en grains les nombres sur lesquels on veut opérer, et de reformer
ensuite avec ces mêmes nombres des livres, onces et gros. La détermination du poids des matières et des produits,
avant et après les expériences, étant la base de tout ce qu'on peut faire
d'utile et d'exact en chimie, on ne saurait y apporter trop d'exactitude. La première chose, pour remplir cet
objet, est de se munir de bons instruments. On ne peut se dispenser d'avoir, pour opérer
commodément, trois excellentes balances. La première doit peser jusqu'à 15 et 20 livres, sans fatiguer le
fléau. Il n'est pas rare d'être obligé, dans des expériences chimiques,
de déterminer à un demi-grain près ou un grain Pagination
originale du document : p.251 tout au plus la
tare et le poids de très-grands vases et d'appareils très-pesants. Il faut,
pour arriver à ce degré de précision, des balances faites par un artiste
habile et avec des précautions particulières ; il faut surtout
se faire une loi de ne jamais s'en servir dans un laboratoire, où elles
seraient immanquablement
rouillées et gâtées : elles doivent être conservées dans un cabinet séparé, où
il n'entre jamais d'acides. Celles dont je
me sers ont été construites par M. Fortin ; leur fléau a trois pieds de
long ; et elles réunissent toutes les sûretés et les commodités qu'on peut
désirer. Je ne crois pas que, à l'exception
de celles de Ramsden, il en existe qui puissent leur être comparées pour la justesse et pour la précision. Indépendamment de
cette forte balance, j'en ai deux autres, qui sont bannies, comme la
première, du laboratoire ; l’une pèse jusqu'à 18 ou 20 onces, à la précision du
dixième de grain ; la troisième ne pèse que
jusqu'à un gros, et les 5 12es de grain y sont très-sensibles. Je donnerai à l'Académie, dans un mémoire particulier,
une description de ces trois balances,
avec des détails sur le degré de précision qu'on en obtient. Ces instruments,
au surplus, dont un ne doit se servir
que pour les expériences de recherche, ne dispensent pas d'en avoir d'autres moins précieux pour les ouvrages courants du
laboratoire. On y a continuellement besoin d'une grosse balance à fléau de fer peint en noir, qui puisse peser des
terrines entières pleines de liquide, et des quantités d'eau de 40 à 50 livres, à un demi-gros près ; d'une
seconde balance susceptible de peser
jusqu'à 8 à 10 livres, à 12 ou 15 grains près ; enfin d'une petite balance à la
main, pesant environ une livre, à la
précision du grain. Mais ce n'est pas encore assez d'avoir d'excellentes balances, il faut les connaître, les avoir
étudiées, savoir s'en servir, et l'on n'y parvient que par un long usage
et avec beaucoup d'attention. Il est surtout important de vérifier souvent les
poids dont on se sert : ceux fournis chez les
balanciers ayant été ajustés avec des balances qui ne sont pas extrêmement
sensibles, ne se trouvent plus rigoureusement exacts Pagination
originale du document : p.252 quand on les
éprouve avec des balances aussi parfaites que celles que je viens d'annoncer.
Ce serait une excellente manière, pour éviter les erreurs dans les
pesées, que de les répéter deux fois, en employant pour les unes des
fractions vulgaires de livre, et pour les autres des fractions décimales. Tels
sont les moyens qui ont paru, jusqu'ici, les plus propres à déterminer les
quantités de matières employées dans les expériences, c'est-à-dire, pour me
servir de l’expression ordinaire, à déterminer le poids absolu
des corps. Mais, en adoptant cette expression, je ne puis me dispenser
d'observer que, prise dans un sens strict, elle n'est pas absolument
exacte. Il est certain qu'à la rigueur nous ne connaissons et nous ne pouvons
connaître que des pesanteurs relatives ; que nous ne pouvons les exprimer qu'en partant d'une unité conventionnelle
: il serait donc plus vrai de dire que nous n'avons aucune mesure du poids absolu des corps. Passons
maintenant à ce qui concerne la pesanteur spécifique. On a désigné sous
ce nom le poids absolu des corps divisé par leur volume, ou, ce qui revient au même, le poids que pèse un volume
déterminé d'un corps. C'est la pesanteur de l'eau qu'on a choisie, en général, pour l’unité qui exprime ce
genre de pesanteur. Ainsi, quand on parle de la pesanteur spécifique de l’or,
on dit qu'il est dix-neuf fois aussi pesant que l'eau ; que l’acide sulfurique concentré est deux fois aussi pesant
que l'eau, et ainsi des autres corps. Il est d'autant plus commode de
prendre ainsi la pesanteur de l'eau pour unité, que c'est presque touj ours
dans l'eau que l'on pèse les corps dont on
veut déterminer la pesanteur spécifique. Si, par exemple, on se propose de reconnaître la pesanteur spécifique d'un morceau
d'or pur écroui à coups de marteau, et si ce morceau d'or pèse dans l'air 8 onces 4 gros 2 grains et demi, comme
celui que M. Brisson a éprouvé, page 5 de son Traité de la Pesanteur spécifique,
on suspend cet or à un fil métallique très-fin et assez fort cependant pour pouvoir le supporter sans se rompre ; on attache ce
fil sous le bassin d'une balance hydrostatique, et on pèse l’or
entièrement plongé dans un vase Pagination
originale du document : p.253 rempli d'eau. Le
morceau d'or dont il est ici question a perdu dans l'expérience de M. Brisson 3
gros 37 grains. Or il est évident que le poids que perd un corps quand on l’a
pesé dans l'eau n'est autre que le poids du volume d'eau qu'il déplace, ou, ce
qui est la même chose, qu'un poids d'eau égal à son volume ; d'où
l'on peut conclure qu'à volume égal l’or pèse 4898 grains et demi, et l'eau 253
: ce qui donne 193,617 pour la pesanteur spécifique de l’or, celle de l'eau
étant supposée 10,000. On peut opérer de la même manière pour toutes
les substances solides. Il est, au surplus, assez rare qu'on ait besoin, en
chimie, de déterminer la pesanteur spécifique des corps solides, à moins qu'on
ne travaille sur les alliages ou sur les verres métalliques : on a, au
contraire, besoin, presque à chaque instant, de connaître la
pesanteur spécifique des fluides, parce que c'est souvent le seul moyen qu'on
ait de juger de leur degré de pureté et de concentration. On
peut également remplir ce dernier objet avec un très-grand
degré de précision, au moyen de la balance hydrostatique, et en pesant
successivement un corps solide, tel, par exemple, qu'une boule de
cristal de roche suspendue à un fil d'or très-fin, dans l'air et dans le
fluide dont on veut déterminer la pesanteur spécifique. Le poids que perd la
boule plongée dans le fluide est celui d'un volume égal de ce fluide. En
répétant successivement cette opération dans l'eau et dans différents
fluides, on peut., par un calcul très-simple, en conclure leur rapport
de pesanteur spécifique, soit entre eux, soit avec l'eau : mais ce moyen ne
serait pas encore suffisamment exact, ou au moins il serait très-embarrassant à
l’égard des liqueurs dont la pesanteur spécifique diffère très-peu de
celle de l’eau ; par exemple, à l'égard des eaux minérales et de toutes celles en général qui sont
très-peu chargées en sels. Dans quelques travaux que j'ai entrepris sur cet objet et qui ne sont point encore publiés, je me
suis servi avec beaucoup d'avantage de pèse-liqueur très-sensibles, et dont je vais donner une idée.
Ils consistent dans un cylindre creux Abcf (pl.VII, fig.6), de
cuivre jaune, Pagination
originale du document : p.254 ou mieux encore
d'argent, et lesté par le bas en bcf avec de l’étain. Ce pèse- liqueur
est ici représenté nageant dans un bocal lmno rempli d'eau. A
la partie supérieure du cylindre est adaptée une tige faite d'un fil
d'argent de 3/4 de ligne de diamètre tout au plus, et surmontée d'un petit
bassin destiné à recevoir des poids. On fait sur cette tige une marque en g,
dont on va expliquer l'usage. On peut faire cet instrument
de différentes dimensions ; mais il n'est suffisamment exact qu'autant qu'il
déplace au moins quatre livres d'eau. Le poids de l'étain dont cet
instrument est lesté doit être tel, qu'il soit presque en équilibre dans de
l'eau distillée, et qu'il ne faille plus y ajouter, pour le faire entrer
jusqu'à la marque g, qu'un demi-gros ou un gros tout au plus. On
commence par déterminer une première fois avec beaucoup d'exactitude le poids
de cet instrument et le nombre de gros ou de grains dont il faut le charger
dans de l'eau distillée, à une température donnée pour le faire entrer jusqu'à
la marque g. On fait la même opération dans toutes les eaux dont on veut
connaître la pesanteur spécifique, et on rapporte ensuite par le calcul
les différences au pied cube, à la pinte ou à la livre, ou
bien on les réduit en fractions décimales. Cette méthode, jointe à quelques
expériences faites avec les réactifs, est une des plus sûres pour déterminer la
qualité des eaux, et on y aperçoit des différences qui auraient échappé
aux analyses chimiques les plus exactes. Je donnerai un jour le détail d'un
grand travail que j'ai fait sur cet objet. Les pèse-liqueur métalliques ne
peuvent servir que pour déterminer la pesanteur spécifique des eaux qui
ne contiennent que des sels neutres ou des substances
alcalines : on peut aussi en faire construire de particuliers, lestés pour
l'esprit-de-vin et les liqueurs spiritueuses. Mais, toutes les fois
qu'il est question de déterminer la pesanteur spécifique des acides, on
ne peut employer que du verre. On prend alors un cylindre creux de verre abc
(pl.VII, fig.14), qu'on ferme hermétiquement à la lampe en bcf ;
on y soude, dans sa partie supérieure, un tube capillaire ad surmonté
par un petit bassin d. On leste cet ins- [instrument] Pagination
originale du document : p.255 trument avec du
mercure, et on en introduit plus ou moins, suivant la pesanteur des liqueurs
qu'on se propose d'examiner. On peut introduire dans le tube ad, qui forme le
col de cet instrument, une petite bande de papier qui porte des divisions ;
et, quoique ces divisions ne répondent pas aux mêmes fractions de
grains dans des liqueurs dont la pesanteur spécifique est différente, elles
sont cependant commodes
pour les évaluations. Je ne m'étendrai pas davantage sur les moyens qui servent
pour déterminer, soit le poids absolu, soit
la pesanteur spécifique des solides et des liquides ; les instruments
qu'on emploie à ce genre d'expériences sont entre les mains de tout le monde,
on peut se les procurer aisément, et de plus
grands détails seraient inutiles. Il n'en sera pas de même de la mesure
des gaz : la plupart des instruments dont je me sers ne se trouvant nulle part
et n'ayant été décrits dans aucun ouvrage,
il m'a paru nécessaire d'en donner une connaissance plus détaillée ; c'est l'objet
que je me suis proposé dans le chapitre suivant. Pagination
originale du document : p.256 CHAPITRE II. DE LA GAZOMÉTRIE OU DE
LA MESURE DU POIDS ET DU VOLUME DES SUBSTANCES
AÉRIFORMES.
§ I. DESCRIPTION DES APPAREILS PNEUMATO-CHIMIQUES.
Les chimistes français ont donné, dans ces derniers
temps, le nom de pneumato- chimique à
un appareil à la fois très ingénieux et très simple, imaginé par M. Priestley,
et qui est devenu absolument
indispensable dans tous les laboratoires. Il consiste en une caisse ou cuve de
bois plus ou moins grande (pl. V, fig. 1 et 2), doublée de plomb laminé ou de
feuilles de cuivre étamé. La figure 1
représente cette cuve vue en perspective ; on en a supposé le, devant et un des
côtés enlevés dans la figure 2, afin
de faire mieux sentir la manière dont elle est construite dans son intérieur. Ou distingue, dans tout appareil de
cette espèce, la tablette de ta cuve ABCD (fig. 1 et 2), et le fond de la cuve FGHI (fig. 2).
L'intervalle qui se trouve entre ces deux plans est la cuve proprement dite, ou la fosse de la cuve. C'est
dans cette partie creuse qu'on emplit tes cloches : on les retourne ensuite et on les pose sur ta tablette ABCD
(voyez la cloche F, pl. X). On peut encore distinguer les bords de la cuve, et l'on donne ce
nom à tout ce qui excède le niveau de ta tablette. La cuve doit être suffisamment remplie pour que la
tablette soit touj ours recouverte d'un pouce ou d'un pouce et demi d'eau ; elle doit avoir assez de
largeur et de profondeur pour qu'il y en ait alors au moins un pied en
tout sens dans la fosse de la cuve. Cette quantité Pagination
originale du document : p.257 suffit pour les
expériences ordinaires ; mais il est un grand nombre de circonstances où il est
commode, où il est même indispensable de se donner encore plus d'espace.
Je conseille donc à ceux qui veulent s'occuper utilement et
habituellement d'expériences de chimie, de construire très en grand ces appareils ; si le
local le leur permet. La fosse de ma cuve principale contient quatre pieds cubes d'eau, et la surface de sa tablette est de
quatorze pieds carrés. Malgré cette grandeur, qui me paraissait d'abord démesurée, il m'arrive encore
souvent de manquer de place. Il ne suffit pas encore, dans un laboratoire où l'on est livré à un courant
habituel d'expériences, d'avoir un seul de ces appareils, quelque grand qu'il
soit : il faut, indépendamment du magasin général, en avoir de plus petits et
de portatifs mène, qu'on place où le besoin l'exige et près du fourneau où l’on
opère. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut
faire marcher plusieurs expériences à la fois. Il y a d'ailleurs des opérations
qui salissent l'eau de l'appareil, et
qu'il est nécessaire de faire dans une cuve particulière. Il est sans doute beaucoup plus économique de se servir de
cuves de bois, ou de baquets cerclés de fer et faits tout simplement avec des douves, plutôt que
d'employer des caisses de bois doublées de cuivre ou de plomb ; je m'en suis
moi même servi dans mes premières expériences ; mais j'ai bientôt reconnu les inconvénients qui y sont attachés. Si l'eau n'y
est pas touj ours entretenue au même niveau, les douves qui se trouvent
à sec prennent de la retraite ; elles se disjoignent, et, quand on vient
ensuite à mettre plus d'eau, elle s'échappe
par les jointures, et les planchers sont inondés. Les vaisseaux dont on se sert pour recevoir et pour contenir les gaz dans
cet appareil sont des cloches de cristal A (fig. 9). Pour les transporter d'un appareil à un autre, ou
même pour les mettre en réserve quand la cuve est trop embarrassée, on se sert de plateaux BC, même
figure, garnis d'un rebord et de deux anses DE, pour les
transporter. A l'égard de l'appareil pneumato-chimique au mercure, après avoir Pagination
originale du document : p.258 essayé d'en
construire de différentes matières, je me suis arrêté définitivement au marbre.
Cette substance est absolument imperméable au mercure ; on n'a pas à craindre,
connue avec le bois, que les assemblages se disjoignent, ou que
le mercure s'échappe par des gerçures : on n'a point non plus l’inquiétude
de la cassure, comme avec le verre, la faïence et la porcelaine. On choisit
donc un bloc de marbre BCDE (pl. V, fig. 3 et 4), de 2 pieds de
long, de 15 à 18 pouces de large, et de 10 pouces d'épaisseur ; on
fait creuser jusqu'à une profondeur mn (fig.5), d'environ 4 pouces, pour former
la fosse qui doit contenir le mercure, et, pour qu'on puisse y remplir plus
commodément les cloches ou jarres, on y fait creuser en outre une
profonde rigole TV (fig. 3, 4 et 5), de, quatre autres pouces au moins de
profondeur ; enfin, comme cette rigole pourrait être embarrassante dans
quelques expériences, il est bon qu'on puisse la boucher et la
condamner à volonté, Et l’on remplit cet objet au moyen de petites
planches qui entrent dans une rainure xy (fig. 5). Je me suis déterminé
à faire construire deux cuves de marbre semblables à celle que je viens de
décrire, mais de grandeurs différentes ; j'en ai toujours par ce
moyen une des deux qui me sert de réservoir pour conserver le mercure,
et c'est de tous les réservoirs le plus sûr et le moins sujet aux accidents. On
peut opérer dans
le mercure avec cet appareil, exactement comme dans l'eau : il faut seulement
employer des cloches très fortes et d'un
petit diamètre, ou des tubes de cristal qui ont un empalement par le bas, comme celui représenté fig. 7 ; les faïenciers qui
les tiennent les nomment eudimnètres. On voit une de ces cloches en place A (fig. 5), et ce
qu'on nomme une jarre (fig. 6). L'appareil pneumato-chimique au mercure est nécessaire pour toutes les opérations
où il se dégage des gaz susceptibles
d'être absorbés par l'eau, et ce cas n'est pas rare, puisqu'il a lieu
généralement dans toutes les combustions, à l’exception de celle des
métaux. Pagination
originale du document : p.259 § II. DU
GAZOMÈTRE.
Je donne le nom de gazomètre à un instrument dont j'ai eu la
première idée et que j'avais fait exécuter dans la vue de former
un soufflet qui pût fournir continuellement et uniformément un
courant de gaz oxygène pour des expériences de fusion. Depuis, nous avons fait,
M. Meusnier et moi, des corrections et des additions considérables à ce
premier essai, et. nous l'avons transformé en un instrument pour ainsi dire
universel, dont il sera difficile de se passer toutes les fois qu'on voudra faire des expériences exactes. Le nom seul de cet
instrument indique assez qu'il est
destiné à mesurer le volume des gaz. Il consiste en un grand fléau de balance,
de trois pieds de longueur DE (pl.
VIII, fig. 1), construit en fer et très fort. A chacune de ses extrémités D
E est solidement fixée une portion
d'arc de cercle également en fer. Ce fléau ne repose pas, comme dans les balances ordinaires, sur un couteau ; on y a
substitut un tourillon cylindrique d'acier (F fig.9), qui porte sur des
rouleaux mobiles : on est parvenu ainsi à diminuer considérablement la
résistance qui pouvait mettre obstacle
au libre mouvement de la machine, puisque le frottement de la première espèce
se trouve converti en un de la seconde. Ces rouleaux sont en cuivre jaune et
d'un grand diamètre : on a pris de
plus la précaution de garnir les points qui supportent l'axe, ou tourillon du fléau, avec des bandes de cristal de roche. Toute
cette suspension est établie sur une colonne solide de bois, BC (fig.
1). A l'extrémité D de l'un des bras du fléau, est suspendu un plateau
de la balance P, destiné à recevoir des poids. La chaîne, qui est plate,
s'applique contre la circonférence de l'arc nDo, dans une rainure
pratiquée à cet effet. A l'extrémité E de l'autre bras du levier, est
attachée une chaîne également plate ikm,
qui, par sa construction. n'est pas susceptible de s'allonger ni de se raccourcir,
lorsqu'elle est plus ou moins chargée. A cette chaîne est adapté solidement en i
un étrier Pagination
originale du document : p.260 de fer à trois
branches ai, ri, hi, qui supporte une grande cloche A de cuivre battu,
de 18 pouces de diamètre sur environ 20 pouces de hauteur. On a représenté
toute cette machine en perspective dans la pl. VIII. fig. 1 ; on l'a
supposée, au contraire (pl. IX, fig. 2 et 4), partagée en deux par un plan vertical,
pour laisser voir l'intérieur. Tout autour de la cloche dans le bas (pl. IX,
fig. 2), est un rebord relevé en dehors, et qui forme une capacité
partagée en différentes cases 1, 2, 3, 4, etc. Ces cases sont
destinées à recevoir des poids de plomb représentés séparément 1, 2, 3. Ils
servent à augmenter la pesanteur de la cloche dans les cas où l'on a besoin
d'une pression considérable, comme on le verra dans la suite ; ces
cas, au surplus, sont extrêmement rares. La cloche cylindrique
A
est
entièrement ouverte par son fond de (pl. IX, fig. 4) ; elle est fermée par le
haut au moyen d'une calotte de cuivre abc, ouverte en bf, et
fermée par le moyen d'un robinet g. Cette calotte, comme on le voit
par l’inspection des figures, n'est pas placée tout à fait à la partie
supérieure du cylindre ; elle est rentrée en dedans de quelques pouces,
afin que la cloche ne soit jamais plongée en entier sous l'eau, et qu'elle n'en
soit pas recouverte. Si j'étais dans le cas de faire reconstruire un jour cette
machine, je désirerais que la calotte fût beaucoup plus surbaissée, de manière
qu'elle ne formât presque qu'un plan. Cette cloche ou réservoir à air
est reçue dans un vase cylindrique LMNO (pl. VIII, fig. 1,
également de cuivre et qui est plein d'eau. Au milieu de ce vase cylindrique LMNO
(pl. IX,. fig. 4), s'élèvent perpendiculairement deux tuyaux st,
xy, qui se rapprochent un peu l’un de l’autre par leur
extrémité supérieure ty. Ces tuyaux se prolongent jusqu'un peu au-dessus
du niveau du bord supérieur LM du vase LMNO. Quand la cloche abcde
touche le fond N0, ils entrent d'un demi-pouce
environ dans la capacité conique b, qui conduit au robinet g. La
fig. 3, pl. IX, représente le fond du vase LMNO. On voit au Pagination
originale du document : p.261 milieu une
petite calotte sphérique creuse en dessous, assujettie et soudée par ses bords
au fond du vase. On peut la considérer comme le pavillon d'un petit
entonnoir renversé, auquel s'adaptent en s et x les tuyaux st,
xy, fig. 4. Ces tuyaux se trouvent par ce moyen en communication avec ceux
mm,
nn, o o, p p,
qui sont placés horizontalement sur le
fond de la machine, fig. 3, et qui, tous quatre, se réunissent dans
la calotte sphérique sx. De ces quatre tuyaux, trois sortent en dehors
du vase LMNO, et on peut les suivre, pl.VIII, fig. 1. L'un,
désigné par les chiffres arabes 1, 2, 3, s'ajuste en 3 avec la partie
supérieure d'une cloche V ; et par l'intermède du robinet 4. Celte
cloche est posée sur la tablette d'une petite cuve GHIK, doublée de
plomb, et dont l'intérieur se voit pl. IX, fig. 1. Le second tuyau est
appliqué contre le vase LMNO, de 6 en 7 ; il se continue ensuite en 7,
8, 9 et 10, et vient s'engager en 11 la sous la cloche V. Le
premier de ces deux tuyaux est destiné a introduire le gaz dans la machine, le second à en
faire passer des essais sous des cloches. On détermine le gaz à entrer ou à
sortir, suivant le degré de pression qu'on donne, et on parvient à faire varier
cette pression en chargeant plus ou moins le
bassin P. Lors donc qu'on veut introduire de l’air, on donne une pression nulle et quelquefois même négative.
Lorsque, au contraire, ou veut en faire sortir, on augmente la pression
jusqu'au degré où on le juge à propos. Le troisième tuyau 12, 13, 14, 15 est
destiné à conduire l'air ou le gaz à telle distance qu'on le juge à propos pour
les combustions, combinaisons ou autres opérations de ce genre. Pour entendre
l'usage du quatrième tuyau, il est nécessaire
que j'entre dans quelques explications. Je suppose que le vase LMNO (fig.
1), soit rempli d'eau, et que la
cloche A soit en partie pleine d'air et en partie pleine d'eau : il est
évident qu'on peut proportionner
tellement les poids placés dans le bassin P, qu'il y ait un juste
équilibre et que l'air ne tende ni à
rentrer dans la cloche A, ni à en sortir ; l'eau, dans cette
supposition, sera au même niveau en dedans et au Pagination
originale du document : p.262 dehors de la
cloche. Il n'en sera plus de même sitôt qu'on aura diminué le poids placé dans
le bassin
P, et qu'il y aura pression du
côté de la cloche : alors le niveau de l'eau sera plus bas dans l’intérieur qu'à l’extérieur de la cloche, et l’air de l'intérieur
se trouvera plus chargé que celui du dehors, d'une quantité qui sera mesurée exactement par le poids
d'une colonne d'eau d'une hauteur égale à la différence des deux niveaux. M. Meusnier, en partant de cette
observation, a imaginé d'en déduire un moyeu de reconnaître, dans tous les
instants, le degré de pression qu'éprouverait l'air contenu dans la capacité de la cloche A (pl. VIII,
fig. 1). Il s'est servi à cet effet d'un siphon de verre à deux branches 19, 20, 21, 22 et 23, solidement mastiqué
en 19 et en 23. L'extrémité 19 de ce siphon communique librement avec l'eau de
la cuve ou vase extérieur. L'extrémité 23, au contraire, communique avec le quatrième tuyau, dont je me
suis réservé, il n'y a qu'un moment, d'expliquer l’usage, et, par conséquent, avec l'air de l'intérieur de la cloche, par
le tuyau s t (pl. IX, fig. 4). Enfin, M.
Meusnier a mastiqué en 16 (pl. VIII, fig. 1) un autre tube droit de verre 16,
17, 18, qui communique par son extrémité
16 avec l'eau du vase extérieur : il est ouvert à l’air libre par son extrémité supérieure 18. Il est clair, d'après ces
dispositions, que l'eau doit se tenir, dans le tube 16, 17 et 18, constamment
au niveau de celle de la cuve ou vase extérieur ; que l'eau, au contraire, dans
la branche 19, 20 et 21, doit se tenir plus haut ou plus bas, suivant
que l’air de l’intérieur de la cloche est
plus ou moins pressé que l'air extérieur, et que la différence de hauteur entre
ces deux colonnes, observée dans le tube
16, 17 et 18, et dans celui r 19, 20 et 21, doit donner exactement la mesure de
la différence de pression. On a fait
placer, en conséquence, entre ces deux tubes, une règle de cuivre graduée et divisée en pouces et lignes, pour
mesurer ces différences. On conçoit que l'air, et en général tous les fluides élastiques aériformes,
étant d'autant plus lourds qu'ils sont plus comprimés, il était
nécessaire, pour en évaluer les quantités et pour convertir les volumes Pagination
originale du document : p.263 en poids, d'en
connaître l'état de compression : c'est l'objet qu'on s'est proposé de remplir
par le mécanisme qu'on vient d'exposer. Mais ce n'est pas encore assez pour
connaître la pesanteur spécifique de l'air ou des gaz et pour déterminer leur poids sous un
volume connu, que de savoir quel est le degré
de compression qu'ils éprouvent : il faut encore en connaître la température,
et c'est à quoi nous sommes parvenus
à l'aide d'un petit thermomètre dont la boule plonge dans la cloche A, et
dont la graduation s'élève en dehors
: il est solidement mastiqué dans une virole de cuivre qui se visse à la cloche A. (Voyez 24 et 25, pl.
VIII, fig. 1, et pl. IX, fig. 4.) Ce même thermomètre est représenté
séparément, pl. VIII, fig. 10. L'usage du gazomètre aurait encore présenté de
grands embarras et de grandes
difficultés, si nous nous fussions bornés à ces seules précautions. La cloche, en s'enfonçant dans l'eau du vase extérieur LMNO,
perd de son poids, et cette perte de poids est égale à celui de l'eau qu'elle déplace. Il en
résulte que la pression qu'éprouve l'air ou le gaz contenu dans la cloche
diminue continuellement à mesure qu'elle s'enfonce ; que le gaz qu'elle a
fourni dans le premier instant n'est
pas de la même densité que celui qu'elle fournit à la fin ; que sa pesanteur
spécifique va continuellement en décroissant ; et, quoique, à la rigueur, ces
différences puissent être déterminées
par le calcul, on aurait été obligé à des recherches mathématiques qui auraient
rendu l'usage de cet appareil embarrassant et difficile. Pour remédier à cet
inconvénient, M. Meusnier a imaginé d'élever perpendiculairement, au milieu du
fléau, une tige carrée de fer 26 et 27 (pl. VIII, fig. 1), qui traverse une lentille creuse de cuivre
28, qu'on ouvre et qu'on peut remplir de plomb. Cette lentille glisse le long de la tige 26 et 27 ; elle se meut par le
moyen d'un pignon denté qui engrène
dans une crémaillère, et elle se fixe à l’endroit qu'on juge à propos. Il est
clair que, quand le levier DE est
horizontal, la lentille 28 ne pèse ni d'un côté ni d'un autre ; elle n'augmente
donc ni ne diminue la pression. Il n'en est plus de même quand la cloche A
s'enfonce davantage et que le levier s'incline d'un côté, comme on le
voit fig. 1. Pagination
originale du document : p.264 Alors le poids 28, qui n'est plus
dans la ligne verticale qui passe par le centre de suspension, pèse du côté de la cloche et augmente sa pression. Cet
effet est d'autant plus grand que la lentille 28 est plus élevée vers 27, parce que le même poids exerce une
action d'autant plus forte qu'il est appliqué à l'extrémité d'un levier plus long. On voit donc qu'en promenant le poids
98 le long de la tige 26 et agi,
suivant laquelle il est mobile, on peut augmenter ou diminuer l'effet de la
correction qu'il opère ; et le calcul, comme l'expérience, prouve qu'on peut
arriver au point de compenser fort exactement la perte de poids que la cloche éprouve à tous les degrés de pression. Je
n'ai encore rien dit de la manière
d'évaluer les quantités d'air ou de gaz fournies par la machine, et cet article
est de tous le plus important. Pour
déterminer avec une rigoureuse exactitude ce qui s'est dépensé dans le cours d'une expérience, et, réciproquement, pour savoir
ce qui en a été fourni, nous avons établi sur l'arc de cercle qui termine le levier D E (fig. 1),
un limbe de cuivre l m, divisé en degrés et demi-degrés ; cet arc est
fixé au levier D E, et il est emporté par un mouvement commun. On mesure
les quantités dont il s'abaisse, au
moyen d'un index fixe 29, 30, qui se termine en 30 par un nonius qui donne les centièmes de degré. On voit, pl. VIII, les détails
des différentes parties que nous venons de décrire. 1° Fig. 2, la chaîne plate
qui soutient le bassin de balance P ; c'est celle de M. Vaucanson :
mais, comme elle a l'inconvénient de
s'allonger ou de se raccourcir suivant qu'elle est plus ou moins chargée, il y aurait eu de l'inconvénient à
l'employer à la suspension de la cloche A. 2° Fig. 5, la chaîne i k m, qui, dans la figure 1, porte
la cloche A elle est toute formée de plaques de fer limées, enchevêtrées
les unes dans les autres, et maintenues par des chevilles de fer. Quelque
fardeau qu'on fasse supporter à ce genre de
chaîne, elle ne s'allonge pas sensiblement. 3° Fig. 6, l'étrier à trois branches,
par le moyen duquel est sus- [suspendue] Pagination
originale du document : p.265 pendue la cloche A avec des
vis de rappel, pour la fixer dans une position bien verticale. 4° Fig. 3, la tige 26, 27, qui s'élève perpendiculairement au
milieu du fléau, et qui porte la lentille 28. 5° Fig. 7 et 8, les
rouleaux avec la bande z de cristal de roche, sur laquelle portent les
contacts, pour diminuer encore le frottement.
6° Fig. 4, la pièce qui porte l'axe des rouleaux. 7° Fig. 9, le milieu du
fléau, avec le tourillon sur lequel il est mobile. 8° Fig. 10, le thermomètre
qui donne le degré de l'air contenu dans la cloche. Quand on veut se servir du
gazomètre qu'on vient de décrire, il faut, commencer par remplir d'eau le vase extérieur LMNO (pl. VIII,
fig. 1), jusqu'à une hauteur déterminée,
qui doit touj ours être la même dans toutes les expériences. Le niveau de l'eau
doit être pris quand le fléau de la
machine est horizontal. Ce niveau, quand la cloche est à fond, se trouve
augmenté de toute la quantité d'eau qu'elle a déplacée ; il diminue, au contraire,
à mesure que la cloche approche de
son plus haut point d'élévation. On cherche ensuite par tâtonnements quelle est
l'élévation à laquelle doit être fixée
la lentille 28, pour que la pression soit égale dans toutes les positions du
fléau. Je dis, à peu près, parce que la correction n'est pas rigoureuse, et que
des différences d'un quart de ligne et même d'une demi-ligne ne sont d'aucune
conséquence. Cette hauteur à laquelle il faut élever la lentille n'est pas la
même pour tous les degrés de pression ; elle varie suivant que cette pression est de 1 pouce, 2 pouces, 3 pouces,
etc. Toutes ces déterminations doivent
être écrites à mesure sur un registre avec beaucoup d'ordre. Ces premières
dispositions faites, on prend une bouteille de huit à dix pintes, dont on
détermine bien la capacité en pesant exactement
la quantité d'eau qu'elle peut contenir. On renverse cette bouteille ainsi
pleine dans la cuve GHIK, fig.
1. On en pose le goulot sur la Pagination
originale du document : p.266 tablette, à la
place de la cloche V, en engageant l'extrémité 11 du tuyau 7, 8, 9, 10,
11 dans son goulot. On établit la machine à zéro de pression, et on
observe bien exactement le degré marqué par l'index sur le
limbe ; puis, ouvrant le robinet 8 et appuyant un peu sur la cloche A, on
fait passer autant
d'air qu'il en faut pour remplir entièrement la bouteille. Alors on observe de
nouveau le limbe, et on est en état de
calculer le nombre de pouces cubes qui répondent à chaque degré. Après cette première bouteille on en remplit une seconde, une
troisième, etc. on recommence même plusieurs fois cette opération, et même avec des bouteilles de différentes
capacités ; et, avec du temps et une scrupuleuse
attention, on parvient à jauger la cloche A dans toutes ses parties. Le
mieux est de faire en sorte qu'elle
soit, bien tournée et bien cylindrique, afin d'éviter les évaluations et les
calculs. L'instrument que je viens de décrire, et que j'ai nommé gazomètre, a
été constant par M. Meignié le jeune, ingénieur, constructeur d'instruments de
physique, breveté du roi. Il y a apporté un soin, une exactitude et une intelligence rares. C'est un
instrument précieux par le grand nombre des applications qu'on en peut faire, et parce qu'il est des expériences à
peu près impossibles sans lui. Ce qui
le renchérit, c'est qu'un seul ne suffit pas ; il le faut double dans un grand
nombre de cas, comme dans la formation
de l'eau, dans celle de l'acide nitreux, etc. C'est un effet inévitable de
l'état de perfection dont la chimie
commence à s'approcher, que d'exiger des instruments et des appareils dispendieux et compliqués : il faut s'attacher sans
doute à les simplifier, mais il ne faut pas que ce soit aux dépens de
leur commodité et surtout de leur exactitude.
§ III. DE QUELQUES AUTRES MANIÈRES DE MESURER LE VOLUME DES GAZ. Le
gazomètre dont je viens de donner la description
dans le paragraphe précédent est un instrument trop compliqué et trop cher pour
qu'on puisse l'employer habituellement à la mesure des gaz dans Pagination
originale du document : p.267 les laboratoires
; il s'en faut même beaucoup qu'il soit applicable à toutes les circonstances.
Il faut, pour une multitude d'expériences courantes, des moyens
plus simples, et qui soient, si l'on peut se permettre cette expression, plus à la
main. Je vais détailler ici ceux dont je me suis servi jusqu'au moment où j'ai eu un gazomètre à ma disposition,
et dont je me sers encore aujourd'hui de préférence dans le cours ordinaire de mes expériences. J'ai
décrit, dans le paragraphe premier de ce chapitre, les appareils pneumato- chimiques à l'eau et au
mercure. Ils consistent, comme on l’a vu, en cuves plus ou moins grandes, sur la tablette desquelles se
posent les cloches destinées à recevoir les gaz. Je suppose qu'à la suite d'une expérience quelconque
on ait, dans un appareil de cette espèce, ai) résidu de gaz qui n'est, absorbable ni par l'alcali ni par
l'eau, qui est contenu dans le haut d'une cloche AEF (pl. IV, fig, 3), et dont on veut, connaître le
volume. On commence par marquer avec une grande exactitude, par le moyen de
bandes de papier, la hauteur EF de l'eau ou du mercure. Il ne faut pas se contenter d'appliquer une seule marque d'un des
côtés de la cloche, parce qu'il pourrait rester de l'incertitude sur le niveau du liquide : il en
faut au moins trois ou même quatre en opposition les unes aux autres. On doit
ensuite, si c'est sur du mercure qu'on opère, faire passer sous la cloche de
l'eau pour déplacer le mercure. Cette
opération se fait facilement. avec une bouteille qu'on emplit d'eau à ras : on en bouche l'orifice avec le doigt, on la
renverse et on engage son col sous la cloche ; puis, retournant la bouteille,
on en fait sortir l'eau, qui s'élève au-dessus de la colonne de mercure et qui
la déplace. Lorsque tout le mercure
est ainsi déplacé, on verse de l'eau sur la cour, ABCD, de manière que
le mercure en soit couvert d'un pouce environ. On passe une assiette ou un vase
quelconque très plat sous la cloche, et on
l'enlève pour la transporter sur une cuve à eau, pl. V, fig. 1 et 2. Alors on transvase l’air dans une cloche qui a été graduée
de la manière dont je vais l'expliquer, et on juge de la quantité du gaz
par les graduations de la cloche. Pagination
originale du document : p.268 A cette première
manière de déterminer le volume du gaz, on peut en substituer une autre, qu'il
est bon d'employer comme moyen de vérification. L'air ou le gaz une fois
transvasé, on retourne la cloche qui le contenait, et on y verse
de l'eau jusqu'aux marques E F ; on pèse cette eau, et de son poids on conclut le volume,
d'après cette donnée ; qu'un pied cube ou 1728 pouces d'eau pèsent 70 livres. On trouvera à la fin de cette troisième
partie une table où ces réductions se trouvent toutes faites. La manière de graduer les cloches est
extrêmement facile, et je vais en donner le procédé, afin que chacun puisse s'en procurer. Il est bon
d'en avoir de plusieurs grandeurs, et même un certain nombre de chaque grandeur, pour y avoir recours en
cas d'accident. On prend une cloche de cristal un peu forte, longue et étroite ; on l'emplit d'eau dans la cave
représentée pl. V, fig. 1, et on la pose surla ta blette ABCD. On doit avoir une place déterminée qui serve
constamment à ce genre d'opération,
afin que le niveau de la tablette sur laquelle on pose la cloche soit touj ours
le même ; on évite par là presque la
seule erreur dont ce genre d'opération soit susceptible. D'un autre côté, on choisit une bouteille à goulot étroit, qui, pleine
à ras, contienne juste 6 onces 3 gros 61 grains d'eau, ce qui répond à un volume de 10 pouces cubiques. Si
on ne trouvait pas de bouteille qui eût précisément cette capacité, on en prendrait une un peu plus, grande, et
on y coulerait un peu de cire fondue avec de la résine, pour en diminuer
la capacité. Cette bouteille sert d'étalon pour jauger la cloche, et voici comme on y procède : on fait
passer l’air contenu dans cette bouteille dans la cloche qu'on se propose de graduer, puis on fait une
marque à la hauteur jusqu'à laquelle est descendue l'eau ; on ajoute une seconde mesure d'air et on
fait une nouvelle marque ; on continue ainsi jusqu'à ce que toute l'eau
de la cloche ait été déplacée. Il est important, pendant le cours de cette
opération, que la bouteille et la cloche
soient maintenues constamment à la même température et que cette température
diffère peu de celle de l'eau de la cuve. On doit donc éviter d'appliquer les
mains sur la cloche, on au moins de Pagination
originale du document : p.269 les y tenir
longtemps, pour ne la pas échauffer ; si même on craignait qu'elle ne l'est
été, il faudrait verser dessus de l'eau de la cuve pour la rafraîchir. La
hauteur du baromètre et du thermomètre est indifférente pour
cette opération, pourvu qu'elle ne varie pas pendant qu'elle dure. Lorsque les marques
ont été ainsi placées de 10 pouces en 10 pouces sur la cloche, on y trace une
graduation avec une pointe de diamant emmanchée dans une petite tige
de fer. On trouve des diamants ainsi montés pour un prix modique au Louvre,
chez le successeur de Passement. On peut graduer de la même manière des
tubes de cristal pour le mercure : on les divise alors de pouce en pouce et
même de dixièmes de pouce en dixièmes de pouce. La bouteille qui sert de
jauge doit contenir juste 8 onces 6 gros 25 grains de mercure ;
c'est le poids équivalent à un pouce cubique. Cette manière de déterminer
les volumes d'air, au moyen d'une cloche graduée comme on vient de l'exposer, a
l'avantage de n'exiger aucune correction pour la différence de hauteur
qui existe entre le niveau de l'eau dans l'intérieur de la cloche, et
celui de l'eau de la cuve, mais ne dispense pas des corrections relatives
à la hauteur du baromètre et du thermomètre. Lorsqu'on détermine, au contraire,
le volume de l'air par le poids de l'eau contenue jusqu'aux marques EF, on
a une correction de plus à faire pour la différence des niveaux du fluide en
dedans et en dehors de la cloche, comme je l'expliquerai dans le § V de ce chapitre.
§ IV.
DE LA MANIÈRE DE SÉPARER LES UNES DES AUTRES LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE GAZ.
On n'a présenté dans le paragraphe précédent
qu'un cas des plus simples, celui où
l'on se propose de déterminer le volume d'un gaz pur non absorbable par l'eau ; les expériences conduisent ordinairement à des
résultats plus compliqués, et il n'est pas rare d'obtenir à la fois trois ou quatre espèces de gaz différentes. Je vais
essayer de donner une idée de la manière dont on parvient à les séparer. Pagination
originale du document : p.270 Je suppose que
j'aie sous la cloche A (pl. IV, fig. 3), une quantité AEF de
différents gaz, mêlés ensemble et contenus par du mercure : on doit
commencer par marquer exactement avec des bandes de papier, comme
je l'ai prescrit dans le paragraphe précédent, la hauteur du mercure ; on fait
ensuite passer sous la cloche une très petite quantité d'eau,
d'un pouce cubique, par exemple : si le mélange de gaz contient
du gaz acide muriatique ou du gaz acide sulfureux, il y aura sur-le-champ une absorption
très considérable, parce que c'est une propriété de ces gaz d'être absorbés en
grande quantité par l'eau, surtout le gaz acide muriatique. Si
le pouce cube d'eau qui a été introduit ne produit qu'une
très légère absorption et à peine égale à son volume, on en conclura que le
mélange ne contient ni gaz acide muriatique, ni gaz acide
sulfureux, ni même de gaz ammoniaque ; mais on commencera dès lors à soupçonner
qu'il est mélangé de gaz acide carbonique, parce qu'en effet l'eau n'absorbe
de ce gaz qu'un volume à peu près égal au sien. Pour vérifier ce soupçon, on
introduira sous la cloche de l’alcali caustique en liqueur : s'il y
a du gaz acide carbonique, on observera une absorption lente,
et qui dorera plusieurs heures ; l'acide carbonique se combinera avec l’alcali caustique
ou potasse, et ce qui restera ensuite n'en contiendra pas sensiblement. On
n'oubliera pas, à la suite de chaque expérience, de coller des marques de
papier sur la cloche, à l’endroit où répondra la surface du mercure, et de les
vernir dès qu'elles seront sèches, afin qu'on puisse plonger la cloche dans
l'eau sans risquer de les décoller. Il sera également nécessaire de tenir note
de la différence de niveau entre le mercure de la cloche et celui de la cuve, ainsi que de la
hauteur du baromètre et du degré du thermomètre.
Lorsqu'on aura ainsi absorbé par l'eau et par la potasse tous les gaz qui en sont susceptibles, on fera passer de l'eau sous la
cloche pour en déplacer tout le mercure ; on couvrira, comme je l’ai prescrit dans le paragraphe précédent, le
mercure de la cuve d'environ deux pouces d'eau ; puis, passant par-dessous la
cloche une assiette plate, on la transportera sur la cave pneumato-chimique
à l'eau : là, on détermi- [déterminera] Pagination
originale du document : p.271 nera la quantité
d'air ou de gaz restant, en la faisant passer dans une cloche graduée. Cela
fait, on en prendra différents essais dans de petites jarres, et, par des
expériences préliminaires, on cherchera à reconnaître
quels sont à peu près les gaz auxquels on a affaire. On introduira par exemple,
dans une des petites jarres remplies de ce gaz une bougie allumée, comme on le
voit représenté pl. V, fig. 8. Si la bougie ne s'y éteint pas, on en
conclura qu'il contient du gaz oxygène, et, même, suivant que la flamine
de la bougie sera plus ou moins éclatante, on pourra juger s'il en contient
plus ou moins que l'air de l'atmosphère. Dans le cas, au contraire, où la
bougie s'y éteindrait, on aurait une forte raison de présumer que
ce résidu est, pour la plus grande partie, du gaz azote. Si, à l'approche de la
bougie, le gaz s'enflamme et balle paisiblement à la surface avec
une flamme de couleur blanche, on en conclura que c'est du gaz
hydrogène pur ; si elle est bleue, on aura lieu d'en conclure que ce gaz est carboné :
enfin, s'il brûle avec bruit et détonation, c'est un mélange de gaz oxygène et
de gaz hydrogène. On peut encore mêler une portion du même gaz
avec du gaz oxygène ; s'il y a vapeurs rouges et absorption, on conclura
qu'il contient du gaz nitreux. Ces connaissances préliminaires donnent bien une
idée de la qualité du gaz et de la nature du mélange ; mais elles ne suffisent
pas pour déterminer les proportions et les quantités. Il faut alors avoir
recours à toutes les ressources de l'analyse, et c'est beaucoup que de
savoir à peu près dans quel sens il faut diriger ses efforts. Je suppose
que l'un ait reconnu que le résidu sur lequel on opère soit un mélange de gaz
azote et de gaz oxygène : pour en reconnaître la proportion, on en fait
passer une quantité déterminée, 100 parties, par exemple,
dans un tube gradué de 10 à 12 lignes de diamètre ; on y introduit du sulfure
de potasse dissous dans l'eau, et on laisse le gaz en contact avec
cette liqueur ; elle absorbe tout le gaz oxygène, et, au bout de
quelques jours, il ne reste que du gaz azote. Si, au contraire, on a reconnu
qu'on avait affaire
à du gaz hydro- [hydrogène] Pagination
originale du document : p.272 gène, on en fait
passer une quantité déterminée dans un eudiomètre de Volta ; on y joint une première
portion de gaz oxygène, qu'on fait détoner avec lui par l'étincelle électrique
; on ajoute une seconde portion du même gaz oxygène, et on fait détoner de
nouveau, et ainsi, jusqu'à ce qu'on ait obtenu la plus grande diminution
possible de volume. Il se forme, comme on sait, dans cette détonation,
de l'eau qui est absorbée sur-le-champ ; mais, si le gaz hydrogène contenait du
carbone, il se forme en même temps de l'acide carbonique, qui ne
s'absorbe pas aussi promptement, et dont on peut reconnaître
la quantité en facilitant son absorption par l'agitation de l'eau. Enfin, si on
a du gaz nitreux, on peut encore en déterminer la quantité, du
moins à peu près, par une addition de gaz oxygène, et d'après la diminution de
volume qui en résulte. Je m'en tiendrai à ces exemples généraux, qui
suffisent pour donner une idée de ce genre d'opérations. Un volume entier ne
suffirait pas, si l'on voulait prévoir tous les cas. L'analyse des
gaz est un art avec lequel il faut se familiariser ; mais, comme ils
ont la plupart de l'affinité les uns avec les autres, il faut avouer qu'on
n'est pas touj ours sûr de les avoir complètement séparés. C'est
alors qu'il faut changer de marche et de route, refaire d'autres
expériences sous une autre forme, introduire quelque nouvel agent dans la
combinaison, en écarter d'autres, jusqu'à ce qu'on soit sûr d'avoir saisi la
vérité.
§V. DES CORRECTIONS
À FAIRE AU VOLUME DES GAZ OBTENUE DANS LES EXPÉRIENCES RELATIVEMENT À LA PRESSION DE L'ATMOSPHÈRE.
C'est une vérité donnée par l'expérience, que les fluides élastiques en
général sont compressibles en raison des poids dont ils sont chargés. Il est possible que cette loi souffre
quelque altération aux approches du degré de compression qui serait suffisant pour les réduire à l'état liquide, et de
même à un degré de dilatation ou de
compression extrême ; mais nous ne sommes pas près de ces limites pour la
plupart des gaz que nous soumettons à des expériences. Pagination
originale du document : p.273 Quand je dis que
les fluides élastiques sont compressibles en raison dont ils sont chargés,
voici comme il faut entendre cette proposition. Tout le monde sait ce que
c'est qu'un baromètre. C'est, à proprement parler, un siphon ABCD (pl.
XII, fig. 16), plein de mercure dans la branche AB, plein d'air dans la branche BCD.
Si l’on suppose mentalement cette branche BCD prolongée indéfiniment
jusqu'au haut le notre atmosphère, on verra
clairement que le baromètre n'est autre chose qu'une sorte de balance, un instrument dans lequel on met
une colonne de mercure en équilibre avec une colonne d'air. Mais il est facile de s'apercevoir que, pour que cet
effet ait lieu, il est parfaitement inutile
de prolonger la branche BCD à une aussi grande hauteur, et que, comme le
baromètre est plongé dans l'air, la
colonne AB de mercure sera également en équilibre avec une colonne de
même diamètre d'air de l’atmosphère,
quoique la branche du siphon BCD soit coupée en C et qu'on en
retranche la partie CD. La hauteur moyenne d'une colonne de mercure
capable de faire équilibre avec le
poids d'une colonne d'air prise depuis le haut de l’atmosphère jusqu'à la
surface de la terre est de 28 pouces
de mercure, du moins à Paris et même dans les quartiers bas de la ville ; ce
qui signifie, en d'autres termes, que
l’air, à la surface de la terre à Paris, est communément pressé par un poids égal à celui d'une colonne de mercure de 28
pouces de hauteur. C'est ce que j'ai voulu exprimer dans cet ouvrage, lorsque j'ai dit, en parlant des différents
gaz, par exemple du gaz oxygène,
qu'il pesait 1 once 4 gros le pied cube, sous une pression de 28 pouces. La hauteur
de cette colonne de mercure diminue à
mesure que l’on s'élève et que l'on s'éloigne de la surface de la terre, ou, pour parler plus rigoureusement, de la ligne de
niveau formée par la surface de la mer ; parce qu'il n'y a que la colonne d'air supérieure au baromètre qui fasse
équilibre avec le mercure, et que la pression
de toute la quantité d'air qui est au-dessous du niveau où il est placé est
nulle par rapport à lui. Mais suivant quelle loi le baromètre baissera-t-il
à mesure que l'on Pagination
originale du document : p.274 s'élève ; ou, ce
qui revient au même, quelle est la loi suivant laquelle les différentes couches
de l'atmosphère décroissent de densité ? C'est ce qui a beaucoup exercé la
sagacité des physiciens du dernier siècle. L'expérience suivante a
d'abord jeté beaucoup de lumière sur cet objet. Si l'on prend un siphon
de verre ABCDE (pl. XII, fig. 17), fermé en E et ouvert en A, et
qu'on y introduise quelques gouttes de mercure pour intercepter la
communication entre la branche AB et la branche
BE , il est
clair que l'air contenu dans la branche BCDE sera pressé, comme tout
l'air environnant, par une colonne égale au poids de 28 pouces de mercure.
Mais, si on verse du mercure dans la branche AB, jusqu'à 28 pouces de hauteur,
il est clair que l’air de la branche BCDE sera pressé par un poids égal à
deux fois 28 pouces de mercure ; or l'expérience a démontré qu'alors, au lieu
d'occuper le volume total BE, il n'occupera plus que celui C
E, qui en est précisément la moitié. Si, à cette première colonne
de 28 pouces de mercure, on en ajoute deux autres également de 28 pouces dans
la branche AC,
l'air de la branche BCDE sera comprimé par quatre colonnes, chacune
égale au poids de 28 pouces de mercure, et
il n'occupera plus que l'espace DE, c'est-à-dire le quart du volume qu'il
occupait au commencement de
l'expérience. De ces résultats, qu'on peut varier d'une infinité de manières, on a déduit cette loi générale, qui
parait applicable à tous les fluides élastiques, que leur volume décroît proportionnellement aux poids dont
ils sont, chargés ; ce qui peut aussi s'énoncer en ces termes, que le volume de tout fluide élastique
est en raison inverse des poids dont il est comprimé. Les expériences faites pour la mesure des hautes montagnes ont
pleinement confirmé l'exactitude de ces résultats, et, en supposant qu'ils
s'écartent de la vérité, les différences sont si excessivement petites, qu'elles peuvent être regardées comme
rigoureusement nulles dans les expériences
chimiques. Cette loi de la compression des fluides élastiques une fois bien
entendue, il est aisé d'en faire
l'application aux corrections qu'il est indispensable de faire au volume des
airs ou gaz dans les expériences pneumato-chimiques. Ces corrections
sont de deux genres ; les unes Pagination
originale du document : p.275 relatives à la
variation du baromètre, les autres relatives à la colonne d'eau ou de mercure
contenus dans les cloches. Je vais faire en sorte de me rendre
intelligible par des exemples : je commencerai par le cas le
plus simple. Je suppose qu'on ait obtenu 100 pouces de gaz oxygène à 10 degrés
de température, le baromètre marquant 28 pouces 6 lignes. On peut demander
deux choses : la première, quel est le volume que les 100 pouces
occuperaient sous une pression de 28 pouces, au lieu de 28 pouces
6 lignes ; la seconde, quel est le poids des 100 pouces de gaz obtenus ? Pour répondre
à ces deux questions, on nommera x le nombre de pouces cubiques qu'occuperaient
les 100 pouces de gaz oxygène, à la pression de 28 pouces ; et,
puisque les volumes sont en raison inverse des poids
comprimants, on aura 100 pouces : x : : 1 /285 : 1/280 ; d'où l'on déduit
aisément x = 101 pouces, 786. C'est-à- dire que le même air qui
n'occupait qu'un espace de 100 pouces cubiques, sous une pression de
28 pouces 6 lignes de mercure, en occuperait un de 101 pouces, 786, à la pression
de 28. Il n'est pas plus difficile de conclure le poids des mêmes 100
pouces d'air, sous une pression de 28 pouces 6 lignes. Car, puisqu'ils
répondent à 101 pouces, 786, à la pression de 28 pouces, et qu'à
cette pression et à 10 degrés du thermomètre le pouce cube de gaz oxygène pèse
un demi grain, il s'ensuit. évidemment que les 100 pouces, sous une
pression de 28 pouces 6 lignes, pèsent 50grains893. On aurait pu arriver directement à cette
conséquence par le raisonnement qui suit : puisque
les volumes de l'air, et en général d'un fluide élastique quelconque, sont en
raison inverse des poids qui les
compriment, il en résulte, par une conséquence nécessaire, que la pesanteur de
ce même air doit croître
proportionnellement au poids comprimant. Si donc, 100 pouces cubiques de gaz oxygène pèsent 50 grains, à la pression de 28
pouces, combien pèseront-ils à la pression de 28 pouces, 5 ? On aura alors cette proportion : 28 : 50 : : 28,5 : x, d'où
l'on conclura également x = 50 grains, 893. Je passe à un cas un peu
plus compliqué. Je suppose que la cloche Pagination
originale du document : p.276 A
(pl.
XII, fig. 18), contienne un gaz quelconque dans sa partie supérieure ACD, que
le reste de cette même cloche soit rempli de mercure au-dessous de C
D, et que le tout soit plongé dans un bassin GHIK contenant du mercure
jusqu'en E F. Enfin, je suppose encore que la différence CE de la hauteur
du mercure dans la cloche et dans le bassin soit de 6 pouces, et que la hauteur
du baromètre soit de 27 pouces 6 lignes. Il est clair que, d'après ces
données, l'air contenu dans la capacité ACD est pressé par le
poids de l'atmosphère, diminué, du poids de la colonne de mercure CE. La
force qui le presse est donc égal à 27 pouces 5 - 6 pouces - 21
pouces, 5. Cet air est donc moins pressé que ne l'est l'air de
l'atmosphère à la hauteur moyenne du baromètre : il occupe donc plus d'espace
qu'il n'en devrait occuper, et la différence est précisément
proportionnelle à la différence des poids qui le compriment. Si
donc, après avoir mesuré l'espace ABC, on l’a trouvé, par exemple, de
120 pouces cubiques, il faudra, pour ramener le volume du gaz à celui
qu'il occuperait, à une pression de 28 pouces, faire la proportion
suivante : 120 pouces est au volume cherché, que j'appellerai x, comme a 1/21,5
est à 1/28 ; d'où l'on déduira x = 120 x 21.5/28 = 92 pouces,143. On a le
choix, dans ces sortes de calculs, ou de réduire en lignes la hauteur du
baromètre, ainsi que la différence du niveau du mercure en
dedans et en dehors de la cloche, ou de l'exprimer en fractions décimales de
pouces. Je préfère ce dernier parti, qui rend le calcul plus
court et plus facile. On ne doit point négliger les méthodes
d'abréviation pour les opérations qui se répètent souvent : j'ai joint, en
conséquence, à la suite de cette troisième partie, sous le n° IV, une table qui exprime les
fractions décimales de pouces correspondantes
aux lignes et fractions de lignes. Rien ne sera plus aisé, d'après cette table,
que de réduire en fractions décimales de ponces les hauteurs du mercure qu'on
aura observées en lignes. On a des corrections semblables à faire
lorsqu'on opère dans l'ap- [l’appareil] Pagination
originale du document : p.277 pareil
pneumato-chimique à l'eau. Il faut également, pour obtenir des résultats
rigoureux, tenir compte de la différence de hauteur de l'eau en dehors et en
dedans de la cloche. Mais, comme c'est en pouces et lignes du baromètre,
et, par conséquent, en pouces et lignes de mercure, que s'exprime la
pression de l'atmosphère, et qu'on ne peut additionner ensemble que des
quantités homogènes, on est obligé de réduire les différences de
niveau, exprimées en pouces et lignes d'eau, en une hauteur équivalente
de mercure. On part, pour cette conversion, de cette donnée, que le mercure est
13,5681 fois aussi pesant que l'eau. Un trouve à la fin de cet
ouvrage, sous le n° V, une table à l’aide de laquelle on peut
faire promptement et facilement cette réduction.
§ VI. DES CORRECTIONS RELATIVES
AUX DIFFÉRENTS DEGRÉS DU THERMOMÈTRE.
De même que, pour avoir le poids de
l'air et des gaz, il est nécessaire de les réduire à une pression constante,
telle que celle de 28 pouces de mercure, de même aussi il est nécessaire de les
réduire à une température déterminée : car, puisque les
fluides élastiques sont susceptibles de se dilater par la chaleur et de se
condenser par le froid, il en résulte nécessairement qu'ils changent de
densité, et que leur pesanteur n'est plus la même sous un volume
donné. La température de 10 degrés étant moyenne entre les chaleurs de l’été et
les froids de l’hiver, cette température étant celle des souterrains, et
celle en même temps dont il est le plus facile de se rapprocher dans presque
toutes les saisons de l'année, c'est celle que j'ai choisie pour y ramener les airs ou
gaz. M. de Luc a trouvé que l'air de l’atmosphère augmentait de 1/2 15 de son volume par chaque degré du thermomètre à
mercure divisé en 81 degrés de la glace à l'eau bouillante ; ce qui donne, pour un degré du thermomètre à mercure divisé
en 80 parties, 1/211. Les expériences
de M. Monge sembleraient annoncer que le gaz hydrogène est susceptible d'une dilatation
un peu plus forte ; il l’a trouvée de 1/180. A l’égard Pagination
originale du document : p.278 de la dilatation des autres gaz, nous
n'avons pas encore d'expériences très exactes ; celles, du moins, qui existent n'ont pas été publiées. Il paraît
cependant, à en juger par les tentatives que l’on connaît, que leur
dilatabilité s'éloigne peu de celle de l'air commun. Je crois donc pouvoir
supposer que l'air de l’atmosphère se
dilate de 1/210 par chaque degré du thermomètre, et le gaz hydrogène de 1/190 ;
mais, comme il reste quelque
incertitude sur ces déterminations, il faut, autant qu'il est possible, n'opérer qu'à une température peu éloignée de 10
degrés. Les erreurs qu'on peut alors commettre dans les corrections relatives au degré du thermomètre ne sont d'aucune
conséquence. Le calcul à faire pour ces corrections est extrêmement
facile ; il consiste à diviser le volume de l’air obtenu par 210, et à multiplier le nombre trouvé par celui
des degrés du thermomètre supérieur ou inférieur à dix degrés. Cette correction est négative au-
dessus de dix degrés, et additive au-dessous. Le résultat qu'on obtient est le volume réel de l'air à la
température de dix degrés. On abrège et on facilite beaucoup tous ces
calculs en employant des tables de logarithmes.
§ VII. MODÈLE DE CALCUL POUR
LES CORRECTIONS RELATIVES AU DEGRÉ DE PRESSION ET DE TEMPÉRATURE.
Maintenant que j'ai indiqué la manière de
déterminer le volume des airs ou gaz et de faire à ce volume les corrections relatives à la pression et à
la température, il me reste à donner un exemple pris dans un cas compliqué, afin de mieux faire sentir l’usage des
tables qui se trouvent à la fin de cet ouvrage.
EXEMPLE.
On a renfermé dans une
cloche A (pl. IV, fig. 3), une quantité d'air AEF, qui s'est trouvée occuper un volume de 353 pouces
cubiques. Cet air était contenu par de l'eau, et la hauteur EL de
la colonne d'eau, dans l’intérieur de la cloche, était de 4 pouces 1/2
au-dessus Pagination
originale du document : p.279 du niveau de
celle de la cuve ; enfin, le baromètre était à 27 pouces 9 lignes 1/2, et le
thermomètre à 15
degrés. On a brûlé dans cet air une substance quelconque, telle due du
phosphore, dont le résultat est l'acide
phosphorique, qui, loin d'être dans l'état de gaz, est au contraire dans l’état
concret. L'air restant après la
combustion occupait un volume de 295 pouces ; la hauteur de l'eau, dans
l'intérieur de la cloche, était de 7 pouces au-dessus de celle de la
cuve, le baromètre à 27 pouces 9 lignes 1/4, et le thermomètre à 16 degrés. Il est question, d'après ces données, de
déterminer quel est le volume de l'air
avant et après la combustion, et d'en conclure le volume de la partie qui a été
absorbée.
CALCUL AVANT LA COMBUSTION.
L'air contenu dans la cloche occupait un volume de 353 pouces. Mais il n'était pressé que par une colonne
de 27 pouces 9 lignes 1/2, ou, en fractions décimales de pouces (voy. table, n°IV), de 27 pouces, 79 167. Sur quoi
il y a encore à déduire la différence de niveau de 4 pouces 1/2 d'eau ;
ce qui répond, en mercure(voy.la table, n°V), à: 0,33166 La pression réelle dont cet air était chargé
n'était donc que de 27,4600 1 Le volume des fluides élastiques diminuant, en général, en raison
inverse des poids qui les compriment, il est clair, d'après ce que nous avons dit plus haut, que, pour avoir
le volume des 353 pouces sous une pression de 28 pouces, il faudra dire : 353 pouces : x : : 1/27.46001 : 1/28. D'où l'on
conclura : x = 353 x 27.46001/28 = 346 pouces, 192. C'est le volume
qu'aurait occupé ce même air sous une pression de Pagination
originale du document : p.280 28 pouces. Le 21
0e de ce volume égale 1 pouce,650 ; ce qui donne, pour les 5 degrés supérieurs
au dixième degré du thermomètre, 8 pouces, 255 ; et, comme cette correction est
soustractive, on en conclura que le volume de l'air, toute correction faite, était,
avant la combustion, de 337 pouces, 942.
CALCUL APRÈS LA COMBUSTION.
En faisant
le même calcul sur le volume de l'air après la combustion, on
trouvera que la pression était alors de 27 pouces,77083 – 0 pouces, 51 593 = 27
pouces, 25 490. Ainsi, pour avoir le volume de l'air a 28 pouces de
pression, il faudra multiplier 295 pouces, volume trouvé après la
combustion, par 227 pouces, 25 490, et le diviser par 28 ; ce qui donnera,
pour le volume corrigé, 287 pouces 150. Le 21 0e de ce volume est 1 pouce 368,
qui, multiplié par 6 degrés, donne pour correction négative de la température,
8 pouces, 208. D'où il résulte que le volume de l'air, toutes corrections
faites, était, après la combustion, de 278 pouces, 942. RÉSULTAT. Le volume,
toutes corrections faites, avant la combustion, était de : 337 pouces, 942. Il
était, après la combustion, de : 278 pouces, 942. Donc, quantité d'air absorbé
par la combustion du phosphore : 59 pouces, 000
§ VIII. DE LA MANIÈRE DE
DÉTERMINER LE POIDS
ABSOLU DES DIFFÉRENTS GAZ.
Dans tout ce que je viens d'exposer sur la manière
de mesurer le volume des gaz et d'y faire les
corrections relatives au degré de pression et de température, j'ai
supposé qu'on en connaissait la pesanteur spé- [spécifique] Pagination
originale du document : p.281 cifique, et
qu'on pouvait en conclure leur poids absolu : il me reste à donner une idée des
moyens par lesquels on peut parvenir à cette connaissance. On a un
grand ballon A (pl. V, fig. 10), dont la capacité doit
être d'un demi-pied cube, c'est-à-dire de 17 à 18 pintes au moins ; on y
mastique une virole de cuivre bcde, à laquelle s'adapte à vis en de,
une platine à laquelle tient un robinet fg. Enfin, le tout se visse, au moyen
d'un double écrou, représenté fig. 12, sur une cloche BCD, dont la
capacité doit être de quelques pintes plus grande que celle du
ballon. Cette cloche est ouverte par le haut, et sa tubulure est
garnie d'une virole de cuivre hi et d'un robinet lm ; un de ces robinets est
représenté séparément fig. 11. La première opération à faire est de
déterminer la capacité de ce ballon ; on y parvient en remplissant d'eau et en
le pesant pour en connaître la quantité. Ensuite on vide l'eau et on sèche
le ballon en y introduisant un linge par l'ouverture de ; les derniers vestiges
d'humidité disparaissent d'ailleurs lorsqu'on a fait une ou deux fois
le vide dans le ballon. Quand on veut déterminer la pesanteur d'un gaz,
on visse le ballon a sur la platine de la machine pneumatique, au-dessous
du robinet fg. On ouvre ce même robinet, et on fait le vide du mieux
qu'il est possible, ayant grand soin d'observer la hauteur à laquelle
descend le baromètre d'épreuve. Le vide fait, on referme le
robinet, on pèse le ballon avec une scrupuleuse exactitude, après quoi on le
revisse sur la cloche BCD, qu'on suppose placée sur la tablette de la
cuve ABCD, même planche, fig. 1. On fait passer dans
cette cloche le gaz qu'on veut peser ; puis, ouvrant le robinet f g et le
robinet lm, le gaz contenu dans la cloche passe dans le ballon a : en
même temps l'eau remonte dans la cloche BCD. Il est nécessaire,
si l'on veut éviter une correction embarrassante, d'enfoncer la cloche dans la
cuve jusqu'à ce que le niveau de l'eau extérieure concoure avec celui de l'eau
contenue dans l'intérieur de la cloche. Alors on ferme les robinets, on dévisse
le ballon et on le repèse. Le poids, déduction faite de celui du ballon vide, Pagination
originale du document : p.282 donne la pesanteur du volume d'air ou
de gaz qu'il contient. En multipliant ce poids par 1728 pouces, et divisant le produit par un nombre de pouces
cubes égal à la capacité du ballon, on a le poids du pied cube du gaz mis en expérience. Il est
nécessaire de tenir compte, dans ces déterminations, de la hauteur du baromètre et du degré du thermomètre ;
après quoi rien n'est plus aisé que de ramener le poids du pied cube qu'on a trouvé à celui qu'aurait
eu le même gaz à 28 pouces de pression et à 10 degrés du thermomètre. J'ai donné dans le paragraphe précédent le détail
des calculs qu'exige cette opération.
Il ne faut pas négliger non plus de tenir compte de la petite portion d'air
restée dans le ballon, quand on a
fait le vide ; portion qu'il est facile d'évaluer, d'après la hauteur à
laquelle s'est soutenu le baromètre
d'épreuve. Si cette hauteur était, par exemple, d'un centième de la hauteur totale du baromètre, il en faudrait conclure qu'il
est resté un centième d'air dans le ballon, et le volume du gaz qui y
avait été introduit ne serait plus que les 99/100 du volume total du ballon. Pagination
originale du document : p.283 CHAPITRE III.
DES APPAREILS RELATIFS À LA MESURE DU CALORIQUE.
DESCRIPTION DU
CALORIMÈTRE.
L'appareil dont je vais essayer de donner une idée a été décrit
dans un mémoire que nous avons publié, M. de Laplace et moi, dans le recueil de
l'Académie, année 1780, page 355. C'est de ce mémoire (1) que sera
extrait tout ce que contient cet article. Si, après avoir refroidi un corps
quelconque à zéro du thermomètre, on l'expose dans une atmosphère dont la
température suit de 25 degrés au-dessus du terme de la congélation, il
s'échauffera insensiblement depuis sa surface jusqu'à son centre, et
se rapprochera peu à peu de la température de 25 degrés, qui
est celle du fluide environnant. Il n'en sera pas de même d'une masse de glace
qu'on aurait placée dans la même atmosphère ; elle ne se rapprochera nullement
de la température de l'air ambiant, mais elle restera constamment à zéro de
température, c'est-à-dire à la glace fondante, et ce, jusqu'à ce que
le dernier atome de glace soit fondu. La raison de ce phénomène est facile à
concevoir : il faut, pour fondre de la glace et pour la convertir en eau, qu'il
s'y combine une certaine proportion de calorique. En conséquence, tout le
calorique des corps environnants s'arrête à la surface de la glace, où il est employé à la
fondre : cette première couche fondue, la nouvelle quantité de calorique qui
survient en fond une seconde, et elle se combine également avec elle pour la
convertir en eau, et ainsi successivement de surfaces en surfaces, jusqu'au
dernier atome de glace, qui sera encore (1) Voyez tome II, page 292. Pagination
originale du document : p.284 à zéro du
thermomètre, parce que le calorique n'aura pas encore pu y pénétrer. Que l'on
imagine d'après cela une sphère de glace creuse, à la température
de zéro degré du thermomètre ; que l'on place cette sphère de glace dans
une atmosphère dont la température soit, par exemple de 10 degrés au-dessus
de la congélation, et qu'on place dans son intérieur un corps échauffé d'un
nombre de degrés quelconque : il suit de ce qu'on vient d'exposer
deux conséquences : 1° que la chaleur extérieure ne pénétrera pas dans
l'intérieur de la sphère, 2° que la chaleur d'un corps placé dans son intérieur
ne se perdra pas non plus au dehors, mais qu'elle s'arrêtera à la surface
intérieure de la cavité,
où elle sera continuellement employée à fondre de nouvelles couches de glace,
jusqu'à ce que la température du corps soit
parvenue à zéro du thermomètre. Si on recueille avec soin l'eau qui se sera formée dans l'intérieur de la sphère de
glace, lorsque la température du corps placé dans son intérieur sera
parvenue à zéro du thermomètre, son poids sera exactement proportionnel à la
quantité de calorique que ce corps aura perdue, en passant de sa température
primitive à celle de la glace fondante ; car
il est clair qu'une quantité double de calorique doit fondre une quantité
double de glace ; en sorte que la
quantité de glace fondue est une mesure très précise de la quantité de calorique
employée à produire cet effet. On n'a considéré ce qui se passait dans une
sphère de glace que pour mieux faire
entendre la méthode que nous avons employée dans ce genre d'expériences, dont la première idée appartient à M. de Laplace.
Il serait difficile de se procurer de semblables sphères, et elles auraient beaucoup d'inconvénients dans la pratique ;
mais nous y avons suppléé au moyen de
l'appareil suivant, auquel je donnerai le nom de calorimètre. Je
conviens que c'est s'exposer à une critique, jusqu'à un certain point fondée,
que de réunir ainsi deux dénominations, l'une dérivée du latin, l'autre dérivée du grec ; mais j'ai cru qu'en
matière de science on pouvait se permettre
moins de pureté dans le Pagination
originale du document : p.285 langage, pour
obtenir plus de clarté dans les idées ; et en effet je n'aurais pu employer un
mot composé entièrement tiré du grec, sans trop me rapprocher du nom d'autres
instruments connus, et qui ont un usage et un but tout différents. La figure
première de la planche VI représente le calorimètre vu en perspective. La
figure 2 de la même planche représente sa coupe horizontale, et la figure 3,
une coupe verticale, qui laisse voir tout son intérieur. Sa capacité est
divisée en trois parties ; pour mieux me faire entendre, je les distinguerai
par les noms de capacité intérieure, capacité moyenne et
capacité extérieure. La capacité intérieure ffff (fig. 3, Pl. VI), est
formée d'un grillage de fil de fer, soutenu par quelques montants du même métal
; c'est dans cette capacité que l'on place les corps soumis à
l’expérience : sa partie supérieure LM se ferme au moyen d'un couvercle
GH
représenté séparément, fig. 4. Il est entièrement ouvert par-dessus, et
le dessous est formé d'un grillage de fil de fer. La capacité
moyenne bbbbb (fig. 2 et 3), est destinée à contenir la glace qui doit environner
la capacité intérieure, et que doit fondre le calorique du corps mis en
expérience : cette glace est supportée et retenue par une grille mm,
sous laquelle est un tamis nn ; l'un et l’autre sont représentés
séparément, fig. 5 et 6. A mesure que la glace est fondue par le calorique qui
se dégage du corps placé dans la capacité intérieure, l'eau coule à
travers la grille et le tamis ; elle tombe ensuite le long
du cône ccd (fig. 3), et du tuyau xy, et se rassemble dans le
vase F (fig. 1), placé au-dessous de la machine ; u est un
robinet au moyen duquel on peut arrêter à volonté l’écoulement de l'eau
intérieure. Enfin, la capacité extérieure aaaaa (fig. 2 et 3), est
destinée à recevoir la glace qui doit arrêter l’effet de la chaleur de
l'air extérieur et des corps environnants : l'eau que produit la fonte de
cette glace coule le long du tuyau sT, que l'on peut ouvrir ou, fermer
au moyen du robinet r. Toute la machine est recouverte par le
couvercle FF (fig. 7), entièrement ouvert dans sa partie supérieure,
et fermé dans sa partie inférieure ; elle est composée de fer-blanc peint. à
l'huile pour le garantir
de fa rouille. Pagination
originale du document : p.286 Pour mettre le
calorimètre en expérience, on remplit de glace pilée la capacité moyenne bbbbb,
et le couvercle GH de la capacité intérieure, la capacité
extérieure aaaa, et le couvercle FF (fig. 7), de toute la machine. On la
presse fortement pour qu'il ne reste point de parties vides, puis on laisse
égoutter la glace intérieure ; après quoi on ouvre la machine pour y placer le
corps que l'on veut mettre en expérience, et on la referme sur-le-champ.
On attend que le corps soit entièrement refroidi, et que la glace qui a
fondu soit suffisamment égouttée ; ensuite on pèse l'eau qui s'est rassemblée
dans le vase F, fig. 1 : son poids est une mesure exacte de la quantité
de calorique dégagée du corps, pendant qu'il s'est refroidi ; car il
est visible que ce corps est dans la même position qu'au
centre de la sphère dont nous venons de parler, puisque tout le calorique qui
s'en dégage est arrêté par la glace intérieure, et que cette glace est
garantie de l'impression de toute autre chaleur par la glace renfermée
dans le couvercle et dans la capacité extérieure. Les expériences de ce
genre durent quinze, dix-huit et vingt heures ; quelquefois, pour les
accélérer, on place de la glace bien égouttée dans la capacité
intérieure, et on en couvre les corps que l'on veut refroidir. La figure 8
représente un seau de tôle destiné à recevoir les corps sur lesquels on veut
opérer ; il est garni d'un couvercle percé dans son milieu, et fermé avec un bouchon
de liège, traversé par le tube d'un petit thermomètre. La figure 9 de la même
planche représente un matras de verre dont le bouchon est également
traversé par le tube d'un petit thermomètre, dont la boule et une partie du
tube plongent dans
la liqueur ; il faut se servir de semblables matras toutes les fois que l'on
opère sur les acides, et, en général, sur
les substances qui peuvent avoir quelque action sur les métaux. RS (fig.
10), est un petit cylindre creux que l’on place au fond de la capacité intérieure
pour soutenir les matras. Il est essentiel que, dans cette machine, il n'y ait.
aucune communi- [communication] Pagination
originale du document : p.287 cation entre la
capacité moyenne et la capacité extérieure ; ce que l'on éprouvera facilement
en remplissant d'eau la capacité extérieure. S'il existait une communication
entre ces capacités, la glace fondue par l'atmosphère, dont la
chaleur agit sur l'enveloppe de la capacité extérieure, pourrait passer dans la capacité moyenne, et
alors l'eau qui s'écoulerait de cette dernière capacité ne serait plus la mesure du calorique perdu par le corps mis en
expérience. Lorsque la température de l'atmosphère n'est que de quelques degrés au-dessus de zéro, sa
chaleur ne peut parvenir que très difficilement jusque dans la capacité moyenne, puisqu'elle est arrêtée par la glace du
couvercle et de la capacité extérieure
; mais, si la température extérieure était au-dessous de zéro, l'atmosphère
pourrait refroidir la glace intérieure ; il est donc essentiel d'opérer
dans une atmosphère dont la température ne soit pas au-dessous de zéro : ainsi, dans un temps de gelée, il faudra renfermer
la machine dans un appartement dont on aura soin d'échauffer l'intérieur. Il
est encore nécessaire que la glace dont on fait usage ne soit pas
au-dessous de zéro ; si elle était dans ce cas, il faudrait la piler, l'étendre
par couches fort minces, et la tenir ainsi
pendant quelque temps dans un lieu dont la température fût au-dessus de zéro.
La glace intérieure retient touj ours une petite quantité d'eau qui adhère à la
surface, et l'on pourrait croire que
cette eau doit entrer dans le résultat des expériences ; mais il faut observer qu'au commencement de chaque expérience
la glace est déjà imbibée de toute la quantité d'eau qu'elle peut ainsi retenir ; en sorte que, si une petite partie de
la glace fondue par le corps reste adhérente à la glace intérieure, la même
quantité, à très peu près, d'eau, primitivement adhérente à la surface de la glace, doit s'en détacher et couler
dans le vase, car la surface de la glace intérieure change extrêmement peu dans l'expérience. Quelques
précautions que nous ayons prises, il nous a été impossible d'empêcher l'air extérieur de pénétrer dans la capacité
intérieure, lorsque la température était à 9 ou 10 degrés au-dessus de
la congé- [congélation] Pagination
originale du document : p.288 lation. L'air
renfermé dans cette capacité étant alors spécifiquement plus pesant que l'air
extérieur, il s'écoule par le tuyau xy (fig. 3), et il est
remplacé par l’air extérieur qui entre dans le calorimètre, et qui dépose une partie de son
calorique sur la glace intérieure ; il s'établit ainsi dans la machine un courant d'air d'autant plus rapide que la
température extérieure est plus élevée, ce qui fond continuellement une portion de la glace intérieure
; on peut arrêter en grande partie l'effet de ce courant en fermant le robinet ; mais il vaut beaucoup mieux n'opérer que
lorsque la température extérieure ne
surpasse pas 3 ou 4 degrés ; car nous avons observé qu'alors la fonte de la
glace intérieure, occasionnée par
l’atmosphère, est insensible, en sorte que nous pouvons, à cette température, répondre de l'exactitude de nos
expériences sur les chaleurs spécifiques des corps, à un quarantième près. Nous avons fait construire deux
machines pareilles à celle que je viens de décrire ; l’une d'elles est destinée
aux expériences dans lesquelles il n'est pas nécessaire de renouveler l'air intérieur ; l'autre machine sert aux expériences
dans lesquelles le renouvellement de l'air est indispensable, telles que celle de la combustion et de la respiration :
cette seconde machine ne diffère de la
première qu'en ce que les deux couvercles sont percés de deux trous à travers
lesquels passent deux petits tuyaux,
qui servent de communication entre l'air intérieur et l’air extérieur ; on peut, par leur moyen, souffler de l’air
atmosphérique dans l’intérieur du calorimètre pour y entretenir des combustions. Rien n'est plus simple, avec cet
instrument, que de déterminer les phénomènes qui ont lien dans les opérations où il y a dégagement, ou même absorption
de calorique. Veut-on, par exemple,
connaître ce qui se dégage de calorique d'un corps solide, lorsqu'il se
refroidit d'un certain nombre de
degrés ? On élève sa température à 80 degrés, par exemple, puis on le place
dans la capacité intérieure ffff du
calorimètre (fig. 2 et 3, pl. VI), et on l'y laisse assez longtemps pour être assuré
que sa température est revenue à zéro du thermomètre ; on Pagination
originale du document : p.289 recueille l'eau
qui a été produite par la fonte de la glace, pendant son refroidissement ;
cette quantité d'eau, divisée par le produit de la masse du corps et du
nombre de degrés dont sa température primitive était au-dessus de
zéro, sera proportionnelle à ce que les physiciens anglais ont nommé chaleur
spécifique. Quant aux fluides, on les renferme dans des vases de matière
quelconque, dont on a préalablement déterminé la chaleur spécifique : on opère
ensuite de la même manière que pour les solides, en observant seulement de
déduire, de la quantité totale d'eau qui a coulé, celle due au refroidissement
du vase qui contenait le fluide. Veut-on connaître la quantité de calorique qui
se dégage de la combinaison de plusieurs substances? On les amènera toutes à
la température zéro, en les tenant un temps suffisant dans de la
glace pilée ; ensuite on en fera le mélange dans l'intérieur du calorimètre,
dans un vase également à zéro, et on aura soin de les y conserver jusqu'à ce
qu'elles soient
revenues à la température zéro ; la quantité d'eau recueillie sera la mesure du
calorique nui se sera dégagé par l'effet de
la combinaison. La détermination des quantités de calorique qui se dégagent
dans les combustions et dans la respiration des animaux n'offre pas plus de
difficulté : on brûle les corps combustibles
dans la capacité intérieure du calorimètre ; on y laisse respirer des animaux, tels que les cochons d' Inde, qui
résistent assez bien au froid, et on recueille l'eau qui coule ; mais, comme le renouvellement de l'air est
indispensable dans ce genre d'opérations, il est nécessaire de faire arriver continuellement de nouvel air dans
l'intérieur du calorimètre par un petit tuyau destiné à cet objet, et de le
faire ressortir par un autre tuyau : mais, pour que l'introduction de cet air
ne cause aucune erreur dans les résultats, on fait passer le tuyau qui doit
l'amener à travers de la glace pilée,
afin qu'il arrive dans le calorimètre à la température zéro. Le tuyau de sortie
de l'air doit également traverser de
la glace pilée, mais cette dernière portion de glace doit être comprise dans
l'intérieur de la capacité ffff du calorimètre, et l'eau qui en découle
doit faire partie de celle que Pagination
originale du document : p.290 l'on recueille,
parce que le calorique que contenait l'air avant de sortir fait partie du
produit de l'expérience.
La recherche de la quantité de calorique spécifique contenue dans les
différents gaz est un peu plus difficile à
cause de leur peu de densité ; car, si on se contentait de les renfermer dans
des vases comme les autres fluides,
la quantité de glace fondue serait si peu considérable, que le résultat de l'expérience serait au moins très incertain.
Nous avons employé pour ce genre d'expériences deux espèces de
serpentins ou tuyaux métalliques roulés en spirales. Le premier, contenu dans
un vase rempli d'eau bouillante, servait à
échauffer l'air avant qu'il parvint au calorimètre ; le second était renfermé dans la capacité intérieure ffff de
cet instrument. Un thermomètre adapté à une des extrémités de ce dernier
serpentin indiquait la chaleur de l'air ou du gaz qui entrait dans la machine ;
un thermomètre adapté à l'autre extrémité du même serpentin indiquait la
chaleur du gaz ou de l'air à sa sortie. Nous
avons été ainsi à portée de déterminer ce qu'une masse quelconque de différents
airs ou gaz fondait de glace en se
refroidissant d'un certain nombre de degrés, et d'en déterminer le calorique spécifique. Le même procédé, avec
quelques précaution. particulières, peut être employé pour connaître la quantité de calorique qui se
dégage dans la condensation des vapeurs de différents liquides. Les différentes expériences que l'on peut
faire avec le calorimètre ne conduisent point à des résultats absolus ; elles ne donnent que des quantités relatives :
il était donc question de choisir une
unité qui pût former le premier degré d'une échelle avec laquelle on pût
exprimer tous les autres résultats.
La quantité de calorique nécessaire pour fondre une livre de glace nous a
fourni cette unité : or, pour fondre une livre de glace, il faut une livre
d'eau élevée à 60 degrés du thermomètre à mercure divisé en 80 parties, de la glace à l'eau bouillante ; la
quantité de calorique qu'exprime notre unité
est donc celle nécessaire pour élever l'eau de zéro à 60 degrés. Cette unité
déterminée, il n'est plus question que d'exprimer en Pagination
originale du document : p.291 valeurs analogues les quantités de
calorique qui se dégagent des différents corps, en se refroidissant d'un certain nombre de degrés, et voici le calcul
simple par le moyen duquel on y parvient : je l’applique à une de nos premières
expériences. Nous avons pris des morceaux de tôle coupés par bandes et roulés, qui pesaient ensemble 7 livres
11 onces 2 gros 36 grains, c'est-à-dire, en fractions décimales de livres, 7 livres, 7070319. Nous avons
échauffé cette masse dans un bain d'eau bouillante, dans laquelle elle a pris
environ 78 degrés de chaleur ; et, l'ayant tirée de l'eau prestement, nous l'avons introduite dans la
capacité intérieure du calorimètre. Au bout de onze heures, lorsque l'eau produite par la fonte de la
glace intérieure a été suffisamment égouttée, la quantité s'en est trouvée de 1 livre 1 once 5 gros 4 grains = 1 livre,
109795. Maintenant je puis dire : si
le calorique dégagé de la tôle par un refroidissement de 78 degrés a fondu1
livre, 109795 de glace, combien un
refroidissement de 60 degrés aurait-il produit? Ce qui donne 78 : 1 livre ,
109795 : : 60 : x = 0 livre, 85369.
Enfin, divisant cette quantité par le nombre de livres de tôle employée, c'est-à-dire par 7 livres, 7070319, on aura, pour
la quantité de glace que pourra faire fondre 1 livre de tôle en se refroidissant de 60 degrés à zéro, 0
livre, 110770. Le même calcul s'applique à tous les corps solides. A l'égard des fluides, tels que
l'acide sulfurique, l'acide nitrique, etc. on les renferme dans un matras représenté pl. VI, fig. 9. Il est
bouché avec un bouchon de liège traversé par un thermomètre dont la houle plonge dans la liqueur. On place ce vaisseau
dans un bain d'eau bouillante ; et,
lorsque, d'après le thermomètre, on juge que la liqueur est élevée à un degré
de chaleur convenable, on retire le
matras et on le place dans le calorimètre. On fait le calcul comme ci-dessus, en ayant soin cependant de déduire de la quantité
d'eau obtenue celle que le vase de verre aurait seul produite, et qu'il est, en conséquence, nécessaire
d'avoir déterminé par une expérience préa- [préalable] Pagination
originale du document : p.292 lable. Je ne
donne point ici le tableau des résultats que nous avons obtenus, parce qu'il
n'est pas encore assez complet, et que différentes circonstances
ont suspendu la suite de ce travail. Nous ne le perdons
cependant pas de vue, et il n'y a point d'hiver que nous ne nous en soyons plus
ou moins occupés. Pagination
originale du document : p.293 CHAPITRE IV. DES
OPÉRATIONS PUREMENT MECANIQUES QUI ONT POUR OBJET DE DIVISER LES CORPS.
§ I. DE LA
TRITURATION, DE LA PORPHYRISATION ET DE LA PULVERISATION.
La trituration, la porphyrisation et la pulvérisation ne sont, à proprement
parler, que des opérations mécaniques
préliminaires, dont l’objet est de diviser, de séparer les molécules des corps, et de les réduire en particules très
fines. Mais, quelque loin qu'on puisse porter ces opérations, elles ne peuvent jamais résoudre un
corps en ses molécules primitives et élémentaires : elles ne rompent pas même, à proprement parler, son
agrégation ; en sorte que chaque molécule, après la trituration et la
porphyrisation, forme encore un tout semblable à la masse originaire qu'on avait eu pour objet de diviser, à la différence des
opérations vraiment chimiques, telles, par exemple, que la dissolution, qui détruit l’agrégation du corps, et
écarte les unes des autres les molécules
constitutives et intégrantes qui le composent. Toutes les fois qu'il est
question de diviser des corps
fragiles et cassants, on se sert, pour cette opération, de mortiers et de
pilons, pl. I. fig. 1, 2, 3, 4 et 5.
Ces mortiers sont ou de fonte de cuivre et de fer, comme celui représenté fig.
3, ou de marbre et de granit, comme celui représenté fig. 2 ; ou de bois de
gaïac, comme celui représenté, fig. 3
; ou de verre, comme celui représenté fig. 4 ; ou d'agate, comme celui
représenté fig. 5 ; enfin, on en fait aussi de porcelaine, comme celui
représenté fig. 6. Les pilons dont on se sert pour triturer les corps sont aussi de différentes matières. Ils
sont de fer ou de cuivre forgé, comme dans la figure première ; de bois,
comme dans les figures 2 et 3 : enfin, de verre, de porcelaine ou d'agate,
suivant Pagination
originale du document : p.294 la nature des
objets qu'on veut triturer. Il est nécessaire d'avoir dans un laboratoire un
assortiment de ces instruments de différentes grandeurs. Les mortiers de
porcelaine, et surtout ceux de verre, ne peuvent pas être employés à la
trituration proprement dite, et ils seraient bientôt en pièces, si on frappait
dedans sans précaution, à coups redoublés. C'est en tournant le pilon dans le
mortier, en froissant avec adresse et dextérité les molécules entre le
pilon et les parois du mortier qu'on parvient à opérer la division. La forme des
mortiers n'est point indifférente ; le fond en doit être arrondi, et l'inclinaison des parois latérales doit être telle,
que les matières en poudre retombent d'elles mêmes quand on relève le pilon ; un mortier trop plat
serait donc défectueux ; la matière ne retomberait et ne se retournerait pas. Des parois trop inclinées
présenteraient un autre inconvénient : elles ramèneraient une trop grande quantité de la matière à pulvériser sous le
pilon ; elle ne serait plus alors
froissée et serrée entre deux corps durs, et la trop grande épaisseur
interposée nuirait à la pulvérisation.
Par une suite du même principe, il ne faut pas mettre dans le mortier une trop
grande quantité de matière ; il faut
surtout, autant qu'on le peut, se débarrasser de temps en temps des molécules
qui sont déjà pulvérisées, et c'est ce qu'on opère par le tamisage, autre
opération dont il va être bientôt question.
Sans cette précaution, on emploierait une force inutile, et on perdrait du
temps à diviser davantage ce qui l'était suffisamment tandis qu'on n'achèverait
pas de pulvériser ce qui ne l'est pas
assez. En effet, la portion de matière divisée nuit à la trituration de celle
qui ne l'est pas ; elle s'interpose entre le pilon et le mortier, et
amortit l'effet du coup. La porphyrisation a reçu sa dénomination du nom de la matière sur laquelle elle s'opère. Le plus
communément on a une table plate de
porphyre ou d'une autre pierre du même degré de dureté A B C D (pl. I,
fig. 7), sur laquelle on étend la
matière à diviser ; on la froisse ensuite et on la broie, en promenant sur le
porphyre une molette M, d'une pierre du même degré de dureté. La partie
de la molette qui Pagination
originale du document : p.295 porte sur le
porphyre ne doit pas être parfaitement plane : sa surface doit être une portion
de sphère d'un très grand rayon ; autrement, quand on promènerait la
molette sur le porphyre, la matière se rangerait tout autour du cercle qu'elle aurait décrit,
sans qu'aucune portion s'engageât entre deux, et il n'y aurait pas de porphyrisation. On est, par la même raison, obligé de
faire retailler de temps en temps les
molettes, qui tendent à devenir planes à mesure qu'on s'en sert. L'effet de la
molette étant d'écarter
continuellement la matière et de la porter vers les extrémités de la table de
porphyre, on est obligé de la ramener
souvent. et de l’accumuler au centre ; on se sert, à cet effet,
d'un couteau de fer, de corne ou d'ivoire, dont la lame doit être très
mince. Dans les travaux en grand, on préfère, pour opérer le
broiement, l’usage de grandes meules de pierres dures qui tournent l’une sur
l'autre, ou bien d'une meule verticale qui roule sur une meule horizontale.
Dans tous ces cas, on est souvent obligé d'humecter légèrement la matière, dans
la crainte qu'elle ne s'élève en poussière. Ces trois manières de
réduire les corps en poudre ne conviennent pas à toutes les matières : il en
est qu'on ne peut parvenir à diviser, ni au pilon, ni au porphyre, ni à
la meule ; telles sont les matières très fibreuses, comme le bois ; telles
sont celles qui ont une sorte de ténacité et d'élasticité, comme la corne
des animaux, la gomme élastique, etc. tels sont, enfin, les métaux ductiles et
malléables, qui s'aplatissent sous le pilon, au lieu de s'y réduire en
poudre. On se sert, pour les bois, de grosses limes connues sous le nom de
râpes à bois (pl. I, fig. 8). On se sert, pour la corne, de limes un peu plus
fines ; enfin, on emploie, pour les métaux, des limes encore plus fines ;
telles sont celles représentées fig. 9 et 10. Il est quelques substances
métalliques qui ne sont ni assez cassantes pour être mises en
poudre par trituration, ni assez dures pour pouvoir être limées commodément. Le
zinc est dans ce cas : sa demi malléabilité empêche qu'on ne puisse le
pulvériser au mortier : si on le lime, il empâte la lime, il en remplit les interstices, et
bientôt elle n'a presque plus d'ac- [action] Pagination
originale du document : p.296 tion. Il y a une manière simple pour
réduire le zinc en poudre, c'est de le piler chaud dans un mortier de fonte de fer également chaud ; il s'y triture
alors aisément. On peut encore le rendre cassant, en le fondant avec un peu de mercure. Les artificiers
qui emploient le zinc pour faire des feux bleus ont recours à l'un de
ces deux moyens. Quand on n'a pas pour objet de mettre les métaux dans un très grand état de division, on peut les réduire en
grenailles en les coulant dans de l'eau. Enfin, il y a un dernier moyen de diviser, qu'on emploie pour les
matières à la fois pulpeuses et fibreuses, telles que les fruits, les pommes de terre, les racines, etc.
On les promène sur une râpe (pl. I, fig. 11), en donnant un certain degré de pression, et on parvient ainsi à les réduire
en pulpe. Tout le monde connaît la
râpe, et il serait superflu d'en donner une description plus étendue. On
conçoit que le choix des matières avec lesquelles on opère la
trituration n'est point indifférent : on doit bannir le cuivre de tout ce qui a rapport aux aliments, à la pharmacie, etc. Les
mortiers de marbre ou ceux de matières
métalliques ne peuvent être employés pour triturer les matières acides ; c'est
ce qui fait que les mortiers de bois
très dur, tel que le gaïac, et ceux de verre, de porcelaine et de granit, sont
d'une grande commodité dans un
laboratoire.
§ II. DU TAMISAGE ET DU LAVAGE. De quelque moyen mécanique
qu'on se serve pour diviser les corps, on ne peut parvenir à donner le même
degré de finesse à toutes leurs parties. La
poudre qu'on obtient de la plus longue et de la plus exacte trituration
est touj ours un assemblage et un mélange de molécules de différentes
grosseurs. On parvient à se débarrasser des
plus grossières et à n'avoir qu'une poudre beaucoup plus homogène, en employant des tamis (fig. 12, 13, 14 et 15, pl. I),
dont la grandeur de la maille soit proportionnée à la grosseur des
molécules qu'on se propose Pagination
originale du document : p.297 d'obtenir : tout
ce qui est supérieur en grosseur aux dimensions de la maille reste sur le
tamis, et on le repasse au pilon. On voit deux de ces tamis
représentés, fig. 12 et 13. L'un (fig. 12) est de crin ou de soie ; l'autre
(fig. 13) est de peau dans laquelle on a fait des trous ronds avec un
emporte-pièce : ce dernier est en usage dans l'art de fabriquer la poudre
à canon et la poudre de chasse. Lorsqu'on est obligé de
tamiser des matières très légères, très précieuses, et qui se dispersent
aisément, ou bien lorsque, répandues dans l'air elles peuvent être
nuisibles à ceux qui les respirent, on se sert de tamis composés de trois
pièces (fig. 14 et 15) : savoir, d'un tamis proprement dit ABCD (fig.
15), d'un couvercle EF, et d'un fond GH : on voit ces
trois parties assemblées, fig. 14. Il est un autre moyen, plus exact que
le tamisage, d'obtenir des poudres de grosseur uniforme, c'est le lavage ; mais
il n'est praticable qu'à l'égard des matières qui ne sont point
susceptibles d'être attaquées et altérées par l'eau. On délaye
et on agite dans l'eau ou dans quelque autre liqueur les matières broyées qu'on
veut obtenir en poudre de grosseur homogène ; on laisse reposer un moment la
liqueur, puis on la décante encore trouble ; les parties les plus
grossières restent au fond du vase. On décante une seconde fois, et on a
un second dépôt. moins grossier que le premier. On décante une troisième fois
pour obtenir un
troisième dépôt, qui est au second, pour la finesse, ce que le second est au
premier. On continue cette manœuvre jusqu'à
ce que l'eau soit éclaircie, et la poudre grossière et inégale qu'on avait originairement se trouve séparée en une suite de
dépôts, qui, chacun en particulier, sont d'un degré de finesse à peu près homogène. Le même moyen, le
lavage, ne s'emploie pas seulement pour séparer les unes des autres les molécules de matières homogènes et qui ne
différent que par leur degré plus ou
moins grand de division ; il fournit une ressource non moins utile pour séparer
des matières du même degré de finesse,
mais dont la pesanteur spécifique est différente : c'est principalement
dans le travail des mines qu'on fait usage de ce moyen. Pagination
originale du document : p.298 On se sert pour
le lavage, dans les laboratoires, de vaisseaux de différentes formes, de
terrines de grès, de bocaux de verre, etc. Quelquefois, pour décanter
la liqueur sans troubler le dépôt qui s'est formé, on emploie
le siphon. Cet instrument consiste en un tube de verre ABC (pl. II, fig.
11), recourbé en B, et dont la branche BC doit être plus longue
de quelques pouces que celle AB. Pour n’être point
obligé de le tenir à la main, ce qui pourrait être fatigant dans quelques
expériences, on le passe dans un trou pratiqué au milieu d'une petite
planche DE. L'extrémité A du siphon doit être plongée dans la liqueur du
bocal FG, à la profondeur jusqu'à laquelle on se propose de vider le
vase. D'après les principes hydrostatiques sur lesquels est fondé l'effet du
siphon, la liqueur ne peut y couler qu'autant qu'on a chassé l'air
contenu dans son intérieur : c'est ce qui se pratique au moyen d'un petit
tube de verre HI, soudé hermétiquement à la branche BC. Lors donc
qu'on veut procurer, par le moyen du siphon, l'écoulement de la liqueur du
vase FG dans celui LM, on commence par boucher avec le bout du
doigt l'extrémité C de la branche BC du siphon ; puis on suce
avec la bouche, jusqu'à ce qu'on ait retiré tout l'air du tube et
qu'il ait été remplacé par la liqueur : alors, on ôte le doigt, la
liqueur coule et continue à .passer du vase FG dans celui LM.
§
III. DE LA FILTRATION. On vient de voir que le tamisage était une
opération par laquelle on séparait les unes des autres des
molécules de différentes grosseurs ; que les plus fines passaient à travers le
tamis, tandis que les plus grossières restaient dessus. Le
filtre n'est autre chose qu'un tamis très fin et très serré, à travers lequel les parties
solides, quelque divisées qu'elles soient, ne peuvent passer, mais qui est cependant perméable pour les fluides ; le
filtre est donc, à proprement parler, l'espèce de tamis qu'on emploie
pour sé- [séparer] Pagination
originale du document : p.299 parer des molécules solides, qui sont
très fines, d'un fluide dont les molécules sont encore plus fines. On se sert, à cet effet, principalement en
pharmacie, d'étoffes épaisses et d'un tissu très serré : celles de laine à poils sont les plus propres à remplir
cet objet. On leur donne ordinairement la forme d'un cône, pl. II, fig. 1 : cette espèce de filtre
porte le nom de chausse, qui est relatif à sa figure. La forme conique a l'avantage de réunir toute la liqueur qui
coule en un seul point A, et on peut alors la recevoir dans un vase
d'une ouverture très petite ; ce qui ne pourrait pas avoir lieu si la liqueur
coulait de plusieurs points. Dans les grands laboratoires de pharmacie, on a un
châssis de bois représenté pl. II,
fig. 1, dans le milieu duquel on attache la chausse. La filtration à la chausse
ne peut être applicable qu'à quelques
opérations de pharmacie ; mais, comme, dans la plupart des opérations chimiques, un même filtre ne peut servir qu'à une
même nature d'expériences ; comme il faudrait avoir un nombre de chausses considérable et les laver avec un grand soin
à chaque opération, on y a substitué
une étoffe très commune, à très bon marché, qui est, à la vérité, très mince,
mais qui, attendu qu'elle est
feutrée, compense par le serré de son tissu ce qui pourrait lui manquer en épaisseur : cette étoffe est du papier non collé.
Il n'est aucun corps solide, quelque divisé qu'il soit, qui passe à travers vers les pores des filtres de
papier ; les fluides, au contraire, les traversent avec beaucoup de facilité. Le seul embarras que présente
le papier, employé comme filtre, consiste dans la facilité avec laquelle il se perce et se déchire, surtout quand il est
mouillé. On remédie à cet inconvénient,
en le soutenant par le moyen de diverses espèces de doublures. Si on a des
quantités considérables de matières à filtrer, on se sert d'un châssis de bois ABCD
(pl. II, fig. 3), auquel sont adaptées
des pointes de fer ou crochets : on pose ce châssis sur deux petits tréteaux,
comme on le voit fig. 4. On place sur
le carré une toile grossière, qu'on tend médiocrement et qu'on accroche aux pointes ou crochets en fer. On étend ensuite une ou
deux feuilles de papier sur la toile, et on verse dessus le mé-
[mélange] Pagination
originale du document : p.300 lange de matière
liquide et de matière solide dont on veut opérer la séparation. Le fluide coule
dans la terrine ou autre vase quelconque E, qu'on a mis sous le filtre. Les
toiles qui ont servi à cet usage se lavent, ou bien on les renouvelle, si on a
lieu de craindre que les molécules dont elles peuvent rester imprégnées
ne soient nuisibles dans des opérations subséquentes. Dans toutes les
opérations ordinaires, et lorsqu'on n'a qu'une médiocre quantité de
liqueur à filtrer, on se sert d'entonnoirs de verre (pl. II,
fig. 5), pour contenir et soutenir le papier ; on le plie alors de manière à
former un cône de même figure que l’entonnoir. Mais alors on tombe dans
un autre inconvénient ; le papier, lorsqu'il est mouillé, s'applique tellement
sur les parois du verre, que la liqueur ne peut couler, et qu'il ne s'opère
de filtration que par la pointe du cône : alors l’opération devient très longue
; les matières hétérogènes, d'ailleurs, que contient la liqueur étant
communément plus lourdes que l'eau, elles se rassemblent à la pointe du cône de
papier, elles l’obstruent, et la filtration, ou s'arrête, ou devient excessivement
lente. On a imaginé différents procédés pour remédier à ces inconvénients, qui
sont plus graves qu'on ne le croirait d'abord, parce qu'ils se répètent tous
les jours dans le cours des opérations chimiques. Un premier moyen a
été de multiplier les plis du papier, comme on le voit fig. 6, afin
que la liqueur, en suivant les sillons que forment les plis, pût arriver à la
pointe du cône ; d'autres ont joint à ce premier moyen l’usage de fragments
de paille, qu'on place et qu'on arrange dans l’entonnoir avant d'y placer le
papier. Enfin, le dernier moyen employé, et qui me paraît réunir le plus
d'avantages, consiste à prendre de petites bandes de verre, telles qu'on en
trouve chez tous les vitriers, et qui sont connues sous le nom de rognures
de verre. On les courbe par le bout à la lampe, de manière à former un crochet
qui s'ajuste dans le bord supérieur de l’entonnoir ; on en dispose six à huit
de cette manière, avant de placer le papier. Ces bandes de verre le
maintiennent à une distance suffisante des parois de l'entonnoir
pour que la filtration s'opère. La liqueur coule le long des bandes de verre, et se rassemble à
la pointe du cône. Pagination
originale du document : p.301 On voit
quelques-unes de ces bandes représentées fig. 8 ; on voit aussi, fig. 7, un
entonnoir de verre garni de bandes de verre et d'un papier à filtrer.
Lorsqu'on a un grand nombre de filtrations à faire marcher à la
fois, il est très commode d'avoir une planche AB (pl. II, fig. 9),
soutenue par des montants de bois AC, BD, et percée de trous pour y
placer les entonnoirs. Il y a des matières très épaisses et très
visqueuses qui ne peuvent passer à travers le papier, et qui ne peuvent être
filtrées qu'après
avoir subi quelques préparations. La plus ordinaire consiste à battre un blanc
d'oeuf, à le diviser dans ces liqueurs, et à
les faire chauffer jusqu'à l’ébullition. Le blanc d'oeuf se coagule, il se réduit en écume, qui vient monter à la surface et
qui entraîne avec elle la plus grande partie des matières visqueuses qui s'opposaient à la filtration. On est obligé de
prendre ce parti pour obtenir du petit-lait
clair, autrement il serait très difficile de le faire passer par le filtre. On
remplit le même objet, à l’égard des
liqueurs spiritueuses, avec un peu de colle de poisson délayée dans de l'eau : cette colle se coagule par l'action de l’alcool,
sans qu'on soit obligé de faire chauffer. On conçoit, qu'une des
conditions indispensables de la filtration est que le filtre ne puisse pas être
attaqué et corrodé par la liqueur qui doit y
passer ; aussi ne peut-on pas filtrer les acides concentrés à travers le papier. Il est vrai qu'on est rarement obligé
d'avoir recours à ce moyen, parce que la plupart des acides s'obtiennent par la
voie de distillation, et que les produits de la distillation sont presque toujours clairs. Si cependant, dans quelques cas
très rares, on est forcé de filtrer des acides concentrés, on se sert alors de verre pilé, ou, ce qui est mieux
encore, de morceaux de quartz ou de cristal
de roche grossièrement concassés et en partie réduits en poudre. On place
quelques-uns des plus gros morceaux
dans le fond de l'entonnoir, pour le boucher en partie ; on met par-dessus des morceaux moins gros, qui sont maintenus par les
premiers ; enfin les portions les plus divisées doivent occuper le
dessus : on remplit ensuite l'entonnoir avec de l'acide. Pagination
originale du document : p.302 Dans les usages
de la société, on filtre l'eau des rivières pour l’obtenir limpide et séparée
des substances hétérogènes qui la salissent : on se sert à cet effet de
sable de rivière. Le sable réunit plusieurs avantages qui le rendent propre à cet usage :
premièrement, il est en fragments arrondis, ou au moins dont les angles sont usés ; et les intervalles que présentent
des molécules de cette figure favorisent
le passage de l'eau. Secondement, ces molécules sont de différentes grosseurs,
et les plus fines se rangent
naturellement entre les plus grosses ; elles empêchent donc qu'il ne se
rencontre des vides trop grands qui
laisseraient passer des matières hétérogènes. Troisièmement enfin, le sable ayant été roulé et lavé par l'eau des rivières
pendant une longue révolution de temps, on est sûr qu'il est dépouillé de toute substance soluble dans
l'eau, et que, par conséquent, il ne peut absolument rien communiquer à l’eau qui filtre au travers. Dans
tous les cas, comme dans celui-ci, où le même filtre doit servir longtemps, il s'engorgerait et la
liqueur cesserait d'y passer, si on ne le nettoyait pas. Cette opération est
simple à l’égard des filtres de sable, il ne s'agit que de le laver dans
plusieurs eaux successives et jusqu'à ce qu'elle sorte claire.
§ IV. DE
LA DÉCANTATION. La décantation est une opération
qui peut suppléer à la filtration, et qui, comme elle, a pour objet de séparer
d'avec un liquide les molécules
concrètes qu'il contient. On laisse à cet effet reposer la liqueur dans des
vases ordinairement coniques et qui
ont la forme de verres à boire, comme celui représenté AB CDE (pl. II, fig. 10). On fait dans les verreries des vases de
cette figure, qui sont de différentes grandeurs ; lorsqu'ils excédent deux ou trois pintes de
capacité, on supprime le pied CDE, et on y supplée par un pied de bois dans lequel on les mastique. La
matière étrangère se dépose au fond de ces vases par un repos plus ou
moins long, et on obtient la liqueur claire en la versant doucement par
inclinaison. On voit que cette opération Pagination
originale du document : p.303 suppose que le
corps suspendu dans le liquide est spécifiquement plus lourd que lui, et
susceptible de
se rassembler au fond ; mais quelquefois la pesanteur spécifique du dépôt
approche tellement de celle de la liqueur,
et l'on est si près de l’équilibre, que le moindre mouvement suffit pour le
remêler ; alors, au lieu de
transvaser la liqueur et de la séparer par décantation, on se sert du siphon représenté
fig. 11 et dont j'ai déjà donné la description. Dans toutes les expériences où
l'on veut déterminer avec une précision
rigoureuse le poids de la matière précipitée, la décantation est préférable à la filtration, pourvu qu'on ait soin
de laver à grande eau et à plusieurs reprises le précipité. On peut bien, il est vrai, déterminer le poids du précipité
qu'on a séparé par filtration, en pesant
le filtre avant et après l'opération ; l’augmentation de poids que le filtre a
acquise donne le poids du précipité
qui est resté attaché ; mais, quand les quantités sont peu considérables, la dessiccation plus ou moins grande du filtre, les
différentes proportions d'humidité qu'il peut retenir, sont une source
d'erreurs qu'il est important d'éviter. Pagination
originale du document : p.304 CHAPITRE V. DES
MOYENS QUE LA CHIMIE EMPLOIE POUR ÉCARTER LES UNES DES AUTRES LES
MOLÉCULES DES CORPS SANS LES DÉCOMPOSER, ET RÉCIPROQUEMENT POUR LES RÉUNIR.
J'ai
déjà fait observer qu'il existait deux manières de diviser les corps : la
première, qu'on nomme division mécanique, consiste à séparer une masse solide en un grand nombre d'autres masses beaucoup plus
petites. On emploie, pour remplir cet objet, la force des hommes, celle des animaux, la pesanteur de l'eau appliquée aux
machines hydrauliques, la force expansive de l'eau réduite en vapeurs,
comme dans les machines à feu, l’impulsion du vent, etc. Mais toutes ces forces employées
à diviser les corps sont beaucoup plus bornées qu'on ne le croit communément. Avec un pilon d'un certain poids, qui
tombe d'une certaine hauteur, on ne peut jamais réduire en poudre une matière donnée au delà d'un certain degré de
finesse, et la même molécule, qui
paraît si fine relativement à nos organes, est encore une montagne, si on peut
se servir de cette expression, lorsqu'on
la compare avec les molécules constitutives et élémentaires du corps que l’on divise. C'est en cela que diffèrent les
agents mécaniques des agents chimiques : ces derniers divisent un corps dans ses molécules primitives.
Si, par exemple, c'est un sel neutre, ils portent la division de ses parties
aussi loin qu'elle le peut être sans que la molécule cesse d'être une molécule
de sel. Je vais donner, dans ce chapitre, des exemples de cette espèce de
division. J'y joindrai quelques détails sur des opérations qui y sont
relatives.
§ I. DE LA SOLUTION DES SELS. On a longtemps confondu en chimie la
solution et la dissolution, et Pagination
originale du document : p.305 l'on désignait
par le même nom la division des parties d'un sel dans un fluide tel que l'eau,
et la division d'un métal dans un acide. Quelques réflexions sur les effets de
ces deux opérations feront sentir qu'il n'est pas possible de les
confondre. Dans la solution des sels, les molécules salines sont simplement écartées les unes
des autres, mais ni le sel, ni l’eau n'éprouvent aucune décomposition, et on peut les retrouver l'un et l'autre en même
quantité qu'avant l’opération. On peut dire la même chose de la dissolution des résines dans l’alcool
et dans les dissolvants spiritueux. Dans la dissolution des métaux, au contraire, il y a touj ours une décomposition
de l'acide, ou décomposition de l’eau
: le métal s'oxygène, il passe à l’état d'oxyde ; une substance gazeuse se
dégage ; en sorte qu'à proprement
parler aucune des substances, après la dissolution, n'est dans le même état
qu’elle était auparavant. C'est
uniquement de la solution qu'il sera question dans cet article. Pour bien
saisir ce qui se passe dans la solution des sels, il faut savoir qu'il se
complique deux effets dans la plupart de
ces opérations : solution par l'eau, et solution par le calorique ; et, comme
cette distinction donne l’explication de la plupart des phénomènes
relatifs à la solution, je vais insister pour la bien faire entendre. Le nitrate de potasse, vulgairement
appelé salpêtre, contient très peu d'eau de cristallisation ; une foule d'expériences le prouvent ; peut-être même
n'en contient-il pas : cependant il se liquéfie à un degré de chaleur qui
surpasse à peine celui de l'eau bouillante. Ce n'est donc point à l’aide
de son eau de cristallisation qu'il se liquéfie, mais parce qu’il est très
fusible de sa nature, et qu'il passe de
l'état solide à l’état liquide, un peu au-dessus de la chaleur de l'eau
bouillante. Tous les sels sont de même
susceptibles d'être liquéfiés par le calorique, mais à une température plus ou moins haute. Les uns, comme les acétites de
potasse et de soude ; se fondent et se liquéfient à une chaleur très médiocre ; les autres, au contraire,
comme le sulfate de chaux, le sulfate de potasse, etc. exigent une des plus
fortes chaleurs que nous puissions produire. Cette liquéfaction des sels par le
calorique pré- [présente] Pagination
originale du document : p.306 sente exactement
les mêmes phénomènes que la liquéfaction de la glace. Premièrement, elle
s'opère de même
à un degré de chaleur déterminé pour chaque sel, et ce degré est constant
pendant tout le temps que dure la
liquéfaction du sel. Secondement, il y a emploi de calorique au moment où le
sel se fond, dégagement lorsqu'il se
fige, tous phénomènes généraux, et qui ont lieu lors du passage d'un corps quelconque de l'état concret à l'état
fluide, et réciproquement. Ces phénomènes de la solution par le calorique se compliquent touj ours plus ou
moins avec ceux de la solution par l'eau. On en sera convaincu, si l'on
considère qu'on ne peut verser de l'eau sur un sel pour le dissoudre, sans
employer réellement un dissolvant
mixte, l'eau et le calorique : or on peut distinguer plusieurs cas différents, suivant la nature et la manière d'être de chaque
sel. Si, par exemple, un sel est très peu soluble par l'eau, et qu'il le soit beaucoup par le calorique,
il est clair que ce sel sera très peu soluble à l'eau froide, et qu'il le sera beaucoup, au contraire, à
l'eau chaude ; tel est le nitrate de potasse, et surtout le muriate oxygéné de potasse. Si un autre sel, au
contraire, est à la fois peu soluble dans l'eau et peu soluble dans le calorique, il sera peu soluble dans
l'eau froide comme dans l'eau chaude, et la différence ne sera pas très considérable ; c'est ce qui arrive au sulfate
de chaux. On voit donc qu'il y a une
relation nécessaire entre ces trois choses, solubilité d'un sel dans l’eau
froide, solubilité du même sel dans
l'eau bouillante, degré auquel ce même sel se liquéfie par le calorique seul et
sans le secours de l'eau ; que la
solubilité d'un sel à chaud et à froid est d'autant plus grande qu'il est plus soluble par le calorique, ou, ce qui revient au
même, qu'il est susceptible de se liquéfier à un degré plus inférieur de l'échelle du thermomètre. Telle
est, en général, la théorie de la solution des sels. Mais je n'ai pu me former encore que des aperçus
généraux, parce que les faits particuliers manquent, et qu'il n'existe point assez d'expériences exactes. La marche
à suivre pour compléter cette partie de la chimie est simple ; elle
consiste à rechercher, pour chaque sel, ce qui s'en Pagination
originale du document : p.307 dissout dans une
quantité donnée d'eau à différents degrés du thermomètre : or, comme on sait
aujourd'hui avec beaucoup de précision, d'après les expériences que nous avons
publiées M. de Laplace et moi, ce qu'une livre d'eau contient de
calorique à chaque degré du thermomètre, il sera touj ours
facile de déterminer par des expériences simples la proportion de calorique et
d'eau qu'exige chaque sel pour être tenu en dissolution, ce qui s'en
absorbe au moment où le sel se liquéfie, ce qui s'en dégage au
moment où il cristallise. On ne doit plus être étonné, d'après cela, de voir
que les sels mêmes qui sont dissolubles à froid se dissolvent beaucoup
plus rapidement dans l'eau chaude que dans l’eau froide. Il y a toujours
emploi de calorique dans la dissolution des sels ; et, quand il faut que le
calorique soit fourni de proche en proche par les corps environnants, il en
résulte un déplacement qui ne s'opère que lentement. L'opération, au contraire,
se trouve tout d'un coup facilitée et accélérée, quand le
calorique nécessaire à la solution se trouve déjà tout combiné avec l'eau.
Les sels en général, en se dissolvant dans l'eau, en augmentent la pesanteur
spécifique, mais cette règle n'est pas absolument sans exception. Un jour
à venir on connaîtra la quantité de radical, d'oxygène et de
base, qui constituent chaque sel neutre ; on connaîtra la quantité d'eau et de calorique nécessaire pour le
dissoudre, l’augmentation de pesanteur spécifique qu'il communique à l'eau, la figure des molécules élémentaires de ses
cristaux ; on expliquera les circonstances et les accidents de sa cristallisation, et c'est alors
seulement que cette partie de la chimie sera complète. M. Séguin a formé
le prospectus d'un grand travail en ce genre, qu'il est bien capable
d'exécuter. La solution des sels dans l'eau
n'exige aucun appareil particulier. On se sort avec avantage, dans les opérations en petit, de fioles à médecine de
différentes grandeurs (pl. II, fig. 16 et 17) ; de terrines de grès (même planche, A, fig. 1 et 2 ) ; de matras à
col allongé (fig. 14) ; de casseroles ou bassines de cuivre et d'argent
(fig. 13 et 15). Pagination
originale du document : p.308 § II. DE LA
LIXIVIATION. La lixiviation est une opération des arts et de la chimie, dont
l'objet est de séparer des substances solubles dans l'eau d'avec
d'autres substances qui sont insolubles. On a coutume de se
servir, pour cette opération, dans les arts et dans les usages de la vie, d'un
grand cuvier ABCD (pl. II, fig. 12), percé en D près de son fond
d'un trou rond, dans lequel on introduit une champlure de bois DE ou
un robinet de métal. On met d'abord au fond du cuvier une petite couche
de paille et ensuite, par- dessus, la matière qu'on se propose de lessiver ; on
la recouvre d'une toile, et on verse de l'eau froide ou chaude, suivant
que la substance est d'une solubilité plus ou moins grande. L'eau s'imbibe dans
la matière, et, pour qu'elle la pénètre mieux, on tient pendant quelque
temps fermé le robinet DE. Lorsqu'on jure qu'elle a eu le temps de
dissoudre toutes les parties salines, on la laisse couler par le robinet
DE ; mais, comme il reste touj ours à la matière insoluble une portion
d'eau adhérente qui ne coule pas, comme cette eau est nécessairement aussi chargée
de sel que celle qui a coulé, on perdrait une quantité considérable de parties
salines, si on ne repassait, à plusieurs reprises, de nouvelle eau à
la suite de la première. Cette eau sert à étendre celle qui est restée
; la substance saline se partage et se fractionne, et, au troisième ou
quatrième relavage, l'eau passe presque pure ; on s'en assure par le
moyen du pèse-liqueur dont il a été parlé, page 254. Le petit lit de
paille qu'on met au fond du vase sert à procurer des interstices pour
l'écoulement de l'eau ; on peut l'assimiler aux pailles ou aux tiges de
verre dont on se sert pour filtrer dans l'entonnoir, et qui empêchent
l'application trop immédiate du papier contre le verre. A l'égard du linge
qu'on met par-dessus la matière qu'on se propose de lessiver, il n'est pas non
plus inutile ; il a pour objet d'empêcher que l'eau ne fasse un creux dans la matière à
l'endroit où on la verse ; Pagination
originale du document : p.309 et qu'elle ne
s'ouvre des issues particulières, qui empêcheraient que toute la masse ne fût
lessivée. On imite plus ou moins cette opération des arts dans les
expériences chimiques ; mais, attendu qu'on se propose plus d'exactitude, et
que, lorsqu'il est question, par exemple, d'une analyse, il faut être sûr de ne
laisser dans le résidu aucune partie saline ou soluble, on est obligé de
prendre quelques précautions particulières. La première est d'employer plus
d'eau que dans les lessives ordinaires, et d'y délayer les
matières avant de tirer la liqueur à clair ; autrement toute la masse ne serait
pas également lessivée, et il pourrait même arriver que quelques portions ne le
fussent aucunement. Il faut avoir soin de repasser de très grandes
quantités d'eau, et on ne doit, en général, regarder l'opération
comme terminée, que quand l'eau passe absolument dépouillée de sel, et que
l'aréomètre indique qu'elle n'augmente plus de pesanteur spécifique
en traversant la matière contenue dans le cuvier. Dans les
expériences très en petit, on se contente communément de mettre dans des bocaux
ou des matras de
verre la matière qu'on se propose de lessiver ; on verse dessus de l'eau
bouillante, et on filtre au papier dans un
entonnoir de verre. (Voy. pl. II, fig. 7.) On relave ensuite avec de l'eau
bouillante. Quand on opère sur des quantités un peu plus grandes, on délaye les
matières dans un chaudron d'eau
bouillante, et on filtre avec le carré de bois représenté pl. II, fig. 3 et 4,
qu'on garnit de toile et d'un papier à
filtrer. Enfin, dans les opérations très en grand, on emploie le baquet ou cuvier
que j'ai décrit au commencement : de cet article, et qui est représenté fig.
12.
§ III. DE L'ÉVAPORATION.
L'évaporation a
pour objet de séparer l'une de l’autre deux matières, dont l'une au
moins est liquide, et qui ont un degré de volatilité très différent. Pagination
originale du document : p.310 C'est ce qui
arrive lorsqu'on veut obtenir dans l'état concret un sel qui a été dissous dans
l'eau : on échauffe l'eau et on la combine avec le calorique qui la
volatilise ; les molécules de sel se rapprochent en même temps, et,
obéissant aux lois de l'attraction, elles se réunissent pour reparaître sous
leur forme solide. On a pensé que l'action de l'air influait beaucoup sur la
quantité de fluide qui s'évapore, et on est tombé, à cet égard, dans des
erreurs qu'il est bon de faire connaître. Il est sans doute une
évaporation lente, qui se fait continuellement d'elle- même à l'air libre et à
la surface des fluides exposés à la simple action de l'atmosphère.
Quoique cette première espèce d'évaporation puisse être,
jusqu'à un certain point, considérée comme une dissolution par l'air, il n'en
est pas moins vrai
que le calorique y concourt, puisqu'elle est touj ours accompagnée de
refroidissement : on doit donc la regarder comme une dissolution mixte, faite
en partie par l'air, et en partie par le calorique. Mais il est un autre genre d'évaporation, c'est celle qui a lieu à
l'égard d'un fluide entretenu touj ours bouillant ; l'évaporation qui se fait
alors par l'action de l'air n'est plus que d'un objet très-médiocre en comparaison de celle qui est occasionnée par
l'action du calorique : ce n'est plus, à proprement parler, l'évaporation qui a lieu, mais la
vaporisation ; or cette dernière opération ne s'accélère pas en raison des
surfaces évaporantes, mais en raison des quantités de calorique qui se
combinent avec le liquide. Un trop
grand courant d'air froid nuit quelquefois, dans ces occasions, à la rapidité
de l'évaporation, par la raison qu'il enlève du calorique à l'eau, et qu'il
ralentit par conséquent sa conversion
en vapeurs. Il n'y a donc nul inconvénient à couvrir, jusqu'à un certain point,
le vase on l'on fait évaporer un liquide entretenu touj ours bouillant, pourvu
que le corps qui couvre soit de nature
à dérober peu de calorique, qu'il soit, pour me servir d'une expression du
docteur Francklin, mauvais conducteur
de la chaleur ; les vapeurs s'échappent alors par l'ouverture qui leur est
laissée, et il s'en évapore au moins
autant et souvent plus que quand on laisse un accès libre à l'air extérieur. Comme,
dans l'évaporation, le liquide que le calorique enlève est Pagination
originale du document : p.311 absolument
perdu, comme on le sacrifie pour conserver la substance fixe avec laquelle il
était combiné, on n'évapore jamais que des matières peu précieuses, telles, par
exemple, que l'eau. Lorsqu'elles ont plus de valeur, on a recours à la
distillation, autre opération dans laquelle on conserve à la
fois et le corps fixe et le corps volatil. Les vaisseaux dont on se sert pour
les évaporations sont des bassines de cuivre ou d'argent, quelquefois de
plomb, telles que celle représentée (pl. II, fig. 13) ; des
casseroles également de cuivre ou d'argent (fig. 15) ; Des capsules de verre
(pl. III, fig. 3 et 4) ; Des jattes de porcelaine ; Des terrines de grès A (pl.
II, fig. 1 et 2). Mais les meilleures de toutes les capsules à évaporer
sont des fonds de cornue et des portions de matras de verre.
Leur minceur, qui est égale partout, les rend plus propres que tout autre
vaisseau à se
prêter, sans se casser, à une chaleur brusque et à des alternatives subites de
chaud et de froid. On peut les faire soi-même
dans les laboratoires, et elles reviennent beaucoup moins cher que les capsules que l'on achète chez les faïenciers. Cet
art de couper le verre ne se trouve décrit nulle part, et je vais en donner une idée. On se sert
d'anneaux de fer AC (pl. III, fig. 5), que l'on soude à une tige de fer AB, garnie d'un manche de bois D.
On fait rougir l'anneau de fer dans un fourneau, puis on pose dessus le matras G (fig 6), qu'on
se propose de couper : lorsqu'on juge que le verre a été suffisamment échauffé par l'anneau de fer rouge, on
jette quelque gouttes d'eau dessus, et le matras se casse ordinairement juste dans la ligne circulaire qui était en
contact avec l’anneau de fer. D'autres
vaisseaux évaporatoires, d'un excellent usage, sont de petites fioles de verre,
qu'on désigne dans le commerce sous le
nom de fioles à médecine. Ces bouteilles, qui sont de verre mince et commun, supportent le feu avec une merveilleuse
facilité, et sont à très-bon marché. Il ne faut pas craindre que leur figure nuise à l'évaporation de
la liqueur. J'ai déjà fait voir que, toutes les fois qu'on évaporait le Pagination
originale du document : p.312 liquide au degré
de l’ébullition, la figure du vaisseau contribuait ou nuisait peu à la célérité
de l'opération, surtout quand les parois supérieures du vaisseau étaient
mauvais conducteurs de chaleur, comme le verre. On place une ou
plusieurs de ces fioles sur une seconde grille de fer FG (pl. III, fig.
2), qu'on pose sur la partie supérieure d'un fourneau, et sous laquelle on
entretient un feu doux. On peut suivre de cette manière un grand
nombre d'expériences à la fois. Un autre appareil évaporatoire assez
commode et assez expéditif consiste dans une cornue de verre qu'on met au bain
de sable, comme on le voit pl. III, fig. 1, et qu'on recouvre avec
un dôme de terre cuite : mais l'opération est toujours beaucoup plus lente
quand on se sert du bain de sable ; elle n'est pas, d'ailleurs, exempte de dangers,
parce que le sable s'échauffant inégalement, tandis que le verre ne peut pas se
prêter à des degrés de dilatation locale, le vaisseau est souvent exposé à
casser. Il arrive même quelquefois que le sable chaud fait
exactement l'office des anneaux de fer représentés pl. III, fig. 5 et 6,
surtout lorsque le vase contient un fluide qui distille. Une goutte de fluide
qui s'éclabousse, et qui vient tomber sur les parois du vaisseau, à l’endroit
du contact de l’anneau de sable, le fait casser circulairement en deux
parties bien tranchées. Dans le cas où l’évaporation exige une grande intensité
de feu, on se sert de creusets de terre ; mais, en général, on entend
le plus communément par le mot évaporation une opération qui
se fait au degré de l'eau bouillante, ou très-peu au-dessus.
§ IV. DE LA CRISTALLISATION. La
cristallisation est une opération dans laquelle les parties intégrantes d'un corps, séparées les unes des autres par
l'interposition d'un fluide, sont déterminées, parla force d'attraction qu'elles exercent les unes sur les
autres, à se rejoindre pour former des masses solides. Lorsque les
molécules d'un corps sont simplement écartées par le Pagination
originale du document : p.313 calorique, et
qu'en vertu de cet écartement ce corps est porté à l’état de liquide, il ne
faut, pour le ramener à l'état de solide, c'est-à-dire pour opérer sa
cristallisation, que supprimer une partie du calorique logé entre ses molécules,
autrement dit le refroidir. Si le refroidissement est lent et si en même temps il y a repos, les molécules prennent un
arrangement régulier, et alors il y a cristallisation
proprement dite ; si, au contraire, le refroidissement est rapide, ou si, en
supposant un refroidissement lent, on
agite le liquide au moment où il va passer à l'état concret, il y a cristallisation confuse. Les mêmes phénomènes ont
lieu dans les solutions par l'eau ; ou, pour mieux dire, les solutions par l'eau sont touj ours
mixtes, comme je l'ai déjà fait voir dans le paragraphe premier de ce chapitre : elles s’opèrent en partie
par l'action de l'eau, en partie par celle du calorique. Tant qu'il y a suffisamment d'eau et de calorique
pour écarter les molécules du sel, au point qu'elles soient hors de leur sphère d'attraction, le sel
demeure dans l'état fluide. L'eau et le calorique viennent-ils à manquer, et l'attraction des
molécules salines les unes par rapport aux autres devient-elle victorieuse, le sel reprend la forme
concrète, et la figure des cristaux est d'autant plus régulière que
l'évaporation a été plus lente et faite dans un lieu plus tranquille. Tous les
phénomènes qui ont lieu dans la solution des
sels se retrouvent également dans leur cristallisation, mais dans un sens inverse. Il y a dégagement de calorique au
moment où le sel se réunit et paraît sous sa forme concrète et solide, et il en résulte une nouvelle
preuve que les sels sont tenus à la fois en dissolution par l'eau et par le calorique. C'est par cette
raison qu'il ne suffit pas, pour faire cristalliser les sels qui se liquéfient aisément par le calorique, de
leur enlever l'eau qui les tenait en dissolution ; il faut encore leur enlever le calorique, et le sel ne se
cristallise qu'autant que ces deux conditions sont remplies. Le salpêtre, le muriate oxygéné de potasse,
l'alun, le sulfate de soude, etc. en fournissent des exemples. Il n'en est pas de même des sels qui exigent peu de
calorique pour être tenus en dissolution, et qui, par cela même, sont à
peu près également solubles dans l'eau chaude Pagination
originale du document : p.314 et dans l'eau
froide ; il suffit de leur enlever l'eau qui les tenait en dissolution pour les
faire cristalliser, et ils reparaissent sous forme concrète dans l'eau
bouillante même, comme on l'observe relativement au sulfate de chaux, aux
muriates de soude et de potasse, et à beaucoup d'autres. C'est sur ces
propriétés des sels, et sur leur différence de solubilité à chaud et à froid,
qu'est fondé le raffinage du salpêtre. Ce sel, tel qu'il est livré par
les salpêtriers, est composé de sels déliquescents qui ne sont pas
susceptibles de cristalliser, tels que le nitrate et le muriate de chaux ; de
sels qui sont presque également solubles à chaud et à froid, tels que les
muriates de potasse et de soude ; enfin de salpêtre, qui est beaucoup plus
soluble à chaud qu'à froid. On commence par verser sur tous ces sels confondus
ensemble une quantité d'eau suffisante pour tenir en dissolution les moins
solubles de tous, et ce sont les muriates de soude et de potasse.
Cette quantité d'eau tient facilement en dissolution tout le salpêtre, tant
qu'elle est chaude ; mais il n'en est plus de même lorsqu'elle se refroidit ;
la majeure partie du salpêtre cristallise ; il n'en reste qu'environ un sixième
tenu en dissolution, et qui se trouve confondu avec le nitrate
calcaire et avec les muriates. Le salpêtre qu'on obtient ainsi est
un peu imprégné de sels étrangers, parce qu'il a cristallisé dans une eau qui elle-même
en était chargée ; mais on l'en dépouille complètement par une nouvelle
dissolution à chaud
avec très-peu d'eau et par une nouvelle cristallisation. A l'égard des eaux
surnageantes à la cristallisation du
salpêtre et qui contiennent un mélange de salpêtre et de différents sels, on
les fait évaporer pour en tirer du
salpêtre brun, qu'on purifie ensuite également par deux nouvelles dissolutions et cristallisations. Les sels à base
terreuse qui sont inscristallisables sont rejetés, s'ils ne contiennent point de nitrates ; si, au contraire,
ils en contiennent, on les étend avec de l'eau, on précipite la terre
per le moyen de la potasse, on laisse déposer, on décante, on fait évaporer et
on met à cristalliser. Pagination
originale du document : p.315 Ce qui s'observe
dans le raffinage du salpêtre peut servir de règle toutes les fois qu'il est
question de séparer par voie de cristallisation plusieurs sels mêlés
ensemble. Il faut alors étudier la nature de chacun, la
proportion qui s'en dissout dans des quantités données d'eau, leur différence
de solubilité à chaud et à froid. Si à ces propriétés principales on joint
celle qu'ont quelques sels de se dissoudre dans l’alcool ou
dans un mélange d'alcool et d'eau, on verra qu'on a des ressources très-
multipliées pour opérer la séparation des sels par voie de cristallisation.
Mais il faut convenir en même temps qu'il est difficile de rendre cette
séparation complète et absolue. Les vaisseaux qu'on emploie pour la
cristallisation des sels sont des terrines de grès A (pl. II, fig. 1 et
2), et de grandes capsules aplaties (pl. III, fig 7). Lorsqu'on abandonne une
solution saline à une évaporation lente, à l'air libre et à la chaleur
de l'atmosphère, on doit employer des vases un peu élevés, tels que celui
représenté pl. III, fig. 3, afin qu'il y ait une épaisseur un peu considérable
de liqueur ; on obtient par ce moyen des cristaux beaucoup plus gros et
aussi réguliers qu'on puisse l'espérer. Non-seulement tous les sels
cristallisent sous différentes formes, mais encore la cristallisation de chaque
sel varie suivant les circonstances de la cristallisation. Il ne faut pas
en conclure que la figure des molécules salines ait rien
d'indéterminé dans chaque espèce ; rien n'est plus constant au contraire que la
figure des molécules primitives des corps, surtout à l'égard des
sels. Mais les cristaux qui se forment sous nos yeux sont des
agrégations de molécules, et ces molécules, quoique toutes parfaitement égales
en figure et en
grosseur, peuvent prendre des arrangements différents, qui donnent lieu à une
grande variété de figures, et qui paraissent quelquefois n'avoir aucun rapport,
ni entre elles, ni avec la figure du cristal
originaire. Cet objet a été savamment traité par M. l'abbé Haüy, dans plusieurs
mémoires présentés à l'Académie, et dans un ouvrage sur la structure des
cristaux. Il ne reste plus même qu'à étendre à la classe des sels ce
qu'il a fait plus particulièrement pour quelques pierres cristallisées. Pagination
originale du document : p.316 § V. DE LA
DISTILLATION SIMPLE.
La distillation a deux objets bien déterminés : je
distinguerai en conséquence deux espèces de distillation, la distillation
simple et la distillation composée. C'est uniquement de la première
que je m'occuperai dans cet article. Lorsqu'on soumet à la distillation
deux corps dont l'un est plus volatil, c'est-à-dire a plus d'affinité que
l'autre avec le calorique, le but qu'on se propose est de les séparer :
le plus volatil prend la forme de gaz, et on le condense ensuite
par le refroidissement dans des appareils propres à remplir cet objet. La
distillation n'est alors, comme l'évaporation, qu'une opération, en
quelque façon mécanique, qui sépare l'une de l'autre deux substances, sans les
décomposer et sans en altérer la nature. Dans l'évaporation, c'était le produit
fixe qu'on cherchait à conserver, sans s'embarrasser de conserver le produit
volatil ; dans la distillation, au contraire, on s'attache le plus
communément à recueillir le produit volatil, à moins qu'on ne se
propose de les conserver tous deux. Ainsi la distillation simple bien analysée
ne doit être considérée que comme une évaporation en vaisseaux clos. Le
plus simple de tous les appareils distillatoires est une bouteille A (pl. III, fig. 8),
dont on courbe, dans la verrerie même, le col BC en BD. Cette
bouteille ou fiole porte alors le nom de cornue ; on la place dans un fourneau
de réverbère, comme on le voit pl.
XIII, fig. 2, ou au bain de sable sous une couverture de terre cuite, comme on le voit pl. III, fig. 1. Pour recueillir
et pour condenser les produits, on adapte à la cornue un récipient E (pl. III, fig. 9), qu'on lute
avec elle ; quelquefois, surtout dans les opérations de pharmacie, on se sert
d'une cucurbite de verre ou de grès A (Pl. III, fig. 12), surmontée de
son chapiteau B, ou bien d'un
alambic de verre auquel tient un chapiteau d'une seule pièce (fig. 13). On ménage
à ce dernier une tubulure, c'est-à-dire une ouverture T, qu'on Pagination
originale du document : p.317 bouche avec un bouchon de cristal usé
à l’émeri. On voit que le chapiteau B de l'alambic a une rigole rr, destinée
à recevoir la liqueur qui se condense, et à la conduire au bec rS par
lequel elle s'écoule. Mais, comme dans
presque toutes les distillations, il y a une expansion de vapeurs qui pourrait
faire éclater les vaisseaux, on est obligé de ménager au ballon ou
récipient E (fig. 9) un petit trou T, par lequel on donne issue aux vapeurs. D'où l’on voit qu'on perd, dans cette
manière de distiller, tous les produits
qui sont dans un état constamment aériforme, et ceux même qui, ne perdant pas
facilement cet état, n’ont pas le
temps d'être condensés dans l’intérieur du ballon. Cet appareil ne peut donc
être employé que dans les opérations
courantes des laboratoires et dans la pharmacie, mais il est insuffisant pour toutes les opérations de
recherches. Je détaillerai, à l’article de la distillation composée, les moyens qu'on a imaginés pour
recueillir sans perte la totalité des produits. Les vaisseaux de verre étant très-fragiles et ne
résistant pas touj ours aux alternatives brusques du chaud et du froid, on a imaginé de faire des appareils
distillatoires en métal. Ces instruments sont nécessaires pour distiller de l'eau, des liqueurs spiritueuse, pour
obtenir les huiles essentielles des végétaux,
et on ne peut se dispenser, dans un laboratoire bien monté, d'avoir un ou deux
alambics de cette espèce et de
différente grandeur. Cet appareil distillatoire consiste dans une cucurbite de cuivre rouge étamé A (pl. III, fig. 15 et 16),
dans laquelle s'ajuste, lorsqu'on le juge à propos, un bain-marie d'étain D (fig.
17), et sur lequel on place le chapiteau F. Ce chapiteau peut également s'ajuster sur la cucurbite de cuivre, sans
bain-marie ou avec bain-marie, suivant la nature des opérations. Tout l’intérieur du chapiteau doit être
en étain. Il est nécessaire, surtout pour la distillation des liqueurs spiritueuses, que le chapiteau F de l’alambic
soit garni d'un réfrigérant SS (fig. 16), dans lequel on
entretient touj ours de l'eau fraîche ; on la laisse écouler par le moyen du robinet R, quand on s'aperçoit qu’elle Pagination
originale du document : p.318 devient trop
chaude, et on la renouvelle avec de la fraîche. Il est aisé de concevoir quel
est l'usage de cette eau ; l'objet de la distillation est de convertir en
gaz la matière qu'on veut distiller et qui est contenue dans la
cucurbite, et cette conversion se fait à l'aide du calorique fourni par le feu
du fourneau ; mais il n'y aurait pas de distillation, si ce même gaz ne se
condensait pas dans le chapiteau, s'il n'y perdait pas la forme de gaz et
ne redevenait pas liquide. Il est donc nécessaire que la substance que
l'on distille dépose dans le chapiteau tout le calorique qui s'y était combiné
dans la cucurbite, et, par conséquent, que les parois du chapiteau
soient touj ours entretenues à une température plus basse que celle qui
peut maintenir la substance à distiller dans l'état de gaz. L'eau du
réfrigérant est destinée à remplir cet office. On sait que l'eau se convertit
en gaz à 80 degrés du thermomètre français, l'esprit-de-vin ou alcool à 67, l'éther à 32 ; on
conçoit donc que ces substances ne se
distilleraient pas, on plutôt qu'elles s'échapperaient en vapeurs aériformes,
si la chaleur du réfrigérant n'était
pas entretenue au-dessous de ces degrés respectifs. Dans la distillation des liqueurs spiritueuses et en général des liqueurs
très- expansives, le réfrigérant ne suffit pas pour condenser toutes les vapeurs qui s'élèvent de la
cucurbite ; alors, au lieu de recevoir directement la liqueur du bec TU de l'alambic dans un
récipient, on interpose entre deux un serpentin. On donne ce nom à un
instrument représenté fig. 18. Il consiste en un tuyau tourné en spirale. et qui fait un grand nombre
de révolutions dans un seau de cuivre étamé BCDE. On entretient touj
ours de l'eau dans ce seau, et on la
renouvelle quand elle s'échauffe. Cet instrument est en usage dans les ateliers
de fabrication d'eau-de-vie : on n'y
emploie pas même de chapiteau proprement dit ni de réfrigérant, et toute la condensation s'opère dans le serpentin.
Celui représenté dans la figure 18 a un tuyau double, dont, l'un est spécialement destiné à la
distillation des matières odorantes. Quelquefois, même dans la distillation simple, on est obligé d'aj outer
une allonge entre la cornue et le récipient, comme on le voit Pagination
originale du document : p.319 fig. 11. Cette
disposition peut avoir deux objets : ou de séparer l'un de l'autre des produits
de différents degrés de volatilité, ou d'éloigner le récipient du fourneau,
afin que la matière qui doit y être contenue éprouve moins de chaleur.
Mais ces appareils, et plusieurs autres plus compliqués, qui ont été imaginés
par les anciens, sont bien éloignés de répondre aux vues de la chimie moderne :
on en jugera par
les détails dans lesquels j'entrerai à l'article de la distillation composée.
§ VI. DE LA SUBLIMATION.
On donne le nom de
sublimation à la distillation des matières qui se condensent dans un état concret : ainsi on dit la sublimation
du soufre, la sublimation du sel ammoniac ou muriate ammoniacal, etc. Ces
opérations n'exigent pas d'appareils particuliers ; cependant on a coutume
d'employer, pour la sublimation du soufre, ce qu'on nomme des aludels. Ce sont
des vaisseaux de terre ou de faïence qui s'ajustent les uns avec les autres, et
qui se placent sur une cucurbite qui
contient le soufre. Un des meilleurs appareils sublimatoires, pour les matières
qui ne sont point très- volatiles,
est une fiole à médecine qu'on enfonce aux deux tiers dans un bain de sable ; mais alors on perd une partie du produit. Toutes
les fois qu'on veut les conserver tous, il faut se rapprocher des
appareils pneumato-chimiques dont je vais donner la description dans le chapitre
suivant. Pagination
originale du document : p.320 CHAPITRE VI. DES DISTILLATIONS
PNEUMATO-CHIMIQUES, DES DISSOLUTIONS MÉTALLIQUES,
ET DE QUELQUES AUTRES OPÉRATIONS QUI EXIGENT DES APPAREILS
TRÈS-COMPLIQUÉS.
§ I. DES DISTILLATIONS COMPOSÉES ET DES DISTILLATIONS PNEUMATO- CHIMIQUES.
Je n'ai
présenté, dans le paragraphe 5 du chapitre précédent, la distillation, que comme une opération simple, dont.
l'objet est de séparer l'une de l'autre deux substances de volatilité différente ; mais le plus souvent la
distillation fait plus ; elle opère une véritable décomposition du corps qui y est soumis : elle sort alors de la
classe des opérations simples, et elle
rentre dans l'ordre de celles qu'on peut regarder comme des plus compliquées de
la chimie. Il est sans doute de
l'essence de toute distillation que la substance que l'on distille soit réduite
à l'état de gaz dans la cucurbite par sa combinaison avec le calorique ; mais,
dans la distillation simple, ce même
calorique se dépose dans le réfrigérant ou dans le serpentin, et la même substance
reprend son état de liquidité. Il n'en est pas ainsi dans la distillation
composée ; il y a dans cette opération
décomposition absolue de la substance soumise a la distillation : une portion
telle que le charbon demeure fixe
dans la cornue, tout le reste se réduit en gaz d'un grand nombre d'espèces. Les uns sont susceptibles de se condenser par le
refroidissement, et de reparaître sous forme concrète et liquide ; les autres
demeurent constamment dans l'état aériforme, ceux-ci sont absorbables par l'eau, ceux-là le sont par les
alcalis ; enfin, quelques-uns ne sont absorbables par aucune substance. Un
appareil distillatoire ordinaire, et tel que ceux que j'ai décrits dans le
chapitre pré- [précédent] Pagination
originale du document : p.321 recours à des
moyens beaucoup plus compliqués. Je pourrais placer ici un historique des
tentatives qui ont été successivement faites pour retenir les
produits aériformes qui se dégagent des distillations ; ce serait une
occasion de citer Hales, Rouelle, Woulfe et plusieurs autres chimistes célèbres
; mais, comme je me suis fait une loi d'être aussi concis qu'il
serait possible, j'ai pensé qu'il valait mieux décrire tout d'un
coup l'appareil le plus parfait, plutôt que de fatiguer le lecteur par le
détail de tentatives infructueuses, faites dans un temps où l'on
n'avait encore que des idées très-imparfaites sur la nature des gaz
en général. L'appareil dont je vais donner la description est destiné à la plus
compliquée de toutes les distillations : on pourra le simplifier ensuite
suivant la nature des opérations. A (pl. IV, fig. 1) représente une
cornue de verre tubulée en H, dont le col B s'ajuste avec un
ballon GC à deux pointes. A la tubulure supérieure D de ce ballon
s'ajuste un tube de verre DEfg
qui vient plonger par son
extrémité g dans la liqueur contenue dans la bouteille L. A la suite de
la bouteille L,
qui est tubulée en xxx, sont trois autres bouteilles L', L",
L ''', qui ont de même trois tubulures ou
gouleaux x'x'x', x"x"x'', x"'x"'x"'. Chaque
bouteille est liée par un tube de verre xyz', x'y'z", x "y"z"' ; enfin, à la dernière tubulure de la bouteille L'
est adapté un tube x"' RM qui aboutit sons une cloche de verre, laquelle est placée sur
la tablette de l’appareil pneumato-chimique. Communément on met dans la première bouteille un poids bien connu d'eau
distillée, et dans les trois autres de
la potasse caustique étendue d'eau : la tare de ces bouteilles et le poids de
la liqueur alcaline qu'elles
contiennent doivent être déterminés avec un très grand soin. Tout étant ainsi disposé, on lute toutes les jointures, savoir
celle B de la cornue au ballon, et celle D de la tubulure supérieure du ballon, avec du lut gras recouvert
de toile imbibée de chaux et de blanc d'oeuf, et toutes les autres avec
un lut de térébenthine cuite et de cire fondues ensemble.
On voit, d'après
ces dispositions, que, lorsqu'on a mis le feu sous la cornue A, et que
la substance qu'elle
contient a commencé à se décomposer, les produits les moins volatils doivent se
condenser et se sublimer dans le col même de
la cornue A, et que c'est principalement là que doivent se rassembler les substances concrètes ; que les
matières plus volatiles, telles que les huiles légères, l'ammoniaque et beaucoup d'autres substances,
doivent se condenser dans le matras GC ; que les gaz, au contraire, qui ne peuvent être condensés
par le froid, doivent bouillonner à travers les liqueurs contenues dans les bouteilles LL 'L "L"' ;
que tout ce qui est absorbable par l'eau doit rester dans la bouteille L ; que tout ce qui est
susceptible d'être absorbé par l'alcali doit rester dans les bouteilles L
'L "L"' ; enfin, que les gaz qui ne sont absorbables ni par
l'eau, ni par les alcalis, doivent s'échapper
par le tube RM, à la sortie duquel ils peuvent être reçus dans des cloches de
verre. Enfin, ce qu'on appelait
autrefois le caput mortuum, le charbon et la terre, comme absolument fines, doivent rester dans la cornue. On a touj ours,
dans cette manière d'opérer, une preuve matérielle de l'exactitude du
résultat ; car le poids des matières en total doit être le même avant et après
l'opération : si
donc on a opéré par exemple sur 8 onces de gomme arabique ou d'amidon, le poids
du résidu charbonneux qui restera dans la cornue A après
l'opération, plus celui des produits rassemblés dans son col et
dans le matras GC, plus celui du gaz rassemblé dans la cloche M, plus
enfin l'augmentation de poids acquise par les bouteilles L, L', L", L
"', tous ces poids, dis-je, réunis, doivent former un total de 8
onces. S'il y a plus ou moins, il y a erreur, et il faut recommencer
l'expérience jusqu'à ce qu'on ait un résultat dont on soit satisfait, et qui
diffère à peine de 6 ou 8 grains par livre de matière mise en expérience. J’ai
rencontré longtemps dans ce genre d'expériences des difficultés presque insurmontables, et qui m'auraient obligé d'y
renoncer, si je ne fusse parvenu enfin
à les lever par un moyen très simple, et dont M. Hassenfratz m'a fourni
l'idée. Le moindre ralentissement dans le Pagination
originale du document : p.323 degré de feu du
fourneau, et beaucoup d'autres circonstances inséparables de ce genre
d'expériences occasionnent souvent des réabsorptions de gaz : l'eau de
la cuve rentre rapidement dans la bouteille
L"'
par le
tube x"'RM ; la même chose arrive d'une bouteille à l'autre, et
souvent la liqueur remonte jusque dans le ballon C. On
prévient ces accidents en employant des bouteilles à trois tubulures, et en
adaptant à l'une d'elles un tube capillaire St, s't', s"t", s
"'t"', dont le bout doit plonger dans la liqueur des
bouteilles. S'il y a absorption soit dans la cornue, soit dans quelques-unes
des bouteilles, il rentre par ces tubes de l’air extérieur qui remplace
le vide qui s'est formé, et on en est quitte pour avoir un petit
mélange d'air commun dans les produits ; mais au moins l’expérience n'est pas entièrement
manquée. Ces tubes peuvent bien admettre de l'air extérieur, mais ils ne
peuvent en laisser échapper, parce qu'ils sont touj ours bouchés
dans leur partie inférieure tt't"t"' par le fluide des bouteilles. On conçoit que,
pendant le cours de l’expérience, la liqueur des bouteilles doit remonter dans chacun de ces tubes à une hauteur relative à
la pression qu'éprouve l'air ou le gaz contenu dans la bouteille ; or cette pression est déterminée
par la hauteur et par le poids de la colonne de liquide contenu dans toutes les
bouteilles subséquentes. En supposant donc qu'il y ait trois pouces de liqueur dans chaque bouteille, que la hauteur de l'eau de
la cuve soit également de 3 pouces au-dessus de l'orifice du tuyau RM, enfin,
que la pesanteur spécifique des liqueurs contenues dans les bouteilles ne diffère pas sensiblement de celle de l’eau,
l'air de la bouteille L, sera comprimé par un poids égal à celui d'une colonne d'eau de 12 pouces. L'eau
s'élèvera donc de 12 pouces dans le tube St, d'où il résulte qu'il faut donner à ce tube plus de 12
pouces de longueur au-dessus du niveau du liquide ab. Le tube s't' doit, par la même raison, avoir plus
de 9 pouces, le tube s "'t"' plus de six, et le tube
s"'t"' plus de trois. On
doit au surplus donner à ces tubes plus que moins de longueur, à cause des oscillations qui ont souvent lieu. On est obligé,
dans quelques cas, d'introduire un semblable tube entre la cornue et le
ballon ; mais, comme ce tube ne plonge Pagination
originale du document : p.324 point dans
l'eau, comme il n'est point bouché par un liquide, au moins jusqu'à ce qu'il en
ait passé par le progrès de la distillation, il faut en boucher
l'ouverture supérieure avec un peu de lut, et ne l'ouvrir qu'au besoin, ou
lorsqu'il y a assez de liquide dans le matras C pour fermer l'extrémité du
tube. L'appareil dont je viens de donner la description ne peut pas être
employé dans des expériences exactes, toutes les fois que les
matières qu'on se propose de traiter ont une action trop rapide l'une sur
l'autre, ou lorsque l'une des deux ne doit être introduite que successivement
et par petites parties, comme il arrive dans les mélanges qui font une violente
effervescence. On se sert alors d'une cornue tubulée A (pl.
VII, fig. i). On y introduit l’une des deux substances, et de préférence celle
qui est concrète ; puis on adapte et on lute à la tubulure un tube recourbé BCDA
terminé dans sa partie supérieure B en entonnoir. et par son
extrémité 1 en un tube capillaire : c'est par l'entonnoir B de ce tube
qu'on verse la liqueur. Il faut que la hauteur BC soit assez grande pour
que la liqueur qu'on doit introduire puisse faire équilibre avec la
résistance occasionnée par celle contenue dans les bouteilles
LL 'L
"L"' (pl. IV, fig. 1). Ceux qui n'ont pas l'habitude de
se servir de l'appareil distillatoire que je viens de décrire
ne manqueront pas de s'effrayer de la grande quantité d'ouvertures qu'on est
obligé de luter, et du temps qu'exigent les préliminaires de
semblables expériences ; et en effet, si on fait entrer en ligne
de compte les pesées qu'il est nécessaire de faire avant l'expérience et de
répéter après, les préparatifs sont beaucoup plus longs que
l'expérience elle-même. Mais aussi on est bien dédommagé de ses
peines quand l'expérience réussit, et on acquiert en une seule fois plus de connaissances
sur la nature de la substance animale ou végétale qu'on a soumise à la
distillation que par plusieurs semaines du travail le plus assidu. A défaut
de bouteilles triplement tubulées, on se sert de bouteilles à deux goulots
; il est même possible de mettre les trois tubes dans la même ouverture, et de se servir de
bouteilles ordinaires à goulots Pagination
originale du document : p.325 renversés, pourvu
que l'ouverture soit suffisamment grande. Il faut avoir soin d'ajuster sur les bouteilles des bouchons qu'on
use avec une lime très douce, et qu'on fait bouillir dans un mélange d'huile, de cire et de térébenthine. On perce à
travers ces bouchons, avec une lime nommée queue de rat (voy. pl. I, fig. 16), autant de trous qu'il est nécessaire
pour le passage des tubes ; on voit un de ces bouchons
représenté pl. IV, fig. 8.
§ II. DES DISSOLUTIONS MÉTALLIQUES. J'ai déjà fait sentir,
lorsque j'ai parlé de la solution des sels dans l'eau, combien il existait de
différence entre cette opération et la dissolution métallique. On a vu que
la solution des sels n'exigeait aucun appareil particulier, et que tout vase y était
propre. Il n'en est pas de même de la dissolution des métaux : pour ne rien perdre dans cette dernière, et pour obtenir
des résultats vraiment concluants, il faut employer des appareils très compliqués, et dont l'invention
appartient absolument aux chimistes de notre âge. Les métaux en général se dissolvent avec
effervescence dans les acides ; or l'effet auquel on a donné le nom d'effervescence n'est autre chose qu'un
mouvement excité dans la liqueur dissolvante par le dégagement d'un grand nombre de bulles d'air ou de
fluide aériforme qui partent de la surface du métal, et qui crèvent en sortant
de la liqueur dissolvante. M. Cavendish et M. Priestley sont les premiers qui aient imaginé des appareils simples
pour recueillir ces fluides élastiques. Celui de M. Priestley consiste en une bouteille A (pl.
VII, fig. 2), bouchée en B avec un bouchon de liège troué dans son milieu, et qui laisse passer un tube de
verre recourbé en BC, qui s'engage sous des cloches remplies d'eau, et renversées dans un bassin plein
d'eau : on commence par introduire le métal dans la bouteille A, on
verse l'acide par-dessus, puis on bouche avec le bouchon garni de son tube
BC. Pagination
originale du document : p.326 Mais cet appareil
n'est pas sans inconvénient, du moins pour des expériences très exactes.
Premièrement, lorsque l'acide est très concentré, et que le métal est très
divisé, l'effervescence commence souvent avant qu'on ait eu le
temps de boucher la bouteille ; il y a perte de gaz, et on ne peut
plus déterminer les quantités avec exactitude. Secondement, dans toutes les
opérations où l'on est obligé de faire chauffer, il y a une partie de
l'acide qui se distille et qui se mêle avec l'eau de la cuve ; en sorte qu'on
se trompe dans le calcul des quantités d'acide décomposées. Troisièmement, enfin,
l'eau de la cuve absorbe tous les gaz susceptibles de se combiner avec l'eau,
et il est impossible de les recueillir sans perte. Pour remédier à
ces inconvénients, j'avais d'abord imaginé d'adapter à une bouteille à deux
goulots A (pl. VII, fig. 3), un entonnoir de verre BC, qu'on y
lute de manière à ne laisser aucune issue à l'air. Dans cet entonnoir entre une
tige de cristal DE usée en D à l'envers avec l'entonnoir, de manière
à le fermer comme le bouchon d'un flacon. Lorsqu'on veut opérer, on commence par introduire dans la
bouteille A la matière à dissoudre : on lute l'entonnoir, on le bouche
avec la tige DE, puis on y verse de l'acide qu'on fait passer dans la
bouteille en aussi petite quantité que
l'on veut, en soulevant doucement la tige : on répète successivement cette opération jusqu'à ce qu'on soit arrivé au point de
saturation. On a employé depuis un autre moyen qui remplit le même objet, et qui, dans certains cas, est préférable :
j'en ai déjà donné une idée dans le paragraphe précédent. Il consiste à adapter
à l'une des tubulures de la bouteille A (pl. VII, fig. 4) un tube
recourbé DEFG, terminé en D par une ouverture capillaire, et en G
par un entonnoir soudé au tube ;
on le lute soigneusement et solidement dans la tubulure C. Lorsqu'on
verse une petite goutte de liqueur dans le tube par l’entonnoir G, elle
tombe dans la partie F ; si on en ajoute davantage, elle parvient à dépasser la courbure E et à s'introduire dans
la bouteille A ; l'écoulement dure tant qu'on fournit de nouvelle
liqueur Pagination
originale du document : p.327 par l'entonnoir G.
On conçoit qu'elle ne peut jamais être chassée en dehors du tube EFG, et
qu'il ne peut jamais sortir d'air ou de gaz de la bouteille,
parce que le poids de la liqueur l'en empoche et fait l'effet d'un
véritable bouchon. Pour remédier au second inconvénient, à celui de la
distillation de l'acide, qui s'opère surtout dans les dissolutions qui
sont accompagnées de chaleur, on adapte à la cornue A (pl. VII, fig. 1), un
petit matras tubulé M, qui reçoit la liqueur qui se condense. Enfin,
pour séparer les gaz absorbables par l'eau,
tel que le gaz acide carbonique, on ajoute une bouteille L à deux goulots, dans laquelle on met de l'alcali pur
étendu d'eau : l'alcali absorbe tout le gaz acide carbonique, et il ne passe plus, communément, sous
la cloche par le tube NO, qu'une ou deux espèces de gaz tout au plus : on a vu dans le premier chapitre de cette
troisième partie comment on parvenait
à les séparer. Si une bouteille d'alcali ne suffit pas, on en ajoute jusqu'à
trois et quatre.
§ III. DES APPAREILS
RELATIFS AUX FERMENTATIONS VINEUSE ET PUTRIDES.
La fermentation vineuse et la
fermentation putride exigent des appareils particuliers, et destinés uniquement à ce genre d'expériences. Je vais
décrire celui que j'ai cru devoir définitivement adopter, après y avoir fait successivement un grand nombre
de corrections. On prend un grand matras A (pl. X), d'environ 12 pintes de capacité ; on y adapte
une virole de cuivre a b solidement mastiquée, et dans laquelle se visse un tuyau coudé cd garni d'un
robinet e. A ce tuyau s'adapte une espèce de récipient de verre à trois pointes B, au-dessous
duquel est placée une bouteille C avec laquelle il communique. A
la suite du récipient B est un tube de verre ghi, mastiqué en g et
en i avec des viroles de cuivre : il
est destiné à recevoir un sel concret très déliquescent, tel que du nitrate ou
du muriate de chaux, de l'acétite de potasse, etc. Pagination
originale du document : p.328 Enfin, ce tube
est suivi de deux bouteilles D, E, remplies jusqu'en xy d'alcali dissous
dans l'eau, et bien dépouillé d'acide carbonique. Toutes les parties de
cet appareil sont réunies les unes avec les autres par le
moyen de vis et d'écrous qui se serrent ; les points de contact sont garnis de
cuir gras qui empêche tout passage de l'air ; enfin, chaque pièce
est garnie de deux robinets, de manière qu'on peut la fermer
par ses deux extrémités, et peser ainsi chacune séparément, à toutes les
époques de l'expérience qu'on le juge à propos. C'est dans le ballon
A qu'on met la matière fermentescible, du sucre par
exemple, et de la levure de bière étendue d'une suffisante quantité d'eau, et
dont le poids est bien déterminé. Quelquefois, lorsque la fermentation
est trop rapide, il se forme une quantité considérable
d'écume, qui non seulement remplit le col du ballon, mais qui passe dans le
récipient B et coule dans la bouteille C. C'est pour
recueillir cette mousse et empêcher qu'elle ne passe dans le tube
déliquescent, qu'on a donné une capacité considérable au récipient B et
à la bouteille C. Il ne se dégage dans la fermentation du sucre,
c'est-à-dire dans la fermentation vineuse, que de l'acide carbonique qui
emporte avec lui un peu d'eau qu'il tient en dissolution. Il en dépose une
grande partie en passant par le tube g h i qui contient
un sel déliquescent en poudre grossière, et on en connaît la
quantité par l'augmentation de poids acquise par le sel. Ce même acide
carbonique bouillonne ensuite à travers la liqueur alcaline de la
bouteille D, dans laquelle il est conduit par le tube k l m. La
petite portion qui n'a point été absorbée par l'alcali contenu dans cette
première bouteille n'échappe point à la seconde E, et
ordinairement il ne passe absolument rien sous la cloche
F,
si ce
n'est l'air commun qui était contenu, au commencement de l'expérience, dans le
vide des vaisseaux.
Le même appareil peut servir pour les fermentations putrides ; mais alors il
passe une quantité considérable de gaz
hydrogène par le tube qrstu, lequel est reçu dans la cloche F ;
et, comme le dégagement Pagination
originale du document : p.329 est rapide, surtout en été, il faut
la changer fréquemment. Ces fermentations exigent en conséquence une surveillance continuelle, tandis que la
fermentation vineuse n'en exige aucune. On voit qu'au moyen de cet appareil on peut connaître avec une
grande précision le poids des matériaux mis à fermenter, et celui de tous les produits liquides ou aériformes qui s'en
sont dégagés. On peut voir les détails
dans lesquels je suis entré sur le résultat de la fermentation vineuse, dans le
chapitre XIII de la première partie de cet ouvrage, page l00.
§ IV.
APPAREIL PARTICULIER POUR LA DECOMPOSITION DE
L’EAU. J’ai déjà exposé, dans la première partie de cet ouvrage, chapitre vin,
page 68, les expériences relatives à la décomposition de l'eau ; j'éviterai
donc des répétitions inutiles, et je me
bornerai à des observations très sommaires. Les matières qui ont la propriété
de décomposer l'eau sont
principalement le fer et le charbon ; mais il faut pour cela qu'ils soient
portés à une chaleur rouge : sans
cette condition l'eau se réduit simplement en vapeurs, et elle se condense ensuite par le refroidissement, sans avoir éprouvé
la moindre altération : à une chaleur rouge, au contraire, le fer et le charbon enlèvent l'oxygène à l’hydrogène ; dans
le premier cas il se forme de l'oxyde
noir de fer, et l'hydrogène se dégage libre et pur sous la forme de gaz ; dans
le second il se forme du gaz acide
carbonique qui se dégage mêlé avec le gaz hydrogène, et ce dernier est communément carbonisé. On se sert avec avantage,
pour décomposer l'eau par le fer, d'un canon de fusil dont on ôte la culasse. On trouve aisément de ces sortes de canons
chez les marchands de ferraille. On
doit choisir les plus longs et les plus forts : lorsqu'ils sont trop courts et
qu'on craint que les lots ne
s'échauffent trop, on y fait souder en soudure forte un bout de tuyau de
cuivre. Un place ce tuyau de fer dans un fourneau allongé CDEF (pl.
VII, fig. 11), en lui donnant une inclinaison de Pagination
originale du document : p.330 quelques degrés de E en F ;
cette inclinaison doit être un peu plus grande qu'elle n'est présentée dans la figure 11. On adapte à la partie supérieure E
de ce tuyau une cornue de verre qui contient de l'eau et qui est placée sur un fourneau VVXX. On
le lute par son extrémité inférieure F avec un serpentin SS', qui
s'adapte lui-même avec un flacon tubulé H, où se rassemble l'eau qui a
échappé à la décomposition. Enfin, le
gaz qui se dégage est porté à la cuve, où il est reçu sous des cloches, par le tube KK adapté à la tubulure K du
flacon H. Au lieu de la cornue A, on peut employer un entonnoir fermé d'un robinet par le bas, et par lequel on
laisse couler l'eau goutte à goutte. Sitôt que cette eau est parvenue à la
partie où le tube est échauffé, elle se vaporise, et l'expérience a lieu de la
même manière que si elle était
fournie en vapeurs par le moyen de la cornue A. Dans l'expérience que
nous avons faite, M. Meusnier et moi,
en présence des commissaires de l'Académie, nous n'avions rien négligé pour obtenir la plus grande précision
possible dans les résultats ; nous avions même porté le scrupule jusqu'à faire
le vide dans les vaisseaux avant de commencer l'expérience, afin que le gaz
hydrogène que nous obtiendrions fût exempt de mélange de gaz azote. Nous
rendrons compte à l'Académie, dans un
très grand détail, des résultats que nous avons obtenus. Dans un grand nombre
de recherches on est obligé de substituer au canon de fusil des tubes de verre,
de porcelaine ou de cuivre. Mais les
premiers ont l'inconvénient d'être faciles à fondre : pour peu que l'expérience
ne soit pas bien ménagée, le tube
s'aplatit et se déforme. Les tubes de porcelaine sont la plupart percés d'une
infinité de petits trous imperceptibles par lesquels le gaz s'échappe, surtout
s'il est comprimé par une colonne
d'eau. C'est ce qui m'a déterminé à me procurer un tube de. cuivre rouge, que
M. de la Briche a bien voulu faire
couler plein et faire forer sous ses yeux à Strasbourg. Ce lobe est très commode pour opérer la décomposition de l'alcool :
on sait en effet qu'exposé à une chaleur rouge il se résout en carbone, en gaz acide carbonique et eu
gaz hydrogène. Ce même tube peut égale[également] Pagination
originale du document : p.331 ment servir à la
décomposition de l'eau par le carbone, et à un grand nombre d'expériences.
§ V.
DE LA PRÉPARATION ET DE L’EMPLOI DES LUTS.
Si, dans un temps où l'on
perdait une grande partie des produits de la distillation, où l'un ne
tenait aucun compte de tout ce qui se séparait sous forme de gaz, en un mot, où
l'on ne faisait aucune expérience exacte et rigoureuse, on sentait déjà la
nécessité de bien luter les jointures des appareils distillatoires, combien
cette opération manuelle et mécanique n'est-elle pas devenue plus
importante depuis qu'on ne se permet plus de rien perdre dans les
distillations et dans les dissolutions ; depuis qu'on exige qu'un grand nombre
de vaisseaux réunis ensemble se comportent connue s'ils n'étaient que d'une
seule pièce, et comme s’ils étaient hermétiquement fermés ; enfin, depuis qu'on n'est
plus satisfait des expériences qu'autant que la
somme du poids des produits obtenus est égale à celui des matériaux mis en
expérience ? La première condition
qu'on exige de tout lut destiné à fermer les jointures des vaisseaux est d'être
aussi imperméable que le verre
lui-même, de manière qu'autant matière, si subtile qu'elle soit, à l'exception
du calorique, ne puisse le pénétrer. Une livre de cire fondue avec une once et
demie ou deux onces de térébenthine
remplissent très-bien ce premier objet ; il en résulte un lut facile à manier, qui s'attache fortement au verre et quine
se laisse pas facilement pénétrer : on peut lui donner plus de consistance et le rendre plus ou moins dur, plus ou moins
sec, plus ou moins souple, en y
ajoutant différentes résines. Cette classe de luts a l'avantage de pouvoir se
ramollir par la chaleur, ce qui les
rend commodes pour fermer promptement les jointures des vaisseaux ; mais, quelque parfaits qu'ils soient pour contenir les
gaz et les vapeurs, il s'en faut bien qu'ils puissent être d'un usage général. Dans presque toutes les
opérations chimiques, les luts sont exposé à une chaleur considérable et
souvent supérieure Pagination
originale du document : p.332 au degré de l'eau
bouillante ; or, à ce degré, les résines se ramollissent, elles deviennent
presque liquides, et les vapeurs expansives contenues dans les
vaisseaux se font bientôt jour et bouillonnent à travers. On a
donc été obligé d'avoir recours à des matières plus propres à résister à la
chaleur, et voici le lut auquel les chimistes se sont arrêtés après
beaucoup de tentatives ; non pas qu'il n'ait quelques inconvénients,
comme je le dirai bientôt, mais parce qu'à tout prendre c'est encore celui qui réunit le
plus d'avantages. Je vais donner quelques détails sur sa préparation et surtout
sur son emploi : une longue expérience en ce genre m'a mis en
état d'aplanir aux autres un grand nombre de difficultés.
L'espèce de lut dont je parle dans ce moment est connue des chimistes sous le
nom de lut gras. Pour le préparer on prend de l'argile non cuite,
pure et très-sèche ; on la réduit en poudre fine, et on la passe au
tamis de soie. On la met ensuite dans un mortier fonte, et, on la bat pendant plusieurs
heures à coups redoublés avec un lourd pilon de fer, en l'arrosant peu à peu
avec de l'huile de lin cuite, c'est-à-dire avec de l'huile de lin qu'on a
oxygénée et rendue siccative par l'addition d'un peu de litharge.
Ce lut est encore meilleur et plus tenace, il s'attache mieux au verre quand,
au lieu d'huile grasse ordinaire, on emploie du vernis gras au
Buccin. Ce vernis n'est autre chose qu'une dissolution de Buccin ou ambre jaune
dans de l'huile de lin ; mais cette dissolution n'a lieu qu'autant que le Buccin a été préalablement fondu seul : il
perd dans cette opération préalable un peu d'acide succinique et un peu d'huile. Le lut fait avec le
vernis gras est, comme je l’ai dit, un peu préférable à celui fait avec de
l'huile de lin seule ; mais il est beaucoup plus cher, et l'excédant de qualité
qu'on acquiert n'est pas en proportion
de l'excédant du prix : aussi est-il rarement employé. Le lut gras résiste
très-bien à un degré de chaleur même assez violent ; il est imperméable aux
acides et aux liqueurs spiritueuses ;
il prend bien sur les métaux, sur le grès, sur la porcelaine et sur le verre,
mais pourvu qu'ils aient été
préalablement bien séchés. Si, par malheur, dans le cours d'une opération, la liqueur en distillation s'est Pagination
originale du document : p.333 fait jour et
qu'il ait pénétré quelque peu d'humidité, soit entre le verre et le lut, soit
entre différentes couches du même lut, il est d'une extrême difficulté
de reboucher les ouvertures qui se sont formées ; et c'est un des
principaux inconvénients, peut-être le seul, que présente l'usage du lut gras.
La chaleur ramollit ce lut, et même au point de le faire couler ; il a besoin
en conséquence d'être contenu. Le meilleur moyen est de le recouvrir avec
des bandes de vessie, qu'on mouille et qu'on tortille tout
autour. On fait ensuite une ligature avec de gros fil au-dessus du lut, puis on
passe, par-dessus le lut même et par conséquent par-dessus la
vessie qui le recouvre, un grand nombre de tours de fil : un
lut arrangé avec ces précautions est à l'abri de tout accident. Très-souvent la
figure des jointures des vaisseaux ne permet pas d'y faire une
ligature, et c'est ce qui arrive au col des bouteilles à
trois goulots ; il faut d'ailleurs beaucoup d'adresse pour serrer suffisamment
le fil sans ébranler l'appareil, et, dans les expériences où les luts
sont très-multipliés, on en dérangerait souvent plusieurs pour en arranger un
seul. Alors on substitue à la vessie et à la ligature des bandes de toiles imbibées
de blanc d'oeuf dans lequel on a délayé de la chaux. On applique sur le lut
gras les bandes de
toile encore humides ; en peu de temps elles se sèchent et acquièrent une assez
grande dureté. On peut appliquer ces mêmes
bandes sur les luts de cire et de résine. De la colle forte délayée dans de l'eau
peut suppléer au blanc d'oeuf. La première attention qu'on doit avoir avant
d'appliquer un lut quelconque sur les
jointures des vaisseaux est de les asseoir et de les assujettir solidement, de manière qu'ils ne puissent se prêter à aucun
mouvement. Si c'est le col d'une cornue qu'on veut luter à celui d'un récipient, il faut qu'il y entre à
peu près juste ; s'il y a un peu de jeu il faut assujettir les deux vaisseaux en introduisant entre leurs cols de
petits morceaux fort courts d'allumettes ou de bouchons. Si la disproportion
des deux cols est trop grande, on choisit un bouchon qui entre juste dans
le col du matras ou récipient ; on fait au milieu Pagination
originale du document : p.334 de ce bouchon un
trou rond de la grosseur nécessaire pour recevoir le col de la cornue. La même précaution
est nécessaire à l'égard des tubes recourbés, qui doivent être lutés à des
goulots de bouteille, comme dans la pl. IV, fig. 1. On commence par
choisir un bouchon qui entre juste dans le goulot ; puis on
le perce d'un trou avec une lime d'une espèce nommée queue de rat. (Voyez une
de ces limes représentée pl. I, fig. 16.) Quand un même goulot est destiné
à recevoir deux tubes, ce qui arrive très- souvent, surtout à défaut de
bouteilles à deux et à trois goulots, on perce le bouchon de deux ou
de trois trous, pour qu'il puisse recevoir deux ou trois tubes. On voit un de
ces bouchons représenté pl. IV, fig. 8. Ce n'est que lorsque
l'appareil est ainsi solidement assujetti et de manière à ce qu'aucune
partie n'en puisse jouer, qu'on doit commencer à luter. On ramollit d'abord à
cet effet le lut, en le pétrissant ; quelquefois même, surtout en
hiver, on est obligé de le faire légèrement chauffer : on le
roule ensuite entre les doigts, pour le réduire en petits cylindres qu'on
applique sur les vases qu'on veut luter, en ayant soin de les appuyer
et de les aplatir sur le verre, afin qu'ils y contractent de
l'adhérence. A un premier petit cylindre on en ajoute un second qu'on aplatit également,
mais de manière que son bord empiète sur le précédent, et ainsi de suite.
Quelque simple que soit cette opération, il n'est pas donné à tout le monde de
la bien faire, et il n'est pas rare de voir les personnes peu
au fait recommencer un grand nombre de fois des luts sans succès, tandis que d'autres
y réussissent avec certitude et dès la première fois. Le lut fait, on le
recouvre, comme je l'ai dit, avec de la vessie bien ficelée et bien serrée, ou
avec des bandes de toiles imbibées de blanc d'oeuf et de
chaux. Je répéterai encore qu'il faut prendre garde, en faisant un lut, surtout
en le ficelant, d'ébranler tous les autres ; autrement, on détruirait son
propre ouvrage, et on ne parviendrait jamais à clore les
vaisseaux. On ne doit jamais commencer une expérience sans avoir essayé préalablement, les
luts. Il suffit, pour cela, ou de chauffer très-légère- [légèrement] Pagination
originale du document : p.335 ment la cornue A
(pl. IV, fig. 1), ou de souffler de l'air par quelques-uns des tubes s
s' s" s"' ; le changement de pression qui en résulte doit changer le niveau
de la liqueur dans tous les tubes ; mais, si
l'appareil perd air de quelque part, la liqueur se remet bientôt à son niveau ;
elle reste au contraire constamment,
soit au-dessus, soit au-dessous, si l'appareil est bien fermé. On ne doit pas
oublier que c'est de la manière de luter, de la patience, de
l'exactitude qu'on y apporte, que dépendent tous les succès de la chimie moderne : il n'est donc point d'opération qui demande
plus de soins et d'attention. Ce
serait un grand service à rendre aux chimistes et surtout aux chimistes
pneumatiques, que de les mettre en
état de se passer de luts, ou du moins d'en diminuer considérablement le nombre.
J'avais d'abord pensé à faire construire des appareils dont toutes les parties
fussent bouchées à frottement, comme les
flacons bouchés en cristal ; mais l'exécution m'a présenté d'assez grandes difficultés. Il m'a paru préférable de suppléer aux
luts par le moyen de colonnes de mercure, de quelques lignes de hauteur. Je viens de faire exécuter dans cette vue un
appareil dont je vais donner la
description, et dont l’usage me paraît pouvoir être utile et commode dans un
grand nombre de circonstances. Il consiste dans une bouteille A (pl.
XII, fig. 12) à double goulot ; l'un, intérieur, bc, communique avec le dedans de la bouteille ;
l'autre, extérieur, de, qui laisse un intervalle entre lui et le précédent, et qui forme tout autour une profonde
rigole db, ce, destinée à recevoir du mercure. C'est dans cette
rigole qu'entre et s'ajuste le couvercle de verre B. Il a par le bas des
échancrures pour le passage des tubes de
verre destinés au dégagement des gaz. Ces tubes, au lieu de plonger directement
dans la bouteille A, comme dans les appareils ordinaires, se contournent
auparavant, comme on le voit figure 13, pour s'enfoncer dans la rigole ; et
pour passer par-dessus les échancrures du
couvercle B ;ils remontent ensuite pour entrer dans la bouteille, en
passant par-dessus les bords du goulot intérieur. Pagination
originale du document : p.336 Il est aisé de
voir que, lorsque les tubes out été mis en place, que le couvercle B a
été solidement assujetti, et que la rigole db, ce, a été remplie
de mercure, la bouteille se trouve fermée et ne communique plus
à l'extérieur que par les tubes. Un appareil de cette espace sera très-commode dans un
grand nombre d'expériences ; mais on ne pourra le mettre en usage que dans la
distillation des matières qui n'ont point d'action sur le mercure. M.
Séguin, dont les secours actifs et intelligents m'ont été si
souvent utiles, a même déjà commandé dans les verreries des cornues jointes hermétiquement
à des récipients ; en sorte qu'il serait possible de parvenir à n'avoir plus
aucun lut. On
voit (pl. XII, fig. 111) un appareil monté d'après les principes que je viens
d'exposer. Pagination
originale du document : p.337 CHAPITRE VII.
DES OPÉRATIONS RELATIVES À LA COMBUSTION PROPREMENT DITE ET À LA
DÉTONATION.
La combustion n'est autre chose, d'après ce qui a été exposé dans
la première partie de cet ouvrage, que la décomposition du gaz oxygène
opérée par un corps combustible. L'oxygène qui forme la base de ce gaz
est, absorbé, le calorique et la lumière deviennent libres et se dégagent.
Toute combustion entraîne donc avec elle l'idée d'oxygénation, tandis
qu'au contraire l'oxygénation n'entraîne pas essentiellement l'idée de
combustion, puisque la combustion proprement dite ne peut avoir lieu sans
un dégagement de lumière et de calorique. Il faut, pour que
la combustion s'opère, que la base du gaz oxygène ait plus d'affinité avec le
corps combustible qu'elle n'en a avec le calorique : or cette attraction
élective, pour me servir de l'expression de Bergman, n'a lieu qu'à
un certain degré de température, qui même est différent pour chaque substance combustible
; de là la nécessité de donner le premier mouvement à la combustion par
l'approche d'un corps chaud. Cette nécessité d'échauffer le corps qu'on se
propose de brûler tient à des considérations
qui n'ont encore fixé l'attention d'aucun physicien, et auxquelles je demande
la permission de m'arrêter quelques
instants ; on verra qu'elles ne s'éloignent pas de mon sujet. L'état actuel où
nous voyous la nature est un état d'équilibre auquel elle n'a pu arriver
qu'après que toutes les combustions
spontanées possibles, au degré de chaleur dans lequel cous vivons, toutes les
oxygénations possibles, ont eu lieu. Il ne peut donc y avoir de nouvelles combustions
ou oxygénations qu'autant qu'on sort de cet état d'équilibre et qu'on
transporte les substances combustibles dans une tempé- [température] Pagination
originale du document : p.338 rature plus
élevée. Éclaircissons par un exemple ce que cet énoncé peut présenter
d'abstrait. Supposons que la température habituelle de la terre
changeât d'une très- petite quantité, et qu'elle devint seulement
égale a celle de l'eau bouillante : il est évident que, le phosphore étant
combustible beaucoup au-dessous de ce degré, cette substance
n'existerait plus dans la nature dans son état de pureté et de
simplicité ; elle se présenterait touj ours dans l'état d'acide, c'est-à-dire
oxygénée, et son radical serait au nombre des substances inconnues. Il en
serait successivement de même de tous les corps
combustibles, si la température de la terre devenait de plus en plus élevée ;
et on arriverait enfin à un point où toutes les combustions possibles
seraient épuisées où il ne pourrait plus exister de corps
combustibles, où tous seraient oxygénés et, par conséquent, incombustibles.
Revenons donc à dire qu'il ne peut y avoir pour nous de corps combustibles que
ceux qui sont incombustibles au degré de température dans lequel nous vivons ; ou, ce qui
veut dire la même chose en d'autres termes,
qu'il est de l'essence de tout corps combustible, de ne pouvoir jouir de la
propriété combustible qu'autant qu'on l'échauffe et qu'on le transporte au
degré de chaleur où s'opère sa combustion. Ce degré une fois atteint, la
combustion commence, et le calorique qui se dégage par l'effet de la décomposition du gaz oxygène entretient le degré de
température nécessaire pour la continuer.
Lorsqu'il en est autrement, c'est-à-dire, lorsque le calorique fourni par la
décomposition du gaz oxygène n'est pas
suffisant pour que le degré du chaleur nécessaire à la combustion se continue, elle cesse : c'est ce qu'on exprime
lorsqu'on dit que le corps brûle mal, qu'il est difficilement combustible. Quoique la combustion ait quelque chose de
commun avec la distillation, surtout
avec la distillation composée, elle en diffère cependant en un point essentiel.
Il y a bien, dans la distillation,
séparation d'une partie des principes du corps que l'on y soumet, et
combinaison de ces mêmes principes dans un autre ordre, déterminée par les
affinités qui ont lieu à la température à laquelle s'est opérée Pagination
originale du document : p.339 la distillation
; mais il y a plus dans la combustion : il y a addition d'un nouveau principe,
l'oxygène, et dissipation d'un autre principe, le calorique. C'est cette
nécessité d'employer l'oxygène dans l’état de gaz, et d'en
déterminer rigoureusement les quantités, qui rend si embarrassantes les
expériences relatives à la combustion. Une autre difficulté
inséparable de ces opérations tient à ce que les produits qu'elles
fournissent se dégagent presque toujours dans l'état de gaz : si donc il est
difficile de retenir et de rassembler les produits de la distillation, il l'est
bien davantage de recueillir ceux de la combustion ; aussi aucun des
anciens chimistes n'en a-t-il eu la prétention, et ce genre d'expérience
appartient-il absolument à la chimie moderne. Après avoir rappelé d'une manière
générale le but qu'on doit se proposer dans les différentes expériences
relatives à la combustion, je passe à la description des différents appareils
que j'ai imaginés dans cette vue. Je n'adopterai, dans les articles qui
composeront ce chapitre, aucune division relative à la nature des combustibles
; je les classerai relativement à la nature des appareils qui conviennent à
leur combustion.
§ I. DE LA COMBUSTION DU PHOSPHORE ET DU CHARBON.
J'ai déjà
décrit, page 50 de ce volume, les appareils que j'ai employés pour la
combustion du charbon et du phosphore. Cependant, comme j'avais alors plutôt en
vue de donner une idée du résultat de ces combustions que d'enseigner le détail
des procédés nécessaires pour les obtenir, je ne me suis peut-être pas
assez étendu sur la manipulation relative à ce genre d'expériences. On
commence, pour opérer ta combustion du phosphore ou du charbon, par
remplir de gaz oxygène, dans l'appareil pneumato-chimiqne à l'eau (pl. V,
fig. 1), une cloche de 6 pintes au moins de capacité. Lorsqu'elle est pleine à
ras et que le gaz commence à dégorger Pagination
originale du document : p.340 par-dessous, on
transporte cette cloche A sur l'appareil au mercure (pl. IV, fig. 3), à
l'aide d'un vaisseau de verre ou de faïence très-plat, qu'on passe
par-dessous. Cette opération faite, on sèche bien avec du
papier gris la surface du mercure, tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de la
cloche. Cette opération demande quelques précautions : si on n'avait pas
l'attention de plonger le papier gris pendant quelque temps entièrement sous le mercure
avant de l'introduire sous la cloche, on y ferait passer de l'air commun, qui s'attache avec beaucoup de ténacité au
papier. On a, d'un autre côté, une petite
capsule D, de fer ou de porcelaine. plate et évasée, sur laquelle on
place le corps qu'on veut briller, après en avoir très- exactement
déterminé le poids de la balance d'essai ; on recouvre ensuite cette capsule d'une autre un peu plus grande P,
qui fait, à son égard, l'office de la cloche du plongeur, et on fait passer le tout à travers le
mercure ; après quoi on retire à travers le mercure la capsule P qui ne servait en quelque façon
que de couvercle. On peut éviter l'embarras et la difficulté de faire passer les matières à travers le mercure,
en soulevant un des côtés de la cloche pendant un instant presque indivisible, et en introduisant
ainsi, par le passage qu'on s'est ménagé, la capsule avec le corps combustible. Il se mêle, dans cette
manière d'opérer, un peu d'air commun avec le gaz oxygène ; mais ce mélange, qui est peu
considérable, ne nuit ni au succès, ni à l'exactitude de l’expérience. Lorsque la capsule D (pl. IV,
fig. 3) est introduite sous la cloche, on suce une partie du gaz oxygène qu'elle contient pour élever le
mercure jusqu'en EF. Sans cette précaution, dès que le corps combustible serait allumé, la chaleur
dilaterait l'air ; elle en ferait passer une portion par-dessous la cloche, et on ne pourrait plus faire
aucun calcul exact sur les quantités. On se sert, pour sucer l'air, d'un siphon
GHI, qu'on passe par-dessous la cloche ; et, pour qu'il ne s'emplisse
pas de mercure, on tortille à son
extrémité I un petit morceau de papier. Il y a un art pour élever ainsi en suçant
une colonne de mercure Pagination
originale du document : p.341 à une hauteur de plusieurs
pouces au-dessus de son niveau ; si on se contentait d'aspirer l'air avec le poumon, on n'atteindrait qu'à une très-médiocre
élévation, par exemple, d'un pouce ou d'un pouce et demi tout au plus ; encore n'y parviendrait-on
qu'avec de grands efforts ; tandis que, par l'action des muscles de la bouche,
on peut élever sans se fatiguer, ou au moins sans risquer de s'incommoder, le mercure
jusqu'à six et sept pouces. Un moyen plus commode encore est de se servir d'une
petite pompe que l'on adapte au siphon GHI :
on élève alors le mercure à telle hauteur qu'on le juge à propos, pourvu
qu'elle n'excède pas 28 pouces. Si le corps combustible est fort inflammable,
comme le phosphore, on l'allume avec un fer recourbé MN (pl. IV, fig.
16), qu'on fait rougir au feu, et qu'on passe brusquement sous la cloche
; dès qu'il est en contact avec le phosphore, ce dernier s'allume. Pour
les corps moins combustibles, tels que le fer, quelques autres métaux, le
charbon, etc. on se sert d'un petit fragment d'amadou sur lequel on place un
atome de phosphore ; on allume également ce dernier avec un
fer rouge recourbé ; l'inflammation se communique à l'amadou, puis au corps combustible.
Dans le premier instant de la combustion, l’air se dilate et le mercure descend
; mais, lorsqu'il n'y a point de fluide élastique formé, comme dans la combustion
du fer et du phosphore, l'absorption devient bientôt sensible, et
le mercure remonte très-haut dans la cloche. Il faut, en conséquence, avoir attention de ne
point brûler une trop grande quantité du corps combustible dans une quantité donnée d'air ; autrement la capsule,
vers la fin de la combustion, s'approcherait trop du dôme de la cloche, et la grande chaleur pourrait en
occasionner la fracture. J'ai indiqué, chapitre II, §§V et VI, les opérations relatives à la mesure
du volume des gaz, les corrections qu'il faut faire à ce volume, relativement à la hauteur du baromètre et
du degré du thermomètre ; je n'ajouterai rien de plus à cet égard, l'exemple surtout que j'ai cité, page 51, étant
précisément tiré de la combustion du phosphore. Pagination
originale du document : p.342 Le procédé que
je viens de décrire peut être employé avec succès pour la combustion de toutes
les substances
concrètes, et même pour celle des huiles fixes. On brûle ces dernières dans des
lampes, et on les allume avec assez de facilité, sous la cloche, par le moyen
du phosphore, de l’amadou et d'un fer chaud ;
mais ce moyen n'est pas sans dangers pour les substances qui sont susceptibles
de se vaporiser à un degré de chaleur
médiocre, telles que l'éther, l'esprit-de-vin, les huiles essentielles. Ces substances volatiles se dissolvent en assez
grande quantité dans le gaz oxygène ; quand on allume, il se fait une détonation subite, qui enlève la cloche à une
grande hauteur et qui la brise en éclats.
J'ai éprouvé deux de ces détonations, dont les membres de l'Académie ont pensé,
ainsi que moi, être les victimes.
Cette manière d'opérer a, d'ailleurs, un grand inconvénient : elle suffit bien pour déterminer avec quelque exactitude la quantité
de gaz oxygène absorbé et celle d'acide carbonique qui s'est formé ;
mais ces produits ne sont pas les seuls qui résultent de la combustion : il se forme de l'eau toutes les fois qu'on opère sur
des matières végétales ou animales, parce qu'elles contiennent toutes de
l'hydrogène en excès ; or l'appareil que je viens de décrire ne permet ni de la
rassembler, ni d'en déterminer la quantité. Enfin, même pour l'acide
phosphorique, l’expérience est incomplète,
puisqu'il n'est pas possible de démontrer, dans cette manière d'opérer, que le
poids de l'acide est égal à la somme
du poids du phosphore et de celui du gaz oxygène absorbé. Je me suis donc trouvé obligé de varier, suivant les cas, les
appareils relatifs à la combustion, et d'en employer plusieurs de différentes espèces, dont je vais
donner successivement une idée : je commence par celui destiné à la
combustion du phosphore. On prend un grand ballon de verre blanc ou de cristal A
(Pl. IV, fig. 4), dont l’ouverture EF doit
avoir 2 pouces 1/2 à 3 pouces de diamètre. Cette ouverture se recouvre avec une plaque de cuivre jaune ou
laiton usée à l'émeri, et qui est percée de deux trous pour le passage
des tuyaux xxx, yyy. Avant de fermer le ballon avec sa plaque, on
introduit dans son Pagination
originale du document : p.343 intérieur
un support BC surmonté d'une capsule D de porcelaine, sur
laquelle on place le phosphure. On lute ensuite la plaque de cuivre au ballon en EF avec
du lut gras qu'on recouvre avec des bandes de
linge imbibées de blanc d'oeuf et saupoudrées de chaux. On laisse sécher
pendant plusieurs jours, puis on pèse le tout avec une bonne balance.
Ces préparatifs achevés, un adapte une pompe pneumatique au
tuyau xxx, et on fait le vide dans le ballon ; après quoi on introduit
du gaz oxygène par le tuyau yyy, au moyen du gazomètre représenté
pl. VIII, fig. 1, et dont j'ai donné la description, chapitre II,§ II. On allume ensuite
le phosphore avec un verre ardent, et on le laisse brûler jusqu'à ce clac le nuage d'acide phosphorique concret qui se
forme arrête la combustion. Alors on délute et on pèse le ballon. Le poids, déduction faite de la
tare, donne celui de l’acide phosphorique qu'il contient. Il est bon, pour plus d'exactitude, d'examiner l'air ou le gaz
contenu dans le ballon après la combustion,
parce qu'il peut être plus ou moins pesant que l'air ordinaire, et qu'il faut
tenir compte, dans les calculs
relatifs à l’expérience, de cette différence de pesanteur. Les mêmes motifs qui
m'ont engagé à construire un appareil
particulier pour la combustion du phosphore m'ont déterminé de prendre le même parti à l’égard du charbon. Cet
appareil consiste en un petit fourneau conique fait en cuivre battu, représenté en perspective pl. XII,
fig. 9, et vu intérieurement fig. 11. On y distingue le fourneau proprement dit ABC, où doit se
faire la combustion du charbon, la grille de, et le cendrier F. Au milieu du fourneau est un
tuyau GK, par lequel on introduit le charbon, et qui sert en même
temps de cheminée pour évacuer l'air qui a servi à la combustion. C'est par le
tuyau lmn, qui communique avec le gazomètre,
qu'est amené l'air qui est destiné à entretenir la combustion ; cet air se répand dans la capacité du cendrier F, et
la pression qui lui est communiquée par le gazomètre l’oblige à passer par la grille de, et à souffler
les charbons qui sont posés immédiatement dessus. Le gaz oxygène, qui
entre pour les 28/100 dans la composition de l'air Pagination
originale du document : p.344 de l’atmosphère,
se convertit, comme l’on sait, en gaz acide carbonique dans la combustion du charbon.
Le gaz azote, au contraire, ne change point d'état ; il doit rester, après la
combustion, un mélange de gaz azote et de gaz acide carbonique. Pour
donner issue à ce mélange, on a adapté à la cheminée GH un
tuyau op qui s'y visse en G, de manière à ne laisser échapper aucune
portion d'air. Le mélange des deux gaz est conduit par ce tuyau à des
bouteilles remplies de potasse en liqueur et bien dépouillée
d'acide carbonique, à travers laquelle il bouillonne. Le gaz acide carbonique
est absorbé par la potasse, et il ne reste due du gaz azote, qu'on reçoit
dans un second gazomètre pour en déterminer la quantité. Une des
difficultés que présente l'usage de cet appareil est d'allumer le charbon
et de commencer la combustion : voici le moyen d'y parvenir. Avant d'emplir de
charbon le fourneau ABC, on en détermine le poids avec une bonne balance
et de manière à être sûr de ne point commettre une erreur de plus d'un
ou deux grains ; on introduit ensuite dans la cheminée GR le tuyau RS
(figure 10), dont le poids doit également avoir été bien déterminé. Ce
tuyau est creux et ouvert par les deux bouts : son extrémité S doit
descendre jusqu'au fond du fourneau ; elle doit porter sur la grille de
et l’occuper tout entière. Ce n'est qu'après que le tuyau RS a été ainsi
placé, qu'on introduit le charbon dans le fourneau. On le pèse alors de
nouveau, pour connaître la quantité de charbon qui y a été introduite. Ces
opérations préliminaires achevées, on met en place le fourneau, on visse
le tuyau lmn (figure 9) avec celui qui communique avec le gazomètre ; on
visse le tuyau op avec celui qui conduit aux bouteilles
remplies de potasse ; enfin, au moment où l’on veut commencer la
combustion, on ouvre le robinet du gazomètre, et on jette un petit charbon
allumé par l'extrémité R du tuyau RS ; ce charbon tombe
sur la grille, où le courant d'air le maintient allumé. Alors on retire promptement
le tuyau RS ; on visse à la cheminée le tuyau op destiné à évacuer
l'air, et l’on continue la combustion. Pour être assuré qu'elle
est vraiment commencée et que l'opération a réussi, on a ménagé un tuyau
qrs Pagination
originale du document : p.345 garni, à son
extrémité s, d'un verre mastiqué, à travers lequel on peut voir si le charbon
est allumé. J'oubliais de faire observer que ce fourneau et ses
dépendances sont plongés dans une espèce de baquet allongé TVXY (figure
11), qui est rempli d'eau et même de glace, afin de diminuer, autant que l'on
veut, la chaleur de la combustion. Cette chaleur, au surplus, n'est jamais
très-vive, parce qu'il ne peut y avoir de combustion qu'en proportion de l'air qui est
fourni par le gazomètre, et qu'il n'y a, d'ailleurs,
de charbon qui brûle que celui qui porte immédiatement sur la grille. A mesure
qu'une molécule de charbon est
consommée, il en retombe une autre, en vertu de l'inclinaison des parois du
fourneau ; elle se présente au courant d'air qui traverse la grille de, et elle
brûle comme la première. Quant à l'air
qui a servi à la combustion, il traverse la masse de charbon qui n'a pas encore
brûlé, et la pression exercée par le
gazomètre l'oblige de s'échapper par le tuyau op, et de traverser les bouteilles remplies d'alcali. On voit que, dans
cette expérience, on a toutes les données nécessaires pour obtenir une analyse complète de l'air
atmosphérique et du charbon. En effet, on connaît le poids du charbon ; on a, par le moyen du
gazomètre, la mesure de la quantité d'air employée à la combustion ; on peut déterminer la qualité et la
quantité de celui qui reste après la combustion ; on a le poids de la cendre qui s'est rassemblée dans le
cendrier ; enfin, l'augmentation de poids des bouteilles qui contiennent la potasse en liqueur donne la quantité
d'acide carbonique qui s'est formé. On
peut également connaître avec beaucoup de précision, par cette opération, la
proportion de carbone et d'oxygène dont cet acide est composé. Je rendrai
compte, dans les Mémoires de l'Académie, de la suite d'expériences que j'ai
entreprises avec cet appareil sur tous les charbons végétaux et animaux. Il n'est pas difficile de
voir qu'avec très-peu de changements on peut en faire une machine propre
à observer les principaux phénomènes de la respiration. Pagination
originale du document : p.346 Le charbon, au
moins quand il est pur, étant une substance simple, l'appareil destiné à le
brûler ne pouvait pas être très-compliqué. Tout se réduisait à lui
fournir le gaz oxygène nécessaire à sa combustion, et à séparer ensuite
d'avec le gaz azote le gaz acide carbonique qui s'était formé. Les huiles
sont plus composées que le charbon, puisqu'elles résultent de la combinaison au
moins de deux principes, le carbone et l'hydrogène ; il reste, en
conséquence, après qu'on les a brûlées dans l'air commun, de
l'eau, du gaz acide carbonique et du gaz azote. L'appareil qu'on emploie pour
ce genre d'expériences doit avoir pour objet de séparer et de recueillir ces
trois espèces de produits. Je me sers, pour brûler les huiles, d'un
grand bocal A représenté planche XII, figure 4, et de son couvercle,
figure 6. Ce bocal est garni d'une virole de fer BCDE, qui s'applique
exactement sur le bocal en DE, et qui y est solidement mastiquée. Cette
virole prend un plus grand diamètre en BC, et laisse entre elle
et les parois du bocal un intervalle ou rigole xxxx, qu'on remplit de
mercure. Le couvercle représenté figure 5 a, de son côté, en fg une
virole de fer qui s'ajuste dans la rigole xxxx du bocal, et qui
plonge dans le mercure. Le bocal A peut, par ce moyen, se fermer en un instant hermétiquement
et sans lut ; et, comme la rigole peut contenir une hauteur de mercure de 2
pouces, on voit
qu'on peut faire éprouver à l'air contenu dans le bocal une pression de plus de
2 pieds d'eau, sans risquer qu'elle surmonte
la résistance du mercure. Le couvercle figure 5 est percé de quatre trous destinés au passage d'un égal nombre de
tuyaux. L'ouverture T est d'abord garnie d'une boite à cuir, à travers laquelle doit passer la tige
représentée figure 3. Cette tige est destinée à remonter ou à descendre
la mèche de la lampe, comme je l'expliquerai ci-après ; les trois autres trous
h,
i, k, Pagination
originale du document : p.347 sont destinés, savoir : le premier,
au passage du tuyau qui doit amener l'huile ; le second, au passage du tuyau qui doit amener l'air à la lampe pour
entretenir la combustion ; le troisième, au passage du tuyau qui doit donner issue à ce même air lorsqu'il
a servi à la combustion. La lampe destinée à baller l'huile dans le bocal est représentée séparément, figure 2 de la
même planche ; on y voit le réservoir
à huile a avec une espèce d'entonnoir par lequel on le remplit ; le siphon bcdefgb,
qui fournit l'huile a la lampe ;
le tuyau 7, 8, 9, 10, qui amène l'air du gazomètre à la même lampe. Le tuyau bc est taraudé extérieurement dans sa partie
inférieure b, et se visse dans un écrou contenu dans le couvercle du réservoir a ; par ce moyen, en tournant le
réservoir, on peut le faire monter ou descendre
et amener l'huile à la lampe, au niveau où on le juge à propos. Quand on veut
remplir le siphon et établir la
communication entre l'huile du réservoir a et celle de la lampe 11, on ferme
d'abord le robinet c, on ouvre celui e, et on verse l'huile par l'ouverture f
qui est au haut du siphon. Dès
qu'on voit paraître l'huile dans la lampe 11 à un niveau convenable,
c'est-à-dire à trois ou quatre lignes
des bords, on ferme le robinet k ; on continue à verser de l'huile par
l'ouverture e pour remplir la branche bcd. Quand elle est remplie, on ferme le
robinet f, et alors les deux branches du siphon étant pleines d'huile sans interruption, la
communication du réservoir à la lampe est établie. La figure 1, même planche XII, représente la coupe de
la lampe grossie pour rendre les détails plus frappants et plus sensibles. On y voit, le tuyau ik, qui apporte
l'huile ; aaaa, la capacité qu'occupe la mèche ; 9 et 10, le tuyau qui apporte l'air à la lampe : cet air se
répand dans la capacité dddddd, puis il se distribue par le canal ecce et par celui bbbb, en
dedans et en dehors de la mèche, à la manière des lampes d'Argand, Quinquet et Lange. Pour faire mieux connaître
l'ensemble de cet appareil, et pour que Pagination
originale du document : p.348 sa description
même rende plus facile l'intelligence de tous les autres de même genre, je l'ai
représenté tout entier en perspective planche XI. On y voit le gazomètre
P, qui fournit l’air ; l'ajutage 1 et 2, par lequel il sort, et qui
est garni d'un robinet 1 ; 2 et 3, un tuyau qui communique de ce premier
gazomètre à un second, que l'on emplit pendant que le premier se vide, afin que
l'émission de l'air se fasse sans interruption pendant tout le
temps que doit durer l’opération ; 4 et 5, un lobe de verre garni d'un
sel déliquescent en morceaux médiocrement gros, afin que l'air, en se
distribuant dans les interstices, y dépose une grande partie de l'eau
qu'il tenait en dissolution. Comme on tonnait le poids du tube
et celui du sel déliquescent qu'il contient, il est touj ours facile de
connaître la quantité d'eau qu'il a absorbée. Du tube 4 et 5, que je
nommerai tube déliquescent, l'air est conduit de la lampe 11 par
le tube 5, 6, 7, 8, 9, 10. Là il se divise ; une partie vient alimenter la
flamme par dehors,
l'autre par dedans, à la manière des lampes d'Argand, Quinquet et Lange. Cet
air, dont une partie a ainsi serti à la
combustion de l'huile, forme avec elle, en l'oxygénant, du gaz acide carbonique et de l'eau. Une partie de cette eau se
condense sur les parois du bocal A ; une autre partie est tenue en dissolution dans l'air par la
chaleur de la combustion ; mais tel air, qui est poussé par la pression qu'il reçoit du gazomètre, est
oblige de passer par le tuyau 12, 13 14 et 15, d'où il est conduit dans la bouteille 16 et dans le serpentin
17 et 18, où l'eau achève de se condenser à mesure que l'air se refroidit. Enfin, si quelque peu d'eau
restait encore en dissolution dans l’air, elle serait absorbée par le sel déliquescent contenu dans le
tube 19 et 20. Toutes les précautions qu'on vient d'indiquer n'ont d'autre objet que de recueillir
l'eau qui s'est formée, et d'en déterminer la quantité : il reste ensuite à évaluer l’acide carbonique et le
gaz azote. On y parvient au moyen des bouteilles 22 et 25, qui sont à moitié remplies de potasse en
liqueur et dépouillées d'acide carbonique par la chaux. L'air qui a servi à la combustion y est conduit
par les tuyaux 20, 21, 23 et 24 , et il y dépose le gaz acide carbonique
qu'il contient. On n'a Pagination
originale du document : p.349 représenté dans
cette figure, pour la simplifier, que deux bouteilles remplies de potasse en
liqueur ; mais
il en faut beaucoup davantage, et je ne crois pas qu'on puisse en employer
moins de neuf. Il est bon de mettre dans la
dernière de l'eau de chaux, qui est le réactif le plus sur et le plus sensible
pour reconnaître l'acide carbonique
: si elle ne se trouble pas, on peut être assuré qu'il ne reste pas de gaz acide carbonique dans l'air, du moins en quantité
sensible. Il ne faut pas croire que l'air qui a servi à la combustion, lorsqu'il a traversé les neuf
bouteilles, ne contienne plus que du gaz azote : il est encore mêlé d'une assez grande quantité de gaz oxygène
qui a échappé à la combustion. On fait passer
ce mélange à travers un sel déliquescent contenu dans le tube de verre 28 et
29, afin de le dépouiller des
portions d'eau qu'il aurait pu dissoudre en traversant les bouteilles de
potasse et d'eau de chaux. Enfin, on
conduit le résidu d'air à un gazomètre par le tuyau 29 et 30 ; on en détermine
la quantité ; on en prend des
échantillons, qu'on essaye par le sulfure de potasse, afin de savoir la proportion de gaz oxygène et de gaz azote qu'il
contient. On sait que, dans la combustion des huiles, la même mèche se charbonne au bout. d'un certain
temps, et qu'elle s'obstrue. Il y a d'ailleurs une longueur déterminée de mèche qu'il faut atteindre,
mais qu'il ne faut pas outre-passer, sans quoi il monte par les tuyaux
capillaires de la mèche plus d'huile que le courant d'air n'en peut consommer, et la lampe fume. Il était donc nécessaire qu'on
pût allonger ou raccourcir la mèche de dehors et sans ouvrir l'appareil : c'est à quoi on est parvenu,
au moyen de la tige 31, 32, 33 et 34, qui passe à travers une boîte à cuir et qui répond au porte-mèche. On
a donné à cette tige un mouvement très-doux, au moyen d'un pignon qui engrène dans une crémaillère. On voit cette tige et
ses accessoires représentés
séparément, pl. XII, fig. 3. Il m'a semblé encore qu'en enveloppant la flamme
de la lampe avec un petit bocal de verre ouvert par les deux bouts la
combustion en allait mieux. Ce bocal est en place dans la planche XI. Pagination
originale du document : p.350
§ III. DE LA COMBUSTION DE L'ESPRIT-DE-VIN OU ALCOOL. La
combustion de l'alcool peut, à la rigueur, se faire dans l'appareil qui a été décrit ci- dessus pour la combustion
du chardon et pour celle du phosphore.
On place sous une cloche A (pl. IV, fig. 3) une lampe remplie d'alcool ;
on attache à la mèche un atome de phosphore, et ou allume avec un fer
recourbé qu'on passe par-dessous la cloche ; mais cette
manière d'opérer est susceptible de beaucoup d'inconvénients. Il serait d'abord
imprudent d'employer du gaz oxygène, par la crainte de la
détonation : on n'est pas mène entièrement exempt de ce risque lorsqu'on emploie de
l'air atmosphérique, et j'en ai fait, en présence Pagination
originale du document : p.351 de quelques
membres de l’Académie, une preuve qui a pensé leur devenir funeste ainsi qu'à
moi. Au lieu de préparer l’expérience, comme j'étais dans
l’habitude de le faire, au moment même où je devais opérer,
je l'avais disposée dès la veille. L'air atmosphérique contenu dans la cloche
avait eu en conséquence le temps de dissoudre de l'alcool ; la
vaporisation de l’alcool avait même été favorisée par la hauteur
de la colonne de mercure, que j'avais élevée en EF (pl. IV, fig. 3). En
conséquence, au moment où je voulus allumer le petit morceau de
phosphore et la lampe avec le fer rouge, il se fit une détonation
violente, qui enleva la cloche et qui la brisa en mille pièces contre le
plancher du laboratoire. Il résulte de l’impossibilité où l'on est
d'opérer dans du gaz oxygène, qu'on ne peut brûler par ce moyen que de très-
petites quantités d'alcool, de 10 à 12 grains par exemple, et les erreurs
qu'on peut commettre sur d'aussi petites quantités ne permettent de prendre
aucune confiance dans les résultats. J'ai essayé, dans les expériences dont
j'ai rendu compte à l’Académie (voy. Mém. de l’Acad. année 1784, page 593) de
prolonger la durée de la combustion, en allumant la lampe d'alcool ; dans
l'air ordinaire, et en refournissant ensuite du gaz oxygène sous la cloche, à
mesure qu'il s'en était consommé ; mais le gaz acide carbonique
qui se forme met obstacle à la combustion, d'autant plus
que l'alcool est peu combustible et qu'il brûle difficilement dans de l'air
moins bon que fait commun ; on ne peut donc encore brûler de cette
manière que de très-petites quantités d'alcool. Peut-être cette
combustion réussirait-elle dans l’appareil représenté planche XI ; mais je n'ai
pas osé l'y tenter. Le bocal A, où se fait la combustion, a
environ 1,400 pouces cubiques de capacité ; et, s'il se faisait une détonation
dans un aussi grand vaisseau, elle aurait des suites terribles, dont il serait difficile
de se garantir. Je ne renonce pas cependant à la tenter. C'est par une suite de
ces difficultés que je me suis borné, jusqu'ici, à des expériences très en
petit sur l'alcool, ou bien à des combustions faites dans des vaisseaux ouverts,
comme dans l'appareil représenté Pagination
originale du document : p.352 planche IX,
figure 5, dont je donnerai la description dans le § V de ce chapitre. Je
reprendrai dans d'autres temps la suite de ce travail, si, du moins, je
puis parvenir à lever les obstacles qu'il m'a présentés jusqu'ici.
§ IV. DE LA
COMBUSTION DE L’ÉTHER.
La combustion de l'éther en vaisseaux clos
ne comporte pas précisément les mêmes difficultés que celles de l’alcool, mais
elle en présente d'un autre genre, qui ne sont pas moins difficiles à vaincre,
et qui m'arrêtent encore dans ce moment. J'avais cru pouvoir profiter, pour
opérer cette combustion, de la propriété qu'a l’éther de se dissoudre dans
l'air de l’atmosphère et de le rendre inflammable sans détonation. J'ai fait
construire, d'après cette idée, un réservoir à éther abcd (pl.
XII, fig. 8), auquel l'air du gazomètre est amené par un tuyau 1, 2,
3, 4. Cet air se répand d'abord dans un double fond pratiqué à la partie
supérieure ac du réservoir. Là il se distribue par sept tuyaux descendants
ef,
gh, ik,
etc. et la
pression qu'il reçoit de la part du gazomètre l’oblige de bouillonner à travers
l’éther contenu dans le vase abcd. On peut à mesure que
l’éther est ainsi dissous et emporté par l'air, en rendre au réservoir abcd, au
moyen d'un réservoir supplémentaire E, porté par un tuyau de
cuivre op, de 15 à 18 pouces de haut, et qui se ferme au moyen
d'un robinet. J'ai été obligé de donner une assez grande hauteur à ce tuyau,
afin que l’éther qui est contenu dans le flacon F, puisse vaincre
la résistance occasionnée par la pression exercée par le
gazomètre. L'air, ainsi chargé de vapeurs d'éther, est repris par le tuyau 5,
6, 7, 8, 9, et conduit dans le bocal A, où il s'échappe par un
ajutoir très-fin, à l’extrémité duquel on l’allume. Ce même air, après
avoir servi à la combustion, passe par la bouteille 16, planche XI, par le
serpentin 17 et
18, et par le tube déliquescent, où il dépose l'eau dont Pagination
originale du document : p.353 il s'était chargé
; le gaz acide carbonique est ensuite absorbé par l’alcali contenu dans les
bouteilles 22 et 25. Je supposais, lorsque j'ai fait construire cet
appareil, que la combinaison d'air atmosphérique et d'éther qui s'opère dans
le réservoir abcd (pl. XII, fig. 8) était dans la juste proportion qui
convient à la combustion, et, c'est en quoi j'étais dans l'erreur : il y a un
excès d'éther très-considérable,
et il faut, en conséquence, une nouvelle combinaison d'air atmosphérique pour obérer la combustion totale. Il en résulte qu'une
lampe construite de cette manière brûle dans l'air ordinaire, qui fournit la quantité d'oxygène
manquante pour la combustion, mais qu'elle ne peut brûler dans des vaisseaux où l'air ne se
renouvelle pas. Aussi la lampe s'éteignait-elle peu de temps après qu'elle était enfermée dans le bocal 1 (pl.
XII, fig. 8). Pour remédier à cet inconvénient, j'ai essayé d'amener à
cette lampe de l'air atmosphérique par un tuyau latéral 10, 11, 12 , 13, 14 et
15 ; et je l'ai distribué circulairement
autour de la mèche ; mais, quelque léger que fût le courant d'air, la flamme
était si mobile, elle tenait si peu à la mèche, qu'il suffisait pour la
souiller ; en sorte que je n'ai point
encore pu réussir à la combustion de l'éther. Je ne désespère cependant pas d'y
parvenir, au moyen de quelques
changements que je fais faire a cet, appareil.
§ V. DE LA COMBUSTION DU GAZ HIDROGÈNE ET DE LA FORMAT1ON DE L’EAU. La
formation de l'eau a cela de particulier,
que les deux substances qui y concourent, l'oxygène et l'hydrogène, sont l'une
et l'autre dans l'état aériforme avant
la combustion, et que l'une et l'autre se transforment, par le résultat de cette opération, en une substance liquide, qui est
l'eau. Cette combustion serait donc fort simple et n'exigerait pas des
appareils fort compliqués, s'il était possible de se procurer des gaz oxygène
et hydrogène parfaitement purs et qui fussent combustibles sans reste. Pagination
originale du document : p.354 On pourrait
alors opérer dans de très-petits vaisseaux ; et, en y refournissant
continuellement les deux gaz dans la proportion convenable, on
continuerait indéfiniment la combustion. Mais, jusqu'ici, les chimistes n'ont encore employé
que du gaz oxygène mélangé de gaz azote. Il en est résulté qu'ils n'ont pu entretenir que pendant un temps limité et
très-court la combustion du gaz hydrogène dans des vaisseaux clos et eu effet,
le résidu de gaz azote augmentant continuellement, la flamme s'affaiblit et elle finit par s'éteindre. Cet
inconvénient est d'autant plus grand, que le gaz oxygène qu'on emploie est
moins pur : il faut alors, ou cesser la combustion et se résoudre à n'opérer
que sur de petites quantités, ou
refaire le vide pour se débarrasser du gaz azote : mais, dans ce dernier cas,
on vaporise une portion de l’eau qui
s'est formée, et il en résulte une erreur d'autant plus dangereuse, qu'on n'a pas de moyen sûr de l'apprécier. Ces
réflexions me font désirer de pouvoir répéter un jour les principales expériences de la chimie
pneumatique avec du gaz oxygène absolument exempt de mélange de gaz azote, et le sel muriatique oxygéné
de potasse en fournit les moyens. Le gaz oxygène qu'on en retire ne paraît contenir de l'azote qu'accidentellement
; en sorte qu'avec des précautions on pourra l'obtenir parfaitement pur. En
attendant que j'aie pu reprendre cette suite d'expériences, voici l'appareil que nous avons employé, M. Meusnier et
moi, pour la combustion du gaz hydrogène. Il n'y aura rien à y changer
lorsqu'on aura pu se procurer des gaz purs, si ce n'est qu'on pourra diminuer la capacité du vase où se
fait la combustion. J'ai pris un matras ou un ballon large ouverture A (pl. IV ; fig. 5), et j'y
ai adapté une platine BC, à laquelle était soudée une douille creuse de cuivre gFD, fermée par le haut,
et à laquelle venaient aboutir trois tuyaux. Le premier dDd' se
terminait en d' par une ouverture très-petite et à peine capable de laisser
passer une aiguille fine ; il
communiquait avec le gazomètre représenté pl. VIII, fig. 1, lequel était rempli
de gaz hydrogène. Le tuyau opposé gg communiquait avec un autre gazomètre tout
semblable, qui était rempli de gaz Pagination
originale du document : p.355 oxygène ; un
troisième tuyau Hh s'adaptait à une machine pneumatique, pour qu'on pût faire
le vide dans le ballon A ; enfin la platine BC était,
en outre, percée d'un trou garni d'un tube de verre à travers lequel passait un
fil de métal gL, à l'extrémité duquel était adaptée une petite boule L
de cuivre, afin qu'on prit tirer une étincelle électrique de L en d'
et allumer ainsi le gaz hydrogène amené par le tuyau dDd’. Pour
que les deux gaz arrivassent aussi secs qu'il était possible, on avait rempli
deux tubes MM, NN, de 1 pouce 1/2, de diamètre environ, et de 1 pied de
longueur, avec de la potasse concrète bien dépouillée d'acide carbonique et concassée eu
morceaux assez gros pour que les gaz pussent
passer librement entre les interstices. J'ai éprouvé, depuis, que du nitrate ou
du mariste de chaux bien secs et en
poudre grossière étaient préférables à la potasse, et qu'ils enlevaient plus d'eau
à une quantité donnée d'air. Pour opérer avec cet appareil, on commence par
faire le vide dans le ballon A, au
moyen de la pompe pneumatique adaptée au tuyau FHh ; après quoi on y introduit du gaz oxygène, en tournant le robinet 1
du tube gg. Le degré du limbe du gazomètre observé avant et après l’introduction du gaz indique la quantité qui en
est entrée dans le ballon. On ouvre
ensuite le robinet s du tube dDd' afin de faire arriver le gaz hydrogène
; et aussitôt, soit avec une machine
électrique, soit avec une bouteille de Leyde, on fait passer une étincelle de
la boule L à l'extrémité d' du tube
par lequel se fait l'écoulement du gaz hydrogène, et il s'allume aussitôt. Il
faut, pour que la combustion ne soit
ni trop lente ni trop rapide, que le gaz hydrogène arrive avec une pression de 1 pouce 1/2, à 2 pouces d'eau, et que
le gaz oxygène n'arrive, au contraire, qu'avec trois lignes au plus de
pression. La combustion ainsi commencée, elle se continue, mais en
s'affaiblissant à mesure que la quantité de gaz azote qui reste de la
combustion des deux gaz augmente. Il arrive enfin un moment où la
portion de gaz azote devient telle, que la combustion ne peut plus avoir lieu, Pagination
originale du document : p.356 Pagination
originale du document : p.357 A l'extrémité
inférieure du tuyau intérieur K s'adapte un tube de verre, et au-dessous une
lampe à esprit-de-vin LM, à la Quinquet. Les choses ainsi
préparées, et la quantité d'alcool contenue dans la lampe ayant été
bien déterminée, on allume. L'eau qui se forme pendant la combustion de
l’alcool s'élève
par le tube KE ; elle se condense dans le serpentin contenu dans le seau
ABCD, et va ressortir en état d'eau
par l'extrémité F du tube, on elle est reçue dans une bouteille P. La
double enveloppe GR est destinée à empêcher que le tube ne se
refroidisse dans sa partie montante, et que l'eau ne s'y condense. Elle
redescendrait le long du tube, sans qu'on pût en déterminer la quantité ; il
pourrait, d'ailleurs, en retomber sur la mèche des gouttes qui ne manqueraient
pas de l'éteindre. L'objet de cet appareil
est donc d'entretenir touj ours chaude toute la partie GH, que j'appelle
la cheminée, et toujours froide, au
contraire, la. partie qui forme le serpentin proprement dit ; en sorte que
l'eau soit touj ours dans l'état de
vapeurs dans la partie montante, et qu'elle se condense sitôt qu'elle est engagée dans la partie descendante. Cet appareil a
été imaginé par M. Meusnier : j'en ai donné la description dans les Mémoires de l'Académie, année 1784, pages 593 et
594. On peut, en opérant avec
précaution, c'est-à-dire en entretenant l'eau qui environne le serpentin touj
ours froide, retirer près de 17 onces
d'eau de la combustion de 16 onces d'esprit- de-vin ou alcool.
§ VI. DE
L'OXYDATION DES MÉTAUX. On désigne principalement par le nom de calcination ou
oxydation une opération dans laquelle les métaux, exposés à un certain degré de
chaleur, se convertissent en oxydes,
en absorbant l'oxygène de l'air. Cette combinaison se fait en raison de ce que
l'oxygène a plus d'affinité, du moins à un certain degré de température, avec
les métaux, Pagination
originale du document : p.358 qu'il n'en a
avec le calorique. En conséquence, le calorique devient libre et se dégage ;
mais, comme l’opération, lorsqu'elle se fait dans fait commun, est
successive et lente, le dégagement du calorique est peu
sensible. Il n'en est pas de même lorsque la calcination s'opère dans le gaz
oxygène ; elle se fait alors d'une manière beaucoup plus rapide, elle est
souvent accompagnée de chaleur et de lumière ; eu sorte qu'on
ne peut douter que les substances métalliques ne soient de véritables corps
combustibles. Les métaux n'ont pas tous le même degré d'affinité pour
l’oxygène. L'or et l'argent, par exemple, et même le platine, ne
peuvent l’enlever au calorique, à quelque degré de chaleur que ce soit.
Quant aux autres métaux, ils s'en chargent d'une quantité plus ou moins grande,
et, en général, ils en absorbent jusqu'à ce que ce principe soit
en équilibre entre la force du calorique qui le retient, et celle du métal qui
l'attire. Cet équilibre est une loi générale de la nature dans toutes les
combinaisons. Dans les opérations de docimasie et dans toutes celles relatives
aux arts, on accélère l’oxydation du métal en donnant un libre accès à fait extérieur. Quelquefois
même on y joint faction d'un soufflet dont le
courant est dirigé sur la surface du métal. L'opération est encore plus rapide,
si on souffle du gaz oxygène ; ce qui
est très-facile à l'aide du gazomètre dont j'ai donné la description. (Voyez page 257.) Alors le métal brêle avec
flamme, et l’oxydation est terminée en quelques instants ; maison ne peut employer ce dernier moyen due pour
des expériences très en petit, à cause de la cherté du gaz oxygène. Dans l’essai des mines, et, en général, dans toutes
les opérations courantes des
laboratoires, on est dans l’usage de calciner ou oxyder les métaux sur un plat
ou soucoupe de terre cuite (pl. IV,
fig. 6), qu'on place sur un bon fourneau : on nomme ces plats ou soucoupes têts
à rôtir. De temps en temps on remue
la matière qu'on veut calciner, afin de renouveler les surfaces. Toutes les fois qu'on opère sur une substance
métallique qui n'est pas volatile, et qu'il ne se dissipe rien pendant
l'opération, il y a aug- [augmentation] Pagination
originale du document : p.359 mentation de
poids du métal. Mais des expériences faites ainsi en plein air n'auraient
jamais conduit à reconnaître la cause de l'augmentation du poids des
métaux pendant leur oxydation. Ce n'est que du moment où
l'on a commencé à opérer dans des vaisseaux fermés et dans des quantités déterminées
d'air, qu'on a été véritablement sur la voie de la découverte des causes de ce
phénomène. Un premier moyen, qu'on doit à M. Priestley, consiste à
exposer le métal qu'on se propose de calciner sur une capsule N de
porcelaine (Pl. IV, fig. 11), placée sur un support un peu élevé IK ; à
le recouvrir avec une cloche de cristal A, plongée dans un bassin
plein d'eau BCDE, et à élever l'eau jusqu'en GH, en
suçant l'air de la cloche avec un siphon qu'on passe par-dessous ; on fait
ensuite tomber sur le métal le foyer d'un verre ardent. En
quelques minutes l'oxydation s'opère : une partie de l'oxygène
contenu dans l'air se combine avec le métal ; il y a une diminution
proportionnée dans le volume de l'air, et ce qui reste n'est plus que du
gaz azote, encore mêlé cependant d'une petite quantité de gaz
oxygène. J'ai exposé le détail des expériences que j'ai faites avec cet
appareil dans mes opuscules physiques et chimiques, imprimés en 1773,
pages 283, 284, 285 et 286. On peut substituer le mercure à l'eau, et
l'expérience n'en est que plus concluante. Un autre procédé dont j'ai exposé
le résultat dans les Mémoires de l'Académie, année 1774, page 361, et dont la
première idée appartient
à Boyle, consiste à introduire le métal sur lequel on veut opérer dans une
cornue A (pl. III, fig. 20), dont on tire à la lampe l'extrémité du col,
et qu'on ferme hermétiquement en C. On oxyde ensuite le métal, en tenant la cornue sur un feu de charbon, et en
chauffant avec précaution. Le poids du
vaisseau et des matières qu'il contient ne change pas, tant qu'on n'a pas rompu
l'extrémité C du bec de la
cornue ; mais, sitôt qu'on procure à l'air extérieur une issue pour rentrer, il
se fait avec sifflement. Cette opération ne serait pas sans quelque danger, si
on scellait hermétiquement la cornue
sans avoir fait sortir auparavant une portion de l'air qu'elle contenait ; la
dilatation occasionnée par la chaleur Pagination
originale du document : p.360 pourrait faire éclater le vaisseau,
avec risque pour ceux qui le tiendraient ou qui seraient dans le voisinage. Pour prévenir ce danger, on doit faire
chauffer la cornue avant de la sceller à la lampe, et en faire sortir une
portion d'air qu'on reçoit sous une cloche dans l'appareil pneumato-chimique,
afin de pouvoir en déterminer la
quantité. Je n'ai point multiplié, autant que je l'aurais désiré, ces
oxydations, et je n'ai obtenu de résultats satisfaisants qu'avec l'étain : le
plomb ne m'a pas bien réussi. Il
serait à souhaiter que quelqu'un voulût bien reprendre ce travail et tenter
l'oxydation dans différents gaz : il
serait, je crois, bien dédommagé des peines attachées à ce genre d'expériences.
Tous les oxydes de mercure étant susceptibles de se revivifier sans
addition, et de restituer dans son état de
pureté l'oxygène qu'ils ont absorbé, aucun métal n'était plus propre à devenir
le sujet d'expériences très-concluantes sur la calcination et l'oxydation des
métaux. J'avais d'abord tenté, pour opérer l'oxydation du mercure dans les
vaisseaux fermés, de remplir une cornue de gaz oxygène, d'y introduire une petite portion de mercure et d'adapter à son
col une vessie à moitié remplie de
gaz oxygène, comme on le voit représenté pl. IV, fig. 19. Je, faisais ensuite
chauffer le mercure de la cornue, et, en continuant très-longtemps
l'opération, j'étais parvenu à en oxyder une petite
portion, et à former de l'oxyde rouge qui nageait à la surface ; mais la
quantité de mercure que je suis
parvenu à oxyder de cette manière était si petite, que la moindre erreur
commise dans la détermination des
quantités de gaz oxygène avant et après l'oxydation aurait jeté la plus grande incertitude sur mes résultats. J'étais touj ours
inquiet d'ailleurs, et non sans de justes raisons, qu'il ne se fût échappé de l'air à travers les pores de la
vessie, d'autant plus qu'elle se racornit, pendant l'opération, par la chaleur du fourneau dans
lequel on opère, à moins qu'on ne la recouvre de linges entretenus touj ours humides. On opère d'une
manière plus sûre avec l'appareil représenté pl. IV, fig. 2. (Voyez Mémoires de l’Académie, année 1775, p.
580.) Il consiste en une cornue A , au bec de laquelle on soude,
à la lampe d'émailleur, Pagination
originale du document : p.361 un tuyau de
verre recourbé BCDE, de 10 à 12 lignes de diamètre, qui s'engage sous
une cloche FG contenue et retournée dans un bassin plein d'eau, ou
de mercure. Cette cornue est soutenue sur les barres d'un
fourneau MMNN : on peut aussi se servir d'un bain de sable. On parvient,
avec cet appareil, à oxyder en plusieurs jours un peu de mercure
dans l'air ordinaire, et à obtenir un peu d'oxyde rouge qui
nage à la surface ; on peut même le rassembler, le revivifier et comparer les quantités de gaz obtenu avec
l'absorption qui a lieu pendant la calcination (voyez, page 36, le détails que j'ai donnés sur cette expérience) ; mais ce
genre d'opération ne pouvant se faire que très en petit, il reste touj ours de l'incertitude sur les
quantités. La combustion du fer dans le gaz oxygène étant une véritable oxydation, je dois en faire mention ici.
L'appareil qu'emploie M. Ingenhousz pour cette opération est représenté pl. IV, fig. 17. J'en ai déjà donné la
description, page 39, et je ne puis qu'y renvoyer. On peut aussi brûler et oxyder du fer sous des cloches de verre
remplies de gaz oxygène, de la même
manière qu'on brille du phosphore ou du charbon. On se sert également, pour
cette opération, de l'appareil
représenté pl. IV, fig. 3, et dont j'ai donné la description, page 40. Il faut,
dans cette expérience, comme dans la combustion. attacher, à l'une des
extrémités du fil de fer ou des
copeaux de fer, qu'on se propose de brûler, un petit morceau d'amadou et un
atome de phosphore : le fer chaud
qu'on passe sous la cloche allume le phosphore ; celui-ci allume l'amadou, et l'inflammation se communique au fer. M. Ingenhousz
nous a appris qu'on pouvait brûler ou oxyder de la même manière tous les métaux, à l'exception de l'or, de l'argent et
du mercure. Il ne s'agit que de se
procurer ces métaux en fils très-fins ou en feuilles minces coupées par bandes
; on les tortille avec du fil de fer ;
et ce dernier métal communique aux autres la propriété de s'enflammer et de s’oxyder. Nous venons de voir comment on parvenait
à oxyder de très-petites quantités de mercure dans les vaisseaux fermés
et dans des volumes d'air limités : ce n'est de même qu'avec beaucoup de peine
qu'on par- [parvient] Pagination
originale du document : p.362 vient à oxyder
ce métal, même à l'air libre. On se sert ordinairement dans les laboratoires,
pour cette opération, d'un matras A (pl. IV, fig. 10) à cul
très-plat, qui a un col BC très-allongé et terminé par une
très-petite ouverture : ce vaisseau porte le nom d'enfer de Boyle. On y
introduit assez de mercure pour couvrir son fond, et on le place sur un bain de sable
qu'on entretient à un degré de chaleur fort approchant
du mercure bouillant. En continuant ainsi, pendant plusieurs mois, avec cinq ou
six de ces matras, et en renouvelant
de temps en temps le mercure, on parvient à obtenir quelques onces de cet oxyde. Cet appareil a un grand inconvénient,
c'est que l’air ne s'y renouvelle pas assez ; mais, d'un autre côté, si
on donnait à l’air extérieur une circulation trop libre, il emporterait avec
lui du mercure en dissolution, et, au bout de
quelques jours, on n'en retrouverait plus dans le vaisseau. Comme, de toutes
les expériences que l'on peut faine sur l'oxydation des métaux, celles sur le
mercure sont les plus concluantes, il serait à souhaiter qu'on pût imaginer un
appareil simple, au moyen duquel on pût démontrer cette oxydation et les
résultats qu'on en obtient dans les cours publics. On y parviendrait, ce me semble, par des moyens analogues à
ceux que j'ai décrits pour la combustion
des huiles ou du charbon ; mais je n'ai pu reprendre encore ce genre
d'expériences. L'oxyde de mercure se
revivifie, comme je l'ai dit, sans addition ; il suffit de le faire chauffer à
un degré de chaleur légèrement rouge.
L'oxygène, à ce degré, a plus d'affinité avec le calorique qu'avec le mercure, et il se forme du gaz oxygène ; mais ce
gaz est toujours mêlé d'un peu de gaz azote, ce qui indique que le
mercure en absorbe une petite portion pendant son oxydation. Il contient aussi presque touj ours un peu de gaz acide carbonique ;
ce qu'on doit sans doute attribuer aux ordures qui s'y mêlent, qui se charbonnent et qui
convertissent ensuite une portion de gaz oxygène en gaz acide carbonique.
Si les chimistes étaient réduits à tirer de l'oxyde de mercure fait Pagination
originale du document : p.363 par voie de
calcination tout le gaz oxygène qu'ils emploient dans leurs expériences, le
prix excessif de cette préparation rendrait absolument impraticables
les expériences un peu en grand. Mais on peut également
oxygéner le mercure par l’acide nitrique, et on obtient un oxyde rouge plus pur
que celui même qui a été fait par voie de calcination. On le trouve
tout préparé dans le commerce et à un prix modéré : il faut choisir de
préférence celui qui est en morceaux solides et formé de lames douces au toucher
et qui tiennent ensemble. Celui qui est en poudre est quelquefois mélangé
d'oxyde rouge de plomb : il ne paraît pas que celui en morceaux solides
soit susceptible de la même altération. J'ai quelquefois
essayé de préparer moi-même cet oxyde par l'acide nitrique : la dissolution du
métal faite, j'évaporais jusqu'à siccité, et je calcinais le sel, ou dans des
cornues, ou dans des capsules faites avec des fragments de matras
coupés par la méthode que j'ai indiquée ; mais jamais je n'ai pu parvenir à l’avoir aussi beau
que celui du commerce. On le tire, je crois, de Hollande. Pour obtenir le gaz oxygène de l’oxyde de mercure, j'ai coutume de
me servir d'une cornue de porcelaine à laquelle j'adapte un long tube de verre, qui s'engage sous des cloches dans
l’appareil pneumato-chimique à l'eau.
Je place au bout du tube un vase plongé dans l'eau, dans lequel se rassemble le
mercure à mesure qu'il se revivifie. Le gaz oxygène ne commence à passer
que quand la cornue devient rouge. C'est un
principe général que M. Berthollet a bien établi, qu'une chaleur obscure ne
suffit pas pour former du gaz oxygène ; il faut de la lumière : ce qui
semble prouver que la lumière est un de ses principes
contituants. On doit, dans la revivification de l'oxyde rouge de mercure,
rejeter les premières portions de gaz
qu'on obtient, parce qu'elles sont mêlées d'air commun en raison de celui contenu dans le vide des vaisseaux : mais, avec
cette précaution même, on ne parvient pas à obtenir du gaz oxygène parfaitement pur ; il contient
communément un dixième de gaz azote, et presque touj ours une très-petite portion de gaz acide carbonique. On se
débarrasse de ce dernier au moyen d'une liqueur alcaline caustique, à
travers laquelle on fait Pagination
originale du document : p.364 passer le gaz
qu'on a obtenu. A l'égard du gaz azote, on ne connaît aucun moyen de l'en
séparer ; mais on peut en connaître la quantité en laissant le gaz
oxygène pendant une quinzaine de jours en contact avec du sulfure de soude ou
de potasse. Le gaz oxygène est absorbé ; il forme de l'acide sulfurique avec le
soufre, et il ne reste que le gaz azote seul. Il y a beaucoup d'autres moyens
de se procurer
du gaz oxygène : on peut le tirer de l'oxyde noir de manganèse ou du nitrate de
potasse par une chaleur rouge, et l'appareil
qu'on emploie est à peu près le même que celui que j'ai décrit pour l'oxyde rouge de mercure. Il faut seulement un
degré de chaleur plus fort et au moins égal à celui qui est susceptible de ramollir le verre : on ne
peut, en conséquence, employer que des cornacs de grès ou de porcelaine. Mais le meilleur de tous,
c'est-à-dire le plus pur, est celui qu'on dégage du muriate oxygéné de potasse par la simple chaleur.
Cette opération peut se faire dans une cornue de verre, et le gaz qu'on obtient est absolument pur, pourvu toutefois que
l'on rejette les premières portions, qui sont mêlées d'air des
vaisseaux.
§ VII. DE LA DÉTONATION.
J'ai fait voir, partie I, chapitre IX, p. 81 et suivantes, que l'oxygène, en
se combinant dans les différents corps, ne se dépouillait pas touj ours de tout le calorique qui le constituait dans
l'état de gaz ; qu'il entrait, par exemple,
avec presque tout son calorique, dans la combinaison qui forme l'acide nitrique
et dans celle qui forme l'acide
muriatique oxygéné ; en sorte que l'oxygène, dans le nitre, et surtout dans le muriate oxygéné, était, jusqu'à un certain point,
dans l'état de gaz oxygène condensé et. réduit au plus petit volume qu'il puisse occuper. Le
calorique, dans ces combinaisons, exerce un effort continuel sur l'oxygène, pour le ramener à l'état
de gaz : l'oxygène, en conséquence, y tient peu ; la moindre force
suffit pour lui rendre la liberté, et il Pagination
originale du document : p.365 reparaît souvent,
dans un instant presque indivisible, dans l’état de gaz. C'est ce passage
brusque de l'état concret à l’état aériforme qu'on a nommé
détonation, parce qu'en effet il est ordinairement accompagné de
bruit et de fracas. Le plus communément ces détonations s'opèrent par la combinaison
du charbon, soit avec le nitre, soit avec le muriate oxygéné. Quelquefois, pour
faciliter encore l'inflammation, on y ajoute du soufre, et c'est ce
mélange, fait dans de justes proportions et avec des
manipulations convenables, qui constitue la poudre à canon. L'oxygène, par la
détonation avec le charbon, change de nature, et il se convertit en
acide carbonique. Ce n'est donc pas du gaz oxygène qui se dégage, mais du gaz
acide carbonique, du moins quand le mélange a été fait dans de justes
proportions. Il se dégage, en outre, du gaz azote dans la détonation du nitre,
parce que l'azote est un des principes constituants de l'acide nitrique. Mais
l’expansion subite et instantanée de ces gaz ne suffit pas pour expliquer
tous les phénomènes relatifs à la détonation. Si cette cause y influait seule,
la poudre serait d'autant plus forte que la quantité de gaz dégagé dans un
temps donné serait plus considérable, ce qui ne s'accorde pas toujours
avec l’expérience. J'ai eu occasion d'éprouver des espèces de
poudre à tirer qui produisaient un effet presque double de la poudre ordinaire,
quoiqu'elles donnassent un sixième de gaz de moins par la détonation. Il
y a apparence que la quantité de calorique qui se dégage au moment de la
détonation contribue beaucoup à augmenter l'effet, et on
peut en concevoir plusieurs raisons. Premièrement, quoique le calorique pénètre
assez librement à travers les pores de tous les corps, il ne peut cependant y
passer que successivement et en un temps donné : lors donc que la quantité qui
se dégage à la fois est trop considérable, et qu'elle est beaucoup plus grande que celle
qui peut se débiter, s'il est permis de se servir de cette expression, par les pores des corps, il doit agir à la manière
des fluides élastiques ordinaires et renverser tout ce qui s'oppose à
son passage. Une partie de cet effet doit avoir lieu lorsqu'on allume de la
poudre Pagination
originale du document : p.366 dans un canon :
quoique le métal qui le compose soit perméable pour le calorique, la quantité
qui s'en dégage à la fois est tellement grande, qu'elle ne trouve pas une
issue assez prompte à travers les pores du métal ; elle fait donc un effort
en tous sens, et c'est cet effort qui est employé à chasser le boulet.
Secondement, le calorique produit nécessairement un second effet, qui dépend
également de la force répulsive que ses molécules paraissent exercer
les unes sur les autres : il dilate les gaz qui se dégagent au
moment de l'inflammation de la poudre, et cette dilatation est d'autant plus
grande que la température est plus élevée. Troisièmement, il est
possible qu'il y ait décomposition de l'eau dans l'inflammation de la poudre,
et qu'elle fournisse de l'oxygène au charbon pour former de l'acide carbonique. Si les choses se
passent ainsi, il doit se dégager rapidement, au moment de la détonation de la poudre, une grande quantité de gaz hydrogène
qui se débande et qui contribue à augmenter la force de l'explosion. On sentira combien cette circonstance doit
contribuer à augmenter l'effet de la poudre,
si l'on considère que le gaz hydrogène ne pèse qu'un grain deux tiers par pinte
; qu'il n'en faut, par conséquent,
qu'une très-petite quantité en poids pour occuper un très-grand espace, et
qu'il doit exercer une force
expansive prodigieuse, quand il passe de l'état liquide à l'état aériforme. Quatrièmement, enfin, une portion d'eau non
décomposée doit se réduire en vapeurs dans l'inflammation de la poudre, et l'on sait due. dans l'état de gaz, elle
occupe un volume dix-sept à dix-huit
cents fois plus grand que lorsqu'elle est dans l'état liquide. J'ai déjà fait
une assez grande suite d'expériences
sur la nature des fluides élastiques qui se dégagent de la détonation du nitre
avec le charbon et avec le soufre ;
j'en ai fait aussi quelques-unes avec le muriate oxygéné de potasse. C'est un moyen qui conduit à des connaissances
assez précises sur les parties constituantes de ces sels, et j'ai déjà donné, tome XI du recueil des
Mémoires présentés à l'Académie par des savants étrangers, page 625,
quelques résultats principaux Pagination
originale du document : p.367 de, mes
expériences et des conséquences auxquelles elles m'ont conduit relativement à
l'analyse de l'acide
nitrique. Maintenant que je me suis procuré des appareils plus commodes, je me
prépare à répéter les mêmes expériences un
peu plus en grand, et j'obtiendrai plus de précision dans les résultats ; en attendant, je vais rendre compte des
procédés que j'ai adoptés et employés jusqu'à présent. Je recommande
avec bien de l'instance à ceux qui voudront répéter quelques-unes de ces expériences d’y apporter une extrême prudence, de
se méfier de tout mélange où il entre du salpêtre, du charbon et du soufre, et
plus encore de ceux dans lesquels il entre du sel muriatique oxygéné de potasse
combiné et mélangé avec ces deux matières. Je me suis prémuni de canons de
pistolet de six pouces de longueur environ et de cinq à six lignes de diamètre.
J'en ai bouché la lumière avec une pointe
de clou frappée à force, cassée dans le trou même, et sur laquelle j ’ai fait
couler un peu de soudure blanche de
ferblantier, afin qu'il ne restât aucune issue à l'air par cette ouverture. On
charge ces canons avec une pâte médiocrement humectée, faite avec des quantités
bien connues de salpêtre et de
charbon, réduits en pondre impalpable, ou de tout autre mélange susceptible de
détoner. A chaque portion de matière
qu'on introduit dans le canon, on doit bourrer avec un bâton qui soit du même
calibre, à peu près comme on charge les fusées. La matière ne doit pas emplir
le pistolet tout à fait jusqu'à sa
bouche ; il est. bon qu'if reste quatre ou cinq lignes de vide à l'extrémité :
alors on ajoute un bout de 2 pouces
de long environ de miche, nommée étoupille. La seule difficulté de ce genre d’expériences, surtout si l'on ajoute du
soufre au mélange, est de saisir le point d'humectation convenable : si la matière est trop humide, elle
n'est point susceptible de s'allumer ; si elle est trop sèche, la détonation est trop vive et peut devenir
dangereuse. Quand on n'a pas pour objet de faire une expérience rigoureusement exacte, on allume la mèche, et, quand elle
est près de, communiquer l'inflammation
à la matière, on plonge le pistolet sous une grande cloche d'eau dans
l'appareil pneumato- chimique. La détonation Pagination
originale du document : p.368 commencée, elle
se continue sous l'eau, et le gaz se dégage avec plus ou moins de rapidité,
suivant que la
matière est plus ou moins sèche. Il faut, tant que la détonation dure, tenir le
pont du pistolet incliné, afin que l'eau ne
rentre pas dans l'intérieur. J'ai quelquefois recueilli ainsi le gaz produit
par la détonation d'une once et demie
ou de deux onces de nitre. Il n'est pas possible, dans cette manière d'opérer, de connaître la quantité de gaz acide
carbonique qui se dégage, parce qu'une partie est absorbée par l'eau à mesure qu'il la traverse ;
mais, l'acide carbonique une fois absorbé, il reste le gaz azote, et, si ou a la précaution de l'agiter
pendant quelques minutes dans de la potasse caustique en liqueur, on l'obtient pur, et il est. aisé d'en
déterminer le volume et le poids. Il est même possible d'arriver par cette méthode à une connaissance
assez précise de la quantité de gaz acide carbonique, en répétant l'expérience un grand nombre de fois,
et en faisant varier les doses du charbon jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la juste proportion qui fait
détoner la totalité du nitre. Alors, d'après le poids du charbon employé, on détermine celui d'oxygène qui a
été nécessaire pour le saturer, et on en conclut la quantité d'oxygène contenu
dans une quantité donnée de nitre. Il est, au surplus, un autre moyen que j'ai pratiqué, et qui conduit à des résultats
plus- sûrs ; c'est de recevoir dans des cloches remplies de mercure le gaz qui se dégage. Le bain de
mercure que j'ai maintenant est assez grand pour qu'on puisse y placer des cloches de douze à quinze
pintes de capacité. De pareilles cloches, comme l'on sent, ne sont pas très-maniables quand elles sont
remplies de mercure ; aussi faut-il employer, pour les remplir, des moyens particuliers que je vais
indiquer. On place la cloche sur le bain de mercure ; on passe par dessous un siphon de verre dont on a
adapté l'extrémité extérieure à une petite pompe pneumatique : on fait jouer le piston, et on élève le mercure jusqu'au
haut de la cloche. Lorsqu'elle est ainsi remplie, on y fait passer le gaz de la
détonation de la même manière que dans une cloche qui serait remplie
d'eau. Mais, je le répète, ce genre Pagination
originale du document : p.369 d'expériences
exige les plus grandes précautions. J'ai vu quelquefois, quand le dégagement du
gaz était trop rapide, des cloches pleines de mercure, pesant plus de 150
livres, s'enlever par la force de l'explosion : le mercure jaillissait au loin,
et la cloche était brisée en grand nombre d'éclats. Lorsque l'expérience
a réussi et que le gaz est. rassemblé sous la cloche, on en détermine le
volume, comme je l'ai indiqué, p. 267 à 270. On y introduit ensuite un
peu d'eau, puis de la potasse dissoute dans l'eau et
dépouillée d'acide carbonique, et on parvient à en faire une analyse
rigoureuse, comme je l'ai enseigné p. 270 et suivantes. Il me tarde
d'avoir mis la dernière main aux expériences que j'ai commencées sur
les détonations, parce qu'elles ont un rapport immédiat avec les objets dont je
suis chargé, et qu'elles jetteront, à ce que j'espère, quelques lumières sur
les opérations relatives à la fabrication de la poudre. Pagination
originale du document : p.370 CHAPITRE VIII.
DES INSTRUMENTS NÉCESSAIRES POUR OPÉRER SUR LES CORPS À DE TRÉS- HAUTES
TEMPÉRATURES.
§I. DE LA FUSION.
Lorsqu'on écarte les unes des autres,
par le moyen de l'eau, les molécules d'un sel, cette opération, comme nous
l'avons vu plus haut,
se nomme solution. Ni le dissolvant, ni le corps tenu en dissolution ne sont
décomposés dans cette opération ; aussi, dès
l'instant que la cause qui tenait les molécules écartées cesse, elles se
réunissent, et la substance saline réparait telle qu'elle était avant la
solution. On opère aussi de véritables
solutions par le feu, c'est-à-dire en introduisant et en accumulant entre les
molécules d'un corps une grande
quantité de calorique. Cette solution des corps par le feu se nomme fusion. Les
fusions en général se font dans des
vases que l'on nomme creusets, et l'une des premières conditions est qu'ils soient moins fusibles que la substance
qu'ils doivent contenir. Les chimistes de tous les âges ont en conséquence attaché une grande
importance à se procurer des creusets de matières très-réfractaires, c'est-à-dire qui eussent la
propriété de résister à un très-grand degré de feu. Les meilleurs sont ceux qui sont faits avec de
l'argile très-pure ou de la terre à porcelaine. On doit éviter d'employer pour
cet usage les argiles mélangées de silice ou de terre calcaire, parce qu'elles
sont trop fusibles. Toutes celles qu'on tire aux environs de Paris sont
dans ce cas ; aussi les creusets qu'on fabrique dans cette ville fondent-ils à
une chaleur assez mé- [médiocre] Pagination
originale du document : p.371 diocre, et ne
peuvent-ils servir que dans un très-petit nombre d'opérations chimiques. Ceux
qui viennent de Hesse sont assez bons, mais on doit préférer ceux de terre de
Limoges, qui paraissent être absolument infusibles. Il existe en
France un grand nombre d'argiles propres à faire des creusets ; telle
est celle, par exemple, dont on se sert pour les creusets de la glacerie de
Saint-Gobain. On donne aux creusets différentes formes, suivant les
opérations auxquelles on se propose de les employer. On a représenté celles qui
sont les plus usitées dans les figures 7, 8, 9 et 10 de la planche VII Ceux représentés figure 9, qui sont presque
fermés par en haut, se nomment tutes. Quoique la fusion puisse souvent avoir lieu sans que le corps qui y est soumis
change de nature et se décompose,
cette opération est cependant aussi un des moyens de décomposition et de recomposition que la chimie emploie. C'est par la
fusion qu'on extrait tous les métaux de leurs mines, qu'on les revivifie, qu'on les moule, qu'on les allie les uns aux
autres ; c'est par elle due l'on combine
l'alcali et le sable pour former du verre, que se fabriquent les pierres
colorées, les émaux, etc. Les anciens
chimistes employaient beaucoup plus fréquemment l'action d'un feu violent que nous ne le faisons aujourd'hui. Depuis qu'on a
introduit plus de rigueur dans la manière de faire des expériences, on préfère la voie humide à la voie
sèche, et on n'a recours à la fusion que lorsqu'on a épuisé tous les autres moyens d'analyse. Pour
appliquer aux corps l'action du feu, on se sert de fourneaux, et il me reste à décrire ceux qu'on
emploie pour les différentes opérations de la chimie.
§ II. DES FOURNEAUX. Les
fourneaux sont les instruments dont on fait le plus d'usage en chimie : c'est de leur bonne ou de leur mauvaise
construction que dépend le sort d'un grand nombre d'opérations ; en
sorte qu'il est Pagination
originale du document : p.372 d'une extrême
importance de bien monter un laboratoire en ce genre. Un fourneau est une
espèce de tour
cylindrique creuse ABCD, quelquefois un peu évasée par le haut (pl.
XIII, fig. 1). Elle doit avoir au moins deux
ouvertures latérales : une supérieure F, qui est la porte du foyer ; une
inférieure G, qui est la porte du cendriers Dans l'intervalle de
ces deux portes, le fourneau est partagé eu deux par une grille placée horizontalement, qui forme une espèce de diaphragme et
qui est destinée à soutenir le
charbon. On a indiqué la place de cette grille par la ligne HI La
capacité qui est au-dessus de la grille,
c'est-à-dire au-dessus de la ligne HI, se nomme foyer, parce qu'en effet
c'est dans cette parte que for
entretient le feu ; la capacité qui est au-dessous porte le nom de cendrier,
par la raison que c'est dans cette
partie que se rassemblent les cendres à mesure qu'elles se forment. Le fourneau
représenté planche XIII, figure 1,
est le moins compliqué de tous ceux dont on se sert en chimie, et il peut être
employé cependant à un grand nombre d'usages. On peut y pincer des creusets, y
fondre du plomb, de l’étain, du
bismuth, et en général toutes les matières qui n'exigent pas, pour être
fondues, un degré de feu
très-considérable. On peut y faire des calcinations métalliques, placer dessus
des bassines, des vaisseaux évaporatoires, des capsules de fer, pour
former des bains de sable, comme on le voit
représenté pl. III, fig. 1 et 2. C'est pour le rendre applicable à ces
différentes opérations, qu'on a ménagé
dans le haut des échancrures mmmm autrement, la bassine qu'on aurait
posée sur le fourneau aurait
intercepté tout passage à fait, et le charbon se serait éteint. Si ce fourneau
ne produit qu'un degré de chaleur
médiocre, c'est que la quantité de charbon qu'il peut consommer est limitée par la quantité d'air qui peut passer par
l’ouverture G du cendrier. On augmenterait beaucoup son effet en agrandissant cette ouverture ; mais le
grand courant d'air qui conviendrait dans quelques expériences aurait de l'inconvénient dans beaucoup
d'autres, et c'est ce qui oblige de garnir un laboratoire de fourneaux
de différentes formes et construits sous différents points de Pagination
originale du document : p.373 vue. Il en faut
surtout plusieurs semblables à celui que je viens de décrire, et de différentes
grandeurs. Une autre espèce de fourneau, peut-être encore plus
nécessaire, est le fourneau de réverbère représenté planche XIII,
figure 2. Il est composé, comme le fourneau simple, d'un cendrier
HIKL,
dans sa
partie inférieure, d'un foyer KGMN, d'un laboratoire MNOP, d'un
dôme RSRS ; enfin, le dôme est surmonté d'un tuyau TTVV, auquel
on peut en ajouter plusieurs autres suivant le genre des expériences.
C'est dans la partie MNOP, nommée le laboratoire, que se place la
cornue A, qu'on a indiquée par une ligne ponctuée ; elle y est
soutenue sur deux barres de fer qui traversent le fourneau. Son col sort par
une échancrure latérale, faite, partie dans la pièce qui forme le laboratoire, partie
dans celle qui forme le dôme. A cette cornue s'adapte un récipient B. Dans
la plupart des fourneaux de réverbère, qui se trouvent tout faits chez
les potiers de terre à Paris, les ouvertures, tant inférieures que
supérieures, sont beaucoup trop petites ; elles ne donnent point passage à un
volume d'air assez considérable ; et, comme la quantité de
charbon consommée, ou, ce qui revient au même, comme la
quantité de calorique dégagée est à peu près proportionnelle à la quantité
d'air qui passe par le fourneau, il en résulte que ces fourneaux ne
produisent pas tout l'effet qu'on pourrait désirer dans un grand
nombre d'opérations. Pour admettre d'abord. par le bas un volume d'air
suffisant, il faut,
au lieu d'une ouverture G au cendrier, en avoir deux GG : on en
condamne une lorsqu'on le juge à propos, et
alors on n'obtient plus qu'un degré de feu modéré ; on les ouvre, au contraire,
l'une et l'autre, quand on veut
donner le plus grand coup de feu que le fourneau puisse produire. L'ouverture supérieure SS du dôme, ainsi que celle des
tuyaux VVXX doit être aussi beaucoup plus grande qu'on n'a
coutume de la faire. Il est important de ne point employer des cornues trop
grosses relativement à la grandeur du fourneau. Il faut qu'il y ait touj ours
un Pagination
originale du document : p.374 espace suffisant
pour le passage de l'air entre les parois du fourneau et celles du vaisseau qui
y est contenu. La cornue A, dans la figure 2, est un peu trop petite pour ce
fourneau , et je trouve plus facile d'en avertir que de faire rectifier la
figure. Le dôme a pour objet d'obliger la flamme et la chaleur à
environner de toutes pans la cornue et de la réverbérer ; c'est de là qu'est
venu le nom de fourneau de réverbère. Sans cette réverbération de la
chaleur, la cornue ne serait échauffée que par son fond ; les
vapeurs qui s'en élèveraient se condenseraient dans la partie supérieure, elles
se recohoberaient continuellement sans passer dans le récipient : mais, au
moyen du dôme, la cornue se trouve échauffée de toutes parts ; les vapeurs ne
peuvent donc se condenser que dans le col et dans le récipient, et
elles sont forcées de sortir de la cornue. Quelquefois, pour empêcher que le
fond de la cornue ne soit échauffé ou refroidi trop brusquement, et pour éviter
que ces alternatives de chaud et de froid n'en occasionnent la fracture, on
place sur les barres une petite capsule de terre cuite dans laquelle
on met un peu de sable, et on pose sur ce sable le fond de la cornue. Dans
beaucoup d'opérations, on enduit les cornues de différents luts.
Quelques-uns de ces luts n'ont pour objet que de les défendre
des alternatives de chaud et de froid ; quelquefois ils ont pour objet de
contenir le verre, ou plutôt de former une double cornue qui supplée
à celle de verre dans les opérations où le degré de feu est assez fort. pour le
ramollir. Le premier de ces luts se fait avec de la terre à four à laquelle on joint un peu de bourre ou poil de vache
: on fait une pâte de ces matières, et on l’étend sur les cornues de verre ou
de grès. Si, au lieu de terre à four qui est mélangée, on n'avait que de l’argile ou de la glaise pure, il faudrait y
ajouter du sable. A l’égard de la bourre, elle est utile pour mieux lier
ensemble la terre : elle brûle à la première impression du feu, mais les
interstices qu'elle laisse empêchent que l'eau qui est contenue dans la
terre, en se vaporisant, ne rompe la continuité du lut, et qu'il ne tombe en
poussière. Pagination
originale du document : p.375 Le second lut
est composé d'argile et de fragments de poteries de grès grossièrement pilés.
On en fait une pâte assez ferme, qu'on étend sur les cornues. Ce lut
se dessèche et se durcit par le feu, et forme lui-même une
véritable cornue supplémentaire, qui contient les matières quand la cornue de
verre vient à se ramollir. Mais ce lut n'est d'aucune utilité dans les
expériences où on a pour objet de recueillir les gaz, parce qu'il est
toujours poreux et que les fluides aériformes passent au travers. Dans un grand nombre
d'opérations, et, en général, toutes les fois qu'on n'a pas besoin de donner au
corps qu'on traite un degré de chaleur
très-violent, le fourneau de réverbère peut servir de fourneau de fusion. On supprime alors le laboratoire MNUP,
et on établit à la place le dôme RSRS, comme on le voit représenté planche XIII, figure 3. Un
fourneau de fusion très-commode est celui représenté figure G. Il est composé d'un foyer ABCD, d'un
cendrier sans porte et d'un dôme ABGH. Il est troué en E pour recevoir le bout d'un soufflet
qu'on y lute solidement. Il doit être proportionnellement moins haut qu'il n'est représenté dans la figure.
Ce fourneau ne procure pas un degré de feu très-violent ; mais il suffit pour toutes les opérations courantes. Il
a, de plus, l'avantage d'être transporté
commodément, et de pouvoir être placé dans tel lieu du laboratoire qu'on le
juge à propos. Mais ces fourneaux
particuliers ne dispensent pas d'avoir dans un laboratoire une forge garnie
d'un bon soufflet, et, ce qui est
encore plus important, un bon fourneau de fusion. Je vais donner la description de celui dont je me sers, et détailler
les principes d'après lesquels je l'ai construit. L'air ne circule dans un fourneau que parce qu'il
s'échauffe en passant à travers les charbons : alors il se dilate ; devenu plus léger que l'air environnant,
il est, forcé de monter par la pression des colonnes latérales, et il
est remplacé par de nouvel air, qui arrive de toutes parts, principalement
par-dessous. Cette circulation de l'air a lieu lorsque l'on brûle du charbon
même dans un simple réchaud : mais il Pagination
originale du document : p.376 est aisé de
concevoir que la masse d'air qui passe par un fourneau ainsi ouvert de toutes
parts ne peut pas être, toutes choses d'ailleurs égales, aussi grande
clac celle qui est contrainte de passer par un fourneau formé en
tour creuse, comme le sont en général les fourneaux chimiques, et que, par conséquent, la combustion ne
peut pas y être aussi rapide. Soit supposé, par exemple, un fourneau ABCDEF (pl. XIII, fig. 5), ouvert par le haut et rempli de charbons ardents ;
la force avec laquelle l'air sera
obligé de passer à travers les charbons sera mesurée par la différence de
pesanteur spécifique de deux colonnes
AC, l'une d'air froid pris en dehors du fourneau, l'autre d'air chaud
pris en dedans. Ce n'est pas qu'il n'y ait encore de l'air échauffé au-dessus
de l'ouverture AB du fourneau, et
il est certain que son excès de légèreté doit entrer aussi pour quelque chose
dans le calcul ; mais, comme cet air
chaud est continuellement refroidi et emporté par l'air extérieur, cette
portion ne peut pas faire beaucoup d'effet. Mais si à ce même fourneau on
ajoute un grand tuyau creux de même diamètre
que celui GHAB, qui défende l'air qui a été échauffé par les charbons ardents
d'être refroidi, dispersé et emporté
par l'air environnant, la différence de pesanteur spécifique en vertu de laquelle s'opérera la circulation de l'air ne sera
plus celle de deux colonnes AC, l'une extérieure, l'autre intérieure ; ce sera celle de deux
colonnes égales à GG'. Or, à chaleur égale, si la colonne GC = 3 AC, la circulation de l'air se fera en
raison d'une force triple. Il est vrai clac je suppose ici que l'air contenu dans la capacité GHCD est
autant échauffé que l'était l'air contenu dans la capacité ABCD, ce qui n'est pas rigoureusement vrai ; car
la chaleur doit décroître de AB à GH mais , comme il est évident que l'air de la capacité GHAB est
beaucoup plus chaud que l'air extérieur, il en résulte touj ours que
l’addition de la tour creuse GHAB augmente la rapidité du courant d'air,
qu'il en passe plus à travers les charbons,
et que, par conséquent, il y aura plus de combustion. Conclurons-nous de
ces principes qu'il faille augmenter indéfini- [indéfiniment] Pagination
originale du document : p.377 ment la longueur
du tuyau GHAB ? Non, sans doute ; car, puisque la chaleur de l'air
diminue de AB en GH, ne fût-ce que par le refroidissement causé à cet air par le
contact des parois du tuyau, il en résulte
que la pesanteur spécifique de l'air qui le traverse diminue graduellement, et
que, si le tuyau était prolongé à un
certain point, on arriverait à un terme où la pesanteur spécifique de l'air
serait égale en dedans et en dehors du tuyau ; et il est évident qu'alors cet
air froid, qui ne tendrait plus à monter,
serait une masse à déplacer, qui apporterait une résistance à l'ascension de
l'air inférieur. Bien plus, comme cet
air est nécessairement mêlé de gaz acide carbonique, et. que ce gaz est plus lourd que l'air atmosphérique, il arriverait, si
ce tuyau était assez long pour que l'air, avant de parvenir à son extrémité , pût se rapprocher de la
température extérieure, qu'il tendrait à redescendre ; d'où il faut conclure que la longueur des tuyaux
qu'on ajoute sur les fourneaux est limitée par la nature des choses. Les
conséquences auxquelles nous conduisent ces réflexions sont 1° Que le premier
pied de tuyau qu'on ajoute sur le dôme d'un fourneau fait plus d'effet que le
sixième, par exemple ; que le sixième
en fait plus que le dixième : mais aucune expérience ne nous a encore fait connaître à quel terme on doit s'arrêter ; 2° Que
ce terme est d'autant plus éloigné que le tuyau est moins bon conducteur
de chaleur, puisque l'air s'y refroidit d'autant moins ; en sorte que la terre
cuite est beaucoup préférable à la tôle pour faire des tuyaux de fourneaux, et
que, si même on les formait d'une double
enveloppe, si on remplissait l'intervalle de charbon pilé, qui est une des
substances les moins propres à
transmettre la chaleur, on retarderait le refroidissement de l'air, et on
augmenterait, par conséquent, la
rapidité du courant et la possibilité d'employer un tuyau plus long ; 3° Que le
foyer du fourneau étant l'endroit le
plus chaud et celui, par conséquent, où l'air qui le traverse est le plus dilaté, cette partie du fourneau doit être
aussi la plus volumineuse, et qu'il est nécessaire d'y ménager un
renflement considérable. Il est d'une nécessité d'au- [autant] Pagination
originale du document : p.378 tant plus
indispensable de donner beaucoup de capacité à cette partie du fourneau,
qu'elle n'est pas seulement destinée au passage de l'air, qui doit
favoriser, ou, pour mieux dire, opérer la combustion ; elle doit encore
contenir le charbon et le creuset ; en sorte qu'on ne peut compter, pour le
passage de l'air, que l'intervalle due laissent entre eux les
charbons. C'est d'après ces principes que j'ai construit mon fourneau de
fusion, et je ne crois pas qu'il en existe aucun qui produise un effet plus
violent. Cependant je n'ose pas encore me flatter d'être arrivé à
la plus grande intensité de chaleur qu'on puisse produire
dans les fourneaux chimiques. On n'a point encore déterminé par des expériences
exactes
l'augmentation de volume que prend l'air en traversant oui fourneau de fusion,
en sorte qu'on ne connaît point le rapport
qu'on doit observer entre les ouvertures inférieures et supérieures d'un fourneau : on connaît encore moins la grandeur
absolue qu'il convient de donner à ces ouvertures. Les données manquent donc,
et on ne peut encore arriver au but que par tâtonnement. Ce fourneau est
représenté pl. XIII, fig. 6. Je lui ai donné, d'après les principes que je
viens d'exposer, la forme d'un
sphéroïde elliptique ABCD, dont les deux bouts sont coupés par un plan
qui passerait par chacun des foyers perpendiculairement
au grand axe. Au moyen du renflement qui résulte de cette figure, le
fourneau peut tenir une masse de charbon considérable, et il reste encore dans
l'intervalle assez d'espace pour le passage
du courant d'air. Pour que rien ne s'oppose au libre accès de fait extérieur, je l'ai laissé entièrement ouvert
par-dessous, à l'exemple de M. Macquer, qui avait déjà pris cette même
précaution pour son fourneau de fusion, et je l'ai posé sur un trépied. La
grille dont je me sers est à claire-voie et en fer méplat ; et, pour que
les barreaux opposent moins d'obstacle au passage
de l'air, je les ai fait poser, non sur leur coté plat, mais sur le côté le
plus étroit, comme on le voit figure
7. Enfin, j'ai ajouté à la partie supérieure AB un tuyau de 18 pieds de
long en terre cuite, et dont le diamètre intérieur est presque de moitié Pagination
originale du document : p.379 de celui du fourneau. Quoique
j'obtienne déjà avec ce fourneau un feu supérieur à celui qu'aucun chimiste se soit encore procuré jusqu'ici, je le
crois susceptible d'être sensiblement augmenté par les moyens simples que j'ai
indiqués, et dont le principal consiste à rendre le tuyau FGAB le moins
bon conducteur de chaleur qu'il soit
possible. Il me reste à dire un mot du fourneau de coupelle ou fourneau d'essai. Lorsqu'on veut connaître si du
plomb contient du fer ou de l'argent, on le chauffe à grand feu dans de petites capsules faites avec des
os calcinés, et qui, eu termes d'essai, se nomment coupelles. Le plomb s'oxyde,
il devient susceptible de se vitrifier, il s'imbibe et s'incorpore avec la coupelle. On conçoit que le plomb ne peut s'oxyder
qu'avec le contact de l’air ; ce ne peut donc être, ni dans un creuset, où le libre accès de l'air
extérieur est interdit, ni même au milieu d'un fourneau, à travers les charbons ardents, puisque l'air de l'intérieur
d'un fourneau, altéré par la combustion et réduit, pour la plus grande partie, à l'état de gaz azote et de gaz acide
carbonique, n'est plus propre à la
calcination et à l’oxydation des métaux. Il a donc fallu imaginer un appareil
particulier où le métal fût en même
temps exposé à la grande violence du feu, et garanti du contact de l'air devenu
incombustible par son passage à
travers les charbons. Le fourneau destiné à remplir ce double objet a été nommé, dans les arts, fourneau de coupelle. Il
est communément de forme carrée, ainsi qu'il est représenté planche XIII,
figure 8. Voyez aussi sa coupe figure 10. Comme tous les fourneaux bien construits, il doit avoir un cendrier AABB, un
foyer BBCC, un laboratoire CCDD, un dôme DDEE. C'est dans le laboratoire qu'on place ce qu'on
nomme le mouffle. C'est une espèce de petit four GH (fig. 9 et 10), fait de terre cuite et fermé par le
fond. On le pose sur des barres qui traversent le fourneau ; il s'ajuste avec l’ouverture G de
la porte, et on l'y lute avec de l'argile délayée avec de l'eau. C'est dans cette espèce de four que se
placent les coupelles. On met du charbon dessus et dessous le mouffle
par les portes du dôme et du foyer ; l'air qui est entré par les ouver-
[ouvertures] Pagination
originale du document : p.380 tures du
cendrier, après avoir servi à la combustion, s'échappe par l'ouverture
supérieure EE. A l'égard du mouffle, l'air extérieur y
pénètre par la porte GG, et il y entretient la calcination métallique.
En réfléchissant sur cette construction, on s'aperçoit aisément combien elle
est vicieuse. Elle a deux inconvénients principaux : quand la porte GG
est fermée, l'oxydation se fait lentement et difficilement, à
défaut d'air pour l'entretenir ; lorsqu'elle est ouverte, le courant d'air
froid qui s'introduit fait figer le métal et suspend l'opération. Il ne serait
pas difficile de remédier à ces inconvénients, en construisant le mouffle
et le fourneau de manière qu'il y eût un courant d'air extérieur touj
ours renouvelé, qui rasât la surface du métal. On ferait passer cet air à
travers un tuyau de terre qui serait entretenu rouge par le feu même du
fourneau, afin que l'intérieur du mouille ne fût jamais refroidi
; et on ferait en quelques minutes ce qui demande souvent un temps
considérable. M. Sage a été conduit par d'autres principes à de semblables
conséquences. Il place la coupelle qui contient le plomb allié de fin
dans un fourneau ordinaire à travers les charbons ; il la recouvre avec un petit mouffle
de porcelaine, et, quand le tout est suffisamment chaud, il dirige sur le métal
le courant d'air d'un soufflet ordinaire à main : la coupellation, de cette
manière, se fait avec une grande facilité, et, à ce qu'il paraît, avec beaucoup d'exactitude.
§ III. DES MOYENS D'AUGMENTER CONSIDÉRABLEMENT L'ACTION DU FEU, EN SUBSTITUANT
LE GAZ OXIGÈNE À L'AIR DE L'ATMOSPHÈRE
On a
obtenu avec les grands verres ardents qui ont été construits jusqu'à ce jour,
tels que ceux de Tschirnhausen et celui de M. de Trudaine, une intensité de
chaleur un peu plus grande que celle
qui a lieu dans les fourneaux chimiques, et même dans les fours où l'on cuit la
porcelaine dure. Mais ces instruments
sont extrêmement chers, et ils ne vont pas même jusqu'à fondre le platine brut
; en sorte que leur avantage, relativement à l'effet qu'ils produisent, n'est presque Pagination
originale du document : p.381 d'aucune
considération, et qu'il est plus que compensé par la difficulté de se les
procurer et même d'en faire usage. Les miroirs concaves à diamètre égal
font un peu plus d'effet que les verres ardents ; on en a la
preuve par les expériences faites par MM. Marquer et Baumé, avec le miroir de
M. l’abbé Bouriot ; mais, comme la direction des rayons réfléchis est de bas
en haut, il faut opérer en l'air et sans support, ce qui rend
absolument impossible le plus grand nombre des expériences chimiques.
Ces considérations m'avaient déterminé d'abord à essayer de remplir de grandes
vessies de gaz oxygène, à y adapter un tube susceptible d'être
fermé par un robinet, et à m'en servir pour animer avec ce
gaz le feu des charbons allumés. L'intensité de chaleur fut telle, même dans
mes premières tentatives, que je parvins à fondre une petite quantité de
platine brut avec assez de facilité. C'est à ce premier succès que je
dois l’idée du gazomètre dont j'ai donné la description, pag. 260 et suivantes.
Je l'ai substitué aux vessies ; et, comme on peut donner au gaz oxygène le
degré de pression qu'on juge à propos, on peut non- seulement s'en
procurer un écoulement continu, mais lui donner même un grand degré de
vitesse. Le seul appareil dont on ait besoin pour ce genre d'expériences consiste en une
petite table ABCD (pl. XII, fig. 15), percée d'un trou en F, à
travers lequel on fait passer un tube de cuivre ou d'argent FG, terminé
en G par une très-petite ouverture, qu’on
peut ouvrir ou fermer par le moyen du robinet H. Ce tube se continue
par-dessous la table en lmno et va
s'adapter au gazomètre, avec l'intérieur duquel il communique. Lorsqu'on veut
opérer, on commence à faire avec le
tournevis KI un creux de quelques lignes de profondeur dans un gros charbon noir. On place dans ce creux le corps que
l'on veut fondre : on allume ensuite le charbon avec un chalumeau de verre, à
la flamme d'une chandelle ou d'une bougie ; après quoi on l’expose au, courant du gaz oxygène qui sort avec rapidité
par le bec on extrémité G du tube FG. Cette manière
d'opérer ne peut être employée que pour les corps Pagination
originale du document : p.382 qui peuvent être
mis sans inconvénient en contact avec les charbons, tels que les métaux, les
terres simples, etc. A l'égard des corps dont les principes ont
de l'affinité avec le charbon, et que cette substance décompose, comme les
sulfates, les phosphates, et en général presque tous les sels neutres, les verres métalliques, les émaux, etc. on se sert
de la lampe d'émailleur, à travers laquelle on fait passer un courant de gaz oxygène. Alors, au lieu
de l'ajutage recourbé FG, on se sert de celui coudé ST, qu'on
visse à la place, et qui dirige le courant de gaz oxygène à travers la flamme
de la lampe. L'intensité de chaleur que donne ce second moyen n'est pas aussi
forte que celle qu'on obtient par le premier,
et ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on parvient à fondre le platine. Les
supports dont on se sert dans cette
seconde panière d'opérer sont ou des coupelles d'os calcinés, ou de petites capsules de porcelaine, ou même des capsules ou
cuillers métalliques. Pourvu que ces dernières ne soient pas trop petites, elles ne fondent pas,
attendu que les métaux sont bons conducteurs de chaleur, que le calorique se répartit en conséquence promptement et
facilement dans toute la masse, et
n'en échauffe que médiocrement chacune des parties. On peut voir dans les
volumes de l'Académie, année 1782, p.
476. et 1783, p. 573, la suite d'expériences que j'ai faites avec cet appareil.
Il en résulte 1° Que le cristal de roche, c'est-à-dire la terre siliceuse pure,
est infusible ; mais qu'elle devient susceptible de ramollissement et de
fusion, dés qu'elle est mélangée ; 2° Que la chaux,
la magnésie et la baryte ne sont fusibles ni seules, ni combinées ensemble ;
mais qu'elles facilitent, surtout la
chaux, la fusion de toutes les autres substances ; 3° Que l'alumine est complètement fusible seule, et qu'il résulte de sa
fusion une substance vitreuse opaque, très-dure, qui raye le verre comme
les pierres précieuses ; 4° Que toutes les terres et pierres composées se
fondent avec beaucoup de facilité, et forment un verre brun ; Pagination
originale du document : p.383 5° Que toutes
les substances salines, même l’alcali fixe, se volatilisent en peu d'instants ;
6° Que l’or, l’argent,
etc. et probablement le platine, se volatilisent lentement à ce
degré de feu, et se dissipent sans aucune circonstance particulière ; 7°
Que toutes les autres substances métalliques, à l’exception du
mercure, s'oxydent, quoique placées sur un charbon ; qu'elles y brûlent avec
une flamme plus ou moins grande et diversement colorée, et finissent par se
dissiper entièrement ; 8° Que les oxydes métalliques brûlent
également tous avec flamme ; ce qui semble établir un caractère distinctif
de ces substances, et ce qui me porte à croire, comme Bergman fanait soupçonné,
que la baryte
est un oxyde métallique, quoiqu'on ne soit pas encore parvenu à en obtenir le
métal dans son état de pureté ; 9° Que, parmi
les pierres précieuses, les unes, comme le rubis, sont susceptibles de se ramollir et de se souder, sans que leur couleur
et même que leur poids soient altérés ; que d'autres, comme l'hyacinthe, dont la fixité est presque
égale à celle du rubis, perdent facilement leur couleur ; que la topaze de Saxe, la topaze et le rubis du
Brésil non-seulement se décolorent promptement à ce degré de feu, mais qu'ils perdent même un cinquième
de leur poids, et qu'il reste, lorsqu'ils ont subi cette altération, une terre blanche semblable en
apparence à du quartz blanc ou à du biscuit de porcelaine ; enfin, que l’émeraude, la chrysolite et le grenat fondent
presque sur-le-champ en un verre
opaque et coloré ; 10° Qu'à l’égard du diamant, il présente une propriété qui
lui est tonte particulière, celle de
se brûler à la manière des corps combustibles et de se dissiper entièrement. Il
est un autre moyen dont je n'ai point
encore fait usage, pour augmenter encore davantage l’activité du feu par le moyen du gaz oxygène ; c'est de
l’employer à souffler un feu de forge. M. Achard en a eu la première idée ; mais les procédés qu'il a
employés, et au moyen desquels il croyait déphlogistiquer l'air de
l’atmosphère, ne l’ont con- [conduit] Pagination
originale du document : p.384 duit à rien de
satisfaisant. L'appareil que je me propose de faire construire sera très-
simple : il consistera dans un fourneau ou espèce de forge d'une
terre extrêmement réfractaire ; sa figure sera à peu près
semblable à celle du fourneau représenté planche XIII, figure 4 ; il sera
seulement moins élevé, et, en général, construit sur de plus petites
dimensions. Il aura deux ouvertures, l'une en E, à laquelle
s'adaptera le bout d'un soufflet, et une seconde, toute semblable, à laquelle
s'ajustera un tuyau qui communiquera avec le gazomètre. Je pousserai
d'abord le feu aussi loin qu'il sera possible par le vent du
soufflet ; et, quand je serai parvenu à ce point, je remplirai entièrement le
fourneau de charbons embrasés ; puis, interceptant tout à coup le
vent du soufflet, je donnerai, par l'ouverture d'un robinet,
accès au gaz oxygène du gazomètre, et je le ferai arriver avec quatre ou cinq
pouces de pression. Je puis réunir ainsi le gaz oxygène de
plusieurs gazomètres de manière à en faire passer jusqu'à huit à
neuf pieds cubes à travers le fourneau, et je produirai une intensité de
chaleur certainement très-supérieure à ce que nous connaissons.
J'aurai soin de tenir l'ouverture supérieure du fourneau très-grande, afin que
le calorique ait une libre issue, et qu'une expansion trop rapide de ce fluide si éminemment
élastique ne produise point une explosion. Pagination
originale du document : p.385 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.386 TABLES À L’USAGE DES CHIMISTES. Pagination
originale du document : p.387 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.388 TABLES À L’USAGE DES CHIMISTES. I. -
TABLE POUR CONVERTIR LES ONCES, GROS ET
GRAINS, EN FRACTIONS DÉCIMALES DE LIVRE, POIDS ET MARC. [Tableau non reproduit
dans cette version.] Pagination
originale du document : p.389 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.390 II. - TABLE POUR CONVERTIR LES
FRACTIONS DÉCIMALES DE LIVRE EN FRACTIONS VULGAIRES. [Tableau non reproduit
dans cette version.] Pagination
originale du document : p.391 III. - TABLE DU NOMBRE DE POUCES
CUBES CORRRESPONDANTS À UN POIDS DÉTERMINÉ D’EAU. [Tableau non reproduit dans
cette version.] Pagination
originale du document : p.392 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.393 IV. - TABLE POUR CONVERTIR LES LIGNES
ET FRACTIONS DE LIGNE EN FRACTIONS DÉCIMALES
DE POUCE. [Tableau non reproduit dans cette version.] V. – TABLE POUR CONVERTIR
LES HAUTEURS D’EAU OBSERVÉES DANS LES CLOCHES OU JARRES EN HAUTEURS CORRESPONDANTES DE MERCURE EXPRIMÉES EN
FRACTIONS DÉCIMALES DE POUCE. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.394 VI. – TABLE DES
QUANTITÉS DE POUCES CUBIQUES FRANÇAIS CORRESPONDANTS À UNE ONCE-MESURE,
DE M. PRIESTLEY. [Tableau non reproduit dans cette version.] VII. – TABLE
DES PESANTEURS DES DIFÉRENTES GAZ, A 28 POUCES DE PRESSION ET À 10 DEGRÉS DU THERMOMÈTRE.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.395 VIII. – TABLE
DES PESANTEURS SPÉCIFIQUES DES SUBSTANCES MINÉRALES, EXTRAITE DE L’OUVRAGE DE M. BRISSON.
[Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.396 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.397 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.398 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.399 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.400 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.401 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.402 TABLE DES
PESANTEURS SPÉCIFIQUES DES FLUIDES. [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.403 [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.404 TABLE DES PESANTEURS SPÉCIFIQUES DE
QUELQUES SUBSTANCES VÉGÉTALES ET ANIMALES. [Tableau non reproduit dans cette
version.] Pagination
originale du document : p.405 [Tableau non reproduit dans cette version.] Pagination
originale du document : p.406 [Tableau non reproduit dans cette
version.] FIN DES TABLES À L’USAGE DES CHIMISTES. Pagination
originale du document : p.407 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.408 EXTRAIT DES
REGISTRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES.
Du 4 février 1789. L'Académie nous a
chargés, M. d'Arcet et moi, de lui rendre compte d'un traité élémentaire de chimie,
que lui a présenté M. Lavoisier. Ce traité est divisé en trois parties : la
première a principalement pour objet la formation des fluides
aériformes et leur décomposition, la combustion des corps simples
et la formation des acides. Les molécules des corps peuvent être considérées comme
obéissant à deux forces, l'une répulsive, l'autre attractive. Pendant que la
dernière de ces forces l'emporte, le corps demeure dans l’état solide ;
si, au contraire, l'attraction est plus faible, les parties du corps perdent
l'adhérence qu'elles avaient entre elles, et il cesse d'être un solide. La
force répulsive est due au fluide très-subtil qui insinue à travers les molécules
de tous les corps, et qui les écarte; cette substance, quelle qu' elle
soit, étant la cause du la chaleur, ou, en d'autres termes, la sensation
que nous appelons chaleur étant l'effet de l'accumulation de cette substance,
on ne peut pas, dans un langage rigoureux, la désigner par le nom de
chaleur, parce que la même dénomination ne peut pas exprimer la cause et l'effet; c'est ce qui
a déterminé M. Lavoisier, avec les autres auteurs de la nomenclature chimique, à la désigner sous le nom de calorique. Nous
nous contenterons, dans ce rapport,
d'employer la nomenclature adoptée par M. Lavoisier; mais, dans le cours de son
ouvrage, après avoir établi, par les
expériences les plus exactes, les faits qui doivent servir de base aux
connaissances Pagination
originale du document : p.409 chimiques, il a
touj ours soin de justifier la nomenclature dont il fait usage, et de suivre
les rapports qui doivent se trouver entre les idées et les mots qui les
représentent. S'il n'existait que la force attractive des molécules de la
matière, et la force répulsive du calorique, les corps passeraient brusquement
de l’état de solide à celui de fluide aériforme ; mais une troisième force, la
pression de l'atmosphère, met obstacle à cet écartement, et c'est à
cet obstacle qu'est due l’existence des fluides. M. Lavoisier
établit, par plusieurs expériences, quel est le degré de pression qui est
nécessaire pour contenir différentes substances dans l’état liquide, et
quel est le degré de chaleur nécessaire pour vaincre cette
résistance. Mais il y a un certain nombre de substances qui, à la pression de
notre atmosphère et au degré de froid connu, n'abandonnent jamais l'état de
fluide aériforme ; ce sont celles-là qu'on désigne sous le nom de
gaz. Puisque les molécules de tous les corps de la nature sont dans un
état d'équilibre entre l'attraction, qui tend à les rapprocher et à les réunir,
et les efforts du calorique, qui tend à les écarter, non-seulement le
calorique environne de toutes parts les corps, mais encore il
remplit les intervalles que les molécules laissent entre elles, et, comme,
c'est un fluide extrêmement compressible, il s'y accumule, il s'y resserre
et s'y combine en partie. De ces considérations, M. Lavoisier déduit
l’explication de ce qu'on doit entendre par le calorique libre, le calorique
combiné, la capacité de calorique, la chaleur absolue, la chaleur latente, la
chaleur sensible. On pourrait lui reprocher d'avoir insisté trop
peu sur la propriété élastique et compressible du calorique, et
de là résulte une différence entre ses principes et la théorie de M. Black sur
la capacité de chaleur ; mais, en écartant cette considération, les idées de
M. Lavoisier ont acquis l'avantage d'avoir plus de clarté.
Après ces principes généraux, M. Lavoisier décrit le moyen qu'a imaginé
M. de Laplace pour déterminer par la quantité de glace fondue celle du
calorique qui s'est dégagé, au milieu de cette glace, d'un corps qui était
élevé à une certaine température, ou d'une combinaison qui
s'y est formée. Il passe ensuite à des vues générales sur la formation et la constitution de l'atmosphère
de la terre, non- seulement en la considérant dans l’état où elle se trouve, mais encore dans différents états hypothétiques.
Notre atmosphère est formée de toutes les substances susceptibles de demeurer dans l’état aériforme au degré
habituel de température et de pression
que nous éprouvons. Il était bien important de déterminer quel est le nombre et
quelle est la nature des fluides
élastiques qui composent cette couche inférieure que nous habitons. On sait que
les connaissances que nous avons acquises sur cet objet font la gloire de la
chimie moderne ; que non-seulement on
a analysé ces fluides, mais qu'on a encore appris à connaître une foule de combinaisons
qu'ils formaient avec Pagination
originale du document : p.410 les substances
terrestres, et que par là le vide immense que les anciens chimistes cherchaient
à déguiser par quelques suppositions a été comblé pour la plus grande
partie. Il est bien intéressant de voir celui qui a le plus contribué à
nous procurer ces connaissances nouvelles en tracer lui-même le tableau,
rapprocher les résultats des expériences qui ont fait l’objet d'un grand nombre
de ses mémoires, perfectionner ces expériences et tous les
appareils qu'il a fallu imaginer ; mais il n'est pas possible de
suivre dans un extrait les descriptions que M. Lavoisier présente, avec
beaucoup de concision, sur l'analyse de l'air de l'atmosphère, la
décomposition du gaz oxygène par le soufre, le phosphore et le
charbon, sur la formation des acides en général, la décomposition du gaz
oxygène par les métaux, la formation des oxydes métalliques, le principe
radical de l'eau, sa décomposition par le charbon et par le fer, la quantité de
calorique qui se dégage des différentes espèces de combustion, et la formation
de l'acide nitrique. Après tous ces objets, M. Lavoisier examine la combinaison
des substances combustibles les unes avec les autres. Le soufre, le phosphore,
le charbon, ont la propriété de s'unir avec les métaux, et de là naissent les
combinaisons que M. Lavoisier désigne sous le nom de sulfures, phosphores et
carbures. L'hydrogène peut aussi se combiner avec un grand nombre de substances
combustibles ; dans l’état de gaz, il dissout le carbone ou charbon pur, le soufre, le phosphore, et de là
viennent les différentes espèces de gaz inflammable. Lorsque l’hydrogène et le carbone s'unissent
ensemble, sans que l'hydrogène ait été porté à l’état de gaz par le calorique, il en résulte, selon M. Lavoisier,
cette combinaison particulière qui est connue sous le nom d'huile, et cette huile est fixe ou volatile, selon les
proportions de l'hydrogène et du carbone.
Il a exposé dans les Mémoires de 1784 les expériences qui font conduit à cette
opinion. Cependant il nous parait que
cette opinion n'est pas à l’abri des objections ; nous nous contenterons d'en
proposer une. Toutes les huiles donnent un peu d'eau et un peu d'acide
lorsqu'on les distille, et, en
réitérant les distillations, on peut les réduire entièrement en eau, en acide,
en charbon, en gaz carbonique et en
gaz hydrogène carboné. Cet acide et cette eau, qu'on retire dans chaque
opération, n' annoncent-ils pas qu'il
entrait de l’oxygène dans la composition de l’huile ; car il est facile de prouver que l’air qui est contenu dans les
vaisseaux qui servent à la distillation n'a pas pu contribuer d'une manière sensible à leur production ? Il
fallait d'abord examiner les phénomènes que présente l’oxygénation des quatre
substances combustibles simples, le phosphore, le soufre, le carbone et
l'hydrogène ; mais ces substances, en se combinant les unes avec les autres,
ont formé des corps combustibles
composés, tels que les huiles, dont l’oxygénation doit présenter d'autres
résultats. Selon M. Lavoisier, il existe des acides et des Pagination
originale du document : p.411 oxydes à base
double et triple : il donne en général le nom d'oxyde à toutes les substances
qui ne sont pas oxygénées pour prendre le caractère acide. Tous
les acides du règne végétal ont pour base l'hydrogène et
le carbone, quelquefois l’hydrogène, le carbone et le phosphore. Les acides et
oxydes du règne animal sont encore plus composés ; il entre dans
la composition de la plupart quatre bases acidifiables, l'hydrogène, le
carbone, le phosphore et l'azote. M. Lavoisier tâche de rendre raison, par ces principes très simples, de la nature et de la
différence des acides végétaux et des autres substances d'une nature végétale et d'une nature animale ; il ne serait
pas juste, dans ce moment, de juger
avec sévérité ces aperçus ingénieux, parce que l’auteur se propose de les
développer dans les Mémoires particuliers. L'hydrogène, l’oxygène et le carbone
sont des principes communs à tous les végétaux,
et, pour cette raison, M. Lavoisier les appelle primitifs. Ces
principes, en raison de la quantité
de calorique avec lequel ils se trouvent combinés dans les végétaux, sont tous
à peu près en équilibre à la
température dans laquelle nous vivons ; ainsi les végétaux ne contiennent ni
huile, ni eau, ni acide carbonique, et
seulement les éléments de toutes ces substances ; mais un changement léger dans la température suit pour renverser cet
ordre de combinaison. L'hydrogène et l'oxygène s'unissent plus intimement et forment de l'eau, qui passe dans la
distillation ; une portion de l'hydrogène
et une portion du carbone se réunissent ensemble pour former de l’huile
volatile, une autre partie du carbone
devient libre et reste dans la cornue. Dans les substances animales, l’azote, qui est un de leurs principes primitifs, s'unit à
une portion d'hydrogène pour former l’alcali volatil. M. Lavoisier donne
des explications analogues à celles que nous venons d'indiquer, des phénomènes et des produits de la fermentation vineuse et de la
putréfaction. Il y a un grand rapport entre ces dernières idées de M. Lavoisier et celles que M. Higgins a exposées dans
un traité sur l’acide acéteux, la distillation, la fermentation, etc. qu'il a
publié en 1786, et dans lequel il admet la formation de l'eau et des huiles par faction de la chaleur ; mais,
n'ayant pas distingué le gaz hydrogène,
qu'il appelle phlogistique (ce qui est tout à fait indifférent), du
charbon et de leur combinaison, il n'a
pu déterminer les effets de la chaleur et de la fermentation avec autant d'exactitude que M. Lavoisier. Les substances
acidifiables, en s'unissant avec l’oxygène et en se convertissant en acides, acquièrent une grande
tendance à la combinaison : elles deviennent propres à s'unir avec des substances terreuses et
métalliques. Mais une circonstance remarquable distingue ces deux espèces de combinaison ; c'est que les
métaux ne peuvent contracter d'union avec les acides que par l'intermède de l'oxygène, de manière qu'il
faut qu'ils soient réduits en oxydes, ou qu'ils décomposent l'eau, Pagination
originale du document : p.412 dont ils
dégagent alors le gaz hydrogène, ou qu'ils trouvent de l'oxygène dans l'acide,
et c'est ainsi qu’ils forment du gaz nitreux avec l'acide nitrique. La
considération des phénomènes qui accompagnent les dissolutions conduit M.
Lavoisier à celle des bases alcalines, des terres et des métaux, et à
déterminer le nombre des sels qui peuvent résulter de la combinaison de ces
différentes bases avec tous les acides connus. Dans la seconde partie de son
ouvrage, M. Lavoisier présente successivement le tableau des substances
simples, ou plutôt de celles que l'état actuel de nos connaissances
nous oblige à considérer comme telles ; celui des radicaux ou bases oxydables
et acidifiables, composées de la réunion de plusieurs substances simples ;
ceux des combinaisons de l'azote, de l'hydrogène, du carbone, du soufre et du
phosphore, avec des substances simples, et enfin ceux des
combinaisons de tous les acides connus avec les différentes bases. Chaque
tableau est accompagné d'une explication sur la nature et les
préparations de la substance qui en est l’objet, et sur ses
principales combinaisons. M. Lavoisier a réuni, dans la troisième partie de son
ouvrage, la description sommaire de tous les appareils et de toutes les
opérations manuelles qui ont rapport à la chimie
élémentaire. Les détails indispensables dans lesquels il faut entrer auraient
interrompu la marche des idées rapides qu'il a présentées dans les deux
premières parties, et en auraient rendu la lecture
fatigante. Cette description est d'autant plus précieuse, que non-seulement
elle est faite avec beaucoup de méthode et de clarté, mais encore
qu'elle a particulièrement pour objet les appareils relatifs à la chimie
moderne, dont plusieurs sont dus à M. Lavoisier lui- même, et qui, en général, sont
encore peu connus, même de ceux qui font une étude particulière de la chimie ;
mais il est impossible de tracer une esquisse de ces descriptions, et
nous sommes obligés de nous borner à l’énumération des chapitres dans
lesquels elles sont classées. Le chapitre premier traite des instruments
propres à déterminer le poids absolu et la pesanteur spécifique des corps
solides et liquides. Le second est destiné à la gazométrie, ou à la
mesure du poids et du volume des substances aériformes. Le
chapitre troisième contient la description des opérations purement mécaniques
qui ont pour objet de diviser les corps, telles que la trituration, la
porphyrisation, le tamisage, le filtrage, etc. M. Lavoisier décrit, dans le
chapitre cinquième, les moyens que la chimie emploie pour écarter les unes des
autres les molécules des corps sans les décomposer, et, réciproquement, pour
les réunir, ce qui comprend la solution des sels, leur lixiviation,
leur évaporation, leur cristallisation, et les appareils distillatoires. Les
distillations pneumato-chimiques, les dissolutions métalliques, et quelques Pagination
originale du document : p.413 autres
opérations, qui exigent des appareils très compliqués, sont l’objet du sixième
chapitre. Le chapitre
septième contient la description des opérations relatives à la combustion et à
la détonation. Les appareils qui sont
décrits dans ce chapitre sont entièrement nouveaux. Enfin, le chapitre huitième est destiné aux instruments nécessaires
pour opérer sur les corps à de très hautes températures. Toutes ces descriptions sont rendues sensibles par un
grand nombre de planches lui présentent
tous les détails qu'on peut désirer, et qui sont gravées avec beaucoup de soin.
Nous ne devons pas laisser ignorer à
la reconnaissance des chimistes quelles ne sont point l’ouvrage d'un burin
mercenaire, mais qu'elles sont dues au zèle et aux talents variés d'un
traducteur de l'ouvrage de M. Kirwan sur le
phlogistique. Ces nouveaux éléments sont terminés par quatre tables : la
première donne le nombre des pouces
cubiques correspondant à un poids déterminé d'eau ; la seconde est destinée à convertir les fractions vulgaires en
fractions décimales, et réciproquement; la troisième présente le poids des différents gaz, et la
quatrième, la pesanteur spécifique des différentes substances. Ainsi, M.
Lavoisier, en partant des notions les plus simples et des objets les plus élémentaires, conduit successivement aux
combinaisons plus composées. Ses raisonnements sont presque touj ours
fondés sur des expériences rigoureuses, ou plutôt ils n'en sont que le
résultat, et il finit par donner les éléments
de l’art des expériences, qui doit servir de guide aux chimistes qui, au lieu de se livrer à de vaines hypothèses, veulent
établir leurs opinions la balance à la main. L'ouvrage est précédé d'un discours dans lequel M. Lavoisier rend compte
des motifs qui l’ont engagé à
l’entreprendre, et de la marche qu'il a suivie dans son exécution. S'étant
imposé la loi de ne rien conclure au
delà de ce que les expériences présentent et de ne jamais suppléer au silence
des faits, il n'a point compris dans ses éléments la partie de la chimie la
plus susceptible peut-être de devenir un jour une science exacte ; c'est
celle qui traite des affinités ou attractions chimiques ; mais les données principales manquent, ou du moins
celles que nous avons ne sont encore ni assez précises ni assez
certaines pour devenir la base sur laquelle doit porter une partie aussi
importante de la chimie. M. Lavoisier a la
modestie d'avouer qu'une considération secrète a peut-être donné du poids aux raisons qu'il pouvait avoir du se taire
sur les affinités ; c'est que M. de Morveau est au moment de publier l’article Affinité de
l’Encyclopédie méthodique, et qu'il a redouté de traiter en concurrence
avec lui un objet qui exige des discussions très délicates. Pagination
originale du document : p.414 Quoique les
savants s'empressent de toutes parts de rendre justice aux connaissances
profondes de M. de Morveau, il doit néanmoins être flatté d'un aveu
qui honore également celui qui l’a fait. Si M. Lavoisier ne parle point, dans
ce traité, des parties constituantes et élémentaires des corps, c'est qu'il
regarde comme hypothétique tout ce qu'on a dit sur les quatre éléments : il est
probable que nous ne connaissons pas les molécules simples et indivisibles qui
composent les corps ; mais il est un terme auquel nous conduisent nos analyses,
et ce sont les derniers résultats que nous en obtenons qui sont pour nous des substances simples, ou, si l'on veut,
des éléments. Mais l’objet principal de ce discours est de faire sentir la liaison qui se trouve entre l'abus des
mots et les idées fausses, entre la précision
du langage et les progrès des sciences. Nous pensons que ces nouveaux éléments
sont très-dignes d'être imprimés sous
le privilège de l’Académie. Fait à l'Académie, le 4 février 1789. Signé d'ARCET et BERTHOLLET. Je certifie le
présent extrait conforma à l’original et au jugement de l’Académie. A Paris, ce
7 février 1789 Signé le Marquis de CONDORCET. Pagination
originale du document : p.415 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.416 EXTRAIT DES
REGISTRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE MÉDECINE.
Du 6 février 1789. La
Société nous a chargés, M. de Horne et moi, d'examiner un ouvrage de M.
Lavoisier, ayant pour titre : Traité élémentaire de chimie, présenté
dans un ordre nouveau, et d'après les découvertes
modernes.
Comme ce
traité, que nous avons lu avec le plus vif intérêt, offre une méthode élémentaire
différente de toutes celles qu'on a suivies dans les ouvrages du même genre,
nous avons cru devoir en rendre un compte très détaillé à la
Compagnie. Les physiciens et tous les hommes qui s'adonnent à
l’étude de la philosophie naturelle savent que c'est aux expériences de M.
Lavoisier qu'est due la révolution que la chimie a éprouvée depuis quelques
années ; à peine M. Black eut-il fait connaître, il y a bientôt vingt ans,
l'être fugace qui adoucit la chaux et les alcalis, et qui avait jusque-
là échappé aux recherches des chimistes ; à peine M. Priestley eut-il donné ses
premières expériences
sur l’air fixe et ce qu'il appelait les différentes espèces d'air, que M.
Lavoisier, qui ne s'était encore appliqué
qu'à mettre. dans les opérations de chimie de l'exactitude et de la précision, conçut le vaste projet de répéter et de varier
toutes les expériences des deux célèbres physiciens anglais, et de poursuivre avec une ardeur
infatigable une carrière nouvelle, dont il prévoyait dès lors l’étendue.
Il sentit surtout que l'art de faire des expériences vraiment utiles et de
contribuer aux progrès de la science de
l'analyse consistait à ne rien laisser échapper, à tout recueillir, à tout
peser. Celle idée ingénieuse, à
laquelle sont dues toutes les découvertes modernes, l'engagea à imaginer, pour
les effervescences, pour les combustions, pour la calcination des métaux, etc.
des appareils capables de porter la lumière la plus vive sur la cause et
les résultats de ces opérations. On connaît trop
généralement aujourd'hui la Pagination
originale du document : p.417 plupart des faits
et des découvertes que cette route expérimentale nouvelle a fait naître, pour
que nous ayons besoin d'en suivre ici les détails ; nous nous contenterons
de rappeler que c'est à l'aide de ces procédés, à l'aide de ce nouveau
sens, ajouté, pour ainsi dire, à ceux que le physicien possédait déjà,
que M. Lavoisier est parvenu à établir des vérités et une doctrine nouvelles
sur la combustion, sur la calcination des métaux, sur la nature de l'eau,
sur la formation des acides, sur la dissolution des métaux, sur
la fermentation et sur les principaux phénomènes de la nature. Ces instruments
si ingénieux, cette méthode expérimentale si exacte et, si différente des
procédés employés autrefois par les chimistes, n'ont cessé, depuis
1772, de devenir, entre les mains de M. Lavoisier et des physiciens qui
out suivi la même route, une source féconde de découvertes. Les Mémoires de l'Académie
des Sciences offrent, depuis 1779 jusqu'en 1786, une suite non interrompue de
travaux, d'expériences, d'analyses faites par ce physicien sur le
même plan. Ce qu'il y a de plus frappant pour ceux qui aiment
à suivre les progrès de l'esprit humain dans ce genre de recherches, dont on
n'avait aucune idée il y a vingt ans, c'est que toutes les
découvertes qui se sont succédées depuis cette époque n'ont fait
que confirmer les premiers résultats trouvés par M. Lavoisier, et donner plus
de force et plus de solidité à la doctrine qu'il a proposée. Une autre
considération, qui nous paraît également importante, c'est que les expériences
de Bergman de Scheele, de MM. Cavendish, Priestley, et d'un grand nombre
d'autres chimistes dans différentes parties de l'Europe, quoique faites sous
des points de vue et avec des moyens différents en apparence., se sont
tellement accordées avec les résultats généraux dont nous parlions
plus haut, que cet accord, bien propre à convaincre les physiciens qui cherchent la vérité
sans prévention et avec le courage nécessaire pour résister aux préjugés, n'a fait que rendre plus solides et plus
inébranlables les fondements sur lesquels repose la nouvelle doctrine chimique.
C'est dans cet état de la science, c'est à l’époque où les faits nouveaux,
généralement reconnus, n'excitent encore des discussions entre les physiciens
que relativement à leur explication,
que M. Lavoisier, auteur de la plus grande partie de ces découvertes et de la
théorie simple et lumineuse qu'elles ont créée, s'est proposé d'enchaîner dans
un nouvel ordre les vérités nouvelles,
et d'offrir aux savants, ainsi qu'à ceux qui veulent le devenir, l'ensemble de
ses travaux. Ceux qui ont suivi avec
soin les progrès successifs de la chimie ne trouveront dans l'ouvrage dont nous
nous occupons que les faits qu'ils connaissent déjà ; mais ils se présenteront
à eux dans un ordre qui les frappera
par sa clarté et sa précision. Ce sera donc spécialement sur la marche des
faits, des idées et des raisonnements
tracés par M. Lavoisier, que nous insisterons dans ce rapport. Ce traité est divisé eu trois parties. Dans la
première, M. Lavoisier expose les éléments de la science et les bases
sur lesquelles elle est fondée. C'est sur les corps Pagination
originale du document : p.418 les plus simples,
et sur le premier ordre de leurs combinaisons, que roule cette première partie,
comme nous le dirons tout à l'heure. La seconde partie présente les
tableaux de toutes les combinaisons de ces corps simples entre eux, et des
mixtes qu'ils forment les uns avec les autres. Les composés salins
neutres en sont particulièrement le sujet. Dans la troisième partie, M.
Lavoisier décrit les appareils nouveaux, dont il a imaginé la plus grande
partie, et à l'aide desquels il a établi les vérités exposées dans la première
partie. Considérons chacune de ces parties plus en détail, et suivons
l'auteur jusqu'à ses dernières divisions, pour faire connaître l'utilité et
l'importance de son ouvrage.
PREMIÈRE PARTIE.
En exposant, dans un
discours préliminaire, les motifs qui l'ont engagé à écrire
son ouvrage, M. Lavoisier annonce que c'est en s'occupant de la nomenclature et
en développant ses idées sur les avantages et la nécessité de lier les mots
aux faits qu'il a été entraîné comme malgré lui à faire un traité
élémentaire de chimie ; que cette nomenclature méthodique l'ayant conduit
du connu à l'inconnu, cette marche, qu'il s'est trouvé forcé de suivre, lui a
paru propre à guider les pas de ceux qui veulent étudier la chimie ;
il pense que, quoique cette science ait encore beaucoup de
lacunes et ne soit pas complète comme la géométrie élémentaire, les faits qui
la composent s'arrangent cependant d'une manière si heureuse dans la
doctrine moderne, qu'il est permis de la comparer à cette dernière, et qu'on peut espérer
de la voir s'approcher, de nos jours, du degré
de perfection qu'elle est susceptible d'atteindre. Son but a été de ne rien
conclure au delà de l'expérience, de
ne jamais suppléer au silence des faits. C'est pour cela qu'il n'a point parlé
des principes des corps, sur lesquels on a depuis si longtemps donné des idées
vagues dans les écoles et dans les
ouvrages élémentaires ; qu'il n'a rien dit des attractions ou affinités
chimiques, qui ne sont point encore
connues, suivant lui, avec l'exactitude nécessaire pour en exposer les
généralités dans des éléments. Il
termine ce discours en retraçant les raisons et les motifs qui ont guidé les
chimistes dans le travail de sa nouvelle nomenclature, et en faisant voir
quelle influence les noms exacts proposés dans ce travail peuvent avoir
sur les progrès et l'étude de la science. La première partie qui suit immédiatement ce discours préliminaire
comprend dix- sept chapitres. M. Lavoisier annonce qu'il traite, dans cette première partie, de la
formation des fluides aériformes et de leur décomposition; de la
combustion des corps sim- [simples] Pagination
originale du document : p.419 ples et de la
formation des acides. Ce titre, qui n'aurait certainement pas rappelé aux
anciens chimistes l'ensemble de leur science, le comprend
cependant tout entier pour ceux qui la possèdent; et, en effet,
l'un de nous, en traçant la marche et l'état de toutes les connaissances
chimiques modernes dans quelques séances sur les fluides élastiques, a fait
voir que toute la science est comprise dans l'histoire de leur développement et
de leur fixation. Il est donc vrai de dire que, quoique le
domaine de la chimie ait été singulièrement agrandi par le nombre considérable
de faits nouveaux qu'elle a acquis depuis quelques années, le
rapprochement, la liaison et la cohérence de ces faits
peuvent en resserrer les éléments dans l’esprit de ceux qui les possèdent et de
ceux qu'une méthode exacte guide dans leurs études ; si les expériences
semblent effrayer l'imagination par leur nombre, les résultats simples
qu'on en tire et les données générales qu'elles fournissent font évanouir les
difficultés et rendent le travail de la mémoire plus facile. Cette vérité sera
mise dans tout son jour par l'exposé des divers objets compris dans
cette première partie de l’ouvrage de M. Lavoisier. Le premier chapitre traite
de la combinaison des corps avec le calorique ou la matière de la chaleur, et de la
formation des fluides élastiques. Le calorique dilate tous les corps en
écartant leurs molécules,
qui tendent à se rapprocher par la force d'attraction. On peut donc considérer
son effet comme celui d'une force répulsive
ou opposée à l'attraction. Lorsque l’attraction des molécules est, plus forte que l’écartement ou la force répulsive
communiquée par le calorique, le corps est solide ; si la force répulsive l’emporte sur l'attraction,
les molécules, s'écartent jusqu'à un certain point, la fusion, et enfin la fluidité, élastique naissent
de cet effet. Comme la diminution ou l’enlèvement du calorique permet le
rapprochement des molécules des corps dont l'attraction agit alors librement,
et comme on peut concevoir un
refroidissement touj ours croissant, beaucoup plus fort que celui que nous connaissons, et conséquemment un rapprochement
proportionné dans les molécules des corps, il s'ensuit que ces molécules ne se touchent pas, qu'il existe des
intervalles entre elles ; ces intervalles sont remplis par le calorique. On peut l'y accumuler; c'est cette
accumulation qui détruit l'attraction de
ces molécules, et qui donne enfin naissance à un fluide élastique. Tous les
corps liquides prendraient, à la
surface du globe, cette forme de fluides élastiques, si la pression de l'air atmosphérique ne s'y opposent pas ; c'est en raison
de cette pression qu'il faut que la température de l'eau soit élevée à 80 degrés pour qu'elle se
réduise en vapeur ; l'éther à 30 ou 33 degrés, l’alcool à 67. Mais les fluides, supposés réduits en vapeurs
par la suppression du poids de l'atmosphère, se formeraient bientôt un obstacle
à eux- mêmes par leur pression. On voit, d'après cela, qu'un fluide élastique ou un gaz n'est qu'une combinaison d'un
corps quelconque ou d'une base avec le calorique. On voit encore que,
sui- [suivant] Pagination
originale du document : p.420 vant les espaces
ou les intervalles compris entre les molécules des différents corps, il faudra
plus ou moins de calorique pour les dilater au même point ; c'est cette
différence qu'on nomme capacité de
chaleur,
et la
quantité de calorique nécessaire pour élever chaque corps à la même température
se nomme chaleur ou calorique spécifique. Comme les corps, en
se combinant au calorique, deviennent des fluides élastiques,
l’élasticité paraît être due à la répulsion des molécules du calorique,
ou plutôt à une attraction plus forte entre ces dernières qu'entre celles des
corps fluides élastiques, qui sont alors repoussées par l’effet du premier. Ces
idées simples, et fondées sur des expériences exactes, conduisent l'auteur
à donner, dans le second chapitre, des vues sur la formation et la
constitution de l'atmosphère de la terre ; elle doit être formée des substances
susceptibles de se volatiliser au degré ordinaire de chaleur qui existe sur le globe, et à
la pression moyenne qui soutient le mercure à
28 pouces. La terre étant supposée à la, place d'une planète beaucoup plus
rapprochée du soleil, comme l'est Mercure, l’eau, le mercure même, entreraient
en expansion et se mêleraient à l’air,
jusqu'à ce que cette expansion fût limitée par la pression exercée par ces
nouveaux fluides élastiques. Si le
globe était, au contraire, transporté à une distance beaucoup plus éloignée du
soleil qu'il ne l'est, l’eau serait
solide et comme une pierre dure et transparente. La solidité, la liquidité, la fluidité élastique sont donc des modifications des
corps dues au calorique. Les fluides habituellement vaporeux qui forment notre
atmosphère doivent, ou se mêler lorsqu'ils ont de l’affinité, ou se séparer suivant l'ordre de leurs
pesanteurs spécifiques, s'ils ne sont pas susceptibles de s'unir. M. Lavoisier pense que la couche
supérieure de l'atmosphère est surmoulée de gaz inflammables légers, qu'il regarde comme la matière et le foyer des
météores lumineux. Il était très naturel
que ces considérations générales sur l'atmosphère de la terre fussent suivies
de l'analyse de l'air qui la compose
; cette analyse fait le sujet du troisième chapitre, dans lequel est consignée
une des plus belles découvertes du
siècle et de la chimie moderne. La combustion du mercure dans un ballon, la perte de poids d'un sixième de l'air,
l'augmentation correspondante du poids du mercure, la dualité délétère des cinq sixièmes d'air restant,
la séparation de fait de la chaux de mercure fortement échauffée, la pureté de celui-ci, la recomposition de l'air
semblable à celui de l'atmosphère par
l’addition de cette partie tirée du mercure à celle restée dans le ballon, la
chaleur vive et la flamme brillante
dégagée de l'air par le fer qu'on y brûle, suffisent à M. Lavoisier pour prouver
que l'air atmosphérique est un
composé de deux fluides élastiques différents, l'un respirable, l’autre non respirable ; que le premier en forme 0,97, et le
second 0,73. Dans le quatrième chapitre, ce savant expose les noms
donnés à ces deux gaz Pagination
originale du document : p.421 qui composent
l’air atmosphérique, et les raisons qui les ont fait proposer; le premier
porte, comme on sait, le nom d'air vital et de gaz oxygène, et
le second, celui de gaz azote. La quantité des principes de
l'atmosphère étant connue, la nature du gaz oxygène occupe ensuite M.
Lavoisier. Le cinquième chapitre est destiné à l'examen de la
décomposition du gaz oxygène ou air vital par le soufre, le phosphore, le
charbon, et de la formation des acides. Cent grains de phosphore brûlés dans un
ballon bien plein d'air vital absorbent 154 grains de cet air ou de sa base, et
forment 254 grains d'acide phosphorique concret. 28 grains de charbon
absorbent ; 72 grains d'air vital, et forment 100 grains d'acide carbonique. Le
soufre en absorbe plus que son poids et devient acide sulfurique. La base de
cet air a donc la propriété, en se combinant avec ces trois corps combustibles,
de les convertir
en acides ; de là le nom d'oxygène donné à cette base de l'air vital, et celui
d'oxygénation donné à l'opération par
laquelle cette base se fixe. La nomenclature des différents acides forme le sujet du sixième chapitre ; le nom général d'acide
désigne la combinaison avec l’oxygène ; les noms particuliers appartiennent aux bases différentes unies à l'oxygène. Le
soufre forme l’acide sulfurique, le
phosphore l'acide phosphorique, le carbone ou charbon pur l'acide carbonique.
La terminaison variée dans ces mots
exprime la proportion d'oxygène ; ainsi, le soufre combiné avec peu d'oxygène, et dans l’état d'un acide faible,
donne l'acide sulfureux, tandis qu'une plus grande proportion de ce principe
acidifiant forme l'acide sulfurique. Nous n'insisterons pas davantage sur les principes de cette nomenclature, qui sont déjà
bien connus de la Société. M. Lavoisier donne, à la fin de ce chapitre, les proportions d'azote et d'oxygène
qui constituent l'acide du nitre en différents états, comme l'a
découvert M. Cavendish. Il parle, dans le septième chapitre, de la
décomposition du gaz oxygène par les métaux.
On sait que ces corps combustibles absorbent la base de l'air vital plus ou moins facilement, et à des températures plus ou
moins élevées ; mais, comme l'affinité de ces corps pour l'oxygène est
en général rarement plus forte que celle de celui-ci pour le calorique, les métaux s'y combinent plus ou moins difficilement.
Les composés des métaux et d'oxygène n'étant pas des acides, on a proposé le nom d'oxydes pour les désigner, au lieu
de celui de chaux, qui était équivoque
et fondé sur une fausse analogie. M. Lavoisier donne les détails de cette
nomenclature à la fin de ce chapitre.
Il traite, dans le huitième, du principe radical de l'eau et de la
décomposition de ce fluide par le
charbon et le fer. L'eau que l’on fait passer à travers un tube de verre ou de porcelaine rougi au feu se réduit seulement en
vapeur, sans éprouver d'altération. En passant à travers le même tube chargé de 28 grains de charbon, il y a 85 grains
d'eau changée de nature, et le charbon disparaît. On Pagination
originale du document : p.422 obtient 100 grains ou 144 pouces
d'acide carbonique, qui contiennent, outre les 28 grains de carbone, 72 grains d'oxygène, provenant nécessairement de
l'eau, puisque aucun autre corps n'a pu le lui fournir ; ce gaz acide carbonique est mêlé de 13 grains ou 380 pouces
cubes de gaz inflammable ; ces 13
grains, ajoutés aux 72 grains d'oxygène enlevé par le carbone, font les 85
grains d'eau qui manquent; et, en
effet, en brûlant dans un appareil fermé 85 grains d'air vital et 15 de gaz inflammable, on a 100 grains d'eau. L'eau est donc
composée de ces deux principes. L'oxygène est déjà connu par les détails précédents ; la base du gaz inflammable a été
nommée hydrogène, ou principe
radical de l'eau ; M. Lavoisier en décrit les propriétés, et surtout celles
qu'il a dans l’état de gaz. Le
neuvième chapitre contient des détails absolument neufs sur la quantité de
calorique qui se dégage dans la combustion
de différents corps combustibles, ou, ce qui est la même chose en d'autres termes, pendant la fixation de l'air
vital ou gaz oxygène. Pour bien concevoir l'objet de cet article important, rappelons que l'air vital est,
comme tous les autres fluides élastiques, une base solidifiable unie à du
calorique ; que ce gaz ne peut se fixer, ou sa base devenir solide dans les combinaisons où elle entre, qu'en perdant le
calorique qui la tenait écartée et divisée en fluide élastique. Cela posé, il
est clair qu'en partant d'une expérience où l'air vital parait laisser déposer
sa base la plus solide possible en perdant tout le calorique qu'il contient, on
aura une mesure à peu de chose près
exacte de la quantité absolue de calorique contenu dans une quantité donnée de
gaz oxygène. Mais comment mesurer
cette chaleur ? M. Lavoisier s'est servi, pour cela, d'un appareil ingénieux, dont la première idée est due à M.
Wilcke, physicien anglais, mais qui a été changé et bien perfectionné par M. de Laplace. Ce sont des
enveloppes de tôle garnies de glace, et laissant un espace vide dans lequel on fait les expériences de
combustion, absolument comme dans une sphère de glace assez épaisse pour que la température extérieure n'influe en
aucune manière sur sa cavité intérieure. Le calorique se sépare pendant la
fixation de l'oxygène, fond une partie de cette glace, proportionnelle à la quantité qui s'en dégage. En
opérant ainsi la combustion du phosphore, M. Lavoisier a vu qu'une livre de ce combustible fond 100 livres de glace,
en absorbant une livre 8 onces d'air
vital ; et, comme l'acide phosphorique concret qui résulte de cette combustion
paraît contenir l'oxygène le plus
solide et le plus séparé de calorique, il en conclut que, dans l'état d'air vital, une livre d'oxygène contient une quantité
de calorique suffisante pour fondre 66 livres 10 noces 5 gros 24 grains
de glace à zéro. En partant de cette expérience, M. Lavoisier a trouvé qu'une livre de charbon absorbant 2 livres 9 onces 1 gros
10 grains d'oxygène, et ne faisant fondre que 96 livres 8 onces de glace, tout le calorique contenu dans cette quantité
d'air vital n'est pas dégagé, puisqu'il se serait fondu 171 livres 6
onces 5 gros de glace ; la différence Pagination
originale du document : p.423 de cette
quantité de calorique, c'est-à-dire une quantité capable de fondre 74 livres 14
onces 5 gros de glace, est employée à tenir sous forme de gaz 3 livres
9 onces 1 gros 10 grains d'acide carbonique, produit dans cette
opération. La combustion du gaz hydrogène brûlé dans l'appareil de glace
lui a présenté le résultat suivant, relativement au dégagement du calorique :
une livre de ce gaz absorbe 5 livres 10 onces 3 gros 24 grains d'air
vital en brûlant ; il se dégage dans cette combustion une quantité de calorique capable de
faire fondre 295 livres 9 onces 3 gros 1/2 de glace ; or, comme cette dose d'air vital aurait donné, si on l'avait
fait servir à la combustion du phosphore, où l'oxygène paraît être le plus solide possible, une quantité
de calorique suffisante pour fondre 377 livres 12 onces 3 gros de glace, il
s'ensuit que la différence de ces deux quantités de calorique, qui est exprimée
par celle de 82 livres 9 onces 7 gros 1/2 de glace fondue, reste dans l'eau à
zéro de température, et que chaque livre de ce liquide, à cette température,
contient, dans la portion d'oxygène
qui fait un de ses principes, une quantité de calorique capable de fondre 12
livres 5 onces 2 gros 48 grains de
glace. M. Lavoisier a trouvé, par les mêmes expériences, la quantité de
calorique contenu dans l'oxygène de
l’acide nitrique, et celle qui se dégage dans la combustion de la cire et de l’huile
; et, si ces recherches avaient été suivies avec un soin égal sur la quantité
de calorique que chaque métal dégage de l’air
vital en absorbant l'oxygène ou en se calcinant, cette appréciation serait, comme le dit M. Lavoisier à la fin de ce
chapitre, d'une grande utilité pour l’explication de beaucoup de phénomènes chimiques. L'auteur décrit,
clans le dixième chapitre, la nature générale des combinaisons des substances combustibles déjà examinées dans les
chapitres précédents, les unes avec
les autres. Les alliages des métaux, les dissolutions du soufre, du phosphore,
du charbon dans le gaz hydrogène,
l'union du carbone et de l'hydrogène, qui constitue les huiles en général, sont
indiqués successivement. Dans ce
chapitre, comme dans tous les précédents, on trouve des vues neuves sur l'union encore inconnue de plusieurs
substances combustibles entre elles. Dans tous les chapitres précédents, qui ont pour objet la décomposition
de l'air vital, l'absorption de l'oxygène par les corps combustibles et les phénomènes de leur combustion et de leurs
produits, il n'est question que des substances combinées une à une avec
l'oxygène. Le deuxième chapitre présente les combinaisons de ce principe acidifiant avec plusieurs bases à la fois,
conséquemment des oxydes et des acides
à plusieurs bases, et la composition des matières végétales et animales. On
reconnaît, par la lecture de ce chapitre, la clarté des principes de la chimie
moderne, et en même temps la richesse de la nature dans la variété des
composés qu'elle forme avec très peu d'éléments. L'analyse la plus exacte prouve que l’hydrogène et le carbone, privés
de la plus grande quantité de leur calorique et unis ensemble, dans des
proportions différentes, à des quantités diverses d'oxygène Pagination
originale du document : p.424 constituent les
matières végétales. M. Lavoisier range ces matières parmi les oxydes, lorsque
la quantité d'oxygène est trop peu abondante pour leur donner le caractère
acide, ou parmi les acides, lorsque ce principe y est plus abondant.
Le phosphore et l’azote font quelquefois partie de ces composés ; et alors ils
se rapprochent des matières animales. Ainsi, trois ou quatre corps simples, unis en
différentes proportions et dans différents états de pression ou de privation de
calorique, suffisent à la chimie moderne pour rendre raison de la
diversité des matières végétales, oxydes et acides ; et, en y
ajoutant l’azote, le phosphore et le soufre, les composés plus compliqués qui
en résultent donnent une idée exacte de la nature des substances animales,
oxydes ou acides. M. Lavoisier fait voir qu'on pourrait, suivant les
règles de sa nouvelle nomenclature, désigner les principales espèces des
matières végétales composées d'hydrogène de carbone et d'oxygène, soit oxydes,
soit acides ; mais la nécessité d'associer trop de mots pour désigner ces
composés formerait un langage barbare, et l'auteur préfère les noms des
treize acides végétaux et des six acides animaux, adoptés dans la
nouvelle nomenclature. Il termine ce chapitre par le dénombrement de ces
acides. Ces principes, aussi clairs que simples, sur la
composition des substances végétales et animales, conduisent M. Lavoisier à
faire connaître, avec une égale clarté ; dans le douzième chapitre, la décomposition
de ces matières par le feu. Des trois principes les plus abondants qui les
constituent, l'hydrogène et l'oxygène tendent à prendre la forme de
gaz par leur combinaison avec le calorique ; le troisième, ou
le carbone, n'a pas la même propriété. Une chaleur au-dessus de celle où ces principes
restent en équilibre doit donc détruire cet équilibre. A une température
supérieure à celle de l'eau bouillante, l’oxygène s'unit à l’hydrogène
et forme de l'eau qui se dégage ; une partie du carbone unie
séparément à l’hydrogène forme de l'huile ; une autre se précipite seule. Une
chaleur beaucoup plus forte, comme celle qu'on nomme chaleur
rouge, sépare ces principes dans un autre ordre,
décompose même l'huile formée par la première chaleur, et réduit entièrement
les matières végétales à de l’acide carbonique, à de l'eau et à une
partie de charbon isolée. L'azote, le phosphore et le soufre,
ajoutés à ces premiers principes, dans les matières animales, compliquent cet
effet du feu, et donnent naissance à l’ammoniaque, que ces
matières fournissent dans leur distillation. Tous ces phénomènes
ne tiennent qu'à des changements de proportions dans l’union des principes et à
leur diverse affinité pour le calorique. Des changements également simples ont
lieu dans les fermentations vineuse, putride et acéteuse, dont M.
Lavoisier expose avec soin les phénomènes dans les chapitres
XIII, XIV et XV. Ces opérations naturelles paraissaient autrefois inexplicables
aux chimistes, et il n'y a pas plus de quinze ans qu'on désespérait encore d'en
apprécier la cause. M. Lavoisier, par des procédés ingénieux, est parvenu à Pagination
originale du document : p.425 prouver que,
dans la fermentation vineuse, la matière sucrée, qu'il regarde comme un oxyde,
et qui est formée, suivant ses recherches, de 8 parties
d'hydrogène, 28 de carbone et 64 d'oxygène, sur 100 parties de cette
matière, est séparée en deux portions (par le changement et le partage seul de l'oxygène
entre les deux bases oxydables) : une grande partie du carbone prend plus
d'oxygène en se séparant de l'hydrogène, et se convertit. en gaz acide
carbonique, qui se dégage pendant cette fermentation, tandis que l’hydrogène,
privé de l'oxygène et uni à un peu de carbone et à l'eau ajoutée,
constitue l’alcool. Ainsi, la nature change par cette fermentation des
combinaisons ternaires en combinaisons binaires. Un effet analogue a lieu dans
la putréfaction. Les cinq substances simples et combustibles
qui forment les bases oxydables et acidifiables des matières animales,
l'hydrogène, le carbone, l'azote, le soufre et le phosphore, et qui
sont unies en différentes proportions à l'oxygène, se dégagent peu à
peu en gaz hydrogène sulfuré, carboné. phosphore, en gaz azote, en gaz acide carbonique
et en gaz ammoniaque. La fermentation acéteuse ne consiste que dans
l’absorption de l’oxygène, qui y porte plus de principe acidifiant. Il semble
que l'acide carbonique n'ait besoin que d'hydrogène pour devenir acide
acéteux, puisque, en effet, ôtez ce dernier principe au vinaigre, il passe à
l'état d'acide carbonique. Quoique cette théorie de la putréfaction et de
l'acétification paraisse presque aussi simple que celle de la
fermentation vineuse, M. Lavoisier convient que la chimie n'est pas
aussi avancée dans la connaissance de ces deux phénomènes que dans celle du
premier. Dans le seizième chapitre, l'auteur considère la formation des
sels neutres et les bases de ces sels. Les acides dont, M.
Lavoisier a exposé la nature dans les premiers chapitres peuvent se combiner
avec quatre bases terreuses, trois bases alcalines et dix-sept bases
métalliques. Il expose succinctement l'origine, l’extraction et
les principales propriétés de la potasse, de la soude, de l'ammoniaque, de la
chaux, de la magnésie, de la baryte et de l'alumine ; ces matières,
si l'on en excepte l’ammoniaque, sont les moins connues de
tous les corps naturels, et, quoique, d'après quelques expériences, on pense qu'elles
sont composées, on n'en a point encore séparé les éléments; aussi M. Lavoisier
n'en parle-t-il que très brièvement. Il termine cet exposé en annonçant
qu'il est possible que les alcalis fixes se forment pendant la combustion des
substances végétales à l'air. L'un de nous a déjà fait présumer, dans
plusieurs mémoires et dans ses leçons, que l'azote, qu'il a considéré comme
principe des alcalis ou comme alcaligène, pourrait bien se
précipiter de l’atmosphère dans les substances végétales qu'on brûle
dans l'atmosphère. Alors l'air atmosphérique serait un réservoir des principes
acidifiant et alcalifiant où la nature puiserait sans cesse ces
principes pour les fixer dans des bases et produire les diverses matières
salines, acides et alcalines. Mais cette assertion, loin d'être une vérité
démontrée, ne
doit être regardée que comme une hypothèse, jusqu'à ce Pagination
originale du document : p.426 que les
expériences dont on s'occupe en ce moment dans plusieurs laboratoires aient
permis de prononcer.
Le chapitre dix-septième et dernier de cette première partie de l’ouvrage de M.
Lavoisier contient une suite de réflexions
sur la formation des sels neutres et sur leurs bases, qu'il nomme salifiables. Il y fait voir que les terres et les
alcalis s'unissent aux acides sans éprouver d'altération, et qu'il n'en est pas de même des métaux. Aucun de
ces corps ne peut se combiner avec les acides sans s'oxygéner ; ils enlèvent l’oxygène soit à l'eau,
dont ils séparent l'hydrogène en gaz, soit aux acides eux-mêmes, dont ils volatilisent une portion de la
base unit à une portion d'oxygène. De ce dégagement naît l'effervescence qui
accompagne la dissolution des métaux dans les acides. On pourrait peut-être désirer dans ce chapitre des
détails plus étendus sur les dissolutions métalliques ; mais M. Lavoisier voulait mettre une grande
précision dans cette partie de son ouvrage, et celle qu'il y a mise en effet en rend la marche plus rapide,
sans nuire à la clarté des principes qui y sont exposés. Ce chapitre est terminé par un dénombrement des quarante-huit,
substances simples qui peuvent être
oxydées et acidifiées dans différents états, en y comprenant les dix- sept
substances métalliques qu'il croit devoir aussi considérer comme des acides,
lorsqu'elles sont portées à un grand degré d'oxygénation. Il résulte de ce
dénombrement que quarante-huit acides qui peuvent être unis à vingt-quatre
bases terreuses, alcalines et métalliques, donnent onze cent cinquante-deux
sels neutres, dont la nature et les propriétés n'auraient jamais été connues
avec précision, si, comme l’observe M. Lavoisier,
on avait continué à leur donner des noms, ou impropres, ou insignifiants, comme
on l’avait fait à l’époque des
premières découvertes de chimie, et qui, cependant, peuvent être placés avec ordre dans la mémoire, à l’aide de la
nouvelle nomenclature. Tels sont les faits, tel est l’ordre qui les lie, telles sont les conséquence ; qui en
découlent naturellement, consignés dans la première partie de ce traité élémentaire. Nous les avons
fait connaître assez en détail pour que la société pût apprécier l’ensemble du travail de M. Lavoisier, et
le comparer à ce qu'était encore la science chimique il v a vingt ans. On a pu y voir qu'à l’aide des expériences
modernes les éléments de cette science
sont aujourd'hui beaucoup plus faciles à saisir qu'ils n'étaient autrefois,
parce que tout se réduit à concevoir les effets généraux du calorique, à
distinguer les matières simples, bases de toutes les combinaisons possible ; à considérer leur union avec l’oxygène ;
c'est presque sur ces trois faits généraux que sont fondés les détails contenus
dans la première partie. En y ajoutant les attractions de l’oxygène pour les
différents corps, les décompositions qui résultent des effets de ces
attractions, on aurait l'ensemble
complet de ces éléments. Mais M. Lavoisier a omis cet objet à dessein, et nous avons
exposé ailleurs les raisons qui font déterminé à prendre ce parti. Pagination
originale du document : p.427 DEUXIÈME PARTIE.
Après avoir rendu un compte exact de la marche nouvelle que M. Lavoisier a suivie
dans la première partie, qui constitue seule les éléments de la science, il ne
sera pas nécessaire d'entrer dans des détails aussi étendus pour
faire connaître les deux autres parties. La seconde est
entièrement destinée à présenter dans des tableaux les combinaisons salines neutres,
ou les composés de deux mixtes, car on se rappellera facilement que les acides
sont des mixtes formés de bases unies à l'oxygène, les oxydes métalliques
également formés de l’oxygène uni aux métaux, et enfin les
terres et les alcalis vraisemblablement des composés. Mais, pour rendre cette
seconde partie plus complète, M Lavoisier a mis avant les
tableaux des sels neutres ix tableaux qui offrent les combinaisons
simples dont il a été parlé dans la première partie, et qui sont destinés à
servir de résumé
à cette première partie. On trouve dans ces dix tableaux : 1° Les substances
simples, ou au moins celles que les chimistes
ne sont pas parvenus à décomposer, au nombre de trente-trois, savoir la lumière, le calorique, l'oxygène, l'azote,
l’hydrogène, le soufre, le phosphore, le carbone, le radical muriatique, le radical fluorique, le radical
boracique, les dix-sept substances métalliques, la chaux, la magnésie, la baryte, l’alumine et la silice ;
2° Les bases oxydables et acidifiables composées, au nombre de vingt, qui comprennent le radical
nitro-murialique, les radicaux des douze arides végétaux et ceux des sept acides animaux ; 3° Les combinaisons de
l’oxygène avec des substances simples
; 4° Les combinaisons des vingt radicaux composés, avec l'oxygène, ou les
acides nitro-muriatiques, les
radicaux des douze acides végétaux et ceux des sept acides animaux ; 5° Les
combinaisons binaires de l'azote avec les substances simples ; M. Lavoisier
nomme celles de ces combinaisons qui
ne sont pas connues, des azotures ; 6° Les combinaisons binaires de
l'hydrogène avec les mêmes substances
simples ; M. Lavoisier désigne par le nom d'hydrures celles de ces combinaisons qui n'ont point été examinées ; 7°
Les combinaisons binaires du soufre avec les corps simples ; Excepté les acides sulfurique et
sulfureux, toutes ces combinaisons sont des sulfures ; 8° Celles du phosphore avec les mêmes corps ; tels
sont l'oxyde de phosphore, les acides phosphoreux et phosphorique et les phosphures ; 9° Celles du
carbone avec les substances simples, savoir l’oxyde do carbone, l'acide carbonique et les carbures ;
10° Enfin, celles de quelques radicaux avec les substances simples. A
ces ta Pagination
originale du document : p.428 bleaux sont jointes des observations
dans lesquelles M. Lavoisier donne l’explication, et retrace sous de nouveaux points de vue une partie des faits
consignés dans la première partie. Les tableaux des sels neutres sont au nombre de trente-quatre ; on
y trouve successivement les nitrites, les nitrates, les sulfites, les sulfates, les phosphites, les
phosphates, les carbonates, les muriates, les muriates oxygénés, les nitro-muriates, les fluates, les
borates, les arséniates, les molybdates, les tungstates, les tartrites, les
malates, les citrates, les pyrolignites, les pyrotartrites, les pyromucites,
les oxalates, les acétites, les acétates, les succinates, les benzoates, les
camphorates, les gallates, les lactates, les saccholates, les formiates,
les bombiates, les sébates, les lithiates et les prussiates. Le nombre de chaque classe de ces sels neutres contenus dans
ces tableaux est presque dans tous de vingt-quatre. M. Lavoisier a eu soin de disposer ces sels
suivant l’ordre connu des affinités de leur bases pour les acides. Comme la plupart de ces acides sont
nouvellement découverts, l’auteur a joint à chaque tableau des observations sur la manière de préparer
ces sels, sur l’époque de leurs découvertes, sur les chimistes à qui elles sont dues, et souvent même sur la comparaison
de leur nature et de leurs propriétés.
M. Lavoisier n'a point eu l’intention d'offrir, dans cette seconde partie, une
histoire des sels neutres ; il n'a
rien dit de la forme, de la saveur, de la dissolubilité, de la décomposition
des sels neutres, ni de la proportion et de l’adhérence de leurs principes. Ces
détails, que l’on trouve dans les Éléments de Chimie de l'un de nous,
n'entraient point dans le plan de M. Lavoisier; son but était de présenter nue
esquisse rapide de ces combinaisons, et il est très bien rempli par les
tableaux et par les courtes notices qui lus accompagnent.
TROISIÈME PARTIE.
La
troisième partie, qui a pour titre, Description des appareils et des
opérations manuelles de !a chimie, montre aussi bien que les deux premières, combien la science a acquis de moyens,
et la différence qui existe entre les expériences que l'on fait aujourd'hui et celles que l’on
faisait autrefois. M. Lavoisier a rejeté cette description à la fin, parce que les détails qu'elle exige
auraient détourné l'attention et trop occupé l’esprit des lecteurs, si elle avait été placée avec la théorie,
et parce que, d'ailleurs, elle suppose des connaissances qu'on n'a pu acquérir qu'en lisant les deux premières
parties. Quoique M. Lavoisier fait présentée comme une explication des planches
qu'on place ordinairement à la fin d'un ouvrage, nous y avons trouvé une méthode descriptive très claire, et des
observations intéressantes sur l’usage des
instruments et sur les phénomènes que présentent les corps qu'on soumet à leur
action. Sans prétendre donner ici un extrait de cette troisième Pagination
originale du document : p.429 partie, qui n'en
est pas susceptible, nous nous bornerons à offrir un léger aperçu des
principaux objets contenus dans les huit chapitres qui la composent. Le premier
traite des instruments nécessaires pour déterminer le poids absolu et la
pesanteur spécifique des corps solides et fluides ; telles sont les
balances exactes de différentes sensibilités, depuis celles où l'on pèse
cinquante à soixante livres, jusqu'à celles qui trébuchent à des cinq cent
douzièmes de grain (M. Lavoisier y propose des poids en fractions décimales
de la livre, au lieu des divisions de la livre en onces, gros et grains) ;
tels sont encore la balance hydrostatique, les aréomètres, surtout celui dont
se sert M. Lavoisier, et qui lui est particulier. Dans le chapitre
second, sont décrits les instruments propres à mesurer les gaz,
les raves pneumato-chimiques à l'eau et au mercure, les différents récipients,
le ballon à peser les gaz, la machine construite par les soins de M.
Lavoisier, pour mesurer le volume et connaître la quantité des gaz
suivant la pression et la température qu'ils éprouvent. M. Lavoisier nomme
cette ingénieuse machine gazomètre. Le chapitre III est destiné à la
description d'un instrument imaginé par M. de Laplace pour déterminer la
chaleur spécifique des corps et la quantité de calorique qui
se dégage dans les combustions, dans la respiration des animaux et dans toutes
les opérations de la chimie. Cette utile machine, dont nous avons déjà
indiqué les avantages dans la première partie, est nommée calorimètre
par M. Lavoisier. Un trouve exposés, dans le quatrième chapitre,
les instruments dont on se sert dans les simples opérations mécaniques de la
chimie, telles que la trituration, la porphyrisation, le tamisage, le
lavage, la filtration et la décantation. Le cinquième
chapitre contient la description des moyens et des instruments qu'on emploie
pour opérer l'écartement ou le rapprochement des molécules des corps
; tels sont les vases destinés à la solution des sels, à la
lixiviation, à l'évaporation, à la cristallisation et à la distillation simple,
ou évaporation en vaisseaux clos. M. Lavoisier décrit, dans le sixième
chapitre, les instruments qui servent aux distillations composées et
pneumato-chimiques, et surtout les appareils de Woulfe, variés de beaucoup
de manières ; ceux qu'on emploie dans les dissolutions métalliques ; ceux qu'il
a imaginés pour
recueillir les produits des fermentations vineuse et putride, pour la
décomposition de l'eau. Il y joint une
histoire des différents lots et de leurs diverses utilités. Les détails
contenus dans le septième chapitre
font connaître les appareils dont ce physicien s'est servi avec succès pour
connaître avec exactitude les
phénomènes qui ont lieu dans la combustion du phosphore, du charbon, des huiles, de l’alcool, de l’éther, du gaz
hydrogène, et, conséquemment, dans la recomposition de l'eau ; ainsi que dans l'oxydation des métaux. Enfin, le
huitième et dernier chapitre de l’ouvrage traite des instruments et des
procédés propres à exposer les corps à de hautes températures; il est question
de Pagination
originale du document : p.430 la fusion, des
creusets, des fourneaux, de la théorie de leur construction, du moyen
d'augmenter considérablement l'action du feu, en substituant à l'air
atmosphérique l'air vital ou gaz oxygène. Quand ces détails ne seraient que des
descriptions simples des machines auxquelles la chimie doit toutes ses nouvelles connaissances, ils n'en
seraient pas moins utiles, et on n'en aurait pas moins d'obligation à M. Lavoisier pour avoir publié des
procédés et des appareils trop peu connus, même d'une partie de ceux qui professent aujourd'hui la chimie, comme l’a dit
l’auteur. Mais ce n'est point seulement une description sèche et aride que
présente cette troisième partie : on y décrit l'usage des diverses machines, on
y fait connaître la manière de s'en servir et les phénomènes qu'elles offrent à
l’observateur; souvent même des points
particuliers de la théorie générale exposée dans tout l’ouvrage portent un jour éclatant sur le résultat
des opérations auxquelles servent ces instruments. On peut considérer cette troisième partie comme
une histoire des principaux appareils nécessaires aux opérations de la chimie moderne, et sans
lesquels on ne pourrait plus espérer de faire faire des progrès à cette
science. Les planches placées à la fin de l’ouvrage ont été gravées avec soin
par la personne qui nous a déjà donné
la traduction de Kirwan, et qui sait allier la culture des lettres à celle des arts et des sciences. L'ouvrage est terminé par
des tables où sont exposées la pesanteur du pied cube des différents gaz, la
pesanteur spécifique d'un grand nombre de corps naturels, les méthodes pour convertir les fractions vulgaires en fractions
décimales et réciproquement, des moyens de correction pour la pesanteur des gaz relativement à la hauteur du mercure
dans le baromètre et dans le
thermomètre. Ces tables deviennent aujourd'hui aussi nécessaires aux chimistes
pour obtenir des résultats exacts dans leurs expériences, que le sont les
tables de logarithmes aux géomètres et aux astronomes, pour l'exactitude et. la rapidité de leurs calculs. Nous
pensons que l’ouvrage de M. Lavoisier
mérite l’approbation de la société, et d'être imprimé sous son privilège. Au
Louvre, le 6 février 1789. Signé DE
HORNE et DE FOURCROY. La société de médecine ayant entendu, dans sa séance
tenue au Louvre, le 6 du présent mois, la lecture du rapport ci-dessus, en a
entièrement adopté le contenu. Ce que
je certifie véritable. Ce 7 février 1789. Signé VICQ D'AZUR, Secrétaire perpétuel. Pagination
originale du document : p.431 [Page blanche] Pagination
originale du document : p.432 EXTRAIT DES
REGISTRES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE.
Du 5 février 1789 Nous avons
été chargés par la Société d'Agriculture, M. de Fourcroy et moi, de lui rendre
compte d'un traité élémentaire de chimie, par M. Lavoisier. Des
savants de l'Europe, l'un de ceux qui a le plus contribué à
l'heureuse révolution que la chimie pneumatique a éprouvée de nos jours, c'est,
sans contredit, M. Lavoisier. Les mémoires importants qu' il a publiés depuis
quinze ans, les faits brillants dont on lui est spécialement redevable,
toutes les expériences connues qu'il a vérifiées avec un zèle
infatigable, l'élégance et la précision des appareils qu'il a imaginés, la
théorie nouvelle, enfin, sur laquelle il a singulièrement influé,
et qu'on peut vraiment regarder comme lui étant propre, faisaient désirer que M. Lavoisier
réduisit ces nombreux matériaux en un corps d'ouvrage, et surtout qu'il en fit un ouvrage élémentaire : il était
difficile de mieux remplir ce vœu. Ce traité peut servir à l'étude de la chimie par la méthode et l'ordre qui
y règnent; quant au chimiste déjà familiarisé avec la science, il y trouvera
les faits réunis et classes, ainsi que de grandes vues sur le système de notre atmosphère, de la végétation, de l'animalisation,
etc. ce qui offre une vaste carrière à ses recherches. La chimie recule de jour
en jour ses bornes ; elle embrasse maintenant toutes les sciences physiques, et l'agriculture est peut-être une de celles qui aura
le plus à s'applaudir des succès de la chimie, l'analyse étant le seul
moyeu de conduire sûrement à la connaissance des terres, des amendements et des engrais : enfin, la chimie pneumatique peut
seule expliquer les grands phénomènes de la végétation, la formation des
différents principes des végétaux, l'étiolement des plantes, etc. Pagination
originale du document : p.433 c'est elle qui
nous a fait connaître cette double émission d'un gaz homicide et d'un gaz
vital. Dans le petit nombre d'ouvrages qui ont été récemment publiés sur
la chimie, tout étant neuf, la nomenclature, les faits, l'application de la méthode des
géomètres à ces mêmes faits, et la théorie entière, l'analyse d'un pareil
traité serait une tache longue et difficile à remplir; nous nous bornerons donc à des réflexions sur ce nouvel ordre de choses,
qui, au milieu de beaucoup de prosélytes, a encore quelques détracteurs. On peut établir comme vérité qu'il n'y a pas
d'art mécanique, le dernier de tous,
dont la nomenclature ne soit moins vicieuse, moins insignifiante, que ne
l’était celle de l'ancienne chimie.
Pas un mot, dans l’ancienne langue chimique, qui n'ait été enfanté par l'amour
du mystère, et quelquefois même par le
charlatanisme. Glauber, Stahl, emportés par le torrent et l'espèce de mode régnante alors, introduisent, l'un
son sel admirable, l’autre, son double arcane. Un mot neuf, mot qui n'a aucune acception, peut en
recevoir une ; il n'en est pas de même d'un mot déjà usité. Il fallait donc une langue nouvelle pour une
nouvelle science, des mots nouveaux pour de nouveaux produits ; enfin, il fallait créer des expressions pour les
phénomènes que créait journellement
la chimie. Il importait surtout que cette nomenclature fit raisonnée, que le
mot fixât l'idée, et que, semblable à
la langue des Grecs et des Latins, les augmentatifs, les privatifs et le changement de terminaison devinssent autant de
moyens de faire naître des idées accessoires et précises, et c'est l’objet que
remplissent, par exemple, les mots soufre, sulfate, sulfite, sulfure. Tel
est le but qu'ont rempli les savants
qui se sont réunis pour former cette nouvelle nomenclature, et le traité de M. Lavoisier la rend très intelligible.
Rien de plus imposant dans l'ouvrage de M. Lavoisier que ce nombre d'expériences ingénieuses, dont
beaucoup lui appartiennent, toutes présentées avec cette précision mathématique, inconnue avant cette
époque, que Rouelle avait devinée, et qui, soumettant l’analyse à la rigueur du
calcul, fait le complément de la science, en rendant la recomposition des corps
aussi facile que leur décomposition. L'ancienne chimie parvenait bien
quelquefois à la synthèse : elle décomposait et recomposait l'alun, les
vitriols, les sels neutres en général,
elle minéralisait et revivifiait les métaux; mais l'eau, mais l'air échappaient
à son analyse. Elle les regardait
comme des corps simples et élémentaires : il était réservé à la chimie
pneumatique de leur faire subir la
double loi de la décomposition et de la recomposition. Il nous reste à parler
de la théorie, puisque nous sommes restreints
à des généralités. Cette théorie pose sur une grande masse de faits, qui
lui forment un Pagination
originale du document : p.434 rempart solide où
elle paraît inattaquable : elle ne le serait pas, sans doute, si elle
prétendait tout expliquer, mais elle sait s'arrêter quand les faits lui
manquent ou qu'ils sont en trop petit nombre pour consolider
de nouveaux points de doctrine. Tel est le caractère de sagesse qui la
distingue de l'ancienne théorie, qui expliquait tout de dix manières
différentes, parce qu'au défaut de routes il faut se pratiquer des
sentiers. Dans la théorie actuelle, les faits s'enchaînent ; chaque proposition
est étayée d'expériences qui se pressent, et on paraît réduit à ne pouvoir
pas en tirer d'autres conséquences que celle que présente cette même
théorie. Nous pensons donc que cet ouvrage, dont plusieurs chapitres sont
immédiatement applicables à la physique végétale, mérite l'approbation de la Société
d'Agriculture. Signé DE FOURCROY et CADET DE VAUX. Je certifie cet extrait conforme
à l'original et au jugement de la Société. A Paris, ce 6 février 1789. Signé BROUSSONET, Secrétaire
perpétuel. Pagination
originale du document : p.435 [page blanche] Pagination
originale du document : p.436 TABLE DES
MATIÈRES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE CHIMIE
A
ACIDES. Ils résultent en général d'un premier ordre de combinaisons formées par la réunion
de deux principes simples, 115 ; - savoir, d'un radical particulier et d'un
principe acidifiant commun à tous, l'oxygène, 57. - C'est, en général, le
résultat de la combustion ou de l’oxygénation d'un corps, 58. -
Leurs dénominations générales se tirent de celle de leur base acidifiable, 59.
- Difficulté de les nommer lorsque les bases sont inconnues, ibid. - Leurs
noms se terminent en eux, lorsqu'ils contiennent peu d'oxygène,
ibid. - Ils se terminent en ique, lorsqu'ils sont plus chargé, de ce
principe, ibid.- Ils peuvent être regardés comme de véritables principes
salifiants, 115. - Leurs combinaisons avec les bases salifiables,
133. - Leur nombre s'est beaucoup accru depuis les nouvelles découvertes chimiques, 147.
- Chaque acide nouveau enrichit la chimie de vingt-quatre ou de quarante-huit sels, 128.
ACIDE ACÉTEUX,
vulgairement appelé vinaigre, 113. - Son radical est composé d'une proportion
encore indéterminée d’hydrogène et de carbone, ibid. - Il est le résultat de l'oxygénation du vin, ibid. - Il absorbe l'oxygène
de l'air en se formant, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 216.
ACIDE
ACETIQUE. Tableau de ses combinaisons, 220 - Appelé autrefois vinaigre radical. - Dernier degré d'oxygénation
que puisse prendre le radical hydro-carboneux. - Il n'est pas encore démontré qu'il soit plus oxygéné
que l'aride acéteux ; il pourrait en différer par la différence de proportion des principes du radical.
- Moyens do l'obtenir, 221.
ACIDES ANIMAUX. On n'en tonnait encore que six. 95. - Il paraît qu'ils se rapprochent
beaucoup les uns des autres, ibid. -
Il entre ordinairement dans leur composition quatre bases acidifiables, 91.
ACIDE ARSENIQUE. Tableau de ses combinaisons, 193. - Enlève l’oxygène à
l'acide Pagination
originale du document : p.681
ACIDE BENZOÏQUE. Tableau de ses combinaisons,
224 - On l’obtient par sublimation et par la voie humide. - Procédé pour l'obtenir. -
On le recueille sous forme concrète, 225.
ACIDE BOMBIQUE. Tableau de ses combinaisons, 236. - Se tire de la
chrysalide du ver à soie. - Moyen de l'obtenir. - Ses propriétés et ses
affinités ne sont pas bien déterminées. - Son radical paraît être composé de
carbone, d’hydrogène et peut-être de
phosphore, 237.
ACIDE BORACIQUE. Combinaison du radical boracique avec l’oxygène, 162 - Tableau de ses
combinaisons, 189. - Se tire du borax. - Sel sédatif des anciens, 190. - Moyens de l’obtenir du borax,
191. - Ses propriétés, ses affinités différentes, selon qu’on opère par voie sèche ou par voie
humide. - Son radical est inconnu. - Ce n'est que par analogie qu’on croit que l'oxygène fait partie de
sa composition, 192.
ACIDE CAMPHORIQUE. Tableau de ses combinaisons, 226. - Moyens de l'obtenir. - Il est
très-analogue à l’acide oxalique. Il peut
être regardé comme un mélange d'acide oxalique et d'acide malique, 227.
ACIDE
CARBONIQUE. Très-abondamment répandu dans la nature. - Tout formé dans les
craies, les marbres, neutralisé par la
chaux. - Moyens de l'obtenir. - Il s’unit à l'eau à peu près à volume égal. - Le carbone est son radical. - On peut le former
artificiellement en oxygénant le carbone, 180 - Sa formation dans la combustion
des végétaux, 117. - Il emporte avec lui une portion de calorique qui le constitue dans l’état de gaz, ibid. - Il est un des
produits de la fermentation vineuse, 100. - On le convertit en un acide végétal en lui combinant de
l’hydrogène, 114. - Sa décomposition serait bien importante pour les arts. - On peut y parvenir par les affinités doubles,
180. - Tableau de ses combinaisons, 179.
ACIDE CITRIQUE. Tableau de ses
combinaisons, 205. - On le tire du jus de citron ; on le trouve dans beaucoup
d'autres fruits. - Moyens de l’obtenir pur, 206.
ACIDE FLUORIQUE. Combinaison du radical fluorique avec
l'oxygène, 162. - Tableau de ses combinaisons,
188. - Il est tout formé dans le spath fluor ou spath phosphorique. - Moyens de
le dégager de ses bases. - Il est
naturellement sous forme de gaz. - Dissout le verre. - On pourrait tenter de
le décomposer par les affinités doubles, 189.
ACIDE FORMIQUE. Tableau de ses
combinaisons, 234.
- Il a été
connu dans le siècle dernier. - Espèce de fourmi dont on le tire. - Moyens de
l'obtenir, 235.
ACIDE
GALLIQUE. Tableau de ses combinaisons, 228. - Se tire de la noix de galle. -
Moyen de l'obtenir. - Ses propriétés acides sont peu marquées. - Il se trouve
dans beaucoup de végétaux. - Son radical est
inconnu, 229.
ACIDE LACTIQUE. Tableau de ses combinaisons, 230. - Se trouve dans le petit-lait. - Procédés pour l'obtenir. -
S'unit avec toutes les bases salifiables. - Il a beaucoup de rapport avec l'acide acéteux, 131.
ACIDE
LITHIQUE. Tableau de ses combinaisons, 240. - Moyens de l'obtenir. - Ses
propriétés sont peu connues. - Il pourrait bien être déjà combiné à une Pagination
originale du document : p.682 base et dans
l'état de phosphate de chaux, 241.
ACIDE MALIQUE. Tableau de ses combinaisons,
203. - Se trouve tout formé dans le jus de pommes et d'autres fruits. - Moyen
de l'obtenir. - Il est mêle avec l’acide citrique et tartareux dans beaucoup de
fruits. - Tient le milieu entre l'acide oxalique et l’acide acéteux. - Son
radical contient du carbone et de l’hydrogène. - On le forme artificiellement,
204.
ACIDE MARIN. Est naturellement dans l'état de gaz, au degré de pression de
l’atmosphère, 60. - Voy. Acide muriatique oxygéné.
ACIDE MARIN OXYGÉNÉ.
S'obtient en distillant de l'acide marin sur des oxydes métalliques, 185. - Voy.
Acide muriatique oxygéné.
ACIDE MOLYBDIQUE. Tableau de ses
combinaisons, 196. - Moyens de l'obtenir. - On le recueille sous
forme pulvérulente de couleur blanche comme la craie. - Il est touj ours
concret et peu soluble, 197 ; ACIDE MURIATIQUE. Combinaison du radical muriatique
avec l'oxygène, 162. - Son nom dérivé du mot
latin muria, 61. Il est dans l’état de gaz au degré de pression et de
température ordinaire, 60. - Se
combine facilement avec l'eau, 61. - Il est très-répandu dans le règne minéral,
uni à différentes bases. - N’a été
décomposé dans aucune expérience chimique. - Son radical est inconnu, 61 et 184. - Opinion sur sa nature, 184.
- Tient faiblement à ses bases. - Moyen de l’en séparer. - Appareils pour sa distillation, ibid. - On le surcharge
d'oxygène, en le distillant sur des oxydes métalliques, tels que le manganèse,
ibid. - Il est susceptible de différents genres d'oxygénation, 61. - L'excès d’oxygène le rend moins miscible à l’eau,
62 ; plus volatil, ibid. - Pourquoi on
n'a pas donné à son nom la terminaison en eux, ibid. - Tableau de ses
combinaisons, 182.
ACIDE MURIATIQUE
OXYGÉNÉ. Il est plus volatil que l’acide muriatique ordinaire, 62. - Il ne peut exister que sous forme gazeuse. - N'est
absorbable par l'eau qu'en petite quantité. - Se combine avec un grand nombre de bases salifiables. - Les sels qu'il
forme détonent avec le carbone. Ces
détonations sont dangereuses pur l’expansion du calorique, 185. - Il dissout
les substances métalliques sans
effervescence, 125. - Il perd son excès d'oxygène dans la dissolution des
métaux et devient acide muriatique
ordinaire, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 183.
ACIDE NITREUX. Raisons de lui conserver ce nom ; celui d’azotique
lui conviendrait mieux, 63. - Se tire ordinairement
du salpêtre, 58 et 165. - Moyens de l’obtenir, 165. - Il est le résultat de la
combinaison de l'oxygène et de
l’azote, 62 et 150. - C'est l’acide du nitre surchargé d'azote ou de gaz
nitreux, 64 ; - et par conséquent un
véritable acide azoteux, 63. - Il est le premier dans lequel l’existence de l’oxygène ait été bien démontrée, 62. - Les
principes qui le constituent tiennent peu ensemble, ibid. - Il est rouge et
fumant, 64. - Il laisse échapper son excès de gaz nitreux à une légère chaleur,
ibid. - Il est formé par la réunion
de trois parties d'oxygène et d'une d'azote, 63. - Tableau de ses combinaisons, 164.
ACIDE NITRIQUE. Le gaz azote est
son radical, 49. - C'est l’acide nitreux surcharge d'oxygène, 64. - Il
est composé de quatre parties d’oxygène et d’une d'azote, ibid. - Il est blanc,
sans couleur, plus Pagination
originale du document : p.683 fixe au feu que
l’acide nitreux, 64. - Se tire ordinairement du salpêtre, 155. - Moyens de
l'obtenir, ibid. - Retient une grande partie du calorique de
l’oxygène qui est entré dans sa composition, 82. - Le calorique
s'en dégage avec fracas lors de sa décomposition, 83. - Peut servir à oxygéner
beaucoup de
substances par la voie humide, 145. - Il est uni très-souvent à la chaux et à
la magnésie, 165. - Moyens de l’obtenir pur,
167. - Il a une grande tendance à la combinaison et se décompose lui-même
aisément, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 163.
ACIDE NITROMURIATIQUE.
Anciennement appelé eau régale. -
C'est un acide à deux bases, 187. - Il a des propriétés particulières qui
dépendent de l'action combinée de ses
deux bases acidifiables, 90 et 187. - Les métaux s'oxydent dans cet acide avant de s'y dissoudre. - Gaz qui se dégagent pendant
la dissolution, 187. - Tableau de ses combinaisons,
186.
ACIDE OXALIQUE. Tableau de ses combinaisons, 213. - Il se retire du suc de
l’oseille ; il se trouve, dans cette
plante, uni à la potasse, et dans l'état d'un sel neutre avec excès d'acide.
- Moyen de le dégager de sa base. - Il cristallise lorsqu'il est pur. - Uni à
sa base, peut entrer tout entier dans un grand nombre de combinaisons ; il en
résulte des sels à deux bases, 214.
ACIDE PHOSPHOREUX.
Combinaison du phosphore avec l’oxygène par une combustion lente, 177. - Se convertit en acide phosphorique par une longue
exposition à l'air, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 175.
ACIDE PHOSPHORIQUE. Produit par la combustion du
phosphore dans le gaz oxygène, 51. - Il est naturellement dans l'état concret
après la combustion, 52, 78 et 178. - Moyen de l'obtenir pur, 178. - Quantité d'oxygène qu'absorbe le phosphore dans sa
conversion en acide, ibid. - Ne peut
pas être regardé comme un acide animal, parce qu'il appartient aux trois
règnes, 95. - Tableau de ses combinaisons, 176.
ACIDE PRUSSIQUE. Tableau de ses
combinaisons, 242. - Uni au fer, il
le colore en bleu. - Son radical est inconnu. - C’est un acide à base double ou
triple, dont l'azote est un des
principes constituants, 243. - Il ne jouit même que d’une partie des propriétés
acides, ibid.
ACIDE PYROLIGNEUX.
Tableau de ses combinaisons, 207. - Se retire du bois. - Moyens de l’obtenir pur.- Son radical est formé
d'hydrogène et de carbone. - Il est le même, de quelque nature de bois qu'on le retire, 208.
ACIDE PYROMUQUEUX. Tableau
de ses combinaison, 211. - On le retire de tous les corps sucrés par la
distillation à feu nu. - Accidents à éviter. - Procédé pour le concentrer. - On le convertit en acide malique et en acide
oxalique en l’oxygénant, 212.
ACIDE PYROTARTAREUX. On le retire du tartre pur
distillation à feu nu. - Moyen, pour l'obtenir. - Il se dégage, pendant la distillation une grande quantité d'acide
carbonique. - Explosion dans la rectification,
210. - Tableau de ses combinaisons, 209.
ACIDE SACCHOLACTIQUE. Tableau de ses
combinaisons, 232. - Extrait du sucre de petit lait. - Son action sur les
métaux, peu connue. - Les sels qui résultent de sa combinaison avec les bases
salifiables sont peu solubles, 233. Pagination
originale du document : p.684 ACIDE SÉBACIQUE.
Tableau de ses combinaisons, 238. - C'est la graisse animale oxygénée. - Moyen de
l'obtenir, 239.
ACIDE SUCCINIQUE. Tableau de ses combinaisons, 222 - On le
relire du succin. - Moyens de l'obtenir. - Il n'a pas dans un degré
très-éminent les qualités acides, 223.
ACIDE SULFUREUX. Premier degré
d'oxygénation du soufre, 58 et 173. - Les métaux, lorsqu'ils sont
oxydés, sont dissolubles dans cet acide, 173. - On l'obtient par différents
procédés, ibid. - Il est dans l'état de gaz à la pression ordinaire de l'atmosphère. -
Il se condense par le froid, ibid. - Tableau de
ses combinaisons, 172.
ACIDE SULFURIQUE. Il est formé par la combinaison du
soufre et de l’oxygène, 55, 59 et 170.
- Proportion d'oxygène qui entre dans sa combinaison, 171. - Il est incombustible, 55. - Son poids est égal à celui du
soufre qu'on a brûlé pour le former, et de l’oxygène qu'il a absorbé pendant la combustion, ibid. - Difficulté de
le condenser, ibid. - Il se combine avec l'eau en toutes proportions, ibid. -
On le trouve tout formé dans les argiles, les gypses. - Moyens de le ramener à
l’étal de soufre par voie de décomposition et d'affinité, 156. - Décompose le
nitre, 62. - Les métaux le décomposent et le réduisent à l'étal d'acide
sulfureux, 171. - Tableau de ses
combinaisons avec les bases salifiables, 168.
ACIDE TARTAREUX. Tableau de ses combinaisons, 200. - Moyens de l'obtenir pur. - Son
radical est en excès. - C'est par cette raison qu'on a donné à son nom
la terminaison en eux. - Sa base est le radical carbone-hydreux. - L'azote entre dans sa composition. - En l'oxygénant on le
change en acides malique, oxalique et acéteux, 201 et 202. - On observe deux degrés de saturation dans ses combinaisons
avec les alcalis. - Le premier degré
avec excès d'acide ; tartrite acidule de potasse. - Le second degré, sel
parfaitement neutre : tartrite de
potasse, 202.
ACIDE TUNGSTIQUE. Tableau de ses combinaisons, 198. - Se retire de la mine de tungstène, dans laquelle il
est déjà sous forme d'acide. - Moyens de l'obtenir. - Ses affinités avec les
acides métalliques ne sont pas déterminées, 199.
ACIDES VEGETAUX. On en connaît treize jusqu'à présent, 94. - Leur
composition est connue, mais la proportion des principes qui les constituent ne l'est pas encore, 92 et
114. - Ils ont tous pour base l'hydrogène, le carbone et quelquefois le phosphore, 91 et 139. - Ils ne
diffèrent entre eux que par la proportion d'hydrogène et de carbone, et par leur degré d'oxygénation, 91. -
Quoique composés d'hydrogène et de carbone, ne contiennent cependant ni eau, ni acide carbonique, mais les principes
propres à les former, 94. - Peuvent se convertir les uns dans les autres, en
changeant la proportion de leurs principes constituants, 147.
AFFINITÉS. Les données manquent encore pour
entreprendre un traité complet sur cet
objet, Discours préliminaire, 4 et 5. - Il s'en exerce de doubles et triples
dans la décomposition des végétaux,
98. - Elles sont très-compliquées dans la putréfaction, 109.
AGENTS CHIMIQUES.
Ce que c'est, 305.
AIR ATMOSPHERIQUE composé de deux fluides élastiques, l'un respirable et l'autre qui Pagination
originale du document : p.685 ne l'est pas, 38
et 48. - Observations sur les expériences analytiques, relatives à l’air
atmosphérique, 43 et suiv. - Sa décomposition par le mercure, 36 et
suiv. - N'est plus respirable après la calcination du mercure, 37. -
Est décomposé parle fer, 39. - Diminue d'une quantité en poids égale à l'augmentation
que le fer acquiert dans sa calcination, 43. - Est décomposé par le gaz
nitreux, 64 ; - par la combustion du soufre, 55.- Voy. Atmosphère.
AIR
FIXE. Premier nom de l'acide carbonique, 56. - Voy. Acide carbonique.
AIR
VITAL. Voy. Gaz oxygène.
ALCALI DE LA SOUDE. Se retire de la lixiviation
des cendres des plantes qui croissent au bord de la mer, principalement du
kali, 119. - On ne connaît pas ses principes constituants, ibid. - On
ne sait pas si cette substance est toute formée dans les végétaux antérieurement à la
combustion, ibid. - Elle est presque touj ours saturée d'acide carbonique, ibid. - Ses cristaux s’effleurissent à l’air et y
perdent leur eau de cristallisation, ibid.
ALCALI FIXE, OU POTASSE. C'est un résultat de la combustion des végétaux, 117.
- Moyens de l'obtenir, 118. - On ne connaît pas ses principes
constituants, 119. - L'analogie pourrait porter à croire que l'azote est un des
principes constituants des alcalis en général, ibid. - Se volatilise très-promptement au feu alimenté par le gaz
oxygène, 384.
ALCOOL. Raisons qui ont fait adopter ce nom générique pour toutes les liqueurs
spiritueuses, 100. - Il est composé de carbone et d'hydrogene, 107. - L'hydrogène et le carbone ne
sont pas dans l'état d’huile dans cette combinaison, ibid. - Se décompose en passant à travers un tube
de verre rougi au feu, ibid. - Appareil pour sa combustion, 351.
ALLIAGES. Combinaison des métaux les uns avec les
aurtes, 86. - Celui des métaux qui
prédomine donne le nom à l’alliage. - Les alliages ont leur degré de saturation
très-marqué, 162.
ALUMINE. C'est
principalement dans les argiles qu'on la rencontre, 121. - La composition de cette terre est absolument
inconnue, ibid. - Elle a moins de tendance à la combinaison que les
autres terres, ibid. - Est parfaitement fusible au feu alimenté par le gaz
oxygène, 383. - Son étal après la
combustion, ibid.
AMALGAME. Combinaison du mercure avec les autres métaux, 87.
AMIDON. Oxyde végétal à deux bases, 91.
AMMONIAQUE. Résultat de la combinaison de l'azote et de l’hydrogène, 63
et 110. - Sur 1,000 parties, elle est composée de 807 d'azote et de 193 d'hydrogène, 120. - Moyens de l’amener à un grand degré
de pureté, ibid. - Lorsqu'elle est
très-pure, elle ne peut exister que sous forme gazeuse, ibid. - Dans l’état
aériforme, elle porte le nom de gaz
ammoniac, ibid. - Dans cet état, l’eau en absorbe une grande quantité, ibid.
APPAREILS CHIMIQUES. Raisons qui ont déterminé à en
placer la description à la fin de l’ouvrage, 246.
APPAREILS PNEUMATOCHIMIQUES,
À L’EAU ET AU MERCURE. Leur description, 257 et suiv.
ARGENT. Se
volatilise lentement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.
ARSENIC. Est susceptible de s’oxygéner. Dans cet
état, il a la propriété de s'unir aux bases salifiables, 194.
ATMOSPHÈRE TERRESTRE. Sa constitution, 26, 32 et suiv.
- Son analyse, 35. - Composée de tous les fluides susceptibles Pagination
originale du document : p.686 d'exister dans un état de vapeurs et
d'élasticité constante au degré habituel de chaleur et de pression que nous éprouvons, 34. - Sa pression est un
obstacle à la vaporisation, 33. - Quelles sont ses parties constituantes, 46. - Sa limite, 33. - Voy. Air
atmosphérique, Gaz oxygène, Gaz azote.
ATTRACTION.
Tend à réunir les molécules des corps, tandis que le calorique tend à les
écarter, 18.
AURORES BORÉALES.
Conjectures faites sur les causes qui les produisent, 34.
AZOTE. C'est la partie non respirable de l'air, 63. - C'est un des
principes le plus abondamment répandus dans la nature, 150. - Avec le calorique, il forme le gaz azote, qui demeure
toujours dans l’état de gaz à la pression
de l’atmosphère, ibid. - Combiné avec l’oxygène, il forme les acides nitreux et
nitrique, 63, 150 et 166. - Se trouve
dans les substances végétales et animales, 98 et 139 ; - surtout dans les matières animales, dont il forme un des principes,
150. - Combiné avec l’hydrogène, il forme l’ammoniaque, 63, 150. - Dans la décomposition des végétaux et des
matières animales, il s’unit à l’hydrogène pour former l’ammoniaque, 98 et 110.
_ C’est un des principes constituants de l’acide prussique, 151. - Ses combinaisons avec les substances simples sont peu
connues ; elles portent le nom d’azotures, 150.
B
BALANCES. Instruments
dont l'objet est de déterminer le poids absolu des corps. - Combien il en faut dans un laboratoire. - De leur perfection. -
Des précautions pour les conserver, 251 et suiv.
BALANCE HYDROSTATIQUE.
Moyen de s'en servir. - Ses usages, 253.
BAROMÈTRE.
Corrections barométriques du volume des gaz, relativement à la différence de pression de l'atmosphère, 273 et suiv. - Modèle de
calcul pour ces corrections, 279 et suiv.
BARYTE. La composition de cette terre est encore inconnue, 121. - Il est
probable que c'est un oxyde
métallique, 122 ; - mais qui n'est pas réductible par les moyens que nous
employons, ibid.- Elle est peu
abondante ; on ne la trouve que dans le règne minéral, 121. - Effet que produit
sur elle le feu le plus violent,
alimenté par le gaz oxygène, 383.
BASES SALIFIABLES. Il en existe 24 ; savoir : 3 alcalis, 4 terres et 17 substances
métalliques, 128.
BORAX. Sel concret avec excès de base, qui est la soude. - Son origine est inconnue.
- Sa purification est encore un mystère, 191.
BOUGIE. Sa combustion, 83.
C
CALCUL DE LA VESSIE. Fournit l'acide lithique, 241. CALORIMÈTRE. Se description, 284 et suiv. -
Principes de sa construction, ibid. - Manière de s'en servir, 289 et suiv.
CALORIQUE. Cause de la chaleur, 19. - Peut être considéré d’une manière abs- [abstraite] Pagination
originale du document : p.687 traite, 19. -
Comment il agit sur les corps, 20. - Paraît être le plus élastique de la
nature, 30. - Tous les corps y sont plongés, et il remplit les
intervalles que laissent entre elles leurs molécules. - Il se fixe
quelquefois de manière à constituer leurs parties solides. - C'est de son
accumulation que dépend l'état aériforme, 141. - Il fait l’office de
dissolvant dans toute espèce de gaz, 26. - On appelle du nom générique
de gaz toute substance portée à l'état aériforme par une addition suffisante de
calorique, 141. - Le soufre et le charbon, en brûlant, lui enlèvent
l'oxygène, 55. - Il en est de même du gaz hydrogène, 73. - Moyen de mesurer la quantité de
calorique qui se dégage des corps pendant leur combustion, 29, 78 et suiv. -
Appareil imaginé pont remplir cet objet, 284 - Plan d'expériences pour déterminer la quantité que la plupart des
corps en contiennent, 85. - Son dégagement dans la combustion du fer, 39. -
Dans la combinaison des métaux avec la base du gaz oxygène, 65 - Dans la combustion du charbon, 55 et 81. - Dans la
combustion du phosphore, 80. - Dans la combustion de la cire, 83. - Dans la combustion de l’huile
d’olives, 84. - Dans la combustion du gaz hydrogène, 81. - Il reste uni à
l’oxygène dans la formation de l'acide nitrique, 82 - Il entre dans la
composition des nitrates et des
muriates, en quantité presque égale à celle qui est nécessaire pour constituer
le gaz oxygène, 145. - Il se dégage
avec une telle abondance, dans la combinaison de l’oxygène avec les corps combustibles, que rien ne peut résister à
son expansion, ibid. - Il décompose les substances végétales et animales, 96.
CALORIQUE COMBINÉ. Tient
aux corps par l'attraction, et constitue une partie de leur substance,
28.
CALORIQUE LIBRE. C’est celui qui n'est engagé dans aucune combinaison, 28.
CALORIQUE SPECIFIQUE DES CORPS.
C'est le rapport des quantités de calorique
nécessaires pour élever d'un même nombre de degrés la température de plusieurs
corps égaux en poids, 28.
CAMPHRE.
Espèce d'huile concrète qu'on retire par sublimation dan laurier du Japon, 227 .
CAPSULES DE PORCELAINE. Servent de
support aux substances dans la fusion par le gaz oxygène, 383.
CARBONE ou CHARBON PUR. Substance simple
combustible, 55 et 161. - Manière
d'opérer sa combustion, 56. - Décompose le gaz oxygène à une certaine
température, 56, 96 et 161. -
Appareil pour sa combustion, 341 et suiv. - Quantité de calorique qui se dégage
dans cette opération, 56, 81. - Enlève sa base an calorique, 56. - Décompose
l'eau à une chaleur rouge et enlève l’oxygène à l’hydrogène, 70, 153. - Il s'en
dissout une portion dans le gaz hydrogène, 71, 87. - Il est contenu dans le fer et dans l’acier, 43. - Il
existe dans les végétaux antérieurement à la combustion, et forme avec le
phosphore l'hydrogène et l'azote des radicaux composés, 161. - Moyens d'obtenir
celui qui est contenu dans les
matières végétales et animales, ibid. - Ses combinaisons avec les substances simples, 159. - Il a très-peu
d'affinité avec le calorique, 96. - Il forme une des parties constituantes
des huiles, 88 ; - et, en général, de tous les acides végétaux, 91. - Il tient
très-peu aux huiles volatiles animales, 99 - Il fait partie du radical Pagination
originale du document : p.688 des gommes, du
sucre et de l’amidon. - Il est combiné, dans ces substances, avec I’hydrogène,
de manière à ne former qu'une seule base portée à l'état d'oxyde par une
portion d'oxygène, 92. - Quantité qu'en contient le sucre, 102.
CARBURES. Nom
donné aux combinaisons du carbone avec les métaux, 87.
CENDRES. Elles
forment ordinairement la vingtième portion du poids d'un végétal brûlé, 117. - Il paraît qu'
elles existent dans les végétaux avant leur incinération. - C'est la terre qui forme la partie osseuse ou la carcasse des
végétaux, 119.
CHALEUR. Dilate les corps, 17. - Ses causes. - Nécessaire à l'oxygénation. - Différente
pour l’oxygénation des différents corps, 143 et suiv. - Ce qu'on entend par cette expression, 96. -Voy.. Calorique.
CHALEUR SENSIBLE. N'est que l'effet
produit sur nos organes par le dégagement du calorique des corps environnants,
28.
CHARBON DE BOIS. On croit qu'il
contient du phosphore, 159. - Sert de support aux substances simples fondues au feu alimenté par le gaz oxygène,
382.
CHAUX. C'est, de toutes les bases salifiables, la plus abondamment
répandue dans la nature, 121. - Sa composition est absolument inconnue, ibid. -
Elle est presque toujours saturée d'acide carbonique, et forme alors la craie,
les spaths calcaires et une partie des
marbres, ibid. - Les anciens ont appelé de ce nom générique toutes les substances longtemps exposées au feu sans se
fondre, 66. - Effet que produit sur elle le feu le plus violent alimenté par le gaz oxygène, 383.
CHRYSOLITE. Se fond presque sur-le-champ au feu alimenté par le gaz
oxygène, 384.
CIRE. Quantité de calorique qui se dégage pendant sa combustion, 83.
CLARIFICATION. Moyen pour mettre une liqueur en
état d'être filtrée, 302.
CLOCHES. Manière de les graduer, 269.
COMBUSTION du
fer, 39 et suiv. - Du phosphore, 50 et suiv. - Du soufre, 55. - Du charbon, 56 et suiv. - Du gaz
hydrogène, 74 et suiv. - Voy. ces mots. - Théorie de la combustion des
végétaux, 117. - La plus grande portion du végétal est réduite en eau et en
acide carbonique, ibid. - Opérations relatives à la combustion, 338 et suiv. -
Conditions nécessaires pour l’opérer,
339 et suiv.
CREUSETS, instruments propres à la fusion, 371.
CRISTAL DE ROCHE. Effet que produit sur lui le feu le plus violent
alimenté par le gaz oxygène, 383.
CRISTALLISATION.
Opération par laquelle les parties intégrantes d'un corps, qui étaient séparées
par un fluide, sont réunies par la
force d'attraction, 313. - Calorique qui se dégage pendant cette opération,
ibid. - Vaisseaux dans lesquels on l'opère, 316.
D
DÉCANTATION. Peut suppléer à
la filtration, 303. - Elle est préférable
dans les opérations qui exigent une précision rigoureuse, 304.
DÉTONATION. Explication de ses phénomènes, 365 et
suiv. - Ils sont produits par le passage brusque et instantané d'une substance
concrète à l'état aériforme, 366. - Expériences sur celle du salpêtre,
367 et suiv. Pagination
originale du document : p.689 DIAMANT. Se
brûle à la manière des corps combustibles, et s'évapore au feu alimenté par le
gaz oxygène, 384.
DISSOLUTIONS MÉTALLIQUES. Appareils pour les opérer, 326 et
suiv.
DISTILLATION COMPOSÉE. Elle opère une véritable décomposition.- C'est une
des opérations les plus compliquées de la chimie. - Appareils pour cet
objet, 321 et suiv.
DISTILLATION SIMPLE. N'est autre chose qu'une
évaporation en vaisseaux clos. - Appareils distillatoires, 317 et suiv.
E
EAU. Ses différents
états selon la quantité de calorique qui lui est combinée, 18 et 47. - Se transforme en un fluide élastique à un degré de
chaleur supérieur à celui de l’ébullition, 25. - Se dissout dans les gaz, 44. - Regardée par les
anciens comme un élément ou substance simple, 68. - Preuves qu’elle est composée, 76 ; - d'un radical
qui lui est propre et d'oxygène, 72. - Son passage à travers un tube de verre incandescent, 68. -
Appareil pour sa décomposition, 330 et suiv. - Sa décomposition par le carbone, 68. - Sa
décomposition par le fer ; il n'y a pas de dégagement d'acide carbonique, 68, 71 et 75.- Oxyde de fer qui en
résulte, 72. - Phénomènes de la fermentation spiritueuse et de la putréfaction dus à la décomposition de l'eau, 76. -
Cette décomposition s'opère continuellement
dans la nature, ibid. - Les principes qui la constituent, séparés l'un de
l’autre, ne peuvent exister que sous
forme de gaz, ibid. - Sa recomposition, 73 et suiv. 354 et suiv. - 85 parties en poids d'oxygène et 15 en poids d'hydrogène
composent 100 parties d'eau, 76. - Se combine avec le gaz acide carbonique, 55. - Se combine en
toutes proportions avec l’acide sulfurique, ibid. - Avec l’acide
muriatique, très-facilement, 60. - N'est pas tout formée dans le sucre, 108.
EAU RÉGALE. Nom ancien donné à un acide
composé qui dissout l’or, 90. - Voy. Acide nitromuriatique. ÉBULLITION. N'est
autre chose que la vaporisation d'un fluide ou sa combinaison avec le calorique, 23.
EFFERVESCENCE. Est produite par le
passage rapide d'un corps solide ou liquide à l'état gazeux, 124. ÉLASTICITÉ. Comment on doit la concevoir, 30 et suiv.
ÉMERAUDE. Fond sur-le-champ en un verre opaque au feu alimenté par le gaz oxygène,
384.
ÉTHER. Serait habituellement dans l'état aériforme, sans la
pression de l'atmosphère, 21. - Se vaporise à 33 degrés, 244 et suiv. - Appareil pour sa combustion, 353 et
suiv.
ÉVAPORATION. Opération pour séparer deux substances qui ont un degré de volatilité différent, 310 et suiv. -
Action du calorique dans cette opération,
312. F FER. Il décompose l’air atmosphérique, 39. - Il augmente de poids, dans
la calcination, d’une quantité égale a celle que l’air a perdue, 43. -
Appareil pour son oxy- [oxydation] Pagination
originale du document : p.690 dation, 369. -
Sa combustion dans le gaz oxygène, 39. - Il décompose l’eau et s'oxyde à un
degré de chaleur
ronge, 71 et 154. - Il est moins attirable à l’aimant après qu'il a décomposé
l'eau ; c'est de l'oxyde noir de fer, 40 et 72. - Ce métal contient de la
matière charbonneuse, 44.
FERMENTATION ACÉTEUSE.
C'est l'acidification du vin à l’air libre par l’absorption de l’oxygène, 113.
FERMENTATION PUTRIDE. S'opère en raison
d'affinités très-compliquées, 109. - Appareil relatif à cette opération, 328 et suiv. - L'hydrogène se
dégage sous la forme de gaz pendant la décomposition des substances animales,
109. - Il se forme des combinaisons binaires, ibid.
FERMENTATION VINEUSE.
Moyens de l’exciter, 100. - Moyen d'analyse des substances susceptibles de fermenter, 108. - Description des
appareils relatifs à cette opération, 328 et suiv. - Ses résultats et ces effets, 107 et suiv. - Détail
de ce qui se passe dans la décomposition du sucre, 106.
FILTRATION. C'est un tamisage qui ne laisse
passer que les parties liquides, 299.
FILTRES. De leur choix et des moyens de s'en servir, 299 et suiv.
FLUIDES
ÉLASTIQUES. Sont une modification des
corps, 22. - Il s'absorbe du calorique dans leur formation, ibid. -
S'obtiennent à un degré de chaleur
déterminé, 23. - Leurs noms génériques et particuliers, 48.
FOURMIS. Espèce qui
fournit l’acide formique, 235.
FOURNEAUX. De leur construction, 373 et suiv. -
Des fourneaux de fusion, 376. - Leur objet, ibid. - Principes de leur construction,
378 et suiv. - Moyen de faire passer à travers les fourneaux un courant de gaz
oxygène, 384 et suiv.
FOURNEAU DE COUPELLE. Sa description, 380 et suiv. - Son objet, ibid. - Sa construction est
vicieuse, 381. - Moyens qu'a employés
M. Sage pour y suppléer, ibid.
FUSION. C'est une véritable solution par le feu,
371. - Description de l'appareil pour
l’opérer à l’aide du gaz oxygène, 381 et suiv. G GAZ. Explication de ce mot, 26. - C'est le nom générique par lequel on
désigne une substance quelconque, assez imprégnée de calorique pour passer de l’état liquide à l’état aériforme,
47 et 141. - Ils dissolvent l'eau, 44.
- Manière d'en mesurer le poids et le volume, 267 et suiv. 281 et suiv. -
Moyens de les séparer les uns des antres, 270 et suiv. - De la correction à
faire à leur volume, relativement à la pression de l'atmosphère, 273 et
suiv. - et aux degrés du thermomètre, 278.
GAZ AQUEUX. Eau combinée avec le calorique, 47.
GAZ ACIDE
CARBONIQUE. Formé par la combustion du charbon dans le gaz oxygène, 55. - Est susceptible d'être absorbé par l’eau,
ibid. - Ne se condense pas au degré de pression de l’atmosphère, ibid. - De
tous les gaz, c'est celui qui dissout le plus d'eau, 45. - S'unit à toutes les bases susceptibles de former
des sels neutres, 56. - Provenant de la décomposition de l’eau par le
charbon, 70. Pagination
originale du document : p.691 GAZ ACIDE
MURIATIQUE. Moyens de le dégager, 60.
GAZ AZOTE. Fait partie de l'air
atmosphérique, 38 et 143. - Plusieurs manières de l'obtenir, 150, 151. - Sa
pesanteur, 48. - Ses propriétés chimiques ne sont pas encore bien
connues, ibid. - Il prive de la vie les animaux qui le respirent, 49. -
L'azote entre dans la composition de l’acide nitrique, ibid. - dans celle de l'ammoniaque,
ibid.
GAZ HÉPATIQUE. C'est le gaz hydrogène sulfuré, 87.
GAZ HYDROGÈNE. Est
formé par l'union du calorique et de l'hydrogène, 72 et 153. - C'est le radical
constitutif de l’eau, 72. - On l’obtient en présentant à l’eau un corps
pour lequel l’oxygène ait plus d'affinité ; l’hydrogène
s'unit au calorique pour le former, 153. - Se dégage dans la décomposition de
l’eau par le fer, 72 ; - et dans celle de l’eau par le charbon, 70 - Moyens de
l'obtenir pur, 75. - Sa pesanteur, 73.-Ne peut se condenser au degré de
pression de l’atmosphère, 75. - Enlève l'oxygène au calorique et
décompose l'air dans la combustion, 73. - Sa combustion avec le gaz oxygène
s'opère instantanément et avec explosion. - Précautions qu'exige
cette expérience, ibid. - Appareil pour sa combustion en grand, 354 et suiv. -
Quantité de calorique qui se dégage pendant sa combustion, 81. - Dans la
combustion des végétaux, il s'allume par le contact de l’air et produit la
flamme, 117. Il n'est pas absorbable par l'eau, 73. - Il se combine avec tous
les corps combustibles, 111. - Il dissout le carbone, 87 ; -
le phosphore, ibid. - le soufre, ibid. - les métaux, ibid. - Dénomination qu'il
prend alors, ibid. - On en obtient d'autant moins, qu’on a pris plus de
précautions pour écarter l’eau dans les expériences sur les métaux, 89.
GAZ
HYDROGÈNE CARBONÉ. Résultat de la combinaison du gaz hydrogène
avec le carbone, 111.
GAZ HYDROGÈNE PHOSPHORÉ. Résultat de la combinaison du gaz hydrogène
avec le phosphore, 111 et 159. - S'enflamme spontanément lorsqu'il a le contact de l'air, 87. - Il a l’odeur du poisson
pourri, ibid. - Et il s'exhale vraisemblablement de la chair des poissons en putréfaction, ibid.
GAZ
HYDROGÈNE SULFURÉ. Résultat de la combinaison
du gaz hydrogène avec le soufre, 111. - C'est à son émanation que les
déjections animales doivent leur odeur
infecte, 87.
GAZ INFLAMMABLE. Voy. Gaz hydrogène.
GAZ NITREUX. Premier degré de combinaison de l'azote
avec l’oxygène, 63. - C'est une espèce d'oxyde d'azote, 64. - Proportions d'azote et d'oxygène qui le constituent, 63. -
Surchargé d'oxygène, compose un
acide très-puissant, l’acide nitrique, 64. - Enlève l'oxygène à l'air de
l'atmosphère, ibid. - Sert
d'eudiomètre pour connaître la quantité d'oxygène contenue dans l'air
atmosphérique, ibid. - Il est
immiscible à l'eau, 63.
GAZ NITROMURIATIQUE. Se dégage pendant la dissolution
de l'or dans l'acide nitromuriatiqne. - N'a pas enture été décrit. - Son odeur
est désagréable. - Il est funeste aux
animaux qui le respirent. - L'eau en absorbe une grande quantité, 187.
GAZ
OXYGÈNE. Combinaison de l’oxygène
avec le calorique, 48. - Moyen de s'assurer s'il ne contient point d'acide carbonique,
75. - Le calorique et la lumière qui se Pagination
originale du document : p.692 dégagent dans la
combustion sont-ils fournis par le corps qui brûle, ou par le gaz oxygène qui
se fixe dans les opérations ? 154. - Est décomposé par le
charbon, 55 ; - par le phosphore, 50 et suiv. - Perd son calorique dans
cette combinaison, 52. - Sa décomposition par les métaux, 65. - Par le fer, 39.
- Par le soufre, 55. - Entre dans la décomposition de l'air atmosphérique,
48. - Retiré de l'oxyde de mercure, 364. Retiré de l’oxyde de
manganèse ou du nitrate de potasse, 365. - Change de nature par la
détonation avec le charbon, et se convertit en acide carbonique, 366. - Moyen
de s'en servir pour augmenter l’intensité du feu, 381. - Son emploi dans
les fusions, ibid.
GAZOMÈTRE. Instrument propre à mesurer le volume des substances
aériformes, 257. - Sa description, 260 et suiv. - Sa graduation, 266
et suiv. - Expériences qui ont donné l’idée de sa construction, 382. - On peut,
avec cet instrument, donner un grand degré de vitesse au gaz oxygène, ibid. -
et l’employer à augmenter l’action du feu, ibid. et suiv.
GAZOMÉTRIE. C’est l’art de mesurer le poids et le volume des substances
aériformes, 257.
GOMMES. Oxydes végétaux à deux bases, 91. - Réunies sous le
nom générique de
muqueux, ibid.
GRAISSE ANIMALE. Formée par la parie musculaire des cadavres enterrés à une certaine profondeur et privés du
contact de l’air, 111. - Le suif fournit l’acide sébacique, 239.
GRENAT.
Fond presque sur-le-champ au gaz alimenté par le gaz oxygène, 384.
H
HUILES. Elles sont composées de carbone et
d'hydrogène, 88. - Ce sont de véritables radicaux carbone-hydreux, 139.
- Proportion des principes qui les constituent, 88. - Sont-elles base ou
radical des acides végétaux et animaux ? - Raisons
qui font pencher pour la négative, 148. - Appareil pour leur combustion, 347 et
suiv. - Se convertissent, en brûlant, en acide carbonique et en eau, 94.
HUILES D’OLIVES. Quantité de calorique qui s'en
dégage, 84.
HUILES FIXES. Contiennent un excès dé carbone, 88. - Elles le perdent à un degré de chaleur supérieur
à l'eau bouillante, ibid.
HUILES
VOLATILES. Elles sont formées par une juste proportion d'hydrogène et de
carbone, 88. - A un degré supérieur à
l'eau bouillante, elles se combinent au calorique pour former un gaz ; c'est dans cet état qu'elles passent dans la
distillation, ibid.
HUILES VOLATILES ANIMALES. Le carbone y tient si peu, qu'il s'en sépare par leur
simple exposition à l'air libre, 99. - Il se sépare encore plus promptement
quand on les expose dans le gaz oxygène, et l’huile devient noire ; en même temps, il se forme de l’eau, ibid. - Elles
redeviennent blanches par la rectification, et le charbon s'en sépare, ibid. - Elles se décomposent
et se convertissent entièrement en charbon et en eau par des rectifications répétées, ibid.
HYACINTHE. Perd sa couleur au
feu alimenté par le gaz oxygène, 384.
HYDROGÈNE. Est un des principes de
l’eau, Pagination
originale du document : p.693
152. - Son existence
et ses propriétés ne sont connues que depuis peu de temps. - C'est un des principes les plus répandus
dans la nature. - Il joue le principal rôle dans le règne animal et végétal, 153. - Son affinité
avec le calorique est telle, qu'il est toujours dans l'état de gaz. - Il est
impossible de l'obtenir seul sous forme concrète, ibid. et suiv. - On
l'obtient dans l'état de gaz en décomposant l’eau par le fer et par le carbone,
ibid. - Sa combinaison avec le phosphore, 159 ; - avec l'oxygène, 153. -
Est-il susceptible de se combiner avec les corps simples dans l'état correct ?
89. - Ce ne peut être qu'en très-petite quantité, ibid. - Il est un des
principes constitutifs des huiles et du radical de tous les acides
végétaux et animaux, 119 ; - de l’amidon, des gommes, du sucre, 91. - Quantité
qu'en contient le sucre, 102. - Quelques chimistes ont supposé que c'était le
phlogistique de Stahl. - Ils ne le prouvent point. - Ils n'expliquent pas les phénomènes de
la calcination de la combustion. 154
I
INSTRUMENTS
propres à déterminer le poids absolu et la pesanteur spécifique des cops, 246
et suiv. - Description de la machine
qui sert à les comparer.- Elle se comme balance. - L'action se nomme pesée. -
Variation de l'unité d’un pays à l’autre. - De la nécessité de n'employer que
des poids dont on connaît les
rapports entre eux, ibid.
L
LAMPE D'ÉMAILLEUR. Sert d'intermédiaire, dans la fusion par le gaz oxygène, pour les
substances composées qui ont de l’affinité avec le charbon, 381. LAVAGE. Moyen de diviser les corps
en poudres de grosseurs uniformes, 304.
LIMES. Servent à diviser les matières, soit malléables, soit fibreuses,
295.
LIXIVIATION. Opération dont l’objet est de séparer les substances
solubles dans l’eau, de celles qui ne le sont pas, 309 et suiv. LUMIÈRE. Qualités qui lui sont communes avec le calorique,
20. - Nécessaire aux animaux comme aux végétaux. - Il n'existe d'êtres
organisés que dans les lieux exposés à la lumière, 149. - Son dégagement dans la combustion du fer, 39. - Sa manière d'agir
sur les corps est inconnue. - Elle
contribue avec le calorique à constituer l'oxygène dans l’état de gaz. - Se
combine avec quelques parties des
plantes ; - c ’est à cette combinaison qu'est due la couleur verte des
feuilles, 141.
LUTS. (Préparation
des), 332. - Résineux ; - gras. - De chaux et de blancs d'oeufs, 332 et suiv. -
Leur emploi, 336 et suiv. - Moyens d'y
suppléer, 337. - Pour enduire les cornues, 210.
LYMPHE. Oxyde animal,
94. Pagination
originale du document : p.694 MAGNESIE. La
composition de cette terre est absolument inconnue, 121. - On la trouve dans
l'eau de la mer, ibid. - et dans un grand nombre d'eaux minérales, ibid. -
Effet que produit sur elle le feu le plus violent, alimenté par le gaz
oxygène, 383.
MATIÈRES FÉCALES. Sont composées de carbone et d'hydrogène, 111. - Produisent de
l'huile par la distillation, ibid.
MERCURE. Appareil pour son oxydation, 36, 355 et suiv. - Absorbe, dans cette
opération, la partie respirable de l'air, 38. - Ne l'absorbe pas en entier, 39.
MÉTAUX. Sont
susceptibles de se combiner les uns avec les autres, 86. - Ne sont pas dissolubles dans les acides : il faut
qu'ils aient été portés auparavant à l'état d'oxydes, 124.
MIROIRS CONCAVES. Ont on plu, grand degré
d'intensité que les verres ardents, 382. -La difficulté de s'en servir rend impossibles un grand nombre des
expériences chimiques. ibid.
MOFETTE.
Voy. Azote et Gaz azote.
MOLÉCULES élémentaires des corps ne se touchent point,
18.
MOLYBDÈNE. Substance métallique
qui a la propriété de s'oxygéner et de former un véritable acide. - La nature nous le présente dans l'état de
sulfure de molybdène, 197.
MORTIERS. Leur description. - Leur usage, 294.
MURIATES OXYGENES. Le calorique entre
dans leur composition en quantité
presque égale à celle qui est nécessaire pour constituer le gaz oxygène, 145.
N
NITRATES. Sels résultant de l'union
de l'acide nitrique avec différentes bases, 167. - Appareil pour en retirer l'acide, 62. - Dégagement de gaz
oxygène qui l'accompagne, ibid.
NITRITES. Sels résultant de l'union de l'acide nitreux avec différentes bases, 167.
NOIX
DE GALLE. Elles fournissent le
principe astringent, ou acide gallique, par une simple infusion dans l'eau,
229.
NOMENCLATURE. Système général d'après lequel elle est formée, Discours
préliminaire. - Ses difficultés, 93. - Le point où en est la science oblige de
conserver, au moins pour un temps, les noms anciens pour les acides et oxydes animaux et végétaux, ibid.
O
ODEUR
FÉTIDE. Elle est produite par la
dissolution des corps combustibles dans le gaz hydrogène, 111.
OPÉRATIONS
MANUELLES DE LA CHIMIE. Se divisent en plusieurs classes, 246. - Les unes ne
sont que mécaniques : elles ne font
que diviser les corps. - Les autres sont véritablement chimiques, ibid. et
suiv.
OR. Se dissout dans l'acide nitromuriatique. -
S'oxyde avant sa dissolution, 187. - Pagination
originale du document : p.695 Se volatilise
lentement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.
OS DES ANIMAUX. Ce sont de
véritables phosphates de chaux, 158.
OXYDES. Nom générique pour exprimer le
premier degré d'oxygénation de toutes les substances, 66. - Le règne
végétal et le règne animal ont leurs oxydes, ibid.
OXYDES À
DEUX BASES. Moyen d'expliquer sans périphrase le principe qui est en excès, 92.
OXYDES ANIMAUX. Leur nombre est encore indéterminé, 94. - Il entre
ordinairement dans leur composition quatre bases oxydables, 61. - Les
principes qui les constituent se désunissent à un très-léger
changement de température, 95.
OXIDES MÉTALLIQUES. Combinaisons de l'oxygène avec les
métaux, 65. - Les anciens chimistes les confondaient, sous le nom de chaux,
avec un grand nombre de substances de nature très-différente, 66. - On
les spécifie par leur couleur, qui varie en raison de la
quantité plus ou moins grande d'oxygène qu'ils contiennent, ibid. - Brillent
avec flamme au feu alimenté par le gaz oxygène, 384. - Réflexions sur
ce phénomène, ibid.
OXYDES VÉGÉTAUX. Leur nomenclature, 93 et suiv. - Se
décomposent à un degré de chaleur supérieur à l'eau bouillante
; le calorique rompt l’équilibre qui existait entre les parties qui les
constituaient, 94. - Comment ils diffèrent entre eux, 147. - Leur
décomposition par la fermentation vineuse, 100.
OXYDE ROUGE DE MÉRCURE. L’oxygène y
lient très-peu. - Moyens d'oxyder les corps à une chaleur médiocre, 144.
OXYGÉNATION. Combinaison d'un corps avec
l’oxygène, 55.
OXYGÈNE. A une grande
affinité pour la lumière. - Elle contribue avec le calorique à le constituer dans l’état de gaz, 141. - Dans cet état, il
forme la partie respirable de l'air, 48. - Il entre pour un tiers dans le poids de notre atmosphère ; l'azote
constitue les deux autres tiers, 143. - Abandonne le calorique pour
s'unir à l'hydrogène dans la combustion, 73. - C'est le principe acidifiant de
tous les acides, 57. - Un premier degré de combinaison de ce principe avec
l'azote forme le gaz nitreux, 63. - Un
second degré constitue l’acide nitreux, ibid. - Un troisième constitue l'acide
nitrique, 150. - Ses combinaisons avec
les substances simples se nomment binaires, ternaires, quaternaires, selon le nombre de ces substances, 145. - Tableau de ses
combinaisons binaires avec las substances simples métalliques et non métalliques, 143. - Se dégage
pendant la décomposition du nitre par l'acide sulfurique, 62. - Il tient peu à l'acide nitrique, 145. - Condition
nécessaire pour la combinaison, 143 et
suiv. - Il est le moyen d'union entre les métaux et les acides, 126. - Tout
porte à croire que les substances qui
ont une grande affinité avec les acides contiennent de l'oxygène, ibid. - et
qu'il entre dans la composition des
terres regardées comme simples, ibid. - Quantité que le sucre en contient, 101. - Il conserve une grande partie de son
calorique en se combinant au gaz nitreux, 82.
P
PESANTEUR SPÉCIFIQUE. On
a désigné sous ce nom le poids absolu des corps, divisé par Pagination
originale du document : p.696 leur volume, 253.
- On détermine cette pesanteur par le moyen de la balance hydrostatique, 254.
PÈSE-LIQUEURS.
Servent à déterminer la pesanteur spécifique des fluides, 254. - Leur
description. - Manière de s'en servir. - On les construit en verre et
en métal,
ibid. et suiv.
PHOSPHORE. Substance inconnue des anciens chimistes. - C'est un
produit de l'art. - Époque de sa découverte. - On le retire à
présent des os des animaux. - Manière de le préparer, 158. - C'est un corps
combustible simple.- Il se rencontre, à ce qu'il paraît, dans toutes
les substances animales et dans quelques plantes, 139 et 159. - Il y est
ordinairement combiné avec l'azote, l'hydrogène, etc. - Il s'allume à 32 degrés de
chaleur, 159. - Décompose le gaz oxygène à cette température, 50 et suiv. -
Absorbe une fois et demie son poids d'oxygène, 53. - Se convertit en un acide,
55. - Il devient incombustible par sa combinaison avec l'oxygène, 54. -
Appareils pour sa combustion, 50, 52, 340 et suiv. - Quantité de
calorique qui se dégage pendant sa combustion, 53 et 80. - Ses combinaisons
avec les substances simples, 157 ; - avec les métaux, 87. - avec le gaz
hydrogène, ibid. - Il parait qu'il demeure combiné avec le charbon
dans la distillation des végétaux, 98. - Enlève l'oxygène à l'acide nitrique et
à l'acide muriatique oxygéné, 177. - C'est une des bases des acides animaux,
91.
PIERRES COMPOSÉES. Se fondent au feu alimenté par le gaz
oxygène, 384.
PIERRES PRÉCIEUSES. Celles qui sont décolorées par
le feu alimenté de gaz oxygène ont l'apparence d'une terre blanche et de la
porcelaine, 384.
PLANTES. La couleur des feuilles et la diversité de
celle des fleurs tiennent à la combinaison de la lumière
avec elles, 142. - Contiennent du phosphore, 159.
POIDS. Division de la livre
en fractions décimales ; moyen de simplifier les calculs, 250. - Table pour
convertir les fractions décimales en fractions vulgaires, et
réciproquement, 389.
PORPHYRISATION. Instruments propres à l'opérer, 281.
POTASSE. Son origine.- Procédés pour l’extraire, 116 et suiv. - Il n'est pas
démontré qu'elle existe dans le charbon avant la combustion, 161. - Il ne
parait pas qu'on puisse l'extraire des végétaux sans des intermèdes qui
fournissent de l'azote et de l'oxygène, 119. - Presque toujours saturée d'acide
carbonique ; pourquoi, 118. - Elle est soluble dans l'eau, ibid. - Elle attire
l’humidité de l'air avec une grande rapidité. - Elle est, en conséquence,
très-propre à opérer la dessiccation des gaz, ibid. - Elle est soluble dans l'esprit-de-vin,
ibid.
POUDRE À CANON. Il se dégage de l'azote et du gaz acide carbonique dans
son inflammation, 365.
PRESSION DE L'ATMOSPHÈRE. Elle met obstacle à l'écartement des molécules des corps,
21. - Sans elle, il n'y aurait pas de fluides proprement dits, ibid. - Expériences qui le prouvent, ibid.
PULVÉRISATION. Instruments propres à l'opérer, 294.
PUTRÉFACTION. Ses
phénomènes sont dus en partie à la décomposition de l'eau, 76. - Est très-lente lorsque le corps qui
l'éprouve ne contient pas d'azote, 110. - C'est dans le mélange des
substances végétales et animales que consiste toute la Pagination
originale du document : p.697 science des
amendements et des fumiers, 110.
PUTREFACTION DES VÉGÉTAUX. N'est autre chose que
l'analyse des substances végétales, dans laquelle la totalité de leurs
principes se dégage sous la forme de gaz, 109.
PYRITES. Nom que les
anciens donnaient à la combinaison du soufre et des métaux, 87.
R
RADICAL ACÉTEUX. Tableau de ses combinaisons, 216. - Acide à deux bases. - C'est
le plus oxygéné des acides végétaux. - Contient un peu d'azote. - Moyens de
l'obtenir et de l'avoir pur. - Libre de toute combinaison, il est dans l'état
de gaz au degré de température dans lequel nous vivons. -
La plupart des sels qu'il forme avec les bases salifiables ne sont pas
cristallisables, 218 et suiv.
RADICAL BORACIQUE. Sa nature est inconnue,
162.
RADICAL FLUORIQUE. Sa nature est inconnue, 162. - Ses
combinaisons avec l’oxygène, ibid.
RADICAL MALIQUE. Tableau de ses
combinaisons, 203.
RADICAL MURIATIQUE. Sa nature est encore inconnue, 162.
RADICAL TARTAREUX. Tableau de ses combinaisons, 160.
RADICAUX DES ACIDES. Leur tableau,
138. - Combinaisons des radicaux simples avec l'oxygène, 143 et suiv. -
Combinaison des radicaux composés avec l’oxygène, 146 et suiv.
RADICAUX
HYDROCARBONEUX et CARBONE-HYDREUX, 139.
RADICAUX OXYDABLES et
ACIDIFIABLES. Sont simples dans le règne minéral. - Sont composés dans
les deux autres, 147.
RÂPE. Sert à diviser les substances pulpeuses, 297.
RÉDUCTIONS MÉTALLIQUES. Ne sont autre chose que des oxygénations du charbon par l’oxygène contenu
dans les oxydes métalliques, 145.
RESPIRATION. Raisons qui ont empêché d'en parler dans cet ouvrage, 142.
RUBIS.
Se ramollit, se soude et se fond sans altération de sa couleur, par l'action du feu alimenté par le gaz oxygène, 384.
RUBIS DU BRÉSIL. Se décolore et perd
un cinquième de son poids au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.
S
SALPÊTRE. Combinaison de l'acide nitrique et de la
potasse, 165. - Moyens d'obtenir ce sel, ibid. - Son raffinage fondé sur la différente solubilité des sels, 315.
SANG. La
partie rouge est un oxyde animal, 94.
SÉCRÉTIONS ANIMALES. Sont de véritables oxydes, 94.
SEL MARIN. Combinaison de l'acide muriatique et de la soude, 255.
SEL
MURIATIQUE OXYGÉNÉ DE POTASSE. Fournit un
gaz oxygène absolument pur, 355.
SEL SÉDATIF. Voy. Acide boracique, 191.
SELS NEUTRES. Leur formation, 115 et 133. - Ils
résultent de la réunion d'une substance simple oxygénée avec une base Pagination
originale du document : p.698 quelconque, 116 ;
- ou, ce qui est la même chose, de l’union des acides avec les substances
métalliques, terreuses et alcalines, 115. - Quelles sont les bases salifiables
susceptibles de se combiner avec les acides, ibid. - Le nombre des sels
connus a augmenté en raison des acides qui ont été découverts,
147. - Dans l'état actuel de nos connaissances, il est de onze cent
cinquante-deux, 128. - Mais il est probable que toutes ces combinaisons
salines ne sont pas possibles, ibid. - Combinaisons salines présentées
sous la forme de tableaux. - On a suivi, pour les classer, les mêmes principes
que pour les substances simples, 133 et suiv. - Leur nomenclature, 129. - On
les distingue par le nom de leur base salifiable, ibid. - Plan
d'expériences sur les sels neutres, 131. - De leur solution, 305 ; -
par le calorique, 306 et 314. - On confondait autrefois la solution et la
dissolution, 305. - Des différents degrés de solubilité des sels, 307 et suiv.
- Travail à faire sur les sels neutres, 308.
SYPHON. Sa description, 299.
SOUFRE. Substance
combustible qui est dans l'état concret à la température
de l'atmosphère, et qui se liquéfie à une chaleur supérieure à l'eau
bouillante, 156. - Sa combinaison
avec les substances simples, ibid. - avec le gaz hydrogène, 87 ; avec
différents autres gaz, 55.- Il
décompose l'air, ibid. - Enlève l'oxygène au calorique, ibid. - Il est
susceptible de plusieurs degrés de saturation en se combinant avec
l'oxygène, 59. - Moyen d'exciter sa combustion pour la formation de l'acide sulfurique, 170.
SUBLIMATION. Distillation
des matières qui se condensent sous forme concrète, 320.
SUBSTANCES ANIMALES.
Sont composées d'hydrogène, de carbone, de phosphore, d'azote et de soufre, le
tout porté à l’état d’oxyde par une portion d'oxygène, 112. - Leur distillation donne les mêmes résultats que les
plantes crucifères, 98. - Elles donnent
seulement plus d'huile et plus d'ammoniaque, en raison de l'azote et de
l'hydrogène qu'elles contiennent dans une plus grande proportion, 111. - Elles
favorisent la putréfaction, parce qu'elles contiennent de l'azote, 110. - Elles peuvent varier en raison de la
proportion de leurs principes constituants et de leur degré
d'oxygénation, 150. - Sont décomposées par le feu, 96.
SUBSTANCES COMBUSTIBLES. Ce sont celles qui ont une grande
appétence pour l'oxygène, 86. - Peuvent s'oxygéner par leur combinaison avec les nitrates et les muriates
oxygénés, 145.
SUBSTANCES MÉTALLIQUES.
A l'exception de l'or, et quelquefois de l'argent, elles se présentent rarement
dans la nature sous la forme
métallique, 122. - Celles que nous pouvons réduire sous forme métallique sont
au nombre de dix-sept, ibid. - Celles qui ont plus d'affinité avec l'oxygène
qu'avec le carbone ne sont pas susceptibles
d'être amenées à cet état, ibid. - Considérées comme bases salifiables, 123. -
Ne peuvent se dissoudre que
lorsqu’elles s'oxydent, 124. - L'effervescence qui a lieu pendant leur dissolution dans les acides prouve qu'elles
s'oxydent, 125. - Se dissolvent sans effervescence dans les acides lorsqu'elles ont été préalablement oxydées,
ibid. - Se dissolvent sans effervescence dans l'acide muriatique oxygéné, ibid. - dans l'acide sulfureux, 173. -
Celles qui sont trop oxygénées s'y dissolvent et forment des Pagination
originale du document : p.699 sulfites
métalliques, 173. - Décomposent toutes le gaz oxygène, excepté l'or et
l'argent, 65, 143 et suiv. - Elles s'oxydent et perdent leur éclat
métallique, 65. - Pendant cette opération, elles augmentent de
poids, à proportion de l'oxygène qu'elles absorbent, ibid. - Les anciens
donnaient improprement le nom de chaux aux métaux calcinés ou oxydes
métalliques, 66. - Appareils pour accélérer l'oxydation, 359 et suiv. -
N'ont pas toutes le même degré d'affinité pour l'oxygène, 359. - Lorsqu'on ne
peut en séparer l'oxygène, elles demeurent constamment dans l'état d'oxydes et
se confondent pour nous avec les terres, 122. - Décomposent l'acide
sulfurique en lui enlevant une portion de son oxygène, et alors elles
s'y dissolvent, 171. - Leurs combinaisons les unes avec les autres,
162. - Les alliages qui en résultent sont plus cassants que les métaux alliés,
86. - C'est à leurs différents degrés de fusibilité que sont dus une
partie des phénomènes que présentent ces combinaisons, ibid. - Brûlent avec flamme colorée et
se dissipent entièrement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384. - Toutes, excepté le mercure, s'y oxydent sur un
charbon, ibid.
SUBSTANCES SALINES. Se volatilisent au feu alimenté par le gaz
oxygène, 384.
SUBSTANCES SIMPLES. Leur définition.
- Ce sont celles que la chimie n'a pas encore pu parvenir à décomposer, 135 et
suiv. - Leur tableau, 136. - Leurs
combinaisons avec le soufre, 155 ; - avec le phosphore, 157 ; - avec le carbone,
16o ; - avec l'hydrogène, 152 ; - avec l'azote, 149.
SUBSTANCES VÉGÉTALES.
Leurs principes constitutifs sont l'hydrogène
et le carbone, 96. - Contiennent quelquefois du phosphore et de l'azote, 98. - Manière d'envisager leur
composition et leur décomposition, 96. - Leur décomposition se fait en vertu d'affinités doubles et triples, 98. - Tous
les principes qui les composent sont
en équilibre entre eux au degré de température dans lequel nous vivons, 96. -
Leur distillation fournit la preuve de
cette théorie, 98. - A un degré peu supérieur à l'eau bouillante, une partie du
carbone devient libre, 97. - L'hydrogène et l'oxygène se réunissent pour former
de l'eau, ibid. - Une portion
d'hydrogène et de carbone s'unissent et forment de l'huile volatile, ibid. - A
une chaleur rouge, l'huile formée
serait décomposée, 98. - L'oxygène, alors, s'unit au carbone, avec lequel il a plus d'affinité à ce degré, 97. -
L'hydrogène s'échappe sous la forme de gaz en s'unissant au calorique, ibid.
SUCRE. Oxyde végétal à deux
bases, 91. - Son analyse, 102. - En l'oxygénant, on forme de l'acide oxalique, de l'acide malique, de l'acide acéteux,
selon la proportion d'oxygène, 214. -
Moyens de rompre l'équilibre de ces principes par la fermentation, 102. -
Récapitulation des résultats obtenus
par la fermentation, 106. - Contient les substances propres à former de l'eau,
mais non de l’eau toute formée, 108.
SUCRE DE LAIT OXYGÉNÉ. Forme l'acide saccholactique, 233.
SULFATES.
Combinaisons de l'acide sulfurique avec les différentes bases,170.
SULFATES MÉTALLIQUES. Combinaisons des métaux avec l'acide
sulfurique, 170.
SULFITES. Combinaisons de l'acide sulfureux avec les
différentes bases, 173. Pagination
originale du document : p.700 SULFITES MÉTALLIQUES. Pourraient bien ne pas exister, 173.
SULFURES. Combinaisons du soufre
avec les métaux, 87.
T
TABLEAU des acides et de leurs bases salifiables, 126. -
Des substances simples, 135. - Des radicaux composés, 138. - Des
combinaisons de l'oxygène, 143 et 146. - Des combinaisons de l'azote, 149. - De
l'hydrogène, 152. - Du soufre, 155. - Du phosphore, 157. - Du
carbone, 160. - De l'acide nitreux, 163. - De l'acide nitrique, 164. - De
l'acide sulfurique, 168. - De l'acide sulfureux, 172. - De l'acide
phosphoreux, 175. - De l'acide phosphorique, 176. - De l'acide
carbonique, 179. - De l'acide muriatique, 182. - De l'acide muriatique oxygéné,
183. - De l'acide nitromuriatique, 186. - De l'acide fluorique,
188. - De l'acide boracique, 190. - De l'acide arsénique, 193. -
De l'acide molybdique, 196. - De l'acide tungstique, 198. - De l'acide
tartareux, 200. - De l'acide malique, 203. - De l'acide citrique, 205.
- De l'acide pyroligneux, 207. - De l'acide pyrotartareux,
209. - De l'acide pyromuqueux, 211. - De l'acide oxalique, 213. - De l'acide
acétique, 220. - De l'acide succinique, 222. - De l'acide benzoïque,
224. - De l'acide camphorique, 226. - De l’acide gallique, 228. - De
l'acide lactique, 230. - De l'acide saccholactique, 232. - De l'acide formique,
234. - De l'acide bombique, 236. - De l'acide sébacique, 238. - De l'acide
lithique, 240. - De l'acide prussique, 242.
TAMISAGE. Moyen de séparer
les corps en molécules de grosseurs à peu près uniformes, 297.
TARTRE. Est
composé de l'acide appelé tartarum et de potasse. - Moyen de le décomposer pour en obtenir l'acide pur, 201.
TARTRITE ACIDULE DE POTASSE. Combinaison de la potasse et de l'acide tartareux, avec excès d'acide, 202.
TARTRITE
DE POTASSE. Sel parfaitement neutre,
résultant de la combinaison de l'acide tartareux et de la potasse, 202.
TERRE ou
TERREAU. Principe fixe qui reste après l'analyse des substances végétales
fermentées, 110. - On les regarde comme des
êtres simples, 121. - Il y a quelques raisons de penser qu'elles contiennent de
l’oxygène, 126 et 137. - Et peut- être qu'elles sont des métaux oxydés, ibid. -
Elles ont une grande tendance à la
combinaison, 121.
TERRES COMPO SÉES. Se fondent au feu alimenté par le gaz oxygène
sous la forme d'un verre blanc, 384.
THERMOMÈTRE. Corrections du volume des
gaz, relatives aux différents degrés du
thermomètre. - Modèle de calcul pour ces corrections, 279 et suiv.
TOPAZE DE SAXE. Se décolore et perd un cinquième de
son poids au feu alimenté par le gaz oxygène,
384.
TRITURATION. Instruments propres à l'opérer, 294.
TUNGSTÈNE. Métal particulier, souvent confondu avec l'étain. - Sa
cristallisation. - Sa pesanteur spécifique. - Il se trouve naturellement
dans l'état d'oxyde. - Il fait fonction d'acide. - Il y est uni à la chaux,
199. Pagination
originale du document : p.701 V
VAISSEAUX
ÉVAPORATOIRES. Leur forme, 312.
VAPORISATION. Passage d'un fluide liquide
à l’état aériforme, 23.
VERRES ARDENTS. Ne produisent pas d'aussi grands effets
qu’on avait lieu
de l'attendre, 381.
VERS À SOIE. Leur chrysalide fournit l'acide bombique, 237.
W
WOLFRAM. Substance métallique. - Véritable tungstène, 199. Pagination
originale du document : p.702 Text from Lavoisier.CNRS.Fr
Formatted in HTML by Institute for the Study of Nature, 2010.
Quand les choses sont parvenues à ce point,
quand les erreurs se sont ainsi accumulées, il n'y a qu'un moyen de remettre de l'ordre dans la faculté de
penser : c'est d'oublier tout ce que nous avons appris, de reprendre nos idées à leur origine, d'en suivre
la génération, et de refaire, comme dit Bacon, l'entendement humain. Ce moyen
est d'autant plus difficile qu'on se croit plus instruit. Aussi des ouvrages où les sciences seraient traitées avec
une grande netteté, une grande précision, un grand ordre, ne seraient-ils pas à la portée de tout le
monde. Ceux qui n'auraient rien étudié les entendraient mieux que ceux qui ont
fait de grandes études, et surtout que ceux qui ont écrit beaucoup sur les sciences. ” M. l'abbé de
Condillac ajoute à la fin du chapitre V : “ Mais enfin les sciences ont fait des progrès, parce que les
philosophes ont mieux observé, et qu'ils ont mis dans leur langage la
précision et l'exactitude qu'ils avaient mises dans leurs observations : ils ont
corrigé la langue, et l'on a mieux raisonné. ”
lorsqu'on les y a
introduits, et leur volume se trouve considérablement augmenté ; ce fer n'est
presque plus attirable à l'aimant, il se dissout sans effervescence dans les
acides ; en un mot, il est dans l'état d'oxyde noir, précisément
comme celui qui a été brûlé dans le gaz oxygène.
OBSERVATIONS SUR L'ACIDE MALIQUE ET
SUR LE TABLEAU DE SES
Pagination originale du document :
p.322
Je n'entrerai pas
dans de plus grands détails sur la construction de cet appareil, qui est
susceptible d'être changé et modifié de différentes manières. Je me contenterai
d'aj outer que, lorsqu'on veut opérer, on commence par peser la lampe
avec son réservoir et l'huile qu'elle contient, qu'on la met en place,
qu'on l’allume, qu'après avoir donné de l'air, en ouvrant le robinet du
gazomètre, on place le bocal A ; qu'on l’assujettit au moyen d'une
petite planche BC, sur laquelle il repose, et de deux tiges de fer
qui la traversent et qui se vissent au couvercle. Il y a, de cette manière, un
peu d'huile brûlée pendant qu'on ajuste le bocal au couvercle, et l'on
en perd le produit ; il y a également une petite portion d'air
qui s'échappe du gazomètre et qu'on ne peut recueillir ; mais ces quantités
sont peu considérables
dans des expériences en grand ; elles sont d'ailleurs susceptibles d'être
évaluées. Je rendrai compte, dans les
Mémoires de l'Académie, des difficultés particulières attachées à ce genre d'expérience, et des moyens de les lever. Ces
difficultés sont telles, qu'il ne m'a pas encore été possible d'obtenir des résultats rigoureusement
exacts pour les quantités. J'ai bien la preuve que les huiles fixes se résolvent entièrement en eau et en
gaz acide carbonique, qu'elles sont composées d'hydrogène et de carbone
; mais je n'ai rien d'absolument certain sur les proportions.
nitrique,
devient un véritable acide, soluble dans l'eau, 194. - Se combine avec la
potasse et avec un grand nombre de bases salifiables, ibid. - Plusieurs
moyens de l'obtenir, ibid.